Mgr Fellay et l’Année Sainte
publié dans nouvelles de chrétienté le 1 décembre 2015
Mgr Fellay s’exprime sur l’Année sainte
SOURCE – Riposte Catholique – 30 novembre 2015
Pourtant il y a eu des initiatives positives à l’occasion de ce synode. Tel le livre de onze cardinaux – après celui de cinq cardinaux l’an passé –, également l’ouvrage des prélats africains, celui des juristes catholiques, le vade-mecum de trois évêques…
Les initiatives heureuses qui sont apparues récemment en faveur de la défense du mariage et de la famille chrétienne donnent une lueur d’espoir. Il y a une réaction salutaire, même si tout n’est pas d’égale valeur. Espérons que cela soit le commencement d’un réveil dans toute l’Eglise qui conduise à un redressement et une conversion de fond.
Avant l’été, dans un sermon à Saint-Nicolas-du-Chardonnet, à Paris, Mgr de Galarreta disait que l’Eglise paraissait commencer à fabriquer des « anticorps » contre les propositions aberrantes qui sont faites par les progressistes au sujet du mariage, s’alignant sur les mœurs actuelles plutôt que de chercher à les redresser selon l’enseignement évangélique. Cette réaction au plan moral est bénéfique. Et comme la morale est intimement liée à la doctrine, cela pourrait être le début du retour de l’Eglise à sa Tradition. C’est l’objet de nos prières quotidiennes !
Il est vrai que, dans le climat actuel, l’appel à la miséricorde, prend trop facilement le pas sur l’indispensable conversion, qui réclame la contrition de ses fautes et l’horreur du péché, offense faite à Dieu. C’est ainsi que, comme je le déplorais dans la dernière Lettre aux amis et bienfaiteurs (n°84), le cardinal hondurien Maradiaga se fait l’écho complaisant d’une nouvelle spiritualité où la miséricorde est tronquée, coupée d’une nécessaire pénitence qui n’est presque jamais rappelée.
Cependant, en lisant de près les différents textes publiés au sujet de l’Année sainte, et notamment la bulle d’indiction du Jubilé, on voit que la pensée fondamentale de la conversion et de la contrition des péchés pour obtenir le pardon est présente. Malgré la référence à une miséricorde équivoque qui consisterait à rendre à l’homme plus sa « dignité incomparable » que l’état de grâce, le pape veut favoriser le retour de ceux qui ont quitté l’Eglise, et multiplie les initiatives concrètes pour faciliter le recours au sacrement de pénitence. Malheureusement, il ne se demande pas pourquoi tant de gens ont quitté l’Eglise ou ont cessé de pratiquer, et s’il n’y a pas un rapport avec un certain Concile, son « culte de l’homme » et ses réformes catastrophiques : l’œcuménisme débridé, la liturgie désacralisée et protestantisée, le relâchement de la morale, etc.
Dès lors, les fidèles attachés à la Tradition peuvent-ils sans risque de confusion prendre part au Jubilé extraordinaire décidé par le pape ? D’autant plus que cette Année de la miséricorde entend célébrer le 50eanniversaire de Vatican II qui aurait abattu les « murailles » où l’Eglise était enfermée…
Bien évidemment se pose la question de notre participation à cette Année sainte. Pour la résoudre, une distinction est nécessaire : les circonstances qui appellent une Année sainte ou jubilaire, et l’essence de ce qu’est une Année sainte.
Les circonstances sont historiques et liées aux grands anniversaires de la vie de Jésus, en particulier sa mort rédemptrice. Tous les cinquante ans ou même vingt-cinq ans, l’Eglise institue une Année sainte. Cette fois-ci, l’événement de référence pour l’ouverture du jubilé n’est pas seulement la Rédemption – le 8 décembre est forcément lié à l’œuvre rédemptrice commencée en l’Immaculée, Mère de Dieu –, mais aussi le concile Vatican II. Cela est choquant et nous le rejetons fortement, car nous ne pouvons pas nous réjouir mais bien plutôt pleurer sur les ruines occasionnées par ce Concile, avec la chute vertigineuse des vocations, la baisse dramatique de la pratique religieuse, et surtout la perte de la foi qualifiée d’ « apostasie silencieuse » par Jean-Paul II lui-même.
Toutefois ce qui fait l’essentiel d’une Année sainte, lui, demeure : c’est une année particulière où l’Eglise, sur décision du Souverain Pontife qui détient le pouvoir des clefs, ouvre tout grand ses trésors de grâces afin de rapprocher les fidèles de Dieu, spécialement par le pardon des fautes et la remise des peines dues au péché. L’Eglise fait cela par le sacrement de pénitence et par les indulgences. Ces grâces-là ne changent pas, elles sont toujours les mêmes, et seule l’Eglise, Corps mystique du Christ, en dispose. On peut également noter que les conditions pour obtenir les indulgences de l’Année sainte sont toujours les mêmes : confession, communion, prière aux intentions du pape – intentions traditionnelles et non intentions personnelles. Nulle part dans le rappel de ces conditions habituelles, il n’est question d’adhérer aux nouveautés conciliaires.
Lorsque Mgr Lefebvre est allé avec tout le séminaire d’Ecône à Rome, lors de l’Année sainte 1975, ce n’était pas pour célébrer les 10 ans du Concile, bien que Paul VI eût rappelé cet anniversaire dans la bulle d’indiction. Mais ce fut l’occasion de professer notre romanité, notre attachement au Saint-Siège, au pape qui – comme successeur de Pierre – a le pouvoir des clefs. A la suite de notre vénéré fondateur, au cours de cette Année sainte, nous nous concentrerons sur ce qui en fait l’essentiel : la pénitence pour obtenir la miséricorde divine par l’intermédiaire de son unique Eglise, malgré les circonstances que l’on a cru devoir invoquer pour célébrer cette année, comme ce fut le cas déjà en 1975, et encore en 2000.
On pourrait comparer ces deux éléments, l’essentiel et les circonstances, au contenu et à l’emballage qui l’entoure. Il serait dommageable de refuser les grâces propres à une Année sainte, parce qu’elle est présentée dans un emballage déficient, à moins de considérer que cet emballage n’altère le contenu, que les circonstances n’absorbent l’essentiel, et à moins que, dans le cas présent, l’Eglise ne dispose plus des grâces propres à l’Année sainte à cause des dégâts occasionnés par Vatican II. Mais l’Eglise n’est pas née il y a cinquante ans ! Et, par la grâce du Christ qui est « le même hier, aujourd’hui et éternellement » (Hb 13,8), elle demeure et demeurera, malgré ce Concile d’ouverture à un monde en perpétuel changement…