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La Salette et les tribulations de l’Église

publié dans regards sur le monde le 9 mars 2019


La Salette et les tribulations de l’Eglise

Chers amis,Lettre de liaison n° 91 (28 février 2019)

Non seulement le secret de La Salette n’a jamais été condamné par le Saint-Siège, mais le pape Léon XIII l’ayant reçu en octobre 1878, demanda à voir Mélanie. Après l’entrevue, il lui demanda de rester quelque temps à Rome pour rédiger les constitutions de l’ordre de la Mère de Dieu dont elle avait reçu la règle. Un peu plus tard, le pape ayant fait analyser les différents textes de Mélanie par la congrégation de l’Index ainsi que celle des Évêques et des Réguliers, il demanda à M. Amédée Nicolas, un avocat marseillais grand connaisseur du fait de La Salette, de rédiger un livre pour défendre et expliquer le secret aux fidèles (voir précédente lettre de liaison).

Aussi est-il important de connaître ce secret, ce d’autant plus qu’en les quittant, Notre-Dame ordonna à Mélanie et Maximin : « Vous le ferez passer à tout mon peuple ».

Schématiquement, le secret comprend quatre types d’éléments :

  • des prophéties sur l’Église,
  • des prophéties sur le monde, en particulier la France et l’Italie,
  • des reproches aux fidèles,
  • des reproches au clergé et communautés religieuses.

Il faut reconnaître que les prophéties sont plutôt déroutantes. En particulier, elles annoncent des châtiments terribles. Mais en cela, le secret est semblable à nombre de prophéties bibliques. Un grand historien de La Salette, l’abbé Paul Gouin, dit même que « les prophéties de La Salette sont la quintessence des prophéties bibliques, une histoire anticipée de l’Église jusqu’au Jugement Général ». Il est vrai que, pour une grande part, le secret est un rappel des livres saints, en particulier d’Isaïe et de l’Apocalypse. Le parallèle avec le chapitre 24 d’Isaïe est particulièrement net. (Voir le tableau de comparaison ICI)

Autre reproche fait au secret : l’enchaînement des faits prédits n’est pas toujours cohérent. Mais, là aussi, c’est tout à fait traditionnel. Saint Jérôme, un des grands interprètes des Écritures, dans son Commentaire sur le livre d’Isaïe (chap. 16) dit : « Toute prophétie est enveloppée d’énigmes et de sens coupés ; le prophète passe d’un objet à un autre, de peur qu’en conservant l’ordre des événements il ne fasse une histoire plutôt qu’une prophétie. »

Pour d’autres, certaines dates annoncées ne semblent pas avoir été respectées. Mais, c’est une raison insuffisante pour dire qu’une prophétie est fausse, car une prophétie est souvent conditionnelle. Ici, c’est même très clairement le cas, car la Sainte Vierge commence par dire à Maximin : « Si mon peuple continue, ce que je vais vous dire arrivera plus tôt, s’il change un peu, ce sera un peu plus tard. » Ensuite, elle dit à Mélanie : « Si, lorsque vous aurez dit aux peuples ce que je vous ai dit tout à l’heure, et ce que je vous dirai de dire encore, si, après cela, ils ne se convertissent pas, (si on ne fait pas pénitence, et si on ne cesse de travailler le dimanche, et si on continue de blasphémer le Saint Nom de Dieu), en un mot, si la face de la terre ne change pas, Dieu va se venger contre le peuple ingrat et esclave du démon. Mon Fils va faire éclater sa puissance ! »

Il s’agit donc bien d’une prophétie conditionnelle. On trouve des exemples semblables dans la Bible, notamment pour la destruction de Ninive ou la mort du roi Ézéchias.

D’autre part, si certaines prophéties ne semblent pas s’être réalisées, d’autres comme celles sur Napoléon III ou le pape Pie IX, annoncées une dizaine d’années avant les faits, se sont réalisées de façon stupéfiante.

Ces objections pour tenter de discréditer le secret ne sont donc pas recevables. D’ailleurs, si on les retenait, ce serait des pages entières de la Bible qu’il faudrait supprimer.

Toutefois il faut se garder de vouloir chercher soi-même à comprendre ces prophéties. En effet, le 5e concile du Latran dans sa 11e session qui s’est tenue le 19 décembre 1516 en présence du pape Léon X stipule :

Qu’ils [les prédicateurs] n’aient jamais la présomption de prêcher ni d’annoncer un moment précis pour des maux à venir, ni la venue de l’Antéchrist, ni un jour déterminé pour le jugement, puisque la Vérité dit : « Il ne vous appartient pas de connaître les temps ni les moments que le Père a fixés de sa propre autorité. » (…) Nous interdisons à tous (…) de prédire désormais avec assurance, dans leurs sermons publics, tout ce qui concerne l’avenir selon les saintes Écritures. (…)
D’autre part, si le Seigneur révèle à certains d’entre eux par une sorte d’inspiration certaines choses qui doivent survenir dans l’Église de Dieu, (…) comme le dit Paul, apôtre des prédicateurs : « N’éteignez pas l’Esprit, ne méprisez pas les prophéties », (…) Nous voulons qu’il soit entendu que désormais l’examen de ces supposées inspirations sera réservé à l’examen du Siège apostolique avant qu’elles ne soient rendues publiques ou prêchées au peuple. (…)

Et le pape précise que les contrevenants « encourent, en plus des peines précisées contre eux par le droit, une sentence d’excommunication, dont ils ne pourront être absous que par le pontife romain ».

D’autres textes pontificaux sont venus confirmer ou compléter ce canon du concile de Latran. Par exemple, le pape Urbain VIII, dans le décret Sanctissimus Dominus Deus noster du 13 mars 1625, demande aux prêtres et aux fidèles de se soumettre à l’ordinaire, sous peine de sanctions, pour ce qui est présenté comme révélations.

Ainsi, sauf mandat particulier, l’interprétation des révélations privées est réservée à l’Église. Ceux qui enfreignent cette loi encourant de lourdes sanctions, nous ne chercherons donc pas à « scruter » le contenu de ces prophéties, laissant à l’Église le soin de le faire. Mais le secret ne contient pas que des prophéties. En particulier, il reproche certaines attitudes, causes des châtiments que nous risquons de subir. Ces reproches n’ont besoin d’aucune interprétation. La Sainte Vierge rappelle la loi divine et les conséquences si on ne l’observe pas.

Le premier de ces reproches s’adresse aux fidèles : ne pas respecter les commandements de Dieu et de l’Église. (Voir lettre de liaison n° 88). Le second concerne les clercs et les communautés religieuses.

Une partie du clergé français et seulement du clergé français (une douzaine de diocèses sur les 80 que comptait la France à l’époque, en particulier ceux de Lyon, Troyes et Nîmes) s’opposa au secret. Partout ailleurs en Europe, notamment en Italie, il fut très bien accueilli. Et le clergé français s’y opposa non pas à cause des prophéties ou des reproches faits aux fidèles, mais pour une seule et unique raison : les reproches que le secret adressait au clergé.

Mgr Zola qui avait donné son imprimatur au texte du secret, s’en plaignit dans une lettre adressée le 24 mai 1880 à l’abbé Roubaud, curé de Saint-Tropez :

Je déplore vivement l’opposition que la France, fait maintenant au céleste message de la Salette. Nous sommes déjà à la veille des châtiments terribles dont nous a menacés la Mère de Dieu, à cause de nos prévarications, et cependant nous préférons repousser les avertissements d’une Mère si tendre et si miséricordieuse, plutôt que de profiter de ses leçons, seul acte de notre part qui pourrait diminuer d’intensité des fléaux dont nous menace la colère divine.

C’est pourquoi, le 27 mars 1880, Léon XIII avait demandé à M. Amédée Nicolas d’écrire un livre pour défendre le secret et l’expliquer aux fidèles, principalement en ce qui concerne le clergé et les communautés religieuses. La lettre de Mgr Zola envoyée deux mois plus tard à l’abbé Roubaud donne un aperçu des raisons qu’avaient le Vatican d’agir ainsi.

Ces reproches faits au clergé furent révélés de la façon suivante. Tout d’abord, ce point ne fut confié qu’à Mélanie : Maximin n’en parle jamais.

Dans le texte remit par Mélanie à Mgr de Bruillard le 6 août 1851, figure cette seule phrase : « Parmi les ministres de Dieu, et les Épouses de Jésus-Christ, il y en a qui se livreront au désordre, et c’est ce qu’il y aura de plus terrible. »

Deux ans plus tard, le 12 août 1853, dans la version rédigée à la demande de Mgr Ginoulhiac, Mélanie détailla un peu plus ce point :

Malheur aux Ecclésiastiques, aux religieux et religieuses, car ce sont eux qui attirent les plus grands maux qui arrivent sur la terre ; aussi, mon Fils les punira d’une manière terrible. (…)
Les personnes consacrées à Dieu oublieront leurs devoirs de religion et tomberont dans un grand relâchement et presque dans l’oubli de Dieu. (…)
Les religieuses qui demeureront dans le même couvent seront aveuglées jusqu’à ne pas reconnaître que l’enfer les conduit.

Enfin dans la version complète du secret qu’elle diffusa à partir de 1858, comme le lui avait demandé la Sainte Vierge, il est écrit (les parties en italiques ne figurent pas dans les versions diffusées antérieurement à 1878) :

Les prêtres, ministres de mon Fils, les prêtres par leur mauvaise vie, par leurs irrévérences et leur impiété à célébrer les saints mystères, par l’amour de l’argent, l’amour de l’honneur et des plaisirs, les prêtres sont devenus des cloaques d’impureté. Oui, les prêtres demandent vengeance, et la vengeance est suspendue sur leurs têtes. Malheur aux prêtres et aux personnes consacrées à Dieu lesquelles par leurs infidélités et leur mauvaise vie crucifient de nouveau mon Fils ! Les péchés des personnes consacrées à Dieu crient vers le Ciel et appellent la vengeance et voilà que la vengeance est à leurs portes, car il ne se trouve plus personne pour implorer miséricorde et pardon pour le peuple ; il n’y a plus d’âmes généreuses, il n’y a plus personne digne d’offrir la Victime sans tache à l’Éternel en faveur du monde. (…)

En l’année 1864, Lucifer avec un grand nombre de démons seront détachés de l’enfer : ils aboliront la foi peu à peu et même dans les personnes consacrées à Dieu : ils les aveugleront d’une telle manière, qu’à moins d’une grâce particulière ces personnes prendront l’esprit de ces mauvais anges : plusieurs maisons religieuses perdront entièrement la foi et perdront beaucoup d’âmes. (…)

Malheur aux Princes de l’Église qui ne seront occupés qu’à entasser richesses sur richesses, qu’à sauvegarder leur autorité et à dominer avec orgueil ! Le Vicaire de mon Fils aura beaucoup à souffrir, parce que pour un temps l’Église sera livrée à de grandes persécutions : ce sera le temps des ténèbres ; l’Église aura une crise affreuse. (…)

Dans les couvents, les fleurs de l’Église seront putréfiées et le démon se rendra comme le roi des cœurs. Que ceux qui sont à la tête des communautés religieuses se tiennent en garde pour les personnes qu’ils doivent recevoir, parce que le démon usera de toute sa malice pour introduire dans les ordres religieux des personnes adonnées au péché, car les désordres et l’amour des plaisirs charnels seront répandus par toute la terre. (…)

Car Dieu va vous livrer à Son ennemi, parce que les lieux saints sont dans la corruption ; beaucoup de couvents ne sont plus les maisons de Dieu, mais les pâturages d’Asmodée et des siens. (…)

Rome perdra la foi et deviendra le siège de l’antéchrist.

Un des principaux reproches fait au secret fut le caractère excessif et généralisateur de ces reproches au clergé. Mais, il ne faut pas se laisser impressionner par les formules générales. Bien évidemment, tous les prêtres ne sont pas concernés par ce reproche de Notre-Dame, car à l’époque vivaient de nombreux prêtres qui furent par la suite canonisés, en particulier le curé d’Ars.

Monseigneur Zola, qui fut le directeur de Mélanie de 1968 à 1873 (Mélanie lui remit une version du secret en 1869) dans la lettre adressée à l’abbé Roubaud déjà citée, dit : « Il est toutefois certain qu’il ne faut pas prendre au pied de la lettre les termes généraux concernant les reproches adressés au clergé et aux communautés religieuses ; car il existe un langage qui est propre au style prophétique. »

Cette façon de parler est souvent utilisée pour marquer la gravité d’un danger. Et nous-mêmes, il nous arrive aussi de parler ainsi. Ne disons-nous pas : « Les Français déclarèrent la guerre aux Anglais » ? Or ce ne sont pas tous les français qui déclarèrent la guerre.

Cette façon de s’exprimer se retrouve également dans la Bible. Le début du psaume 14 commence ainsi :

L’insensé dit dans son cœur : « Il n’y a point de Dieu. » Ils sont corrompus, ils commettent des actions abominables ; il n’en est aucun qui fasse le bien. Yahweh, du haut des cieux regarde les fils de l’homme, pour s’il est quelqu’un de sage, quelqu’un qui cherche Dieu. Tous sont égarés, tous ensemble sont pervertis, il n’en est pas un qui fasse le bien, pas un seul.

Or il y avait des justes de temps de David.

On retrouve aussi de telles expressions chez saint Paul, notamment dans son épître aux Romains (III, 9-12) :

Nous venons de prouver que tous, Juifs et Grecs, sont sous le péché, selon qu’il est écrit : « Il n’y a point de juste pas même un seul ; il n’y en a point qui ait de l’intelligence, il n’y en a point qui cherche Dieu. Tous sont sortis de la voie, tous sont pervertis ; il n’y a personne qui fasse le bien, pas même un seul. »

Or à l’époque de saint Paul, les premiers chrétiens étaient martyrisés et acceptaient la mort plutôt que de renier la foi.

Les papes utilisèrent aussi un tel langage. Par exemple, dans l’instruction que le pape Adrien VI envoya au nonce François Chieregato pour être lue à la Diète de Nuremberg, le 3 janvier 1523, le pape Adrien avoue que les péchés des ecclésiastiques ont été la cause principale des tribulations de l’Église et que, dans la Curie romaine elle-même, le chef et les membres, papes et prélats, s’étaient rendus coupables d’abus :

Nous confessons publiquement que Dieu permet qu’advienne cette persécution de son Église à cause des péchés des hommes et en particulier des prêtres et prélats. (…) Il ne faut pas pour autant s’étonner que la maladie soit passée du chef aux membres, des papes aux prélats. Nous tous, prélats et ecclésiastiques, avons dévié du droit chemin et depuis longtemps il n’y avait personne qui agisse bien. Nous devons donc, nous tous, rendre honneur à Dieu et nous humilier devant Lui : que chacun réfléchisse sur la cause de ses chutes et se redresse plutôt que d’être jugé par Dieu au jour de sa colère.

Pourtant à cette époque, il y avait de saints clercs : saint Jérôme Emilien, saint Antoine-Marie Zaccaria, saint Ignace de Loyola, saint François Xavier, saint Jean de Dieu, … 1523 est même l’année où, à Manrèse, saint Ignace, inspiré par Notre-Dame, commença à rédiger  ses fameux Exercices spirituels, lesquels furent à l’origine d’un nombre de conversions incroyable.

Il convient donc de ne pas s’arrêter aux généralisations du secret. Malgré tout, il fut très décrié. Il est vrai qu’à la fin du XIXe siècle le mal n’était peut-être pas encore très visible. C’est probablement pour cette raison que le cardinal Caterini demanda que, par prudence, le secret de Mélanie ne soit pas mis entre les mains des fidèles, dans le souci charitable d’éviter le scandale de faibles. Mais il n’en allait pas de même pour les clercs. Aussi ajouta-t-il : « Mais maintenez-le entre les mains du clergé pour qu’il en profite ». (Voir précédente lettre de liaison). Malheureusement aujourd’hui, avec les derniers scandales qui secouent l’Église, il faut constater que ces paroles de Notre-Dame sont devenues une réalité. Le conseil du cardinal Caterini de les maintenir entre les mains des prêtres était donc parfaitement judicieux.

Or quand on voit la gravité de ces paroles, surtout pour aujourd’hui, et quand on sait la forte opposition qu’elles rencontrèrent, ne serait-il pas normal que Notre-Dame les ait rappelées à Fatima ? En tout cas, ces paroles sont parfaitement cohérentes avec la vision de l’abbé Cestac (voir lettre de liaison n° 84), celle de Léon XIII (voir lettre de liaison n° 83) et les révélations de Padre Pio à Dom Amorth (voir lettre de liaison n° 82). Le secret de La Salette et la vision de l’abbé Cestac disent que les démons seront déchaînés à partir de 1864. Léon XIII entendit Satan demander à Notre-Seigneur de pouvoir agir avec plus de puissance pendant cent ans afin de détruire l’Église. Le secret de La Salette dit que l’Église aura une crise affreuse. Et en 1913, le Padre Pio reçut de Notre-Seigneur la révélation que « Satan s’est introduit au sein de l’Église et, dans très peu de temps, arrivera à gouverner une fausse Église. » Comment Notre-Dame aurait-elle pu ne pas rappeler ce drame à venir dans le secret de Fatima ?

Quoi qu’il en soit, il ne faut pas se décourager à l’annonce par la Sainte Vierge d’une situation si terrible, car à Fatima elle a dit : « À la fin, mon Cœur Immaculé triomphera. » De plus, le secret de La Salette annonce un temps de paix après cette période de troubles, période de paix également prédite par le secret de Fatima. Il faut donc rester dans l’espérance. « Les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle » a dit Notre-Seigneur. Alors, n’ayons pas peur. Et prions le Saint-Esprit d’inspirer au pape, aux cardinaux et aux évêques de faire ce qu’il faut pour redresser l’Église.

En union de prière dans le Cœur Immaculé de Marie
Yves de Lassus

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