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Les Franciscains de l’Immaculée sous surveillance

publié dans nouvelles de chrétienté le 16 août 2013


Les Franciscains de l’Immaculée sous surveillance

SOURCE – DICI – 9 août 2013

C’est un très bon résumé de l’affaire;

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Une décision romaine touchant les Franciscains de l’Immaculée fait grand bruit à Rome, au beau milieu de l’été. En effet, suite à une visite apostolique commencée il y a un an, la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique a pris, avec l’approbation explicite du pape François, un décret daté du 11 juillet 2013, mais connu seulement quelques jours plus tard, décret qui nomme un Commissaire apostolique pour diriger les Franciscains de l’Immaculée jusqu’à la réunion de leur prochain Chapitre général en 2014 et qui impose la messe de Paul VI à tous les membres, sauf autorisation expresse du Commissaire.

La Congrégation des Frères Franciscains de l’Immaculée a été fondée en 1970 par deux franciscains, le P.Stefano Manelli et le P. Gabriele Pellettieri. Cette congrégation a été approuvée, selon le droit diocésain, par l’archevêque de Bénévent, Mgr Carlo Minchiatti, en 1990. Et le 1er janvier 1998, elle a été reconnue de droit pontifical.

Les Franciscains de l’Immaculée, qui aujourd’hui comptent environ 400 religieux dans plus de 50 maisons, sont à la tête de plusieurs stations de radio et de télévision dans le monde, ils dirigent plusieurs sites et une maison d’éditions, Casa Mariana Editrice, qui a publié des dizaines d’ouvrages, dont le livre de MgrBrunero Gherardini, Vatican II, un débat à ouvrir. La branche féminine, les Sœurs Franciscaines de l’Immaculée, érigée de droit pontifical la même année que les Frères, regroupe plus de 400 religieuses.

Or, il y a six ans, à la suite du motu proprio Summorum Pontificum (7 juillet 2007) reconnaissant que la messe de saint Pie V n’avait jamais été abrogée, la congrégation des Franciscains de l’Immaculée a commencé à adopter de manière habituelle – mais non exclusive – la messe traditionnelle. C’est pourquoi la décision romaine suscite quelques questions.

L’historien Roberto de Mattei s’interroge : « Quelle est l’intention de la suprême autorité ecclésiastique ? Supprimer la Commission Ecclesia Dei et abroger le motu proprio de Benoît XVI ? Dès lors, il faut le dire explicitement, afin que les conséquences puissent en être tirées. Et si tel n’est pas le cas, pourquoi poser un décret inutilement provocateur à l’encontre du monde catholique qui se réfère à la Tradition de l’Eglise ? Ce monde connaît une phase de grande expansion, surtout parmi les jeunes, et ceci est peut-être la principale raison de l’hostilité dont il fait aujourd’hui l’objet. »

Ce sont les cinq dernières lignes du décret du 11 juillet qui provoquent le plus d’étonnement : “En plus de ce qui est indiqué ci-dessus, le Saint Père François a décidé que tous les religieux de la congrégation des Frères Franciscains de l’Immaculée sont tenus de célébrer la liturgie selon le rite ordinaire et que, éventuellement, l’usage de la forme extraordinaire (Vetus Ordo) devra être explicitement autorisé (c’est nous qui soulignons) par les autorités compétentes, pour tous les religieux et/ou communautés qui en feront la demande”.

Et le vaticaniste Sandro Magister de souligner : « L’étonnement est dû au fait que ce qui est ainsi décrété contredit les dispositions prises par Benoît XVI. Celles-ci n’exigent, pour la célébration de la messe selon le rite ancien sine populo, aucune demande préalable d’autorisation. (…) Et pour les messes cum populo, elles fixent quelques conditions, mais toujours en assurant la liberté de célébrer.

« En général, il est possible d’exercer, contre un décret pris par une congrégation du Vatican, un recours devant le Tribunal suprême de la signature apostolique (…), mais si le décret fait l’objet d’une approbation du pape sous une forme spécifique, comme cela semble être le cas dans cette affaire, le recours n’est pas admis. Les Franciscains de l’Immaculée devront se conformer à l’interdiction de célébrer la messe selon le rite ancien à partir du dimanche 11 août. »

Quelles sont les raisons de ce décret romain ? Le journaliste Yves Chiron a interrogé un historien italien,Fabrizio Cannone, dans Aletheia (n°204 – 31 juillet 2013), sur d’éventuelles dissensions à l’intérieur de la communauté des Franciscains de l’Immaculée. Voici sa réponse : « Depuis un certain temps il y avait des divergences entre les membres de l’Institut. Des divergences essentiellement de deux types. D’abord, il y a eu des critiques toujours plus fortes contre le Fondateur et supérieur général, qui a eu depuis peu 80 ans, et que certains jugent ne plus être en mesure de bien suivre les multiples activités et le développement de l’Institut. (…)

« La seconde critique interne s’est fait jour après le motu proprio de 2007 : si la majorité des prêtres a accepté le document et en a fait un large usage, toujours néanmoins en respectant la pastorale diocésaine, certains religieux ont vu d’un mauvais œil cette supposée ‘tridentinisation’, peut-être inattendue. La cause selon moi significative est que l’Institut est peut-être l’unique au monde, au moins parmi ceux qui ont une certaine importance numérique, à avoir voulu passer, au moins pour les célébrations internes à la communauté, à la liturgie traditionnelle : et cela, je le répète, à la plus grande joie du plus grand nombre des prêtres, simples frères, religieuses et laïcs du tiers-ordre. Signe qu’il devait exister et qu’il existe un lien entre leur spiritualité et la spiritualité typique du rite traditionnel. Certains prêtres n’ont pas accepté cette évolution, pourtant prévue par le texte même du motu proprio, et ont commencé une fronde contre le P. Manelli, contre le co-fondateur P. Gabriele et les autres membres du Conseil. D’où la visite canonique, le décret et la nomination d’un Commissaire.»

Et Fabrizio Cannone de conclure : « Cette mesure semble une mesure de punition, en ce sens que l’éventuel gouvernement déficient des Supérieurs et le supposé manque de sensus Ecclesiae, sont des choses différentes et éloignées de la forme liturgique adoptée. Qui plus est, dans ce cas, on constate aussi les nombreux fruits de jeunes vocations. »

Interrogé sur ce décret, le P. Federico Lombardi, directeur de la Salle de presse du Saint-Siège, a déclaré qu’il s’agissait d’une décision visant à répondre à des problèmes spécifiques et à des tensions au sein de la communauté des Frères franciscains de l’Immaculée, et il a assuré qu’il ne s’agissait pas de contredire le motu proprio Summorum Pontificum libéralisant l’usage de l’ancien rite.

C’est dans ce contexte que l’on apprenait, le samedi 2 août, que la Commission pontificale Ecclesia Dei avait un nouveau secrétaire. En effet, le pape venait de nommer à ce poste Mgr Guido Pozzo, archevêque de Bagnoregio en Italie qui était jusque là Aumônier du pape, et qui avait déjà occupé cette charge de juillet 2009 à novembre 2012.

Selon le cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux, membre de la Congrégation pour la doctrine de la foi et de la Commission Ecclesia Dei, le rappel « de quelqu’un qui connaît très bien les dossiers » permettra à cette commission de « bénéficier de son expérience et de son savoir », à un moment où elle est confrontée à plusieurs sujets cruciaux. Dans La Croix du 5 août, le cardinal Ricard considère qu’à propos de la Fraternité Saint-Pie X l’heure est au « constat d’un échec des négociations, des rencontres et des dialogues » ; la récente déclaration de ses évêques, à l’occasion du 25e anniversaire des ordinations épiscopales (Voir DICI n°278 du 05/07/13), « constitue une fin de non-recevoir ». Selon le prélat français, le « nouveau » secrétaire de la Commission Ecclesia Dei pourrait être à même de « savoir si l’on peut désensabler quelques dossiers », alors que Mgr Gerhard Müller, président de la Congrégation de la foi, « comprend plus difficilement » le refus de la Fraternité Saint-Pie X de reconnaître tout le concile Vatican II, et que Mgr Augustine Di Noia, vice-président de la Commission Ecclesia Dei depuis le 26 juin 2012, « ne peut que constater la complexité du dossier ».

A Rome, un observateur attentif du dossier nous fait savoir que sur le rappel de Mgr Pozzo « il n’y a pas encore d’explications officieuses ou officielles. La seule conclusion qu’on peut en tirer, est que pour l’instant il n’y a pas d’intention de faire disparaître cette commission, comme certains en avaient fait courir le bruit. Les fortes réactions provoquées par le décret concernant les Franciscains de l’Immaculée ont surpris plus d’un responsable romain. Attendons la suite… Car nous sommes au mois d’août, beaucoup sont en vacances, et il est difficile d’avoir des informations sûres. »

(Sources:Apic/IMedia/Aletheia/LaCroix/news.va/corrispondenzaromana.it/chiesa.espressonline.it/sources privées – DICI n°280 du 09/08/13)

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NDLR: Quant au retour de Mgr Pozzo comme secrétaire de la Commission Ecclesia Dei, n’est-ce pas le prélude, non point de sa disparition, mais bien au contraire de son renforcement et de sa séparation de la Congrégation pour la doctrine de la foi? Ce rattachement à cette Congrégation pouvait s’expliquer dans le cadre du « dialogue » doctrinal avec la FSSPX, pourquoi la maintenir dans ce cadre, le dialogue avec la FSSPX étant arrêté pour longtemps encore…

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Article de la Croix sur ce sujet:

Sur le dossier traditionaliste, le pape rappelle un expert

SOURCE – Clémence Houdaille – La Croix – 5 août 2013


La nomination de Mgr Guido Pozzo au secrétariat de la commission Ecclesia Dei, poste qu’il a quitté il y a huit mois, intervient au moment où les discussions entre Rome et la Fraternité Saint-Pie-X sont au point mort.

En charge de la question des fidèles traditionalistes, qu’ils soient ou non en pleine communion avec Rome, la commission pontificale Ecclesia Dei ne disposait plus de secrétaire depuis que Mgr Pozzo, qui avait occupé ce poste de juillet 2009 à novembre 2012, avait été élevé à la dignité d’archevêque et nommé aumônier du pape.
Le rappel « de quelqu’un qui connaît très bien les dossiers », selon le cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux et membre de la Congrégation pour la doctrine de la foi (CDF), à laquelle est rattachée Ecclesia Dei, permettra à celle-ci de « bénéficier de son expérience et de son savoir », à un moment où elle est confrontée à plusieurs sujets cruciaux.
Au sujet de la Fraternité Saint-Pie‑X, fondée par Mgr Lefebvre, l’heure est au « constat d’un échec des négociations, des rencontres et des dialogues, analyse le cardinal Ricard. La récente déclaration des évêques lefebvristes, à l’occasion du 25e anniversaire des ordinations épiscopales par Mgr Lefebvre, le 30 juin 1988, constitue une fin de non-recevoir. »

DÉSENSABLER LES DOSSIERS

La pierre d’achoppement demeure la non-reconnaissance du concileVatican II. « Le nouveau préfet de la CDF, Mgr Gerhard ­Müller, comprend plus difficilement ce refus, poursuit le cardinal Ricard. Quant à Mgr Di Noia, vice président de la commission Ecclesia Dei depuis le 26 juin 2012, il ne peut que constater la complexité de la situation », après plusieurs années de main tendue et de discussions doctrinales, depuis que Benoît XVI a lancé un processus de dialogue en 2009.
En appelant Mgr Pozzo, pour sa première intervention dans le dossier intégriste, le pape François fait le choix d’un fin connaisseur de la galaxie traditionaliste, apprécié de Benoît XVI, qui avait travaillé avec lui à la CDF. Le « nouveau » secrétaire pourrait, selon les termes du cardinal Ricard, être à même de « savoir si l’on peut désensabler quelques dossiers ». Car Ecclesia Dei doit aussi traiter la question des communautés traditionalistes ralliées à Rome, dont plusieurs connaissent de graves difficultés internes.
Ainsi, « le problème de l’Institut du Bon-Pasteur (IBP) est très difficile à régler », reconnaît Mgr Ricard, qui avait effectué en 2011 la visite canonique de cet institut fondé en 2006 par d’anciens membres de la Fraternité Saint-Pie‑X. Depuis le dernier chapitre général de l’IBP, en juillet 2012, les résultats de l’élection d’un nouveau supérieur général sont violemment contestés en interne. À tel point qu’un délégué du Saint-Siège a été nommé à la tête de l’IBP pour organiser une nouvelle élection, le 31 août prochain.

LES FRÈRES FRANCISCAINS DE L’IMMACULÉE SOUS SURVEILLANCE

Autre communauté traditionaliste sous surveillance du Saint-Siège, les Frères franciscains de l’Immaculée, qui ont vu nommer à leur tête un commissaire apostolique vendredi dernier, pour une durée indéterminée. Cet institut, né en 1970, avait décidé, en 2007, de privilégier la forme extraordinaire du rite romain. Le pape François a décidé que tout religieux de cette communauté devait désormais célébrer la liturgie selon le rite ordinaire de la forme romaine, l’usage de la forme extraordinaire devant être explicitement autorisé par les autorités compétentes.
Une décision qui vise à répondre à des problèmes spécifiques et à des tensions au sein des Frères franciscains de l’Immaculée, a précisé le P. Federico Lombardi, directeur de la Salle de presse du Saint-Siège, assurant qu’il ne s’agissait pas de contredire le motu proprio Summorum Pontificum libéralisant l’usage de l’ancien rite.
Clémence Houdaille
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Article de Chiron dans Aletheia de juillet 2013:

« Les Franciscains de l’Immaculée dans la tourmente »

Yves Chiron – Aletheia 204 – 31 juillet 2013


Le 2 avril 1970, à Frigento, près de Naples, dans un couvent, dédié à Notre-Dame du Bon Conseil, que les Franciscains conventuels voulaient fermer, naissait à l’initiative de deux religieux, les PP. Stefano M. Manelli et Gabriele M. Pelletieri, et avec l’accord de leurs supérieurs, un nouveau style de vie communautaire selon l’esprit franciscain sous le signe de la pauvreté, de la pénitence et de l’esprit marial. Aujourd’hui la Congrégation des Franciscains de l’Immaculée compte des centaines de membres sur tous les continents.

Il y a six ans, suite au motu proprio libérateur de Benoît XVI (promulgué le 7 juillet 2007), la congrégation commençait à adopter de manière habituelle – mais non obligatoire – le rite traditionnel de la messe.
Suite à une visite apostolique commencée il y a un an, la Congrégation pour les religieux (Congregatio pro Institutis vitae consecratae et Societatibus vitae apostolicae) a pris un décret plus qu’étonnant. Il est daté du 11 juillet dernier – mais le texte n’en a été connu que quelques jours plus tard. Ce décret nomme un Commissaire apostolique – qui appartient à l’ordre des Capucins – pour diriger les Franciscains de l’Immaculée jusqu’à la réunion de leur prochain Chapitre général et impose le rite ordinaire de la messe (rite de Paul VI) pour tous les membres de l’Institut, sauf autorisation expresse du Commissaire.
Cette double décision/sanction a beaucoup surpris d’autant plus qu’elle frappe une congrégation en pleine croissance et qui n’a pas été touchée par les scandales qu’ont connus d’autres congrégations. Le décret a reçu l’approbation formelle du pape François.
L’historien italien, et excellent vaticaniste, Sandro Magister a résumé en deux lignes, sur son site (Chiesa, 29 juillet 2013), l’événement du 11 juillet 2013 : « Sur un point névralgique – la messe selon le rite ancien –, Ratzinger en a permis la célébration à tous. Bergoglio l’a interdite à un ordre religieux qui la préférait ». La journaliste et écrivain italienne Cristina Siccardi a dramatisé encore davantage l’événement en publiant sur son site (Riscossa Cristiana, 31 juillet 2013) un article intitulé : «Les Franciscains de l’Immaculée sur la voie des martyrs des Saints de l’Eglise».
Plutôt que de commenter l’événement d’après d’autres commentaires, je crois utile de donner aux lecteurs français d’abord le texte même du décret de la Congrégation pour les religieux, puis les analyses d’un jeune historien italien de mes amis, Fabrizio Cannone, auteur de deux livres brillants (La democrazia in Giovanni Paolo II, Vérone, edizioni Fede e Cultura, Verona, 2008 et Pio IX. « Il Papa scomodo« , Milan, Ares, 2012)  et qui connaît bien, depuis dix ans, les Franciscains de l’Immaculée.
Y.C.
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[Yves Chiron – Aletheia] Entretien avec Fabrizio Cannone (Aletheia 204 – « Les Franciscains de l’Immaculée dans la tourmente »)

Fabrizio Cannone – Yves Chiron – Aletheia 204 (« Les Franciscains de l’Immaculée dans la tourmente ») – 31 juillet 2013

Entretien avec Fabrizio Cannone

1. Avant d’évoquer le décret du 11 juillet, pouvez-vous nous présenter brièvement la congrégation des Franciscains de l’Immaculée, ses origines et son apostolat ?

La Congrégation des Frères Franciscains de l’Immaculée a été fondée en 1970 par deux prêtres franciscains conventuels, le P. Stefano M. Manelli (né le 1er mai 1933 à Fiume, au nord-est de l’Italie) et le p. Gabriele M. Pellettieri (né le 11 juin 1940 à Vaglio di Basilicata, dans le sud). Cette congrégation a été approuvée, selon le droit diocésain, par l’archevêque de Benevento, Mgr Carlo Minchiatti, en 1990. Le 1er janvier 1998, par volonté de Jean-Paul II, elle a été reconnue de droit pontifical.
Dans l’histoire et les péripéties des différentes réformes franciscaines, leur particularité est d’avoir ajouté un 4e voeu aux trois voeux traditionnels de religion : le voeu dit de consécration illimitée à la Vierge Marie, suivant en cela le charisme marial de saint Maximilien Kolbe. Un autre élément typiquement ”kolbien” est le zèle pour la conversion des âmes et l’apostolat à 360 degrés : les Franciscains de l’Immaculée, qui aujourd’hui comptent environ 400 religieux dans plus de 50 maisons, ont fondé des stations de radio et de télévision dans différentes parties du monde, ils gèrent plusieurs sites internet et ils ont publié auprès de leur maison d’éditions, Casa Mariana Editrice, des dizaines d’ouvrages de spiritualité et de formation catholique.
Ils se signalent aussi par le nombre et la qualité de leurs publications périodiques, notamment Annales Franciscani (revue annuelle d’histoire et de spiritualité franciscaines), Immaculata Mediatrix (revue internationale de mariologie, qui oeuvre pour une définition dogmatique de la Corédemption de Marie), les Quaderni di Studi Scotisti (revue de philosophie et de théologie), et Il Settimanale di Padre Pio (revue de dévotion et d’apologétique).
Entre temps est née la branche féminine de l’institut, les Soeurs Franciscaines de l’Immaculée, érigée de droit pontifical la même année que les Frères (en 1998) et qui compte plus de 400 religieuses. En 2006 se sont agrégées aussi à l’Institut les Clarisses de l’Immaculée, qui ont trois couvents en Italie. Enfin certaines Soeurs de l’Immaculée ont aspiré à vivre dans une plus stricte clôture et ce rameau a sa maison-mère dans le monastère Santa Chiara delle Murate à Città di Castello, en Ombrie. Les laïcs qui veulent suivre le charisme franciscano-marial de la communauté sont regroupés dans une sorte de tiers-ordre, la MIM (Missione dell’Immacolata Mediatrice), qui est une Association publique de fidèles, organisée en cénacles et guidée par les prêtres de la congrégation. L’Institut dans ses branches masculine et féminine est présent sur tous les continents, mais plus particulièrement en Italie et aux Philippines.

2. Quelles sont les conséquences concrètes du décret du 11 juillet ?

Sur les conséquences concrètes du décret, un canoniste expert serait plus à même de répondre. On constate qu’il y a la volonté de retirer aux autorités actuelles, y compris au Supérieur général et fondateur, le P. Stefano M. Manelli, la direction de la congrégation. Un Commissaire a été nommé, il guidera la communauté jusqu’au Chapitre général qui se tiendra à Rome en 2014 et qui, certainement, renouvellera les charges internes à l’Institut, à partir de l’organe décisionnel le plus élevé qui est le Conseil Général. Lachose qui a stupéfait beaucoup de gens et qui a suscité le plus de commentaires est l’interdiction de célébrer la messe selon la forme extraordinaire du Rite romain, appelé aussi, dans le décret du 11 juillet, Vetus Ordo (”Ancien ordo”). Depuis le motu proprio Summorum Pontificum (2007), on pensait communément qu’une disposition aussi générale contre un droit reconnu aussi clairement ne pouvait plus être prise. Tous les amis de la communauté, que je connais et fréquente depuis 2003, savent qu’avant le motu proprio de Benoît XVI aucun prêtre de la congrégation ne célébrait la messe avec le Missel de 1962. Depuis la ”libération” de 2007, beaucoup, et même certainement la majeure partie des prêtres, des séminaristes et des soeurs de l’Institut ont commencé à apprécier la messe traditionnelle, la sentant profondément en harmonie avec le charisme propre de leur fondation, charisme qui est non seulement apostolique mais aussi ascéticopénitentiel.
Par ailleurs, les Franciscains de l’Immaculée, avec un grand équilibre, dans tous leurs couvents,sauf ceux de vie strictement contemplative (comme l’ermitage d’Amandola, dans les Marches), célèbrent habituellement, depuis 2007, sous les deux formes liturgiques. Aussi, la prohibition du rite traditionnel contenue dans le décret paraît étrange et insuffisamment motivée.

3. On dit que le décret aurait comme origine une dissension au sein de la congrégation des Franciscains de l’Immaculée. Est-ce exact ?

Il n’est pas facile de répondre, s’agissant de choses délicates et en partie secrètes. Je crois néanmoins savoir, à travers la large connaissance que j’ai de la communauté et en particulier de plusieurs prêtres qui ont des charges importantes dans l’Institut, que depuis un certain temps il y avait des divergences entre les membres de l’Institut. Des divergences essentiellement de deux types. D’abord, il y a eu des critiques toujours plus fortes contre le Fondateur et supérieur général, qui a eu depuis peu 80 ans, et que certainsjugent ne plus être en mesure de bien suivre les multiples activités et le développement de l’Institut.
Typiquement, comme souvent dans ce genre de situations, ce genre de critiques émane des plus jeunes qui doivent encore mûrir et qui ont grandi trop vite. Il n’est pas facile de contenter tout le monde et des limites dans le gouvernement, de la part du Conseil Général, ne sont pas à exclure a priori.
Mais je dois dire, en toute sincérité, qu’outre avoir assisté à des dizaines de messes célébrées par le P.Stefano, spécialement à l’occasion de la profession religieuse d’amis devenus frères dans la communauté, j’ai eu la grâce d’avoir avec lui, un long entretien spirituel, entre quatre yeux, il y a trois ans à Frigento, Maison-Mère de l’Ordre. Je le considère comme un saint homme, digne fils de Padre Pio, qu’il a bien connu, à qui il a servi la messe tant de fois, de qui il a reçu la Première Communion et qui, en somme, l’a acheminé dans la vie chrétienne et religieuse.
La seconde critique interne s’est fait jour après le motu proprio de 2007 : si la majorité des prêtres aaccepté le document et en a fait un large usage, toujours néanmoins en respectant la pastorale diocésaine, certains religieux ont vu d’un mauvais oeil cette supposée ”tridentinisation”, peut-être inattendue. La cause selon moi significative est que l’Institut est peut-être l’unique au monde, au moins parmi ceux qui ont une certaine importance numérique, à avoir voulu passer, au moins pour les célébrations internes à la communauté, à la liturgie traditionnelle : et cela, je le répète, à la plus grande joie du plus grand nombre des prêtres, simples frères, religieuses et laïcs du tiers-ordre. Signe qu’il devait exister et qu’il existe un lien entre leur spiritualité et la spiritualité typique du rite traditionnel. Certains prêtres n’ont pas accepté cette évolution, pourtant prévue par le texte même du motu proprio, et ont commencé une fronde contre le P. Manelli, contre le co-fondateur P. Gabriele et les autres membres du Conseil. D’où la visite canonique, le décret et la nomination d’un Commissaire.
4. Ce décret du 11 juillet, pris par la Congrégation pour les religieux, a été approuvé de manière spécifique par le pape François. Doit-on considérer que ce décret est la première rupture du pape François avec la politique suivie par son prédécesseur en matière liturgique ?
Les commentaires, objectivement, s’égarent et beaucoup émettent des hypothèses au moins téméraires.La chose qui me stupéfie est la suspension de fait du droit concédé à tout prêtre de célébrer la messe selon le rite traditionnel. Certes, dans le Droit canon existe la suspensio a divinis, mais elle a toujours été conçue comme une mesure punitive et individuelle. Quelle faute peut avoir commis une congrégation tout entière pour se voir retirer un droit acquis ? Je ne sais pas si cette mesure, vraiment stupéfiante au regard des fruits rares des Franciscains de l’Immaculée, peut être considérée comme le début d’une nouvelle politique en matière liturgique. Mais cette disposition, bien qu’elle soit conditionnelle puisqu’elle laisse la possibilité d’utiliser le rite traditionnel après en avoir obtenu l’autorisation du Commissaire lui-même, semble en contradiction avec la pratique liturgique et théologique pluraliste soit de la Tradition (qui a toujours admis une ample pluralité de rites), soit avec l’esprit du Concile, lequel demande, me semble-t-il, de ne pas punir et de ne censurer personne dans l’Église, si ce n’est en cas d’absolue nécessité. Et cette mesure semble une mesure de punition, en ce sens que l’éventuel gouvernement déficient des Supérieurs et le supposé manque de sensus Ecclesiae, sont des choses différentes et éloignées de la forme liturgique adoptée. Qui plus est,dans ce cas, on constate aussi les nombreux fruits de jeunes vocations.
Propos recueillis et traduits par Yves Chiron

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