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Prédication pour la solennité de sainte Jeanne d’Arc

Prédication pour la solennité de sainte Jeanne d’Arc

publié dans couvent saint-paul le 7 mai 2010


Prédication pour la solennité de sainte Jeanne d’Arc

5ème dimanche après Pâques.

 

La solennité de sainte Jeanne d’Arc, ce dimanche, nous donnera l’occasion de parler de la Patrie. Sainte Jeanne d’Arc est en ce domaine, notre modèle. Elle aima la France, sa patrie. Et pour cet amour, elle quitta ses parents qu’elle aimait profondément et partit vers le Dauphin pour lui porter secours et le faire sacrer à Reims rétablissant ainsi son honneur dans sa filiation royale, outragé pour ce honteux traité de Troyes.

Qu’est-ce donc que la patrie ?
Pour quoi devons nous l’aimer ?

Il est important de répondre à ces questions en « ce temps misérable de l’apatride » comme l’écrit très justement jean Madiran dans un de ses articles de Présent. (le 9 avril 2005). Vivant au milieu d’une dialectique « européiste et mondialiste » ne risquons-nous pas de perdre le sens de la patrie ou de considérer que la patrie est chose dépassée? Et pourtant beaucoup de nos anciens ont donné leur vie pour sa défense et en tout premier lieu sainte Jeanne d’Arc. Ont-ils eu tort ? Nos soldats de 14 ont-ils à tort sacrifié leur vie pour la Patrie ?

 

Pour répondre à ces questions, il faut d’abord répondre à la question : Qu’est-ce que la Patrie.

 

La patrie est un héritage

 

C’est un ensemble de biens de tous ordres, matériels comme spirituels, biens qui sont pour chacun de nous comme un « héritage », un « patrimoine » à conserver et à faire fructifier.

 

Le mot « patrie » se rattache au concept de « père » (pater). La patrie c’est l’ensemble des biens que nous avons reçus de nos pères en héritage. Mais on parlera aussi de « mère-patrie ». Nous savons tous dans quelle mesure la transmission du patrimoine spirituel se réalise par les mères. La patrie, patrimoine, c’est donc l’héritage qui concerne une terre, le territoire. Mais plus encore, elle implique les valeurs et l’aspect spirituel qui composent la culture d’une nation déterminée.

 

L’auteur de « Mes idées politiques », Charles Maurras écrit « naître dans une patrie…c’est naître possesseur d’un capital immense et d’un privilège sacré. C’est porter avec soi, en soi, un titre d’héritage » (Mes idées politiques. p. 249). La patrie, c’est « ce trésor territorial, intellectuel et moral…descendu à travers les siècles, jusque à nous, c’est un bienfait que tout citoyen et tout homme digne de ce nom doit s’attacher à prolonger et à perpétuer » (p. 249). La patrie c’est « la terre des pères » ou encore, « c’est avant tout un phénomène d’hérédité »…

 

« Terre », « territoire », « ensemble de biens » « patrimoine », « héritage », « valeurs spirituelles », « naissance même » voilà donc les réalités que recouvre la notion de patrie. Ce patrimoine, cet héritage et territorial et spirituel, plus même spirituel que territorial, méritent tous les sacrifices…il peut être la raison d’une vie, la raison de vivre et ultimement la raison de tous les sacrifices jusqu’au prix de son sang. Il faut que les droits par exemple menacés soient rendus à la terre, à la terre –patrie.

 

Pour la doctrine sociale de l’Eglise, la patrie est un fait de nature qui tire son origine de la « génération » et non point d’un quelconque « pacte social ». Cette idée est capitale. Le mot patrie dérive de la notion de « père ». Le père est celui qui engendre, qui donne naissance.
Le patrimoine et avec lui la patrie sont donc, étroitement unis à l’acte de génération. Il en est de même pour le concept de « nation ». Le terme « nation » a aussi, du point de vue étymologique, un rapport avec le fait de naître ».

La  doctrine de saint Thomas

C’est la doctrine même de saint Thomas d’Aquin qu’il nous livre dans son petit traité de la vertu de « piété » dans la Somme à la question 101 de la Secunda Secundae. Il compare Dieu, les Parents et la Patrie dans leur rapport au don de l’être, dans l’ordre de la génération. Saint Thomas affirme que Dieu est le principe premier de tout être comme il en est le provident L’homme, en effet, reçoit tout de Dieu : son être même et les immenses bienfaits de la création. Dès lors l’homme est redevable de tout à Dieu dans l’ordre de l’être. Saint Thomas utilisera le mot débiteur. L’homme est débiteur à l’égard de Dieu. Il lui doit son être. Mais si Dieu est le principe premier de tout dans l’ordre de l’être, les parents et la patrie le sont aussi secondairement pour leurs enfants ou pour les citoyens. Ainsi saint Thomas définit la patrie en relation avec la génération, en relation à l’être, à l’existence. Dieu est le principe premier de l’être – et à ce seul titre, on lui doit honneur et respect. Les parents le sont pour leurs enfants secondairement et en dépendance de Dieu, la patrie l’est aussi dans son ordre à l’égard des personnes qui la composent. Elle est pour eux analogiquement « principe d’être », « principe de vie » comme Dieu l’est ultimement pour tout être. Les enfants sont donc les « débiteurs » de leurs parents, comme le citoyen l’est à l’égard de sa patrie. Et à ce seul titre, les enfants doivent respect et honneur à leurs parents, comme le citoyen à sa patrie.

Saint Thomas le dit clairement dans la question 101. Il écrit : « L’homme est constitué débiteur à des titres différents vis-à-vis d’autres personnes, selon les différents degrés de perfection qu’elles possèdent et les bienfaits différents qu’il en a reçus. À ce double point de vue, Dieu occupe la toute première place, parce qu’il est absolument parfait et qu’il est, par rapport à nous, le premier principe d’être et de gouvernement. Mais ce titre convient aussi, secondairement, à nos père et mère et à notre patrie, desquels et dans laquelle nous avons reçu la vie et l’éducation. »

 

Pour saint Thomas il y a bien une analogie entre Dieu, les père et mère et la patrie dans l’ordre de la communication de l’être. Tous, à des tires différents, saint Thomas dira : « à différents degrés », sont principes d’être. De Dieu, nous recevons l’être. De nos père et mère et de la patrie nous recevons également l’être, la « vie et l’éducation ». C’est définir la patrie dans sa relation à la vie, à l’être.

La patrie, un fait de nature

Puisque la « patrie » connote l’idée de « génération », l’idée « d’être », de « vie », elle est nécessairement, ontologiquement, c’est-à-dire dans tout ce qu’elle est, un fait de « nature ». Dès lors, et comme une conséquence nécessaire, la « patrie » ne relève en rien d’un « contrat entre personnes ». « Elle n’est pas le fruit d’une simple convention » dira Jean-Paul II dans son livre « Mémoire et identité », son testament spirituel et politique.
Charles Maurras dans « Mes idées politiques » écrira de même : « Notre patrie n’est pas née d’un contrat entre ses enfants, elle n’est pas le fait d’un pacte consenti entre leurs volontés ». (p. 251). La patrie est une société naturelle, ou, ce qui revient absolument au même, historique. Son caractère décisif est la naissance. On ne choisit pas plus sa patrie – la terre des pères – que l’on ne choisit son père et sa mère. On naît Français par le hasard de la naissance, comme on peut naître Montmorency ou Bourbon. C’est avant tout un phénomène d’hérédité.

 

La patrie, réalité naturelle, venons nous de dire. Cette vérité confessée a, au moins, une conséquence immédiate : il est impensable que la construction européenne puisse se réaliser au détriment des patries qui y seront réunies. « La patrie demeurent une réalité irremplaçable » dira le pape Jean-Paul II. Ainsi, la patrie ne peut être sacrifiée pour aucune raison, pour aucune « affaire ». Le pape dit cela face, précisément, au danger du XX siècle qui avance « dans la direction de structures supranationales ou même du cosmopolitisme ». Il faut y insister.

 

Nous avons dit plus haut que la patrie est relative à la naissance.

 

Ainsi parce que la patrie est relative à la naissance, parce que nous naissons dans cette patrie comme nous naissons dans cette famille, nous participons aussi à son patrimoine. Notre naissance nous donne droit au patrimoine. Nous sommes ainsi débiteur de cette famille comme nous le sommes de cette patrie, de ses richesses, de ses biens, de sa littérature, de son histoire…de ce qui fait son être. Il est clair que l’homme est constitué par le seul fait de sa naissance « débiteur » de ses parents, de sa patrie. Certes la dette à l’endroit des parents et de la patrie est moindre que celle à l’égard de Dieu, mais pour moindre qu’elle soit, elle est toutefois réelle et bien existante.

 

C’est pourquoi, nous dit saint Thomas d’Aquin, dans l’article que nous avons plus haut analysé : « après Dieu, l’homme est surtout redevable à ses père et mère et à sa patrie. En conséquence, de même qu’il appartient à la religion de rendre un culte à Dieu, de même, à un degré inférieur, il appartient à la piété de rendre un culte aux parents et à la patrie. D’ailleurs, le culte des parents s’étend à tous ceux de la même ascendance, comme le montre Aristote. Or, dans le culte de la patrie est compris le culte de tous les concitoyens et de tous les amis de la patrie. C’est pourquoi la piété s’étend à ceux-là par priorité ».

 

La piété, le patriotisme… c’est une affaire de justice. C’est un du. Nos parents ont droit à notre piété filiale. La patrie a droit à notre patriotisme. Mais comment peut-il satisfaire cette justice celui qui ne veut vivre de ce patrimoine et qui le refuse même ? Voilà exprimez en clair un problème moderne de notre actuelle société. Devenir « citoyen » par le seul « droit du sol » est une aberration. Il faut pour cela, pour devenir vrai citoyen, communier à tout le patrimoine du sol, de cette terre puisque le patrimoine, matériel et spirituel, avons-nous dit, est le constitutif formel de la patrie et donc du patriotisme, de la piété nationale.

 

Et ce devoir implique même, si nécessaire, la sauvegarde due à tous ces trésors qui peuvent être menacés même sans qu’une armée étrangère ait passé la frontière, sans que le territoire soit physiquement envahi. Le patriotisme défend la patrie contre l’Etranger, même contre l’étranger de l’intérieur.

C’est ce que disait Benoît XVI aux Evêques de France réunis à Lourdes à la mi septembre 2008 : « Je suis convaincu, en effet, que les Nations ne doivent jamais accepter de voir disparaître ce qui fait leur identité propre. Dans une famille, les différents membres ont beau avoir le même père et la même mère, ils ne sont pas des individus indifférenciés, mais bien des personnes avec leur propre singularité. Il en va de même pour les pays, qui doivent veiller à préserver et développer leur culture propre, sans jamais la laisser absorber par d’autres ou se noyer dans une terne uniformité »

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