Le séminaire d’Ecône. Souvenirs d’une création
publié dans nouvelles de chrétienté le 24 août 2020
Abbé Michel Simoulin –
(Source: Lettre d’information N° 20 – 24 août 2020 | Source : Perspective catholique
Il y a bien des souvenirs qui devraient demeurer bien vivants dans nos cœurs. Nous avons laissé passer la date mais comment oublier, alors que nous venons de célébrer les 50 années de la fondation de notre séminaire à Fribourg le 13 octobre 1969 – et avant de célébrer le cinquantième anniversaire de la Fraternité le 1° novembre 1970 – oui, comment oublier l’événement du 31 mai 1968 ? C’est ce jour-là que cinq amis valaisans acquéraient le domaine d’Écône pour éviter l’implantation d’un centre d’attraction nocturne et faire en sorte qu’Écône demeure un lieu spirituel.
Il faudrait relire ici toute la genèse providentielle de cet acte, racontée tout au long dans le bel ouvrage Écône, le Séminaire de l’espoir, mais nous devons au moins graver dans le marbre de nos prières les noms de ces cinq amis : Le 31 mai 1968, en la fête de Marie-Reine, était signé l’acte d’achat du « domaine de la ferme d’Écône » par Messieurs Gratien Rausis, Roger Lovey, Guy Genoud, Alphonse et Marcel Pedroni.
Ces bâtiments étaient mis en vente suite au manque de vocations pour la congrégation des Chanoines du Grand St Bernard et pour des questions financières. Ces fervents catholiques ne voulaient pas qu’on détruise la chapelle de Notre-Dame-des-Champs où un saint prêtre, le chanoine Lucien Gabioud, avait dit sa première messe au début des années 1930.
Personne n’aurait cru en 1968 que Monseigneur Marcel Lefebvre, qui était encore supérieur général des Pères du Saint-Esprit, et qui avait encore six ans de son mandat à compléter, viendrait loger à Écône deux ans plus tard avec un petit groupe de séminaristes.
De fait, c’est en septembre 1968, trois mois après cet achat que Monseigneur Lefebvre donne sa démission comme supérieur général des Spiritain. Puis, avant même de commencer l’embryon de la Fraternité Saint-Pie X à Fribourg le 13 octobre suivant, il rencontre les cinq laïcs et visite Écône en mars 1969 pendant la Semaine Sainte. Il jugea alors qu’Écône était apte à devenir un noviciat, mais non pas un séminaire, c’est pourquoi il leur demanda une année pour réfléchir. Le 24 juin 1970, la décision est prise : une année de spiritualité commencera à Écône à la rentrée, à l’automne. Nous y reviendrons.
Mais j’aimerais d’abord revenir sur la belle figure de l’un de ces « fondateurs », Alphonse Pedroni. Car c’est lui qui est à l’origine de toute cette aventure. En effet, c’est le jeudi saint 11 avril 1968, que M. Alphonse Pedroni, entrepreneur à Saxon, se trouve par hasard dans un café de cette localité. Un homme passablement éméché est en train de parler fort. Il se vante de pouvoir prochainement dynamiter la chapelle d’Écône ! M. Pedroni dresse l’oreille car le seul fait d’imaginer un acte aussi stupide paraît inconcevable et criminel au catholique fervent qu’il est. Feignant l’intérêt, M. Pedroni interroge habilement l’individu. C’est alors que ce brave homme apprend que des pourparlers, en vue de la vente du domaine d’Écône, sont largement avancés et que la conclusion en semble imminente.
Alphonse Pedroni est profondément choqué par ce qu’il vient d’apprendre, car de surplus l’acquéreur éventuel se propose de transformer la respectable demeure religieuse en un centre de loisirs. Un centre de loisirs qui sera bientôt un centre de débauche, pense M. Pedroni qui ne perd pas pour autant son sang-froid en se disant : Puisque le domaine est à vendre, il faut l’acheter ! Alphonse se souvient que c’est à l’autel de Notre-Dame des Champs, le 8 mai 1932, que son père spirituel, le chanoine Gabioud, a célébré sa première messe ; il se souvient aussi que c’est à l’occasion de cette première Messe à Écône que le chanoine Gabioud évoqua la vision qu’il eut d’une grande église construite en ce lieu où des milliers de pèlerins viendraient prier le Cœur Immaculé́ de Marie. Et donc : Il faut sauver Écône !
Sans tarder, l’entrepreneur se met en rapport avec son frère Marcel à qui il raconte la nouvelle et qui superbement lui rétorque : – Quand achetons-nous Écône ? Les deux frères joignent aussitôt quelques amis et dans l’heure suivante ils étaient quatre avec M. Gratien Rausis et Maître Roger Lovey. Se joignit bientôt à eux M. Guy Genoud, qui était une recrue d’importance puisqu’il était alors directeur d’une compagnie de chemins de fer régionaux et que, l’année d’après, il fut élu membre du gouvernement valaisan.
Le 18 avril ils remirent, par écrit, directement au prévôt du Grand Saint Bernard, une offre expliquant clairement leurs raisons et leur but : « Les motifs qui nous guident, y avaient-ils notamment écrit, et que nous nous permettons de bien préciser, sont étrangers à tous desseins spéculatifs. Écône, de par son passé, a pour nous une signification, nous dirions même une vocation religieuse, que nous n’acceptons pas de voir abandonnée sans un plus ample examen. Notre décision est donc commandée uniquement par un double souci : d’une part éviter l’implantation d’un centre d’attraction nocturne et, d’autre part, autant qu’il dépendra de nous, faire en sorte qu’Écône demeure un lieu spirituel…
Plus tard, lorsqu’il fut convenu que cette maison accueillerait la première année du séminaire. Alphonse Pedroni prédira : Eh bien Monseigneur, je vous le dis, de ce séminaire d’Écône, on en parlera dans le monde entier. Et il aura la joie de voir les débuts de la réalisation de sa prophétie, après que le chanoine Gabioud ait rendu sa belle âme à Dieu le 26 février 1970.
Il sera le premier de nos si chers fondateurs à nous quitter, le 1er novembre 1978, et Monseigneur ne manquera pas de souligner cette dette de reconnaissance lors de ses obsèques célébrées à Écône : (…) Devoir de reconnaissance, parce que c’est à lui et à ses amis, que nous devons d’être ici. C’est à lui par conséquent que nous devons d’avoir reçu ici toutes les grâces qui ont été répandues dans cette maison depuis qu’elle existe. Nous l’en remercions et je suis certain que du haut du Ciel il se réjouit de voir le bien qui s’est accompli ainsi par son intermédiaire et que le Bon Dieu lui en donnera encore une plus grande récompense.
Devoir de reconnaissance également – et je pense que vous serez tous d’accord – devoir de reconnaissance par l’exemple, l’exemple admirable que ce cher ami nous a donné, dans sa foi. Une foi profonde et une confiance inébranlable en Dieu, dans la prière, dans le Saint Sacrifice de la messe et les sacrements. Jamais on ne pouvait l’approcher, le rencontrer, sans sentir en lui, cette foi qui dominait sa vie, qui le faisait agir. Rien ni dans son attitude, ni dans son action, ni dans ses entretiens n’était étranger à sa foi. C’est là un grand exemple qu’il nous laisse.
Exemple de dévotion également envers la Sainte Eucharistie. Combien de fois j’ai eu l’occasion de le voir venir de bon matin assister à la Sainte Messe, rempli de dévotion, profondément uni à Dieu et recevant la Sainte Eucharistie. Combien de fois aussi, nous l’avons entendu parler avec amour de la très Sainte Vierge Marie. Il avait une dévotion profonde, affectueuse, pour sa Mère du Ciel. Et il entraînait les autres derrière lui, à aimer Marie et à se confier à elle.
Aussi nous lui devons cette reconnaissance. Et aujourd’hui nous remercions Dieu de l’avoir connu, de l’avoir approché et d’avoir vu en lui un vrai catholique. Et je pense que du haut du Ciel, il se réjouit de nous voir autour de lui (…) Et nous tenons à dire à ses chers parents qui sont présents, toute notre affection, toute notre sympathie, pour ceux qui nous ont manifesté aussi toujours une si grande affection aussi et un si grand soutien.
Que nos mémoires ne soient pas infidèles, et que nos cœurs ne soient pas ingrats, même et surtout peut-être pour ceux qui n’ont pas connu ces premiers temps et les premiers combats de notre fidélité. C’est à la foi de ces humbles serviteurs du Christ-Roi et de sa Sainte Mère que nous devons de vivre notre foi sans avoir à mener les combats qui leur ont coûté dans de larmes et de souffrances, et nous ont obtenu tant de grâces !
Abbé Michel Simoulin – Dans le premier article paru, nous avons évoqué les belles figures de nos amis valaisans à l’origine du séminaire d’Écône. Les philosophes vous diront que nous avons considéré la matière de notre fondation. Il nous faut donc à présent considérer la forme qui va lui donner cette vie qui dure encore. Cette forme, toute révérence gardée, c’est – outre la grâce divine – Mgr Marcel Lefebvre ! Sans lui, qui aujourd’hui connaitrait Écône ? Mais avant de parler de lui, je veux faire encore œuvre de piété filiale en m’arrêtant à considérer ces autres préliminaires qui ont fait que monseigneur Marcel Lefebvre a été ce qu’il a été.
Tout a été dit sur la vie de Monseigneur, sur ses parents et sur sa famille, ou presque. Je pense à « Marcel Lefebvre » par Mgr Tissier de Mallerais, je pense à « un père et une mère », à « la petite histoire de ma longue histoire », et je pense aussi à ce témoignage de Mère Marie-Christiane « mon frère, monseigneur Marcel ». C’est surtout à ce témoignage peu connu que j’en appellerai. Je ne veux pas tout redire, mais je tiens à relever quelques points relatifs à ce que nous leur devons dans la « constitution » de l’évêque sauveur et gardien de notre fidélité.
« La famille est une école où se forment l’âme et le caractère » (R.P. Le Floch)
Saint Pie X disait volontiers : « La vocation sacerdotale vient du Cœur de Dieu, mais elle passe par le cœur de la mère. » Le Révérend Père montfortain Louis Le Crom, directeur spirituel de Mme Lefebvre et rédacteur de « Une mère de famille » disait : « Si j’ai accepté de présenter cette esquisse biographique, écrite d’après les témoignages directs et irrécusables, c’est que je crois en la sainteté de Madame Lefebvre. Certes, nous ne devons pas préjuger des décisions de l’Église, mais, en pleine soumission à son autorité, ne nous est-il pas permis d’exprimer nos sentiments d’admiration pour des âmes qui semblent avoir réalisé l’idéal de la perfection chrétienne ? »
« C’est dans son voyage de noces en visitant l’étable où le pape saint Marcel avait été ignominieusement rejeté, que maman, indignée d’un tel sort réservé à un Pape, résolut de venger l’outrage qui lui avait été fait en donnant à son second fils le nom de Marcel. L’aîné, dans nos familles du Nord, devant porter nécessairement le nom de son père pour que le nom se perpétue dans l’industrie. Et ainsi Marcel nous arrivait le 29 novembre 1905, trop tard dans la nuit pour être baptisé le même jour, mais baptisé dans les 24 heures, et maman après le baptême lui prédisait son grand rôle auprès des Papes. »
« Le cher Monseigneur a un don spécial de nous donner les vérités les plus profondes dans un langage que même les plus ignorants peuvent comprendre. Je suppose que c’est parce qu’il les a vécues dès son enfance. Elles sont ainsi toutes simples dans sa vie et c’est ce qu’il nous communiquera. C’est bien le Bon Dieu vécu en lui qui nous parle » (Mère Marie-Christiane)
Certaines mères ont une âme de prêtre et la donnent à leurs enfants.
Dirigée spirituellement par le père Huré, montfortain, l’âme de Madame Lefebvre accède à une vie d’union constante à Jésus-Christ ; elle pratique l’oraison et la lecture spirituelle; virile et magnanime, elle exerce la mortification, le renoncement et fait, en 1917, le vœu du plus parfait (renouvelé de confession en confession). Elle vit de foi, reliant tous les événements à Dieu, à sa volonté. Le trait le plus constant de son état d’âme est l’action de grâce à la divine Providence.
Elle est au surplus excellente éducatrice. Son mari a pour ses enfants un idéal élevé, mais en fait pratiquer les exigences avec une sévérité excessive ; elle, en revanche, très équilibrée, préfère gouverner en établissant un régime de confiance qui n’écrase pas la spontanéité d’un enfant, mais stimule la générosité par la vertu de l’exemple.
Le foyer familial des Lefebvre est un sanctuaire qui a son rituel.
« Tandis que papa, accompagné de Louise, va à la messe de 6 heures et quart qu’il sert à M. le doyen, maman éveille les enfants, leur traçant le signe de la croix sur le front, leur faisant faire l’offrande de la journée, puis elle va à la messe de 7 heures avec les enfants en âge de marcher, à moins que, plus grands, ils n’aillent à la messe au pensionnat.
Tous les soirs, la prière en commun répare les anicroches de la journée et soude les cœurs dans la même charité de Dieu. Les enfants ne vont pas dormir sans avoir reçu la bénédiction des parents.
« Au mois de mai, raconte Christiane, nous allions faire le pèlerinage de La Marlière, à l’extrémité de la ville de Tourcoing, près de la frontière belge. Nous tâchions de faire une neuvaine de pèlerinages pendant le mois. Il fallait se lever à 5 heures, nous avions trois quarts d’heure de route à pied (et à jeun) pour assister à la messe de six heures et revenir à temps pour nos classes. »
La Messe. La Messe quotidienne suivant les pas d’une Maman. Telle fut l’enfance de Monseigneur Marcel Lefebvre.
« J’ai eu bien fréquemment l’occasion d’assister à la messe non loin de Madame Lefebvre – rapporte une paroissienne de Notre-Dame de Tourcoing – et j’ai été fort édifiée de sa piété et de son recueillement, surtout après la sainte communion ; on la sentait tellement absorbée en Dieu que ce n’est pas une distraction de la regarder, c’était un appel à la sainteté qu’elle diffusait à son insu autour d’elle ».
« Lorsque Marcel est revenu pour un court séjour à la maison aussitôt la fin de la guerre de 40, quelle ne fut pas sa souffrance de retrouver ce vide profond du départ pour le Ciel de ses parents. En effet, il est toujours resté profondément attaché à sa famille. Venant me voir au Carmel, il me rappelait combien maman avait été particulièrement l’âme, la vie du foyer. C’est elle surtout qui nous avait tous formé durant les nombreuses absences de papa retenu souvent en voyages d’affaires et surtout pendant les années de la guerre de 14. Il me confiait combien il avait été édifié en maman par « sa force d’âme », me rappelant le trait qui l’avait le plus impressionné : pendant la guerre de 14, maman étant chargée de surveiller l’usine, Marcel avait remarqué qu’un employé de l’usine la recherchait. Il venait chaque soir à la maison, soi-disant pour lui montrer les comptes. Maman allait régulièrement à l’usine, cela aurait dû suffire. Mais non, il venait à la maison au retour de son travail quotidien, la servante le conduisait au salon de réception, mais voici qu’après quelque temps, au lieu de suivre la servante, il s’est introduit dans la salle où se trouvait la famille. Surprise de maman qui, cette fois, n’a pas hésité à le renvoyer : « Ce n’est pas ici que l’on traite des affaires de l’usine !» C’était dit d’un ton ferme. Le malheureux n’avait plus qu’à tourner les talons pour ne plus revenir. Et Marcel avait été témoin de la scène, ainsi que les enfants, il se souvenait comme le témoignage de la force d’âme de sa mère l’avait frappé d’admiration. »
René Lefebvre 23/02/1879 – † 4/03/1944
Mariage le 16/04/1902
Filateur de Tourcoing honoré et estimé, il avait rempli un rôle important au cours du premier conflit mondial. Non mobilisable, il s’était mis à la disposition de l’Intelligence Service et avait permis l’évasion d’un grand nombre de prisonniers. Il retrouva du service dans les réseaux de résistance dès l’année 1940, en transmettant des messages radiodiffusés sur Londres ou en recueillant des prisonniers français, belges ou allemands.
Le 21 avril 1941, ce lieutenant des Forces françaises combattantes, membre du réseau Zéro-France, fut arrêté par la Gestapo. D’abord incarcéré à la prison Saint-Gilles de Bruxelles, il fut déporté en Pologne, au camp de Sonnenburg, connu pour ses mauvais traitements et brutalités et dont les dernières centaines de prisonniers furent éliminés à la mitraillette dans la nuit du 30 au 31 janvier 1945. D’abord tenu par les S.A., il était géré par les S.S. à l’époque où le père de Monseigneur Lefebvre y entra.
Sans abandonner son chapelet, son missel et son imitation de Jésus Christ, René Lefebvre périt le 4 mars 1944. Son corps a disparu dans les charniers du système concentrationnaire nazi. Le 16 juillet 1953, une décision gouvernementale lui attribua la qualité de déporté résistant.
Quelques extraits de ses lettres :
“J’attends l’heure de la Providence, Ce qu’il y a de certain c’est que nous gagnons quelques mérites et que nous avons une petite notion du Purgatoire”.
“Grâce à Dieu, j’ai senti son secours, il y a eu des moments terribles mais j’ai pu constater que j’ai été aidé dans les instants où je me sentais au plus bas”. “Comme tout homme est mortel je viens faire par écrit mes adieux à mes chers enfants, à mes amis, à ma famille.
Vous savez que je meurs en catholique français, monarchiste, car pour moi c’est dans l’établissement de monarchies chrétiennes que l’Europe, le monde peuvent retrouver la stabilité, la véritable paix. Si je trouve ici la mort c’est que le Bon Dieu en aura décidé de cette façon et sans une retraite spéciale préparée pour le Ciel, le purgatoire aura été commencé ici-bas. De tout je remercie Dieu. La souffrance purifie. Ce me serait un grand sacrifice de ne pas retrouver mes enfants avant de mourir. De tout cœur je bénis mes enfants que je confie à Notre-Dame, la Sainte Vierge fut si bonne pour moi, je veux donc rester son enfant aimé et particulièrement béni. Elle aimera bénir ma famille qui doit lui rester consacrée, lui être toute dévouée et rechercher par Elle l’extension du règne de son Divin Fils…”
Quelques témoignages :
Il était mon voisin de travail, me racontait sa vie familiale, ses voyages, me documentait sur son industrie, il ne cessait d’évoquer la mémoire de sa femme, me parlait en détail de chacun de ses enfants, de ses projets d’avenir.
Très pieux il priait beaucoup ; à l’aide d’une corde, il serrait sous la chemise un Missel et une Imitation de J. C. qu’il put conserver par miracle. Après la soupe de midi il récitait à haute voix le De Profundis pour les camarades dont, chaque jour, nous apprenions le décès.
Il garda toujours un excellent moral et avait une foi inébranlable en notre Victoire… Hélas il ne l’aura pas connue… II nous avait remis ses deux livres de prières, un chapelet, des médailles. Ces objets nous furent enlevés quelques semaines plus tard au cours d’une fouille.
Ce sont ces fortes convictions chrétiennes qui, avant de le conduire à une sainte mort, lui firent accepter la vocation de ses enfants (deux prêtres et trois religieuses), et, plus encore, le décidèrent à envoyer ses fils au séminaire français de Rome, plutôt qu’au séminaire de Lille, plus proche. Il voulait pour eux une formation solide et romaine. Lorsqu’il avait appris la vocation de René, et comme René hésitait encore, c’est lui qui trancha : Je tiens absolument à ce que tu ailles à Rome ! Et lorsque Marcel, à son tour, exprima son désir d’être prêtre, il lui répéta la même certitude : « Tu vas rejoindre ton frère ! ton frère est à Rome, tu vas à Rome aussi ! »
Après la tourmente qui vit le départ de Rome du P. Le Floch, Mr. Lefebvre eut encore la délicatesse de lui écrire une belle lettre de reconnaissance, datée de Tourcoing, le 17 octobre 1927 : « Mes deux fils, René́ et Marcel, avaient tant apprécié́ votre direction et la vérité́ de vos conseils. »
Cette décision de Mr Lefebvre sera décisive pour l’orientation de toute la vie de notre Marcel : parti à Rome en 1923, il sera formé sous la direction si sûre du R.P. Le Floch. A Rome, il bénéficia d’une formation spirituelle, doctrinale et théologique nourrie aux sources les plus sûres, entre autres St Thomas d’Aquin. C’est là qu’il acquit ces convictions qui feront de lui un ardent apôtre du règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ. « Quas primas » publiée en 1925 confirmera en son âme cette forte conviction qui ne le quittera plus : Jésus-Christ, Fils de Dieu fait homme, est Roi pour Sauver et Sauveur par son sacerdoce ! Toute sa vie sacerdotale, épiscopale, missionnaire… et toute la formation qu’il voulut donner ensuite à ses prêtres se ramène à cette grande lumière de Notre-Seigneur Jésus-Christ Roi ! C’est la foi solide et la fermeté de son père que nous retrouverons chez son fils, monseigneur Marcel !
Mais il est une autre influence familiale qui a joué fortement dans le cheminement de Mgr Lefebvre, en lui donnant son orientation religieuse et missionnaire, et j’aimerais rendre un hommage particulier à son frère ainé, René, né à Tourcoing le 22 janvier 1903, près de trois ans avant son frère Marcel. Nous en reparlerons donc le mois prochain.