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Présentation de l’Exhortation apostolique « Verbun Dei » de Benoît XVI

publié dans regards sur le monde le 9 juin 2011


Les prêtres du diocèse de Versailles, attachés au missel romain tridentin, avaient été convoqués pour un entretien avec Mgr Aumonier sur le sujet de l’exhortation apostolique « Verbum Dei ». La réunion fut annulée au dernier moment et reporté en septembre prochain. J’avais étudié ce document et pris quelques notes. Je vous les livre.

 

Présentation de l’Exhortation apostolique « Verbun Dei » de Benoît XVI

Cette « exhortation apostolique post-synodale » intitulée « Verbum Dei » a été publiée en la sixième année du Pontificat de Benoît XV, le 30 septembre 2010.

Elle fait suite à la XII assemblée synodale ordinaire qui s’est tenue au mois d’octobre 2008 sur convocation du pape qui lui fixa comme objet de réflexions: la « Parole de Dieu et la Mission de l’Eglise ».

Cette assemblée synodale s’est tenue en pleine année paulinienne, (28 juin 2008 au 29 juin 2009). Le pape le souligne très fortement dans l’introduction du document : « comment, dit-il, ne pas se souvenir que, durant tout le Synode, le témoignage de l’Apôtre Paul nous a accompagnés! Il a été providentiel, en effet, que la XIIe Assemblée générale ordinaire se soit tenue au cours de l’année consacrée à la figure du grand Apôtre des Gentils, à l’occasion du bimillénaire de sa naissance. Son existence a été totalement caractérisée par le zèle pour la diffusion de la Parole de Dieu. Comment ne pas entendre dans notre cœur l’écho de ses paroles vibrantes se référant à sa mission de messager de la Parole divine: «tout cela, je le fais à cause de l’Évangile» (1 Co 9, 23); «Je n’ai pas honte d’être au service de l’Évangile – écrit-il dans la Lettre aux Romains – car il est la puissance de Dieu pour le salut de tout homme qui est devenu croyant» (1, 16). Quand nous réfléchissons sur la Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l’Église, nous ne pouvons pas ne pas penser à saint Paul et à sa vie donnée pour faire entendre à tous l’annonce du salut du Christ » (§ 4).

Cette exhortation apostolique veut donner non seulement la synthèse des travaux de la XII assemblée synodale, mais également une réflexion personnelle du Souverain Pontife. Il le dit clairement dans l’introduction :
« Par cette Exhortation apostolique, je désire que les acquis du Synode influencent efficacement la vie de l’Église: dans la relation personnelle avec les Saintes Écritures, dans leur interprétation au cours de la liturgie et dans la catéchèse, de même que dans la recherche scientifique, afin que la Bible ne demeure pas une Parole du passé, mais une Parole vivante et actuelle. Dans ce but j’entends présenter et approfondir les résultats du Synode ».

Il fera cet approfondissement en prenant pour guide le Prologue de saint Jean. Il écrit : je ferai « une référence constante au Prologue de l’Évangile de Jean (Jn 1, 1-18), dans lequel nous est communiqué le fondement de notre vie: le Verbe, qui depuis le commencement est auprès de Dieu, s’est fait chair et a habité parmi nous (cf. Jn 1, 14). Il s’agit d’un texte admirable, qui offre une synthèse de toute la foi chrétienne. De cette expérience personnelle que fut pour lui la rencontre du Christ et l’engagement à sa suite, Jean, que la Tradition identifie au «disciple que Jésus aimait» (Jn 13, 23; 20, 2; 21, 7.20), «a tiré une certitude intime : Jésus est la Sagesse de Dieu incarnée, il est sa Parole éternelle qui s’est faite homme sujet à la mort».[13] Que celui qui «vit et crut» (Jn 20, 8) nous aide nous aussi à appuyer notre tête sur la poitrine du Christ (cf. Jn 13, 25), d’où ont jailli du sang et de l’eau (cf. Jn 19, 34), symboles des Sacrements de l’Église. Suivant l’exemple de l’Apôtre Jean et des autres auteurs inspirés, laissons-nous guider par l’Esprit Saint afin de pouvoir aimer toujours plus la Parole de Dieu. » (§ 5)

Cette exhortation apostolique est très longue. Elle comprend pas moins de 84 pages et 382 notes. Ce n’est pas une petite affaire de lire un tel document.

Elle est divisée en trois parties:

-La Ière partie est intitulée : « Verbum Dei » que le français traduit par « le Verbe qui parle ». Cette partie définit ce qu’est la « parole de Dieu » c’est pourquoi nous ne sommes pas étonnés de lire en exergue de cette partie le verset 1 du Prologue de saint Jean : «Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. […] Et le Verbe s’est fait chair» (Jn 1, 1. 14)

-La 2ème partie est intitulée : « Verbum in Ecclesia ». La version française a pour titre : « La parole de Dieu et l’Eglise. ». En exergue nous avons la citation de Jn 1 12 «Mais à tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu» (Jn 1,12. C’est là, dans cette partie et la suivante, que nous trouvons les nombreuses exhortations du Pape et du Synode sur « la Parole de Dieu » dans l’Eglise.

C’est là, dans la 2ème partie que nous trouvons traités les deux sujets essentiels à la vie de l’Eglise :
– la liturgie et la parole de Dieu.

En voici les thèmes
La Parole de Dieu dans la sainte liturgie [52]
La Sainte Écriture et les Sacrements [53]
La Parole de Dieu et l’Eucharistie [54]
La sacramentalité de la Parole [56]
La Sainte Écriture et le Lectionnaire [57]
Proclamation de la Parole et ministère du lectorat [58]
L’importance de l’homélie [59]
L’opportunité d’un Directoire homilétique [60]
Parole de Dieu, Réconciliation et Onction des malades [61]
Parole de Dieu et Liturgie des Heures [62]
La Parole de Dieu et le Livre des Bénédictions [63]
Suggestions et propositions concrètes pour l’animation liturgique [64]
a) Célébrations de la Parole de Dieu [65]
b) La Parole et le silence [66]
c) Proclamation solennelle de la Parole de Dieu [67]
d) La Parole de Dieu dans l’église [68]
e) Exclusivité des textes bibliques dans la liturgie [69]
f) Chant liturgique bibliquement inspiré [70]
g) Attention particulière aux aveugles et aux sourds [71]

J’ai été particulièrement intéressé dans cette partie par deux § : le §56 intitulé « La sacramentalité de la Parole de Dieu » et le § 66 intitulé « la Parole et le silence » (§ 66). Je vous dirais pourquoi tout à l’heure.

– la parole de Dieu dans la vie ecclésiale.

En voici les thèmes
Rencontrer la Parole de Dieu dans la Sainte Écriture [72]
L’animation biblique de la pastorale [73]
Dimension biblique de la catéchèse [74]
Formation biblique des chrétiens [75]
La Sainte Écriture dans les grands rassemblements ecclésiaux [76]
Parole de Dieu et vocations [77]
a) Parole de Dieu et ministres ordonnés [78-81]
b) La Parole de Dieu et les candidats à l’Ordination [82]
c) Parole de Dieu et Vie consacrée [83]
d) La Parole de Dieu et les fidèles laïcs [84]
e) La Parole de Dieu, le mariage et la famille [85]
La lecture orante de la Sainte Écriture et la Lectio divina [86-87]
La Parole de Dieu et la prière mariale [88]
La Parole de Dieu et la Terre Sainte [89]

-La 3ème partie est intitulée : « Verbum mundo » que le français rend en disant : « La mission de l’Eglise : annoncer la Parole de Dieu », en exergue nous avons la citation de Jn 1 18 :«Nul n’a jamais vu Dieu; le Fils unique, qui est tourné vers le sein du Père, lui l’a fait connaître» (Jn 1,18). L’objet de cette partie est consacré à l’annonce de l’Evangile « ad gentes » qui est la mission essentiel de l’Eglise. C’est l’œuvre de la hiérarchie mais aussi de tous les laïcs au seul titre de leur baptême.

Le but essentiel de cette exhortation apostolique – que le Pape exprime tout le long du document – est parfaitement synthétisé dans sa conclusion : « je désire encore une fois exhorter le Peuple de Dieu tout entier, les Pasteurs, les personnes consacrées et les laïcs à s’engager pour devenir toujours plus familiers des Écritures Saintes. Nous ne devons jamais oublier qu’à la base de toute spiritualité chrétienne authentique et vivante, se trouve la Parole de Dieu annoncée, écoutée, célébrée et méditée dans l’Église. Cette intensification de la relation avec la Parole divine se réalisera avec d’autant plus d’élan que nous serons davantage conscients de nous trouver, dans l’Écriture comme dans la Tradition vivante de l’Église, face à la Parole définitive de Dieu sur le monde et sur l’histoire ».

Mais il dit cela également dans l’introduction et plus particulièrement dans la première partie où il consacre un très beau commentaire sur « la Parole de Dieu et la Vierge Marie ». « Elle méditait tout cela dans son cœur ». On pourrait résumer la pensée du pape en disant : ce que fut Notre Dame vis-à-vis de la « Parole de Dieu », tout fidèle doit l’être vis-à-vis de l’Ecriture Sainte. En ce sens Marie est vraiment l’archétype de tout vrai chrétien.

Mais que fut la Vierge Marie vis-à-vis de la Parole de Dieu ?

Il écrit :
« 27. Les Pères synodaux ont déclaré que le but fondamental de la XIIe Assemblée était avant tout de «renouveler la foi de l’Église dans la Parole de Dieu»; c’est pourquoi, il est nécessaire de regarder là où la réciprocité entre la Parole de Dieu et la foi s’est accomplie parfaitement, c’est-à-dire en la Vierge Marie, «qui par son ‘oui’ à la Parole de l’Alliance et à sa mission, accomplit parfaitement la vocation divine de l’humanité».[79] La réalité humaine, créée par le Verbe, trouve vraiment son plein accomplissement dans la foi obéissante de Marie. De l’Annonciation à la Pentecôte, elle se présente à nous comme la femme totalement disponible à la volonté de Dieu. Elle est l’Immaculée Conception, celle qui est «pleine de la grâce» de Dieu (cf. Lc 1, 28), docile à la Parole divine de façon inconditionnelle (cf. Lc 1, 38). Sa foi obéissante place son existence à chaque instant face à l’initiative de Dieu. Vierge à l’écoute, elle vit en pleine syntonie avec la volonté divine; elle garde dans son cœur les événements de la vie de son Fils, en les ordonnant en une seule mosaïque (cf. Lc 2, 19.51).[80]
À notre époque, il est nécessaire que les fidèles soient initiés à mieux découvrir le lien entre Marie de Nazareth et l’écoute croyante de la Parole divine. J’exhorte aussi les chercheurs à approfondir le plus possible le rapport entre la mariologie et la théologie de la Parole. On pourra en tirer un grand bénéfice autant pour la vie spirituelle que pour les études théologiques et bibliques. En effet, ce que l’intelligence de la foi a saisi concernant Marie se situe au centre le plus intime de la vérité chrétienne. En réalité, l’Incarnation du Verbe ne peut être pensée en faisant abstraction de la liberté de cette jeune fille qui, par son assentiment, coopère de façon décisive à l’entrée de l’Eternel dans le temps. Elle est la figure de l’Église à l’écoute de la Parole de Dieu qui, en elle, s’est faite chair. Marie est aussi le symbole de l’ouverture à Dieu et aux autres; de l’écoute active qui intériorise, qui assimile et où la Parole divine devient la matrice de la vie.
28. À ce point, je désire attirer l’attention sur la familiarité de Marie avec la Parole de Dieu. ( Marie, femme à l’écoute de la Parole de Dieu, mais aussi familiarité de Marie avec la Parole de Dieu …). C’est ce qui resplendit avec une force particulière dans le Magnificat. Ici, en un certain sens, on voit comment elle s’identifie à la Parole, ( Marie, identifiée même à la Parole de Dieu) comment elle entre en elle; dans ce merveilleux cantique de foi, la Vierge exalte le Seigneur avec sa propre Parole: «Le Magnificat, – portrait, pour ainsi dire, de son âme – est entièrement tissé de fils de l’Écriture Sainte, de fils extraits de la Parole de Dieu. On voit ainsi apparaître que, dans la Parole de Dieu, Marie est vraiment chez elle, elle en sort et elle y rentre avec un grand naturel. Elle parle et pense au moyen de la Parole de Dieu; la Parole de Dieu devient sa parole, et sa parole naît de la Parole de Dieu. De plus, se manifeste ainsi que ses pensées sont au diapason des pensées de Dieu, que sa volonté consiste à vouloir avec Dieu. Étant profondément pénétrée par la Parole de Dieu, ( Marie, pénétrée par la Parole de Dieu) elle peut devenir la mère de la Parole incarnée».[81]
En outre, la référence à la Mère de Dieu nous montre comment l’agir de Dieu dans le monde implique toujours notre liberté parce que, dans la foi, la Parole divine nous transforme. De même, notre action apostolique et pastorale ne pourra jamais être efficace si nous n’apprenons pas de Marie à nous laisser modeler par l’œuvre de Dieu en nous: «l’attention pleine d’amour et de dévotion à la figure de Marie comme modèle et archétype de la foi de l’Église, est d’une importance capitale pour opérer aujourd’hui aussi un changement concret de paradigme dans la relation de l’Église avec la Parole, aussi bien dans l’attitude d’écoute orante qu’à travers la générosité de l’engagement pour la mission et l’annonce».[82]
Contemplant chez la Mère de Dieu une existence totalement modelée par la Parole, (La vie de Marie donne l’exemple d’une existence totalement modelées par la Parole ), nous découvrons que nous sommes, nous aussi, appelés à entrer dans le Mystère de la foi par laquelle le Christ vient demeurer dans notre vie. Chaque chrétien qui croit, nous rappelle saint Ambroise, conçoit et engendre en un certain sens, le Verbe de Dieu en lui-même: s’il n’y a qu’une seule Mère du Christ selon la chair, en revanche, selon la foi, le Christ est le fruit de tous.[83] Donc ce qui est arrivé à Marie peut arriver en chacun de nous, chaque jour, dans l’écoute de la Parole et dans la célébration des Sacrements ».

« Familiariser tous les chrétiens avec la parole de Dieu » c’est le but de cette exhortation apostolique. – On pourrait multiplier les citations de ce genre.

C’est à cette lumière que l’on peut analyser les différentes exhortations du document pontifical.
Par exemple, c’est à cette lumière qu’il analyse la liturgie dans l’Eglise,
C’est ainsi qu’il exhorte vivement évêques, prêtres, diacres, religieux et fidèles…à rester en contact fréquent avec l’Ecriture Sainte.

A cette lumière, on comprend parfaitement toutes les exhortations pastorales des deux dernières parties du document, la première étant une étude plus abstraite, plus théologique de la « Parole de Dieu ».

Voilà comment j’analyse ce document : on peut analyser tous les paragraphes à la lumière de ce but : familiariser tout chrétien dans l’Eglise à la Parole de Dieu.

Il termine par une magnifique méditation sur la « Parole de Dieu et la joie » que j’aimerai vous donner :

« L’Assemblée synodale nous a permis d’expérimenter ce qui est contenu dans le message johannique: l’annonce de la Parole crée la communion et apporte la joie. Il s’agit d’une joie profonde qui jaillit du cœur même de la vie trinitaire et qui se communique à nous dans le Fils. Il s’agit de la joie, comme don ineffable, que le monde ne peut donner. On peut organiser des fêtes, mais pas la joie. Selon l’Écriture, la joie est un fruit de l’Esprit Saint (cf. Ga 5, 22), qui nous permet de pénétrer dans la Parole et de faire en sorte que la Parole divine entre en nous en portant ses fruits pour la vie éternelle. En annonçant la Parole de Dieu dans la force de l’Esprit Saint, nous désirons communiquer aussi la source de la vraie joie, non une joie superficielle et éphémère mais celle qui jaillit de la conscience que seul le Seigneur Jésus a les paroles de la vie éternelle (cf. Jn 6, 68) :

« 124. Cette relation intime entre la Parole de Dieu et la joie est manifestée avec évidence chez la Mère de Dieu. Rappelons les paroles de sainte Élisabeth: «Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur» (Lc 1, 45). Marie est bienheureuse parce qu’elle a la foi, qu’elle a cru, et que dans cette foi, elle a accueilli dans son sein le Verbe de Dieu pour le donner au monde. La joie provenant de la Parole peut maintenant s’étendre à tous ceux qui, dans la foi, se laissent transformer par la Parole de Dieu. L’Évangile de Luc nous présente à travers deux textes ce Mystère d’écoute et de joie. Jésus affirme: «Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui entendent la Parole de Dieu, et qui la mettent en pratique» (8, 21). Et, face à l’exclamation d’une femme qui, au milieu de la foule, entend exalter le ventre qui l’a porté et le sein qui l’a allaité, Jésus révèle le secret de la vraie joie: «Heureux plutôt ceux qui entendent la parole de Dieu, et qui la gardent!» (Lc 11, 28). Jésus indique la vraie grandeur de Marie, en ouvrant ainsi à chacun de nous la possibilité de cette béatitude qui naît de la Parole écoutée et mise en pratique. C’est pourquoi, à tous les Chrétiens, je rappelle que notre relation personnelle et communautaire avec Dieu dépend de l’accroissement de notre familiarité avec la Parole divine. Enfin, je m’adresse à tous les hommes, également à ceux qui se sont éloignés de l’Église, qui ont abandonné la foi ou qui n’ont jamais entendu l’annonce du salut. À chacun, le Seigneur dit: «Voici que je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi» (Ap 3, 20).
Que chacune de nos journées soit donc façonnée par la rencontre renouvelée du Christ, le Verbe du Père fait chair: il est à l’origine et à la fin et «tout subsiste en lui» (Col 1, 17). Faisons silence pour écouter la Parole du Seigneur et pour la méditer, afin que, par l’action efficace de l’Esprit Saint, elle continue à demeurer, à vivre et à nous parler tous les jours de notre vie. De cette façon, l’Église se renouvelle et rajeunit grâce à la Parole du Seigneur qui demeure éternellement (cf. 1 P 1, 25;Is 40, 8). Ainsi, nous pourrons nous aussi entrer dans le grand dialogue nuptial par lequel se clôt l’Écriture Sainte: «L’Esprit et l’Épouse disent: ‘Viens!’ […] Celui qui témoigne de tout cela déclare: ‘Oui, je viens sans tarder.’ – Amen! Viens, Seigneur Jésus!» (Ap 22, 17.20).

Les § 56 et 66 du document.

Mais je vous ai dit que j’ai été particulièrement touché par les § 56 et 66 de la deuxième partie du document, ceux où il parle de la « sacramentalité de la Parole de Dieu » et du « silence » dans la liturgie.

Voici ce qu’il dit sur le silence dans la liturgie (§66).

C’est un thème fréquemment abordé par Benoît XVI quand il parle de liturgie. Vous pouvez retrouver les mêmes idées dans son livre « l’esprit de la liturgie » en la quatrième partie du livre : « la forme de la liturgie » aux pages 163 et suivantes : « Parole et silence ».

« 66. De nombreuses interventions des Pères synodaux ont insisté sur la valeur du silence en lien avec la Parole de Dieu et sa réception dans la vie des fidèles.[231] En effet, la Parole ne peut être prononcée et entendue que dans le silence, extérieur et intérieur. Notre temps ne favorise pas le recueillement et, parfois, on a l’impression qu’il y a comme une peur à se détacher, même momentanément, des moyens de communication de masse. C’est pourquoi il est nécessaire aujourd’hui d’éduquer le Peuple de Dieu à la valeur du silence. Redécouvrir le caractère central de la Parole de Dieu dans la vie de l’Église veut dire redécouvrir le sens du recueillement et de la paix intérieure. La grande Tradition patristique nous enseigne que les Mystères du Christ sont liés au silence;[232] par lui seul, la Parole peut faire en nous sa demeure, comme chez Marie, qui est inséparablement la femme de la Parole et du silence. Nos liturgies doivent faciliter cette écoute authentique: Verbo crescente, verba deficiunt. [233]
Que cette valeur resplendisse particulièrement dans la liturgie de la Parole, qui «doit se célébrer de manière à favoriser la méditation».[234] Le silence, quand il est prévu, est à considérer «comme une partie de la célébration».[235] C’est pourquoi j’exhorte les Pasteurs à encourager les moments de recueillement, par le moyen desquels, avec l’aide de l’Esprit Saint, la Parole de Dieu est reçue dans le cœur ».

C’est un des biens de la liturgie tridentine, surtout pendant le canon romain.

Voici maintenant ce qu’il dit sur la sacramentalité de la parole de Dieu et le sacrement eucharistique. (§56)

Permettez que je situe le problème.

Une des critiques que les cardinaux Ottaviani et Bacci ont présenté, en 1969, au Pape Paul VI sur sa Réforme liturgique, le NOM, dans ce qu’on a appelé « le Bref examen critique » concerne précisément la présence de NSJC dans la Parole de Dieu et dans le sacrement de l’Eucharistie. Les deux cardinaux ont insisté sur l’aspect équivoque de la réforme liturgique sur ce point. Sont-ce là deux présences identiques, qualitativement homogènes ? L’une n’est-elle pas différente de l’autre ?

Certains textes de « l’Institutio Generalis » entretiennent une équivoque sur ce point:
Je fais court et ne citerai que quelques textes :

-Au n° 1, « (dans la messe), les mystères de la Rédemption sont rappelés au long de l’année, de telle sorte qu’ils deviennent en quelque manière présents ». Cela vaut, entre autres, pour la présence de Notre-Seigneur dans l’Eucharistie…

– Au n° 9, « quand les Écritures saintes sont lues dans l’église, Dieu lui-même parle à son peuple et le Christ présent dans sa parole annonce l’Évangile ».

– Au n° 28, « à la fin du chant d’entrée, le prêtre et toute l’assemblée font le signe de la croix. Tout de suite après, le prêtre, par une salutation, manifeste à l’assemblée réunie la présence du Seigneur ».
On pourrait multiplier les citations

La notion de présence de Notre Seigneur Jésus-Christ n’est pas absente de l’Institutio generalis, la preuve…ces quelques citations, mais, à l’aide de ces citations, l’Institutio generalis indique sans distinction (et c’est cette équivoque qui a choqué et qui choque toujours) la présence de Jésus dans la parole et l’Écriture sainte et dans l’assemblée réunie en son nom et la présence de Notre-Seigneur dans l’Eucharistie.
Certes, Notre Seigneur Jésus-Christ est présent dans l’Écriture sainte, c’est son enseignement, sa doctrine.
Certes, Notre Seigneur Jésus-Christ est présent dans l’assemblée des fidèles, puisque lui-même nous enseigne, dans l’Évangile : « Là où deux ou trois sont réunis en mon Nom, je suis au milieu d’eux ».

Mais cette présence de Notre Seigneur Jésus-Christ dans l’assemblée réunie en son Nom ou dans l’Ecriture sainte proclamée, pour vraie qu’elle soit, n’est qu’une présence spirituelle, tandis que la présence de Notre Seigneur Jésus-Christ dans l’Eucharistie est une présence substantielle, ce qui est tout différent, essentiellement différent.

Autre la présence de Notre Seigneur Jésus-Christ dans l’Écriture sainte, autre la présence de Notre Seigneur Jésus-Christ dans l’Eucharistie ! Comme l’ont fait remarquer les cardinaux dans le Bref examen critique, la présence substantielle de Notre Seigneur Jésus-Christ dans l’Eucharistie est assimilée dans l’Institutio generalis à la présence de Notre Seigneur Jésus-Christ dans la parole de Dieu. Mais ce sont deux choses de nature différente. La présence dans l’Écriture sainte n’a de réalité que selon l’usage qu’on en fait, tandis que la présence réelle et substantielle est objective, permanente et indépendante de la réception qui en est faite dans le sacrement. Si bien que le texte de l’Institutio generalis entretient une équivoque grave sur le plan doctrinal et cette équivoque sur la notion de présence induit à penser que la présence spirituelle de Notre Seigneur Jésus-Christ dans l’Écriture sainte est qualitativement homogène à la présence substantielle de Notre Seigneur Jésus-Christ, propre au sacrement de l’Eucharistie ; ce qui est une grave erreur.

Or cette équivoque est corrigée dans le texte de Verbum Dei. C’est le N° 56

Voyez : au sujet de la sacramentalité de la Parole, il écrit :

« 56, 2. La sacramentalité de la Parole se comprend par analogie à la présence réelle du Christ sous les espèces du pain et du vin consacrés.[197] En nous approchant de l’autel et en prenant part au banquet eucharistique, nous communions réellement au Corps et au Sang du Christ. La proclamation de la Parole de Dieu dans la célébration implique la reconnaissance que le Christ lui-même est présent et s’adresse à nous[198] pour être écouté. Sur l’attitude à avoir aussi bien envers l’Eucharistie qu’envers la Parole de Dieu, saint Jérôme affirme: «Nous lisons les Saintes Écritures. Je pense que l’Évangile est le Corps du Christ; je pense que les Saintes Écritures sont son enseignement. Et quand il dit: si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang (Jn 6, 53), ses paroles se réfèrent au Mystère [eucharistique], toutefois, le Corps et le Sang du Christ sont vraiment la Parole de l’Écriture, c’est l’enseignement de Dieu. Quand nous nous référons au Mystère [eucharistique] et qu’une miette de pain tombe, nous nous sentons perdus. Et quand nous écoutons la Parole de Dieu, c’est la Parole de Dieu et le Corps et le Sang du Christ qui tombent dans nos oreilles et nous, nous pensons à autre chose. Pouvons-nous imaginer le grand danger que nous courons?».[199] Le Christ, réellement présent dans les espèces du pain et du vin, est présent analogiquement dans la Parole proclamée dans la liturgie. Approfondir le sens de la sacramentalité de la Parole de Dieu, peut donc favoriser une compréhension plus unifiée du Mystère de la Révélation se réalisant «par des actions et des paroles intrinsèquement liées entre elles»,[200] qui profitera à la vie spirituelle des fidèles et à l’action pastorale de l’Église ».

Nous aurions aimé lire ces précisions, nous aurions aimé trouver ce mot « analogique », « analogiquement » dans l’Institutio Generalis (de la constitution Missale romanum) lorsqu’il parle de la présence de NSJC dans l’Ecriture sainte ou dans l’assemblée réunie en son nom. Cela aurait évité bien des abus liturgiques scandaleux concernant la présence substantielle du Christ dans l’Eucharistie.

Aussi est-ce un très heureux rappel que le pape fait de « la place centrale » – l’expression est de lui – que l’on doit réservé au tabernacle qui contient le Très Saint Sacrement, tout en sachant réserver à l’ambon, à la sainte Ecriture les places qui leur conviennent :
« Une attention particulière sera réservée à l’ambon en tant que lieu liturgique depuis lequel est proclamée la Parole de Dieu. Il doit être placé en un endroit bien visible qui attire spontanément l’attention des fidèles pendant la liturgie de la Parole. Il est bon qu’il soit fixe, établi comme un élément sculpté en harmonie esthétique avec l’autel, de manière à représenter visiblement aussi le sens théologique des deux tables de la Parole et de l’Eucharistie. Depuis l’ambon, on proclame les lectures, le Psaume responsorial et l’annonce de la Pâque; on peut également y faire l’homélie et y dire la prière des fidèles.[239]
Les Pères synodaux suggèrent en outre que, dans les églises, il y ait un lieu privilégié où l’on place la Sainte Écriture même en-dehors de la célébration.[240] En effet, il est bon que le livre qui contient la Parole de Dieu soit dans un endroit visible et honorable à l’intérieur du temple chrétien, sans pour autant priver de sa place centrale le tabernacle qui contient le Très Saint Sacrement.[241]

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