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Entraide et Tradition

Le Cardinal Sarah et le Saint Sacrifice de la messe, son orientation, ses traductions

publié dans nouvelles de chrétienté le 27 mai 2016


Cardinal Sarah : comment remettre Dieu au cœur de la liturgie

ARTICLE paru dans  Famille Chrétienne du  23/05/2016 | Numéro 2002 | Par Aymeric Pourbaix

Cardinal Robert Sarah capture écran 3 minutes en vérité

 

 

EXCLUSIF MAG – Le cardinal Robert Sarah, préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, appelle à une grande réflexion sur l’eucharistie. Et invite prêtres et fidèles à se tourner vers l’Orient, le Christ.

Il y a quelques semaines, vous avez émis le souhait de voir « remis au centre le sacrement des sacrements », c’est-à-dire l’eucharistie. Pour quelle raison ?

Je souhaite engager une grande réflexion sur cette question, afin de remettre l’eucharistie au centre de notre vie. Je constate que beaucoup de nos liturgies deviennent des spectacles. Souvent, le prêtre ne célèbre plus l’amour du Christ à travers son sacrifice, mais une rencontre entre amis, un repas convivial, un moment fraternel. En cherchant à inventer des liturgies créatives ou festives, nous courons le risque d’un culte trop humain, à la hauteur de nos désirs et des modes du moment. Peu à peu, les fidèles s’éloignent de ce qui nous donne la Vie. Pour les chrétiens, l’eucharistie, c’est une question de vie ou de mort !

Comment remettre Dieu au centre ?

La liturgie est la porte de notre union à Dieu. Si les célébrations eucharistiques se transforment en autocélébrations humaines, le péril est immense, car Dieu disparaît. Il faut commencer par replacer Dieu au centre de la liturgie. Si l’homme en est le centre, l’Église devient une société purement humaine, une simple ONG, comme l’a dit le pape François. Si, à l’inverse, Dieu est au cœur de la liturgie, alors l’Église retrouvera sa vigueur et sa sève ! « Dans notre rapport avec la liturgie se joue le destin de la foi et de l’Église », écrivait de manière prophétique le cardinal Joseph Ratzinger.

Quel remède recommandez-vous ?

La reconnaissance de la liturgie comme œuvre de Dieu suppose une vraie conversion du cœur. Le concile Vatican II insistait sur un point majeur : dans ce domaine, l’important n’est pas ce que nous faisons, mais ce que Dieu fait. Aucune œuvre humaine ne pourra jamais réaliser ce qui se trouve au cœur de la messe : le sacrifice de la croix.

La liturgie nous permet de sortir des murs de ce monde. Retrouver la sacralité et la beauté de la liturgie requiert donc un travail de formation pour les laïcs, les prêtres et les évêques. Il s’agit d’une conversion intérieure.

Pour remettre Dieu au centre de la liturgie, il faut aussi le silence : cette capacité de se taire pour écouter Dieu et sa parole. J’affirme que nous ne rencontrons Dieu que dans le silence et l’approfondissement de sa parole dans les profondeurs de notre cœur.

Comment faire concrètement ?

Se convertir, c’est se tourner vers Dieu. Je suis profondément convaincu que nos corps doivent participer à cette conversion. Le meilleur moyen est certainement de célébrer – prêtres et fidèles – tournés ensemble dans la même direction : vers le Seigneur qui vient. Il ne s’agit pas, comme on l’entend parfois, de célébrer le dos tourné aux fidèles ou face à eux. Le problème n’est pas là. Il s’agit de se tourner ensemble vers l’abside qui symbolise l’Orient où trône la croix du Seigneur ressuscité.

Par cette manière de célébrer, nous expérimenterons, jusque dans nos corps, la primauté de Dieu et de l’adoration. Nous comprendrons que la liturgie est d’abord notre participation au sacrifice parfait de la croix. J’en ai fait personnellement l’expérience ; en célébrant ainsi, l’assemblée, avec le prêtre à sa tête, est comme aspirée par le mystère de la croix au moment de l’élévation.

Mais cette manière de faire est-elle autorisée ?

Elle est légitime et conforme à la lettre et à l’esprit du Concile. En tant que préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, je tiens à rappeler que la célébration versus orientem est autorisée par les rubriques du Missel, qui précisent les moments où le célébrant doit se retourner vers le peuple. Il n’est donc pas besoin d’autorisation particulière pour célébrer face au Seigneur. Ainsi, dans une tribune publiée par L’Osservatore Romano, en juin 2015, j’ai proposé que les prêtres et les fidèles se tournent vers l’Orient au moins pendant le rite de la pénitence, pendant le chant du Gloria, les oraisons et la prière eucharistique.

Dans l’esprit de beaucoup, le changement d’orientation de l’autel est lié à Vatican II. Est-ce vrai ?

Plus de cinquante ans après la clôture de Vatican II, il devient urgent que nous lisions ses textes ! Le Concile n’a jamais demandé de célébrer face au peuple ! Cette question n’est pas même abordée par la constitutionSacrosanctum concilium… Bien plus, les Pères du Concile voulaient souligner la nécessité pour tous d’entrer en participation du mystère célébré. Dans les années qui ont suivi Vatican II, l’Église a cherché les moyens de mettre en œuvre cette intuition.

Ainsi, célébrer face au peuple est devenu une possibilité, mais pas une obligation. La liturgie de la Parole justifie le face-à-face du lecteur et des auditeurs, le dialogue et la pédagogie entre le prêtre et son peuple. Mais dès que nous arrivons au moment où l’on s’adresse à Dieu – à partir de l’offertoire –, il est essentiel que le prêtre et les fidèles se tournent ensemble vers l’Orient. Cela correspond tout à fait à ce qu’ont voulu les Pères conciliaires.

Je crois qu’il faut revenir au texte du Concile. Certaines adaptations à la culture locale n’ont probablement pas été assez mûries. Je pense à la traduction du Missel romain. Dans certains pays, des éléments importants ont été supprimés, notamment au moment de l’offertoire. En français, la traduction de l’Orate fratres a été tronquée. Le prêtre devrait dire : « Priez mes frères pour que mon sacrifice qui est aussi le vôtre soit agréable à Dieu le Père tout-puissant. » Et les fidèles de répondre : « Que le Seigneur reçoive de vos mains ce sacrifice pour la louange et la gloire de son nom, pour notre bien et celui de toute sa sainte Église. » À l’audience qu’il m’a accordée, le samedi 2 avril, le pape m’a confirmé que les nouvelles traductions du Missel romain doivent impérativement respecter le texte latin.

Que faites-vous de la participation des fidèles ?

La participation des fidèles est primordiale. Elle consiste avant tout à se laisser entraîner à la suite du Christ dans le mystère de sa mort et de sa résurrection. « On ne va pas à la messe pour assister à une représentation. On y va pour participer au mystère de Dieu », a rappelé le pape François tout récemment. L’orientation de l’assemblée vers le Seigneur est un moyen simple et concret de favoriser une vraie participation de tous à la liturgie.

La participation des fidèles ne saurait donc être comprise comme la nécessité de faire « quelque chose ». Sur ce point, nous avons déformé l’enseignement du Concile. Au contraire, il s’agit de laisser le Christ nous prendre, et nous associer à son sacrifice. Seul un regard trempé dans une foi contemplative nous gardera de réduire la liturgie à un spectacle où chacun aurait un rôle à jouer. L’eucharistie nous fait entrer dans la prière de Jésus et dans son sacrifice, car Lui seul sait adorer en esprit et en vérité.

Quel sens l’Église donne-t-elle à cette question de l’orientation ?

D’abord, nous ne sommes pas les seuls à prier de manière orientée. Le Temple juif et les synagogues ont toujours été orientés. En retrouvant cette orientation, nous pourrons repartir vers nos origines. Je constate aussi que des non chrétiens, les musulmans en particulier, sont orientés pour prier.

Pour nous, la lumière, c’est Jésus Christ. Toute l’Église est orientée vers le Christ. Ad Dominum. Une Église refermée sur elle-même en un cercle clos aurait perdu sa raison d’être. Pour être elle-même, l’Église doit vivre face à Dieu. Notre point de référence, c’est le Seigneur ! Nous savons qu’Il a vécu avec nous et qu’Il est reparti vers le Père sur le mont des Oliviers, situé à l’est de Jérusalem. Et qu’Il reviendra de la même manière. Rester tournés vers le Seigneur, c’est L’attendre chaque jour. Il ne faudrait pas que Dieu se plaigne constamment : « Ils tournent vers moi leur dos au lieu de tourner vers moi leur visage ! » (Jr 2, 27). […]

« Mourir dans l’eucharistie »

« À la messe, nous sommes d’abord présents pour Dieu. Si nous ne tournons pas notre regard de manière radicale vers Dieu, notre foi deviendra tiède, vagabonde et incertaine. Quand j’étais enfant de chœur, j’observais avec attention la délicatesse et la ferveur avec lesquelles les missionnaires célébraient leurs messes. Grâce à eux, j’ai compris que, quand le prêtre dit : “Il est grand le mystère de la foi”, il ne s’agit pas d’une formule !

Sans la foi, que peut signifier l’eucharistie ? Souvenez-vous que beaucoup de disciples ont quitté Jésus au moment où Il leur a dit : “Je vous donne mon corps à manger. ” Aujourd’hui encore, beaucoup Le lâchent…

Ils sont présents physiquement à la messe, mais leur foi est défaillante, affaiblie par le manque de ferveur de notre temps et le paganisme de nos sociétés. C‘est la foi qui introduit les hommes dans le mystère de Dieu qui aime jusqu’à la mort.

Et je meurs aussi dans chaque eucharistie, comme le dit saint Paul : « Je meurs chaque jour » (Rm 15). Si nous mourons dans l’eucharistie, nous savons que c’est pour avoir la vie nouvelle. La messe doit être précédée par une vie de prière intense à la maison.

La célébration de l’eucharistie sera dense si chaque chrétien cultive une profonde intériorité et une intense vie de prière quotidienne.  »

Le cardinal Robert Sarah

 

Aymeric Pourbaix

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Ce qui fait dire à Riposte Catholique du 26 mai 2016:

 

Quel évêque suivra la recommandation du cardinal Sarah ?

 

C’est une bombe que vient de lancer Famille chrétienne en interrogeant le cardinal Robert Sarah,  préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements. Celui-ci plaide en effet pour une réorientation de la sainte messe, tournée, prêtre comme fidèles, vers l’Orient. Il explique notamment :

Se convertir, c’est se tourner vers Dieu. Je suis profondément convaincu que nos corps doivent participer à cette conversion. Le meilleur moyen est certainement de célébrer – prêtres et fidèles – tournés ensemble dans la même direction : vers le Seigneur qui vient. Il ne s’agit pas, comme on l’entend parfois, de célébrer le dos tourné aux fidèles ou face à eux. Le problème n’est pas là. Il s’agit de se tourner ensemble vers l’abside qui symbolise l’Orient où trône la croix du Seigneur ressuscité.

Par cette manière de célébrer, nous expérimenterons, jusque dans nos corps, la primauté de Dieu et de l’adoration. Nous comprendrons que la liturgie est d’abord notre participation au sacrifice parfait de la croix. J’en ai fait personnellement l’expérience ; en célébrant ainsi, l’assemblée, avec le prêtre à sa tête, est comme aspirée par le mystère de la croix au moment de l’élévation.

Tout l’entretien est à lire. Dans la suite du cardinal Ratzinger, le cardinal Sarah explique que la liturgie, le mystère, le sens du saint sacrifice, la prière, …, tout doit orienter le prêtre à célébrer vers Dieu, qui est le principal acteur de l’action liturgique, entraînant derrière lui les fidèles.

De nombreux prêtres, jeunes et décomplexés, ont salué ces propos. Les suivront-ils ? C’est une bonne question. Mais Perepiscopus s’interroge : quel évêque français reprendra à son compte les propos du cardinal de la Sainte Eglise ? Le cardinal préfet de la liturgie sera-t-il écouté par les évêques de France ? Et si oui, par combien ? …

maximilienbernard@perepiscopus.org

 

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Je réponds: peu sans doute d’autant que les évêques de France sont en conflit avec le cardinal Sarah pour les traductions liturgiques. C’est le journal « la Croix » qui nous l’apprend 

Bataille entre les évêques et la Congrégation pour le culte divin

 

Alors que le cardinal Sarah plaide dans l’hebdomadaire français Famille chrétienne pour la célébration orientée de la messe, La Croixrelate le conflit entre l’épiscopat francophone et la Congrégation présidée par le cardinal Sarah.

A l’origine de ce conflit, la nouvelle traduction du Missel romain, prévue initialement pour le premier dimanche de Carême 2017, mais qui sera vraisemblablement reportée à l’Avent 2017. On ne compte plus les reports de cette entrée en vigueur. Le Missel date de 2002, cette comédie de traduction traîne donc depuis 15 ans… Les anglophones ont publié leur traduction en 2011. Officiellement,  nos évêques expliquent que l’Avent est  est une date plus pratique pour les éditeurs qui n’auraient à sortir un missel unique pour l’année 2017-2018.

Dans la réalité, la Congrégation pour le culte divin refuse (encore) d’accorder sa recognitio au texte. Une première traduction avait déjà été refusée par Rome en 2007. Mais depuis le pape a changé et, sans doute, certains évêques francophones se sont dit que la nouvelle curie ne poserait plus d’opposition. C’est sans compter sur la cardinal Sarah.

En mars 2016, l’assemblée de la Conférence des évêques de France a voté un texte, « laissant à la Commission épiscopale francophone pour les traductions liturgiques le soin d’apporter les dernières mises au point du texte ». Dans les autres conférences épiscopales francophones (Suisse, Canada, Belgique) l’opposition serait plus forte.

Rome a formulé des exigences sur un certain nombre de points. En cause, l’instruction romaine Liturgiam authenticam de 2001 qui exige que le texte latin soit

« traduit intégralement et très précisément, c’est-à-dire sans omission ni ajout, par rapport au contenu, ni en introduisant des paraphrases ou des gloses ».

Mgr Bernard-Nicolas Aubertin, archevêque de Tours, achève son mandat de président de la commission liturgique de la CEF le 1er juillet prochain… Il voulait terminer ce dossier avant de partir. Y parviendra-t-il ? Le 7 avril, la présidence des évêques de France devait aborder le sujet avec le pape François… et court-circuiter le cardinal Robert Sarah, préfet de la Congrégation pour le culte divin.

D’où la réaction de ce dernier dans Famille chrétienne, dans lequel il précise :

« À l’audience qu’il m’a accordée, le samedi 2 avril, le pape m’a confirmé que les nouvelles traductions du Missel romain doivent impérativement respecter le texte latin ».

En Allemagne, les évêques ont refusé en 2013 le travail de la commission imposée par Benoît XVI. La traduction en espagnol serait au point mort tandis que les évêques italiens renâclent.

Depuis le début de l’année, le site Il Sismografo, proche de Radio Vatican ne cesse de publier de longs articles d’Andrea Grillo, professeur de liturgie à l’Université pontificale Saint-Anselme, attaquant Liturgiam authenticam, notamment en ce que ce texte empêche toute inculturation de la liturgie. Le vieux progressisme liturgique a la vie dure et a repris du poil de la bête.

Un évêque français déclare à La Croix :

« c’est tout de même étonnant que, à l’heure où le pape insiste tant sur l’inculturation et la synodalité, un texte voté par 120 évêques français soit ainsi bloqué par un seul cardinal ».

Et voilà : le cardinal Sarah est dans l’oeil du cyclone et se retrouve accusé de s’opposer au Pape. Alors que ce sont nos évêques qui, depuis bien longtemps, s’opposent au Souverain Pontife sur ce sujet.

Revue-Item.com

 

 

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