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Entraide et Tradition

De la fidélité.

publié dans couvent saint-paul le 2 août 2013


12 ème dimanche après la Pentecôte.

De la fidélité.

 

En poursuivant, cette semaine, mes lectures des lettres de JP II, sur le sacerdoce qu’il adressait aux prêtres à l’occasion du Jeudi Saint, durant 27 années, je suis tombé sur cette phrase du Pape sur le « temps ». « Les grandes dimensions du temps! Si le temps est toujours un éloignement du commencement, à bien y penser il est simultanément un retour au commencement. Et cela est d’une importance fondamentale : en effet, si le temps était seulement un éloignement du commencement et si son orientation finale n’était pas claire — précisément le retour au commencement —, toute notre existence dans le temps serait privée d’une direction définitive. Elle serait privée de sens ».

Cette phrase se trouve dans la Lettre du Jeudi Saint 1999.

Je dois dire qu’elle a retenu mon attention. La notion du temps est une notion qui excite la réflexion du philosphe. C’est le cas ici pour JPII. Il ne nous donne pas ici de réflexion philosophique, mais bien mieux une réflexion théologique dont je voudrais m’inspirer, ici, dans cette homélie.

Essayons de le suivre.

Reprenons son expression : Si le temps est toujours un éloignement du commencement, à bien y penser il est simultanément un retour au commencement. Et cela est d’une importance fondamentale : en effet, si le temps était seulement un éloignement du commencement et si son orientation finale n’était pas claire — précisément le retour au commencement —, toute notre existence dans le temps serait privée d’une direction définitive. Elle serait privée de sens ».

Il est clair que le temps est « toujours un éloignement du commencement ».Avec le temps, on s’éloigne nécessairement du début. Le temps passant, l’enfant s’éloigne de ses débuts, de son commencement. D’enfant, il devient adulte. Il s’éloigné de son commencement. C’est clair. Heureusement !

Mais le temps, nous dit aussi le pape, est également et « simultanément un retour au commencement. » Et cela est fondamental. Il s’explique en effet, si le temps était seulement un éloignement du commencement — sans fidélité et « retour au commencement » —, l’orientation finale du temps ne serait pas claire et toute l’existence, dans le temps, serait privée de sens, serait privée d’une direction définitive ». Ou pourrait perdre ce sens Autrement dit, un sujet, un personne, un baptisé prend son sens de sa fidélité à son origine, dans sa fidélité à son commencement. Il n’y a pas de crainte d’être privé de sens dans le temps si l’on reste fidèle à sa direction primitive.

C’est du moins comme cela que j’entends cette phrase, un peu difficile, du pape.

Or l’origine du temps pour les baptisés que nous sommes : c’est le Christ. C’est le Christ qui a traversé notre temps et qui va donc donné un sens à ce temps, qui va lui donner « une direction ». Notre passage dans le temps est pénétré par l’événement du Christ, son avènement. Il s’est présenté comme « l’Alpha et l’Oméga », comme « le principe et la fin ». Il est Celui qui est, qui était et qui vient. Il est le Fils qui vient réaliser l’œuvre du Père. Une œuvre de miséricorde, une œuvre de justice. Il vient accomplir la volonté de son Père. Tel est le mystère du Fils : Il est l’ « envoyé du Père dans le monde pour le salut de l’humanité ». Voilà l’origine du temps pour le baptisé. Une œuvre de miséricorde et de justice est à son origine, est son origine. Voilà pourquoi le pape a raison de dire dans une synthèse difficilement dé passable : « La mission du Fils de Dieu parvient à son achèvement lorsque, en s’offrant lui-même, il réalise notre adoption filiale et que, par le don de l’Esprit Saint, il rend possible pour tout être humain la participation à la communion trinitaire. Dans le mystère pascal, Dieu le Père, par le Fils dans l’Esprit Paraclet, s’est penché sur chaque homme, lui offrant la possibilité d’être racheté du péché et libéré de la mort ».

Voilà l’origine du temps pour l’être baptisé. Dans le temps, il faut sans cesse revenir à ce commencement tout divin de sanctification, de sainteté. « Nous sommes racheté du péché et libéré de la mort. Va et ne pêche plus !

Il est bien vrai de dire que le Christ, traversant notre temps, va donner un sens à ce temps. C’est lui qui a, comme le dit encore le pape, « conféré une direction et un sens au passage de l’homme dans le temps. Il a dit en parlant de lui-même: « Je suis sorti d’auprès du Père et venu dans le monde. À présent je quitte le monde et je vais vers le Père » (Jn 16, 28). Et ainsi notre passage est pénétré par l’événement du Christ. C’est avec lui que nous passons, allant dans la même direction que lui: vers le Père ».

Et c’est pourquoi saint Paul a raison de dire : « Nostra conversatio in coelis est ». « Notre patrie, c’est le ciel ». C’est cette finalité que nous devons chercher, que nous pouvons chercher, grâce au Christ. Elle est au début de notre temps. Elle en sera le terme. Elle en sera le terme si nous y restons fidèles. On commence à mieux comprendre la phrase « mystérieuse » du pape : Si le temps est toujours un éloignement du commencement, – du baptême, à la vision de gloire, à la Patrie céleste – à bien y penser il est simultanément un retour au commencement, en ce sens qu’il n’y aura de vision de gloire, de patrie céleste que si, dans le temps, il y a fidélité au baptême qui est le commencement de toute vie chrétienne.

Oui. Par sa venue dans le monde, le Christ a conféré une direction et un sens au passage de l’homme dans le temps. Et le pape de citer cette phrase évangélique de saint Jean : Il a dit en parlant de lui-même: « Je suis sorti d’auprès du Père et venu dans le monde. À présent je quitte le monde et je vais vers le Père » (Jn 16, 28).

C’est donc avec NSJC, grâce au baptême, que nous passons dans le temps, « allant dans la même direction que lui: vers le Père ». Il y a le même terme pour nous et pour le Christ.

Voilà la belle mission du prêtre : unir les fidèles au Christ pour qu’ils possèdent un jour le Père, pour aller vers le Père. C’est le formel de l’action sacerdotale. Vous pouvez apprécier la noblesse de cette fonction. Faire connaître le Christ pour que les fidèles connaissent un jour le Père.

Et tout cela trouve une parfaite réalisation dans le mystère que nous fêtons dans le Triduum pascal. La Pâque du Christ est en effet le passage du Christ vers le Père ; c’est le retour du Christ vers le Père à travers sa passion, sa mort et sa résurrection. Et cette Pâque est alors aussi notre Pâque. C’est pourquoi la Croix est inhérente à toute vie chrétienne. La refuser, se rebeller est indigne du Chrétien, du baptisé. Lorsque la Croix est notre lot, il faut se rappeler que le Christ a traversé notre temps et qu’il en donne le sens et la destination. La croix est au cœur de notre vie comme elle fut au cœur de la vie du Christ et c’est par la Croix qu’il rejoint le Père : « « Père, en tes mains je remets mon esprit » (Lc 23, 46)

« Père, en tes mains, je remets mon esprit » : Le Père, ce fut le terme de sa vie publique ; mais ce fut aussi le commencement de sa vie publique. N’oublions pas la phrase de JP II : Si le temps est toujours un éloignement du commencement, à bien y penser il est simultanément un retour au commencement ». De sorte qu’il faut dire que le temps du Chrétien est un abandon continuel au Père. Ce doit être, du reste, l’objet de la prédication du prêtre. Faire connaître le Père, sa mansuétude, sa bonté, son droit à l’obéissance pour que le fidèle ne craigne pas de s’abandonner au Père.

Le Père : C’est de fait la révélation du Christ. Nous ne sommes même pas au commencement de son œuvre, de sa vie publique puisqu’il ne la commença qu’à l’âge de trente ans,  qu’Il révèle déjà le Père. « Quand, à l’âge de douze ans, Jésus est retrouvé par Joseph et Marie dans le Temple parmi les docteurs, que répond-il aux paroles de sa Mère « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela? » (Lc 2, 48), il répond en se référant à son Père: « Ne saviez-vous pas que je dois être aux affaires de mon Père? » (Lc 2, 49).

Il a à peine douze ans et il a déjà une signification profonde de sa vie, du sens de sa mission, toute consacrée, de la première, à la dernière heure, « aux affaires de son Père », à la révélation de son Père. Et cela dans une magnifique fidélité.

En effet à l’orée de sa vie, il dit, utilisant les paroles du psalmiste : « vous n’avez voulu ni holocauste ni sacrifice, je viens, oh ! mon Dieu pour faire votre volonté ». Cette docilité atteint son sommet à la fin, au Calvaire, dans le sacrifice de la Croix, Il l’accepte, là encore, en esprit d’obéissance et de dévouement filial: « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi! Cependant, non pas comme je veux, mais comme vous le voulez. […] Que votre volonté soit faite! » (Mt 26, 39.42).

A la lumière de la vie du Christ et sous ce rapport, ne sont-elles pas vraies ses paroles du pape : Si le temps est toujours un éloignement du commencement, à bien y penser il est simultanément un retour au commencement. Et cela est d’une importance fondamentale : en effet, si le temps était seulement un éloignement du commencement et si son orientation finale n’était pas claire — précisément le retour au commencement —, toute notre existence dans le temps serait privée d’une direction définitive. Elle serait privée de sens ».

Cela ne fut-il  pas le cas du Christ?

Toute sa vie s’éclaire à la lumière de l’accomplissement de la volonté de son Père…du début à la fin. Il doit en être de même pour nous, en tout domaine, dans la vie conjugale, dans la vie sacerdotale, dans la vie de l’enfant. Pour qu’elle ne soit pas privée de sens, elle doit être fidèle au « commencement » et c’est parce qu’elle sera fidèle au commencement qu’elle sera pleine de sens. Et même si le temps nous éloigne de ce commencement, elle doit rester fidèle à ce commencement. Je reçois le baptême, j’ai reçu le baptême, ma vie gardera tout son sens, sa noblesse, sa signification, si je reste fidèle à l’idéal du baptême reçu à l’orée de ma vie.

Mais cette révélation du Père ne consiste pas seulement dans la prédication des paraboles évangéliques, elle consiste également en la louange divine, en la louange du Père. C’est la finalité même de la vie du Christ. La aussi, Il s’y est montré fidèle du début à la fin. Cette gloire a donné tout le sens de sa vie. Il nous a enseigné aussi à savoir louer son Père qui est dans les cieux. Je dis bien du début à la fin. Du début, dès la nuit de Noël, les anges ont entonné l’hymne à la gloire de Dieu : « Gloria in excelsis Deo ». Il l’enseigna à sa mère Marie dès l’annonciation. Dans son Magnificat », elle sut chanter la gloire de Dieu le Père : « Mon âme exalte le Seigneur en Dieu mon Sauveur ». Dans sa vie publique, on le voit souvent se retirer dans la solitude pour honorer « son Père qui est dans les cieux ». Du début à la fin. Cette louange et action de grâce de son Père, c’est la finalité même du sacrifice de la Croix : Rendre à Dieu le Père tout honneur et toute gloire. Cela s’exprime merveilleusement dans la liturgie et principalement dans la conclusion de la grande prière eucharistique : « Per Ipsum et cum ipso et in Ipso …omnis honor et gloria ». Cette finalité, cette gloire exprime, en un certain sens, le couronnement du Mysterium Fidei, noyau central du sacrifice eucharistique. Il se réalise au moment de la conversion du pain et du vin au Corps et au sang du Christ Jésus. Vraiment le sacrifice du Christ est bien le sacrifice de la louange. Sacrificium laudis.

Ainsi de la vie des fidèles. Du début à la fin, elle doit être une vie de louange à Dieu. C’est pourquoi il faut aimer particulièrement ce saint sacrifice de la messe qui nous fait entrer particulièrement dans la relation filiale du Christ avec son Père. C’est pourquoi nous avons dans toute célébration de la messe, le récit ou le chant du Notre Père, la prière par excellence du Christ et si vous mettez chaque invocation en relation avec la Croix, vous avez la plus belle prière possible :

« Sur la Croix, le nom du Père est « sanctifié » au plus haut degré et son Règne est réalisé d’une manière irrévocable; dans le « consummatum est », sa volonté s’accomplit définitivement. Et n’est-il pas vrai que la demande « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi… » est pleinement confirmée par les paroles du Crucifié: « Père, pardonne-leur: ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34)? La demande relative au pain de chaque jour devient plus parlante que jamais dans la Communion eucharistique lorsque, sous l’espèce du « pain partagé », nous recevons le Corps du Christ. Et la supplique « Ne nous soumets pas à la tentation, mais délivre-nous du mal » n’atteint-elle pas son efficacité la plus grande au moment où l’Église offre au Père le prix suprême de la rédemption et de la libération du mal? »

C’est le Christ qui, le premier, a vraiment vécu profondément cette prière. Parce qu’il l’a vécue toute sa vie dans la fidélité, du commencement à la fin..

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