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Entraide et Tradition

Le vide spirituel qui affecte nos contemporains

publié dans regards sur le monde le 31 janvier 2013


Le vide spirituel qui affecte nos contemporains

Pendant plus d’un millénaire, le peuple de France – dans sa majorité au moins –, le peuple de cette fille aînée de l’Eglise, a fait preuve en d’innombrables occasions d’une spiritualité magnifique. Citons seulement quelques faits parmi une multitude qui en ont été le fruit et qui en portent témoignage. Charles Martel en 732, avec sa victoire de Poitiers, donna un coup d’arrêt définitif, en France du moins, aux envahisseurs de l’islam dont le cheminement, dans le couloir Rhône-Saône, s’était déjà heurté à une résistance animée par des évêques courageux – et non contaminés par l’idéologie de la non-violence. Ces prélats ont tenté d’opposer une défense contre ce raz-de-marée barbaresque. Une dizaine de croisades, de Godefroy de Bouillon à saint Louis, en Terre Sainte puis en Afrique du Nord, sont également le fruit et le témoignage concret de cette spiritualité surabondamment prouvée par l’objectif de débarrasser la Terre Sainte des envahisseurs musulmans qui la souillaient, seldjoukides d’une part, arabes d’autre part.

C’est évidemment la spiritualité chrétienne qui a sous-tendu les luttes de plus d’un millénaire de l’Europe chrétienne, surtout balkanique, contre les envahisseurs musulmans. Saint Pie V, en 1571, a parrainé la croisade navale qui a infligé aux navires turcs la victoire de Lépante, après laquelle les Ottomans ont été chassés, pour plusieurs siècles, de la Méditerranée occidentale et de ses abords. Dans la croisade, conçue en 1830 par Charles X, à l’encontre des nids de pirates qui infestaient la Méditerranée occidentale, de Bourmont était accompagné d’un corps relativement étoffé de missionnaires. Bientôt Louis-Philippe très en retrait par rapport à son prédécesseur exigeait le rapatriement de la moitié de ces prélats. Par la suite, un jour, Abd-El-Kader, dans un de ses contacts avec nos officiers, s’est étonné du fait que l’armée française ne soit pas accompagnée de prêtres pour s’appuyer sur leur religion et leur spiritualité.

La Révolution française elle-même était sous-tendue par une spiritualité, spiritualité perverse, certes, mais spiritualité quand même. C’était celle de la franc-maçonnerie née en 1715 que l’on a appelée sans rire la « philosophie des Lumières » ! Ce n’est pas une révélation que d’affirmer que la Révolution française n’avait point pour ennemi premier le monarque ou les aristocrates, mais la religion catholique qui imprégnait encore de façon très vivante, en particulier, la population rurale majoritaire à cette époque. Le vide spirituel frappe la France contemporaine et la déboussole.

Le vide spirituel s’est installé dans notre société – comme dans la société européenne – d’une façon visible. La perte progressive de l’esprit de sacrifice est d’une importance capitale. Ce mot « sacrifice » signifie « faire du sacré ». Si le prosélytisme lentement étendu au monde date à l’origine de la Passion de Jésus-Christ, il a été très tôt puis longtemps illustré par les Portugais, les Espagnols, les Français. Les missionnaires qui, en particulier au XIXe siècle, se sont efforcés d’évangéliser les populations noires d’Afrique, en sont un exemple admirable. Ils ont introduit la plus haute spiritualité dans ces peuples souffrant de façon chronique de luttes tribales, de l’esclavage, de l’ignorance même des rudiments de l’hygiène et de la santé. En dépit du regain religieux post-révolutionnaire du XIXe siècle, l’amoindrissement du nombre de fidèles était lent et inexorable. Les lois des premières années du XXe siècle, profondément cathophobes, suffisent à prouver que l’action catholique militante ne pouvait plus avoir le dessus (1). J’ai défendu par ailleurs que le développement techno-scientifique – et ses « miracles » reproductibles à volonté – ont fait beaucoup dans les progrès d’un esprit carrément rationaliste et ravageur pour la foi religieuse. Le concile Vatican II a amplifié la régression de l’Eglise moderne. La présence d’évêques traditionnels courageux n’a pu s’opposer efficacement à la débâcle.

Actuellement, l’environnement sociétal se trouve sous la domination de médias foncièrement cathophobes. Il en est de même de l’éducation dite nationale où les dogmes de la laïcité dissimulent mal la haine de Dieu, de l’Eglise et de toute transcendance. La télévision, omniprésente et maîtresse des foyers, des familles comme des célibataires, se trouve certainement au premier rang dans cette véritable anti-croisade qui affecte l’esprit des Français. Si, comme dit ci-dessus, ce vide spirituel résulte en premier lieu d’une évacuation du sacré, il est évidemment et malheureusement complété par le naufrage des fondamentaux de toute notre société. Cela se marque par un « individualisme déchaîné » (2) et qui n’a épargné aucun niveau de la hiérarchie sociétale. Ne parlons pas de la patrie qui fut une des pièces maîtresses de notre patrimoine spirituel tant sous l’Ancien Régime que plus tard. Le concept lui-même est si ringard qu’on hésiterait à prononcer le mot en société. N’était-ce pas pourtant le lien fort, sacrificiel en cas de nécessité, et qui pendant plus d’un millénaire, a fait de notre peuple autre chose qu’un troupeau d’individus ? La famille, chez nous comme dans les autres sociétés humaines, apparaît comme la pierre angulaire de celle-ci. Elle seule assure une procréation non désordonnée, elle seule fait d’un bébé vagissant un homme capable de faire face aux épreuves et de remplir ses devoirs. Quand la famille se défait, les jeunes – et pas seulement eux – se perdent dans la délinquance, le crime et l’incendie.

Mais, notre encéphale ne pouvant rester vide, par quelle idéologie la place a-t-elle été occupée ? C’est un matérialisme qui règne comme une divinité sur notre société moderne. Le matérialisme est une idéologie dans laquelle la première place est accordée aux biens matériels de ce monde, le spirituel étant relégué en seconde position ou ignoré plus ou moins totalement. L’ambition est un trait caractériel ambigu. Elle est d’inspiration matérialiste à bien des égards par le succès dans une carrière, que ce soit dans le domaine de la politique, de l’entreprise ou des professions libérales, etc., et source de biens des possibilités économiques, de satisfactions que la recherche de cette carrière procure dans le champ sociétal qui relève indéniablement de l’esprit. Le matérialisme chez un individu l’orientera vers l’argent que lui assurera une carrière choisie parce que lucrative. Avec l’argent, ne disposera-t-il pas de la plupart des biens matériels qu’il peut souhaiter dans les domaines les plus divers : autorité sur ses salariés éventuels, logement, voiture, distractions et divertissements de tous ordres. Il pourra s’offrir le caprice d’un recours à la chirurgie esthétique, se faire greffer des cheveux sur un crâne chauve. La liste pourrait être allongée indéfiniment. Le matérialisme peut aussi se concrétiser par la recherche des plaisirs de la bouche, alimentation et boisson. Notons que dans ce dernier domaine à la limitation apportée par l’argent s’ajoute ou devrait s’ajouter le souci de sa santé, les dernières sauvegardes pour donner la mesure.

Naguère et jusqu’au XXe siècle compris, les nations européennes se déchiraient et se ravageaient mutuellement dans des guerres toujours renaissantes. Au cours de celles-ci, les sacrifices consentis par les peuples mis sous les armes prouvent un esprit de soumission qui peut faire intervenir le sacré. Tout cela est mort et nous n’aurons pas l’inconscience de regretter bien des aspects de cette époque.

Mais dans ces conditions, l’objectif proposé aux peuples devient d’ordre économique. Produire toujours plus et le moins cher possible. Tous les jours, la sacro-sainte croissance chiffrée jusqu’à la deuxième décimale est l’objet de toutes les attentions. Tout cela a un nom : c’est un matérialisme hégémonique dictatorial. Il est intéressant d’observer qu’il n’assure pas pleinement un bonheur radieux de nos contemporains.

(1) G. Dillinger, Désacralisée, la France devient folle. Edition Dualpha, septembre 2006.

(2) G. Dillinger, Le politiquement correct, d’un christianisme calciné à un individualisme déchaîné. Publications G.D., mars 1998.

GEORGES DILLINGER

Article extrait du n° 7783
du Vendredi 1er février 2013

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