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Le cardinal Zen Ze-kium

publié dans regards sur le monde le 18 janvier 2016


Chine : Lucidité du cardinal Zen Ze-kiun sur la diplomatie vaticane

 

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Cardinal Joseph Zen Ze-kiun.

Eglises d’Asie (EDA), l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris, annonçait le 8 décembre 2015 que la Chine prépare un prochain sommet politique sur les religions. Depuis le dernier sommet du Parti communiste chinois consacré à la religion, en 2001, le nombre de Chinois pratiquant une religion a explosé. Selon les chiffres officiels chinois, la Chine compterait 100 millions de croyants, dont 6 millions de catholiques et 23 millions de protestants. En tenant compte des pratiquants des Eglises non enregistrées auprès des autorités, une étude américaine de l’institut de sondage Pew Research Center avançait en 2010 les chiffres de 58 millions de protestants et 9 millions de catholiques, avec une progression d’environ 10% par an.

En mars dernier, le directeur de l’Administration d’Etat pour les Affaires religieuses, Wang Zuo’an, avait expliqué qu’il était temps de réviser les règles administratives encadrant les religions, si possible dans le cours de l’année 2015. Dès le début 2015, Yu Zhengsheng, membre du Comité permanent du Bureau politique du Parti et successeur de Xi Jinping à la tête du Parti communiste de la ville de Shanghai, s’est rendu auprès des institutions religieuses des cinq religions officiellement autorisées (bouddhisme, islam, taoïsme, protestantisme et catholicisme) à Pékin, puis à Baoding, préfecture du Hebei, connue pour sa forte présence catholique. Enfin il a pris part à une réunion de la Commission pour les Affaires religieuses de la Conférence consultative politique du peuple chinois, deuxième Chambre du Parlement chinois. Dans une déclaration au mois de mai dernier, le président Xi Jinping a insisté sur la “sinisation” des religions en Chine. Le concept de “sinisation” des religions recouvre l’autonomie des religions par rapport à toute autorité étrangère, et l’adaptation de celles-ci aux valeurs “socialistes” du régime. Ces derniers mois, des séances de travail ont eu lieu dans la quasi-totalité des provinces du pays avec pour thème : Sinisation des religions et christianisme. Dans les provinces du Guizhou et du Shandong, les responsables catholiques “officiels” ont dû y prendre part début novembre, aussitôt après le passage à Pékin, du 11 au 16 octobre 2015, d’une délégation vaticane.

Le 11 janvier 2016, EDA a publié une lettre du cardinal Joseph Zen Ze-kiun, âgé de 84 ans et évêque émérite de Hongkong, parue sur son blog et datée du 31 décembre 2015. Mgr Zen y relate l’actualité de l’année écoulée sans langue de bois diplomatique: « Plus de mille croix ont été retirées du sommet des églises (et dans certains cas les églises elles-mêmes ont été démolies). Après autant de temps, nous ne pouvons plus nourrir l’illusion que cette campagne d’abattage des croix n’était qu’un excès de zèle exagéré de la part de quelque responsable local. Plusieurs séminaires ne fonctionnent plus. Les étudiants du Séminaire national de Pékin ont été contraints de signer une déclaration de fidélité envers l’Eglise indépendante, en s’engageant aussi à concélébrer la messe avec des évêques illégitimes (faute de quoi ils n’obtiendraient pas leur diplôme de fin d’études). Le gouvernement édifie peu à peu une Eglise qui est désormais objectivement séparée de l’Eglise catholique universelle. Par des propositions alléchantes ou bien par des menaces, il incite les membres du clergé à accomplir des actes allant à l’encontre de la doctrine et de la discipline de l’Eglise, en reniant leur conscience et leur dignité ».

Le 28 octobre dernier, le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’Etat du Saint-Siège, avait confirmé à la presse qu’une délégation vaticane – de six personnes de la Secrétairerie d’Etat et de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples – s’était rendue à Pékin du 11 au 16 octobre 2015 afin de négocier avec le gouvernement chinois. « C’est le P. Jeroom Heyndrickx qui a relayé la nouvelle, avec force détails. Il a affirmé, écrit le cardinal Joseph Zen Ze-kiun : ‘Certains problèmes sensibles n’ont pas été traités, comme celui de l’évêque de Baoding, Mgr Su Zhemin, encore en détention, ou celui de Mgr Ma Daquin, évêque de Shanghai assigné à résidence depuis plus de trois ans’ (Mais ces problèmes ne devraient-ils pas être résolus avant toute négociation ? Dans le cas contraire, on ne peut certainement pas affirmer que Pékin fasse preuve de bonne volonté). ‘Les parties se sont concentrées sur le problème de la nomination des évêques’ (Sur quel modèle ? Comme à Anyang ? où ce processus comprend “l’élection démocratique”, la lecture du “décret de nomination de la part de la prétendue Conférence épiscopale chinoise” et le statut canonique flou d’un évêque co-consécrateur). ‘Après cette rencontre, la délégation a rendu visite à l’évêque de Pékin, Mgr Li Shan, et au Séminaire national où ils ont rencontré Mgr Ma Yinglin’ (Le P. Heyndrickx soutient qu’il s’agit là de signes de la bonne volonté de la part de Pékin ; je pense en revanche qu’il s’agissait des hommages imposés par Pékin). »

Enfin le cardinal Joseph Zen Ze-kiun confie toute l’inquiétude que lui inspirent les relations diplomatiques de la secrétairerie d’Etat avec Pékin : « Nos communautés clandestines sont comme inexistantes aux yeux du gouvernement. Mais le Vatican lui-même ne les prend pas en compte dans les négociations. Pour accéder à une requête de la partie chinoise ? Pour ‘sauver la situation’, on devrait abandonner ces frères et sœurs ? Mais ils sont les membres sains de l’Eglise ! ». Le cardinal rappelle que « début septembre, certains fidèles de Shanghai qui ont passé beaucoup de temps en prison sont allés en pèlerinage à Rome, accompagnés de leurs proches, pour commémorer le 60e anniversaire du début de la Grande persécution, le 8 septembre 1955. On leur a dit alors : ‘Ne vous faites pas trop entendre, le passé c’est le passé, regardons vers l’avant !’ ». Et d’ajouter : « Ce qui m’inquiète, c’est de voir notre illustre secrétaire d’Etat encore grisé par le miracle de l’Ostpolitik. L’année dernière, dans un discours d’hommage au cardinalCasaroli, il saluait le fait que son prédécesseur ait réussi à garantir l’existence de la hiérarchie catholique dans les pays communistes de l’Europe de l’Est. Il a déclaré : ‘Dans le choix des candidats à l’épiscopat, choisissons des pasteurs et non pas des personnes qui s’opposent systématiquement au régime, qui se comportent comme des gladiateurs, qui aiment s’exhiber sur la scène politique’. Je m’interroge : qui le cardinal Parolin avait-il en tête lorsqu’il a fait cette description ? Je crains qu’il ne pensât au cardinalWyszynski, au cardinal Mindszenty, au cardinal Beran. Mais ce sont ces derniers qui sont les héros qui ont défendu la foi de leur peuple avec courage ! (…) Les enfants innocents ont été tués, l’ange a dit à Joseph de conduire son fils et Marie en lieu sûr. Aujourd’hui, en revanche, nos diplomates conseilleraient peut-être à Joseph d’aller tenter de dialoguer avec Hérode !?

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