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Entraide et Tradition

Entretien de Mgr Bernard Fellay à Una Voce

publié dans nouvelles de chrétienté le 30 avril 2011


30 avril 2011
[DICI – Una Voce]

Entretien de Mgr Bernard Fellay à Una Voce
SOURCE – DICI – Una Voce – 29 avril 2011

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Mgr Bernard Fellay, Supérieur général de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, a accordé un entretien à Patrick Banken, Président d’Una Voce – France, publié dans le n°277 (mars-avril 2011) de la revue de l’association qui milite pour la sauvegarde du chant grégorien, depuis près de 50 ans.

P.B. : À l’aube d’une nouvelle année et d’une nouvelle décennie, pouvez-vous, Monseigneur, nous faire partager votre regard sur la situation actuelle de l’Église ?

Mgr Fellay : Le Concile Vatican II et toute la suite des réformes postconciliaires ont causé l’une des crises les plus graves que l’Église catholique ait jamais traversées. Cinquante ans après, nous constatons malheureusement que cette crise n’est pas prête de cesser. Les conséquences des réformes conciliaires se font sentir plus durement aujourd’hui qu’autrefois. Ce sont par exemple dans l’Ancien et le Nouveau Monde une diminution très grave des vocations tant religieuses que sacerdotales, la disparition quasi totale d’écoles catholiques dignes de ce nom, l’ignorance crasse de la doctrine catholique parmi la jeunesse, une liturgie qui ne nourrit plus la foi et qui au contraire pénètre comme un lent poison les quelques fidèles qui pratiquent encore dans un esprit plus protestant que catholique. Cependant au milieu de ce désastre, on peut distinguer un mouvement, encore bien discret il est vrai, qui désire la restauration de l’Église. C’est un mouvement qui vient de la jeunesse, un mouvement qui a reçu un souffle nouveau au moment de l’accession de Benoît XVI au pontificat romain. Ce mouvement qui est un retour à une attitude plus conservatrice donne un certain espoir pour le futur. Il souffre cependant de quelques défauts, par exemple l’ignorance du passé ou la déception au vu de la situation de l’Église. On pourrait dire que la jeunesse voyant la piètre situation actuelle, est comme frustrée et cherche aussi bien au niveau liturgique que doctrinal autre chose en se tournant vers le passé, mais ce, sans trop savoir ce qu’il est. L’aile progressiste, encore bien en place, s’est rendu compte de cette réaction et fait tout ce qu’elle peut pour l’anéantir avant qu’elle ne devienne suffisamment forte pour pouvoir s’imposer par elle-même. Cet ensemble crée une situation passablement confuse, où la crainte côtoie l’espoir. Nous sommes comme à une croisée de chemins et les actes, que posera ou non le Souverain Pontife, détermineront la durée plus ou moins longue de cette crise.

P.B. Dans l’avenir proche, quel pourrait être le rôle du catholicisme traditionnel en général et de la Fraternité Saint-Pie X en particulier, pour sortir de la trop longue crise que connaît l’Église universelle ?

Mgr F. : Au regard de la situation telle que nous venons de la décrire, il est certain que ceux qui essaient de vivre selon les principes traditionnels pourraient facilement devenir comme un pôle, un phare, ayant un rôle très important, mais difficile à réaliser. Je pense que dans les années qui viennent nous devrons surtout allier fermeté, patience et miséricorde pour pouvoir aider ce mouvement sincèrement désireux d’une restauration de l’Église. Ce que nous pouvons lui offrir, est certainement d’un côté l’amour de la liturgie traditionnelle et de l’autre, la doctrine saine non seulement approuvée par l’Église, mais imposée par celle-ci durant des siècles, je pense spécialement à la doctrine scolastique, à la doctrine de saint Thomas.

P.B. Votre œuvre est implantée sur les cinq continents. Quels sont les lieux ou les pays les plus encourageants pour le ministère de vos prêtres ?

Mgr F. : Tout dépend de ce que l’on considère comme encourageant pour le ministère des prêtres. Si l’on prend comme critère d’encouragement, le succès facile, un développement relativement important, des vocations, des conversions nombreuses, il faut mettre les États-Unis parmi les premiers pays. Si par contre le critère est un travail plus en profondeur, forcément moins spectaculaire, alors on peut dire que presque partout l’apostolat de nos prêtres est encourageant. Lorsqu’on regarde toutes ces écoles, toute cette jeunesse, les familles nombreuses et même le soutien aux personnes âgées, il est sûr que plusieurs pays d’Europe méritent une palme.
Dans les pays de mission, il y a toujours une saveur de pionniers… Notre apostolat en Afrique est en plein développement. L’Asie offre un potentiel extraordinaire de conversions. Dans toutes ces missions, ce qui manque cruellement ce sont les prêtres. Il nous en faudrait beaucoup plus, simplement pour répondre aux demandes des fidèles d’Afrique et d’Asie.

P.B. Quelle est la place faite au chant grégorien dans les lieux de culte desservis par la Fraternité Saint-Pie X ? Selon vous, d’un point de vue pastoral, peut-on étendre son influence et comment s’y prendre au mieux pour y parvenir ?

Mgr F. : La liturgie étant au centre de nos préoccupations, puisque le but premier de la Fraternité est le sacerdoce catholique et que ce dernier est intimement lié à la célébration du saint sacrifice de la messe, il est évident que la place que nous donnons au chant liturgique est importante. Ce chant liturgique pendant plus d’un millénaire était essentiellement le chant grégorien. Celui-ci a pratiquement disparu dans la liturgie moderne, même si, çà et là, il suscite encore un peu d’intérêt. Chez nous, le chant grégorien est simplement la base de la messe chantée ou de la messe solennelle. Dans tous nos séminaires, les séminaristes sont obligés d’apprendre les éléments essentiels du chant et, dans la mesure du possible, de les transmettre aux fidèles.
Comment étendre l’influence de ce chant qui a toujours été considéré par l’Église comme un sacramental ? Cela dépend beaucoup des circonstances. Il faut d’abord trouver un maître de chœur compétent, puis former une chorale qui pourra elle-même par la suite aider l’ensemble des fidèles à rendre toujours plus belle la sainte liturgie catholique et romaine. Je ne pense pas qu’il y ait des remèdes miracles. Il est un adage qui dit que la grâce n’enlève pas la nature. S’il y a un côté surnaturel, de grâce, dans le chant grégorien, celui-ci néanmoins reste soumis aux règles habituelles de la musique et donc suppose les compétences humaines et artistiques nécessaires. Il nous faut travailler à former parmi nos fidèles un certain nombre soit pour l’accompagnement à l’orgue, soit pour le chant grégorien, ce que nous essayons de faire par exemple dans nos écoles.
Étendre l’influence du chant grégorien revient aussi à faire aimer cette belle musique, mais comme on n’aime que ce que l’on connaît, il nous faut commencer par la faire connaître, puis apprécier et finalement aimer. Le Grégorien étant au regard de la musique classique, dépouillée des accords harmoniques, s’adresse davantage à l’esprit et à l’âme plutôt qu’aux sens. Elle n’a pas par elle-même l’attirance que pourrait avoir une musique polyphonique, mais elle a l’avantage d’être universelle comme disait saint Pie X, c’est-à-dire qu’elle est agréable à toutes les civilisations quelles qu’elles soient. C’est une musique élevée, exigeante, et il ne faut pas hésiter à proposer ce défi, car il y a au fond de l’homme un amour des difficultés à vaincre, des défis à relever.

P.B. Peut-on savoir si les discussions doctrinales que tiennent certains de vos représentants avec les autorités romaines sont satisfaisantes ?

Mgr F. : Qu’entend-on par satisfaisante ? Cela est assez subjectif. Est-ce que ces discussions répondent à nos attentes ou aux attentes des autorités romaines ? Vu les divergences avec lesquelles elles ont été abordées, il me semble prématuré de vouloir donner une réponse, alors qu’elles ne sont pas terminées. Je pense qu’il y a des éléments qui nous déçoivent et dans le même temps d’autres qui nous donnent un certain espoir pour le futur. Je ne pense pas pouvoir répondre clairement à votre question par un oui ou par un non. Il me semble que l’on ne peut pas attendre des fruits immédiats de telles discussions, mais il y a un échange de pensée, d’une pensée qui doit encore mûrir. Nous avons l’espoir que ces contacts contribueront à certaines corrections, mais je ne pense pas que cela soit pour un avenir prochain.

Source : Una Voce n°277 (mars –avril 2011) bimestriel, abonnement : 39 € – 49 rue de la Procession 75015 Paris – Courriel : unavoce@orange.fr – Site : http://www.unavoce.fr

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