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Entraide et Tradition
« C’est pour la liberté que le Christ vous a affranchis ».

« C’est pour la liberté que le Christ vous a affranchis ».

publié dans couvent saint-paul le 13 mars 2010


Prédication pour le 4ème dimanche de Carême.

« C’est pour la liberté que le Christ vous a affranchis ».

Poursuivons, MBCF, notre médiation dominicale sur le salut. C’est le thème de notre prédication de Carême.

Nous savons que le salut, c’est le Christ.
Nous savons aussi que l’objet de salut, c’est notre délivrance du péché originel et l’accès à la vie éternelle.
Nous savons également que ce salut s’obtient par l’observance des commandements de Dieu.

Aujourd’hui nous pouvons ajouter une note supplémentaire dès plus importante enseignée par saint Paul, dans son Epître aux Galates, le salut apporté par le Christ, c’est non seulement la joie, mais essentiellement la liberté. Le Christ nous libère du carcan de la Loi : « C’est pour la liberté que le Christ (nous) a affranchis ».

Approfondissons la chose. Cela vaut la peine

La liberté !
Mais c’était déjà le thème annoncé par les Prophètes. Le Messie délivrera son peuple. Ils définissent le salut comme la délivrance d’un joug, le rachat d’une oppression, une liberté. « Dieu m’a oint…pour annoncer aux captifs la délivrance et aux prisonniers la liberté », fait dire Isaïe au Messie. Les Israélites pieux vivaient de cette espérance. C’est ce que Zacharie chante : « Dieu a visité son peuple ; il a opéré sa délivrance ». La prophétesse Anne, qui ne quittait pas le Temple, parle de l’Enfant-Jésus « à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem » (2 28). Et les disciples d’Emmaüs résume leur foi, mise à rude épreuve par la Passion, en ces mots : « Nos avions mis l’espoir que c’était lui qui délivrerait Israël » (24 21)

Le Christ, le Fils de Dieu incarné et Sauveur, n’a pas déçu cette attente.

Mais la délivrance apportée dans la Nouvelle et Eternelle Alliance, n’est pas la libération d’un territoire ni l’affranchissement d’une domination politique, mais bien la souveraineté exclusive de Dieu sur chaque âme et par conséquent l’affranchissement du péché et de la tyrannie de Satan. Avec le Sauveur Jésus-Christ, il s’agit de la liberté spirituelle et intérieure. La conversion du pécheur fait du pécheur un être libre, de l’esclave, un enfant de Dieu.

L’Apôtre Paul, converti du pharisaïsme et du culte de la Lettre, a été profondément marqué par cette révélation du Seigneur. Il s’en est fait l’Apôtre.

Cette liberté prêchée est le tout de sa doctrine. Il fuit le joug de la Torah, cet esclavage de la Loi.

Pour le juif, la vertu est une stricte observation de la Loi. La Loi est tout, plus que Dieu même. Il hypostasie la Loi et la considère comme une entité en soi indépendante de Dieu. La piété, pour lui, est affaire de légalisme. La Loi est le tout de la vie. Pour le juste juif, il n’est plus question de spontanéité, d’intériorité, de perfection, mais d’obéissance, car c’est le commandement comme tel qui a valeur sanctifiante, c’est lui qui purifie et qui sauve. Tout cela aboutit au formalisme, à un véritable étouffement de l’âme, à son asphyxie.

Aussi lorsque saint Paul se convertit sur le chemin de Damas, il se sent aussitôt délivré de cette servitude et il ira répétant : « Vous n’êtes plus sous la Loi mais sous la Grâce » (Rm 6 14). Aussi prêche-t-il la liberté. Vous êtes affranchis du joug de la Loi, répète-t-il sans cesse.

Vous êtes affranchi de cette contrainte, la Loi, qui provoque nécessairement transgression et péché.

La vocation chrétienne, elle, se résume pour saint Paul dans ce bienfait : la liberté. « Vous avez été appelé (à la foi) pour être libres » (Gal 5 1). La liberté chrétienne c’est la vie chrétienne elle-même dans son âme, dans sa source et son mode. La vie chrétienne est à l’opposé du moralisme. Le chrétien n’a pas à observer une loi qui lui serait imposée du dehors, mais il a celle du Christ vivant en lui, c’est la loi de la grâce, loi inscrite sur son cœur de chair, inspirant sa spontanéité et sa ferveur. C’est la liberté même de Dieu qui se déploie dans l’âme de ses enfants. Saint Thomas dit : « Le Nouveau Testament…consiste dans l’infusion du Saint Esprit qui nous instruit du dedans ». D’où ces affirmations si catégoriques : « Si l’Esprit Saint vous anime, vous n’êtes plus sous la Loi – sous la domination du péché -, mais sous la grâce (Rm 6 14 ; Gal 5 18).

Liberté intérieure !

Ce n’est pas à dire que la vie morale en devienne anarchique. Que non pas ! Mais au lieu de recevoir sa règle du dehors, le chrétien agit spontanément. Il n’est pas contraint comme un esclave, sous le « joug » d’une règle. Son principe de vie lui est immanent. Le jour où l’Esprit Saint habite et inspire l’enfant de Dieu, celui-ci possède son principe moral de jugement et d’amour du bien, de force des réalisations vertueuses, en lui-même. Son dynamisme intérieur lui permet de connaître et de faire la volonté divine, unique règle à laquelle il doive s’ajuster et qui l’établit à coup sûr dans la « vérité de la vie ».

Ainsi on peut dire, que pour saint Paul, la liberté, fruit du Saint Esprit, rend l’homme à lui-même, à sa dignité première, à la vie. Un chrétien digne de ce nom n’envisagera jamais la Loi autrement que comme une éducatrice de la liberté intérieure, spécifique des enfants de Dieu.

Il faut dire et redire que les enfants de Dieu ne vivent plus sous une loi, dans un régime, une économie dont le principe est une loi.

Là est l’innovation de la Nouvelle Alliance : la promotion à la liberté. L’homme qui a l’esprit de Dieu se déclare libre, non par insoumission à la loi de Dieu, mais par inclination spontanée et habituelle à faire soi-même tout ce qu’ordonne la Loi.

C’est dire que la liberté morale tient à notre être de chrétien. La grâce qui nous fait être ce que nous sommes, c’est la communication de la vie divine. Nous sommes nés de Dieu. Cette renaissance est l’œuvre du Saint Esprit. C’est parce que nous sommes enfants de Dieu que nous sommes royalement libres « Ainsi vous n’êtes plus esclaves mais des fils » dit Saint Paul (Gal 4 4).

On ne peut opposer plus fortement morale filiale et morale servile. Les enfants aiment leur père et cherchent à lui plaire. Les esclaves craignent leur maîtres et leur obéissent, contraints. Dans l’un et l’autre cas, les actes seront les mêmes matériellement, mais l’esprit est tout autre et l’on est amené à cette ultime précision : la liberté qui caractérise la morale chrétienne est positivement la liberté d’aimer. Or il n’y a rien de plus spontané, de plus inventif que l’amour. Qui est plus libre, plus audacieux, plus dynamique que celui qui est animé d’un amour spirituel et total. Regardez Marie Madeleine au pied de son Maître !

Ecoutez saint Augustin vous dire : « Aime et fais ce que tu veux » ou encore : « par la santé de l’âme on obtient la liberté du jugement, par la liberté de jugement l’amour de la justice, par l’amour de la justice la réalisation de la Loi ». Et saint Thomas : « La loi de crainte fait de ses sujets des esclaves, la loi d’amour les rend libres. Celui qui n’agit que par crainte agit comme un esclave, mais celui qui agit par amour agit en être libre ». « C’est l’amour de charité qui fait la liberté des fils ».

La loi nouvelle c’est donc notre filiation divine qui est l’œuvre du Saint Esprit, Esprit Saint, en nous qui nous suggère, du dedans de nous même, la mentalité et les mœurs d’enfants de Dieu. Cette immanence est le principe fondamental de la liberté chrétienne : « Là où est l’Esprit du Seigneur, nous dit saint Paul, là est la liberté » (2 Cor 3 17) parce que d’abord là est l’amour de Charité qui lui fait accomplir la loi de Dieu.

Cette doctrine engage toute une conception spécifique de la vie chrétienne.

Le vrai chrétien ne vit pas dans la crainte comme des esclaves. Nous ne cherchons pas à fuir d’abord l’enfer en cherchant à rester fidèles aux préceptes. Non. Nous cherchons d’abord à vivre dans la charité. Il n’y a pas de crainte dans l’amour : bien plus, l’amour parfait chasse la crainte, parce que la crainte a pour objet le châtiment, et celui qui craint n’est pas parfait dans l’amour » ; Voilà ce que nous dit aussi saint Jean.

Concluons ! Cette liberté des enfants de Dieu est l’apanage d’une morale filiale. Seuls ceux qui ont Dieu pour Père et qui donc sont fils, sont vraiment libérés. Cette liberté, éduquée par l’Esprit Saint, nous affranchit des servitudes héréditaires qui nous viennent du péché d’Adam dont nous sommes libérés par la Passion du Sauveur.
Amen.

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