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Entraide et Tradition

Lettre de soutien. Je signe.

publié dans nouvelles de chrétienté le 20 juillet 2020


Pour un débat honnête et calme sur Vatican II : la lettre de soutien à Mgr Schneider et à Mgr Viganò de plus de 50 prêtres, universitaires et journalistes (mis à jour)

Une cinquantaine d’ecclésiastiques, universitaires et journalistes ont adressé une lettre ouverte à Mgr  Athanasius Schneider, évêque auxiliaire de Sainte Marie in Astana, et à Mgr Carlo Maria Viganò, archevêque et ancien nonce apostolique, pour les remercier des récents écrits par lesquels ils ont, chacun à sa manière, demandé que le débat sur les erreurs et ambiguïtés de Vatican II ait lieu et qu’on puisse y apporter une réponse allant de l’« oubli » pur et simple du Concile, comme l’a suggéré Mgr Viganò, à sa rectification explicite, comme le préconise Mgr Schneider.

J’ai l’honneur de figurer parmi les signataires auxquels d’autres sont appelés à se joindre. Ecclésiastiques et universitaires souhaitant se joindre à l’initiative sont invités à se manifester ici : 
Openlettercouncil@gmail.com.

Une pétition ouverte à tous est également disponible ici sur change.org.

Aux yeux des « traditionalistes » français, cette lettre pourra sembler quelque peu défaillante, puisqu’on semble y passer sous silence l’important combat mené par tant de Français dès les années du concile Vatican II pour en dénoncer les ambiguïtés, les erreurs, les conséquences néfastes, notamment sur le plan de la liturgie qui n’est pas abordée dans le texte ci-dessous. Au risque d’en oublier beaucoup, je citerai d’abord par affinité personnelle Jean Madiran et tous ceux qui ont bataillé avec lui dans Itinéraires et Présent ; mais aussi Mgr Lefebvre, l’abbé Berto, Louis Salleron, l’abbé Georges de Nantes et tant d’autres… Et je ne parle même pas de ceux qui ont combattu, analysé, résisté dans d’autres pays, à commencer par l’Italie.

Mais il ne s’agit pas ici de découvrir la lune : l’heure est à une nouvelle bataille, c’est d’elle que la lettre se réjouit. En témoigne par exemple la signature de Roberto de Mattei, auteur notamment de Vatican II, une histoire à écrire. A noter, également, de nombreuses signatures de personnes qui ont commencé à poser des questions sur « le Concile » de manière relativement récente, à mesure que ses conséquences se déroulent de manière de plus en plus visible.

La traduction française ci-dessous est une traduction de travail qui pourra être révisée dans les jours à venir. Le temps m’a tout simplement manqué pour la faire paraître en même temps que les versions anglaiseitalienneespagnole publiées à 14 h 00 ce mercredi, auxquelles se sont ajoutées les versions portugaise et néerlandaise tout récemment. La version anglaise comporte tous les liens vers les textes cités, je tâcherai de les ajouter tout en signalant que certains textes cités de Mgr Schneider ont été traduites en français à l’aide de traducteurs automatiques et comportent des contresens en cette langue. – J.S.


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9 juillet 2020

Excellences,

Nous, soussignés, souhaitons vous exprimer notre sincère gratitude pour votre courage et votre souci des âmes lors de la crise actuelle de la foi au sein de l’Église catholique. Vos déclarations publiques en faveur d’une discussion honnête et ouverte sur le concile Vatican II et les changements dramatiques qui l’ont suivi tant sur le plan des croyances que des pratiques catholiques ont été une source d’espoir et de consolation pour de nombreux catholiques fidèles. En tant qu’événement le concile Vatican II apparaît aujourd’hui, plus de cinquante ans après son terme, comme unique dans l’histoire de l’Église. Jamais avant notre époque un concile œcuménique n’a été suivi d’une période aussi prolongée de confusion, de corruption, de perte de  la foi et d’humiliation pour l’Église du Christ.

Le catholicisme s’est distingué de certaines fausses religions par son insistance sur le fait que l’homme est une créature rationnelle et que la croyance religieuse encourage plutôt qu’elle ne fait obstacle à la réflexion critique des catholiques. Nombreux sont ceux, parmi lesquels l’actuel Saint-Père, qui semblent placer le concile Vatican II – ainsi que ses textes, ses actes et sa mise en œuvre – hors de portée de l’analyse critique et du débat. Face aux préoccupations et aux objections soulevées par les catholiques de bonne volonté, le Concile a été présenté par certains comme un « super-concile », dont l’invocation met fin au débat plutôt que de le favoriser. Votre invitation à remonter aux racines de la crise actuelle de l’Église et à demander que des mesures soient prises pour corriger toute virage pris lors de Vatican II, et dont on constate aujourd’hui qu’il s’agit d’une erreur, est un exemple de mise en œuvre de l’office épiscopal de la transmission de la foi telle que l’Église l’a reçue.

Nous vous sommes reconnaissants de vos appels à un débat ouvert et honnête sur la vérité de ce qui s’est passé à Vatican II et sur la question de savoir si le Concile et sa mise en œuvre contiennent des erreurs ou des aspects qui favorisent les erreurs ou nuisent à la Foi. Un tel débat ne peut pas avoir pour point de départ la conclusion selon laquelle le concile Vatican II, dans son ensemble et dans ses parties, est en soi en continuité avec la Tradition. Une telle exigence préalable au débat interdit toute analyse critique et toute argumentation et permet seulement la production de preuves qui viennent étayer la conclusion déjà annoncée. La question de savoir si Vatican II peut ou non être réconcilié avec la tradition est la question à débattre, et non une prémisse posée, à  suivre aveuglément même si elle s’avère contraire à la raison. La continuité de Vatican II avec la tradition est une hypothèse à vérifier et à débattre, et non un fait incontestable. Pendant de trop longues décennies, l’Église a connu trop peu de bergers prêts à autoriser, et encore moins à encourager, un tel débat.

Il y a onze ans, Mgr Brunero Gherardini avait déjà fait une supplique filiale au Pape Benoît XVI : « Il y a déjà longtemps que l’idée (que j’ose à présent soumettre à Votre Sainteté) m’était venue d’une mise au point grandiose, et si possible définitive, sur le dernier concile, concernant chacun de ses aspects et de ses contenus. Il paraît, en effet, logique, et il me semble impératif que chacun de ces aspects et contenus soit étudié en soi et dans le contexte de tous les autres, en observant attentivement toutes les sources, et sous l’angle spécifique de la continuité avec le Magistère ecclésiastique précédent, qu’il soit solennel ou ordinaire. A partir d’un travail scientifique et critique aussi ample et irréprochable que possible, en lien avec le Magistère traditionnel de l’Eglise, il sera possible de tirer ensuite matière à une évaluation sûre et objective de Vatican II. »

Nous vous sommes également reconnaissants d’avoir pris l’initiative d’identifier certains des sujets doctrinaux les plus importants qui doivent être abordés dans le cadre d’un tel examen critique et d’avoir fourni le modèle d’un débat franc, mais courtois, qui peut comporter des désaccords. Nous avons recueilli, à partir de vos récentes interventions, quelques exemples des sujets que vous avez indiqués comme devant être abordés et, s’ils s’avèrent problématiques, corrigés. Nous espérons que ce recueil servira de cadre à une discussion et un débat plus approfondis. Nous ne prétendons pas que cette liste soit exclusive, parfaite ou complète. Nous ne sommes pas non plus forcément tous d’accord avec la nature précise de chacune des critiques citées ci-dessous ni sur la réponse aux questions que vous soulevez, mais nous sommes tous convaincus que vos questions méritent des réponses honnêtes plutôt que d’être balayées, non sans des accusations ad hominem de désobéissance ou de rupture de communion. Si ce que chacun d’entre vous affirme est faux, que vos interlocuteurs le prouvent ; dans le cas contraire, la hiérarchie devrait accorder du crédit à vos affirmations.

La liberté religieuse pour toutes les religions considérée comme un droit naturel voulu par Dieu

• Mgr Schneider : « Parmi les exemples de cela, on peut citer certaines expressions du Concile sur le thème de la liberté religieuse (comprise comme le droit naturel, et donc positivement voulue par Dieu, de pratiquer et de diffuser une fausse religion, ce qui peut comprendre l’idolâtrie ou pire encore)… »

• Mgr Schneider : « Hélas, quelques phrases plus loin, le Concile [dans Dignitatis Humanae] sape cette vérité en énonçant une théorie jamais enseignée auparavant par le magistère constant de l’Église, à savoir que l’homme a le droit, fondé sur sa propre nature, « forcé d’agir contre sa conscience ni empêché d’agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d’autres » (ut in re religiosa neque impediatur, quominus iuxta suam conscientiam agat privatim et publice, vel solus vel aliis consociatus, intra debitos limites, n. 2). Selon cette affirmation, l’homme aurait le droit, fondé sur la nature elle-même (et donc de la volonté positive de Dieu) de ne pas être empêché de choisir, de pratiquer et de répandre, même de manière collective, le culte d’une idole, et même le culte de Satan, puisqu’il existe des religions qui adorent Satan, par exemple, l’“église de Satan”. En effet, dans certains pays, l’“église de Satan” est reconnue comme ayant la même valeur légale que toutes les autres religions. »

L’identité entre l’Église du Christ et l’Église catholique et le nouvel œcuménisme

• Mgr Schneider : « [Cette] distinction entre l’Église du Christ et l’Église catholique (le problème du « subsistit in » donne l’impression qu’il existe deux réalités : d’un côté, l’Église du Christ, et de l’autre, l’Église catholique) ; et sa position à l’égard des religions non chrétiennes et du monde contemporain.

• Mgr Schneider : « Affirmer que les musulmans adorent avec nous le seul Dieu (« nobiscum Deum adorant »), comme l’a fait le Concile Vatican II dans Lumen Gentium n.16, est théologiquement une affirmation très ambiguë. Que nous, catholiques, adorions avec les musulmans le seul Dieu n’est pas vrai. Nous n’adorons pas avec eux. Dans l’acte d’adoration, nous adorons toujours la Sainte Trinité, nous n’adorons pas simplement « le Dieu unique » mais, plutôt, la Sainte Trinité, explicitement – Père, Fils et Saint-Esprit. L’islam rejette la Sainte Trinité. Lorsque les musulmans adorent, ils n’adorent pas au niveau surnaturel de la foi. Même notre acte d’adoration est radicalement différent. Il est essentiellement différent. Précisément parce que nous nous tournons vers Dieu et l’adorons comme des enfants constitués dans la dignité ineffable de l’adoption filiale divine, et nous le faisons avec une foi surnaturelle. Mais les musulmans n’ont pas une foi surnaturelle. »

• Mgr Viganò : « Nous savons bien que, renforcés par l’adage paulinien Littera enim occidit, spiritus autem vivificat, les progressistes et les modernistes ont su habilement cacher dans les textes du Concile ces ambiguïtés, qui à l’époque semblaient inoffensives pour la plupart des gens, mais qui aujourd’hui se manifestent dans leur valeur subversive. C’est la méthode du subsistit in : dire une demi-vérité non pas tant pour ne pas offenser l’interlocuteur (en supposant qu’il soit licite de taire la vérité de Dieu par respect pour l’une de ses créatures), mais dans le but de pouvoir utiliser la demi erreur que l’entière vérité dissiperait instantanément. Ainsi, “Ecclesia Christi subsistit in Ecclesia Catholica” ne précise pas l’identité des deux, mais la subsistance de l’une dans l’autre et, par cohérence, également dans d’autres églises : c’est l’ouverture aux célébrations inter-ecclésiales, aux prières œcuméniques, à la fin inexorable de la nécessité de l’Église pour le salut, de son unicité, de sa nature missionnaire. »

La primauté du pape et la nouvelle collégialité

• Mgr Schneider : « Par exemple, le fait même qu’une “nota explicativa praevia” au document Lumen Gentium ait été nécessaire montre que le texte de Lumen Gentium, au n. 22, est ambigu en ce qui concerne le sujet des relations entre la primauté du pape et la collégialité épiscopale. Les documents clarifiant le magistère à l’époque post-conciliaire, tels les encycliques Mysterium FideiHumanae Vitae, et le Credo du Peuple de Dieu du Pape Paul VI, ont été d’une grande valeur et d’une grande aide, mais ils n’ont pas clarifié les déclarations ambiguës du  concile Vatican II mentionnées ci-dessus. »

Le Concile et ses textes sont la cause de nombreux scandales et erreurs actuels

• Mgr Viganò : « Si la Pachamama a pu être vénérée dans une église, nous le devons à Dignitatis humanae. Si nous avons une liturgie protestante et parfois même paganisée, nous le devons aux actions révolutionnaires de l’évêque Annibale Bugnini et aux réformes post-conciliaires. Si nous avons signé le document d’Abou Dhabi, nous le devons à Nostra Aetate. Si nous en sommes arrivés à déléguer des décisions aux conférences épiscopales — même en violation très grave du Concordat, comme cela s’est produit en Italie — nous le devons à la collégialité, et à sa version actualisée dans la synodalité. Grâce à ce processus synodal nous nous sommes retrouvés avec Amoris Laetitia à devoir chercher un moyen d’éviter ce qui était évident pour tout le monde, à savoir que ce document, préparé par une impressionnante machine organisationnelle, devait légitimer la Communion pour les divorcés et les concubins, tout comme Querida Amazonia devait servir de légitimation pour les femmes prêtres (voir le cas très récent d’une “vicaire épiscopale” à Fribourg) et l’abolition du Saint Célibat. »

• Mgr Viganò : « Mais si à l’époque il pouvait être difficile de penser que la liberté religieuse condamnée par Pie XI dans Mortalium animos pouvait être affirmée par Dignitatis humanæ, ou que le Pontife romain pouvait voir son autorité usurpée par un fantomatique Collège épiscopal, nous comprenons aujourd’hui que ce qui était alors habilement dissimulé dans Vatican II, est aujourd’hui affirmé ore rotundo dans les documents pontificaux précisément au nom de l’application cohérente du Concile. »

• Mgr Viganò : « Nous pouvons donc affirmer que l’esprit du Concile est le Concile lui-même, que les erreurs du post-Concile sont contenues in nuce dans les Actes conciliaires, tout comme il est dit à juste titre que le Novus Ordo Missæ est la messe du Concile, même si en présence des Pères on célébrait la messe que les progressistes appellent significativement préconciliaire. »

• Mgr Schneider : « Pour toute personne intellectuellement honnête, qui ne cherche pas à faire la quadrature du cercle, il est clair que l’affirmation de Dignitatis Humanae selon laquelle tout homme a le droit, en vertu de sa propre nature (et donc de la volonté positive de Dieu), de pratiquer et de diffuser une religion selon sa propre conscience, ne diffère pas substantiellement de la déclaration d’Abu Dhabi, qui affirme : « Le pluralisme et les diversités de religion, de couleur, de sexe, de race et de langue sont une sage volonté divine, par laquelle Dieu a créé les êtres humains. Cette Sagesse divine est l’origine dont découle le droit à la liberté de croyance et à la liberté d’être différents. »

Nous avons pris bonne note des différences que vous avez soulignées entre les solutions que chacun d’entre vous a proposées pour répondre à la crise déclenchée lors du Concile Vatican II et qui l’a suivi. Par exemple, Mgr Viganò a fait valoir qu’il serait préférable d’« oublier » complètement le Concile, tandis que Mgr Schneider, en désaccord avec lui sur ce point précis, propose de ne corriger officiellement que les parties des documents du Concile qui contiennent des erreurs ou qui sont ambiguës. Votre échange d’opinions courtois et respectueux devrait servir de modèle pour le débat plus vigoureux que nous souhaitons, vous comme nous. Trop souvent pendant ces cinquante dernières années, les désaccords au sujet de Vatican II ont été rejetés par de simples attaques ad hominem plutôt que par une argumentation calme. Nous invitons tous ceux qui participeront à ce débat à suivre votre exemple.

Nous prions pour que Notre très sainte Mère, la Vierge Marie, saint Pierre, Prince des Apôtres, saint Athanase et saint Thomas d’Aquin protègent et préservent vos Excellences. Puissent-ils vous récompenser pour votre fidélité à l’Église et vous confirmer dans votre défense de la Foi et de l’Église.

In Christo Rege,

Revue-Item.com

 

 

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