Le 8 septembre : de la Nativité de Notre Dame (1)
publié dans la doctrine catholique le 11 octobre 2016
Le 8 septembre
De la Nativité de la Vierge Marie (1)
Tous les hymnes de cette fête de la Nativité de Notre Dame sont pris du commun des fêtes de la Vierge Marie.
Or l’hymne des première et deuxième Vêpres de cette fête, pris au « Commun des fêtes de la Sainte Vierge » est l’hymne : « Ave, maris stella, Dei Mater alma… ». Nous l’avons déjà commenté lors de la fête de la Maternité divine de Notre Dame. Nous vous y renvoyons.
Il en est de même pour l’hymne des Matines et de Laudes. Ceux-là, nous ne les avons pas encore trouvés dans notre cheminement à travers les fêtes de La Vierge dans le Bréviaire romain. Il nous faut nous y arrêter et les commenter.
Hymne des Matines
Ière strophe.
Quem terra, pontus, sidera colunt, adorant, praedicant, Trinam regentem machinam, claustrum Mariae bajulat
Celui que la terre, la mer et les astres vénèrent, adorent et proclament, qui gouverne ce triple monde, Marie le porte en son sein.
Cette strophe exprime la particulière grandeur de Notre Dame. Sa Maternité divine en est la raison. Elle porte en son sein celui qui a créé toutes choses, « l’univers visible et invisible », la terre et le ciel, les Anges et les hommes et qui les gouverne dans sa Providence et qui est « chanté » par tout l’univers. Quelle chose étonnante, merveilleuse ! « Elle le porte en son sein ». « Claustrum Mariae bajulat »
Arrêtons-nous sur les mots choisis par notre saint auteur.
« Elle le porte en son sein ». En latin c’est beaucoup plus fort, beaucoup plus expressif : « claustrum Mariae bajulat ». « Elle le porte enfermé ». « Claustrum » vient de « claudere » qui veut dire précisément : « fermer, enfermer » : elle le porte (bajulat) enfermé en son sein. « Claustra claustrorum » est un mot très fort. Il veut dire tout ce qui sert à fermer : « clef, verrou ; tout lieu fermé : cage, enceinte de forteresse ». Il a donné en français le mot « clôture », « cloitre ». Ainsi Celui, qui dirige l’Univers, a consenti, pour notre salut, à se faire « infans », à s’enfermer dans le sein de Marie, véritable clôture pour le Verbe, pour Celui qui a tout fait. Quel mystère ! Mais aussi quelle gloire pour Marie !
C’est sur ce point qu’il faut insister. Il y a un tel contraste. Celui, qui est le Maître de l’Univers, n’a pas craint de se faire « petit », « infans », « muet ». C’est le sens même du mot « infans » : « Infans » veut dire – il ne faut pas craindre de faire sonner les mots ; la grandeur du Mystère n’en parait que plus beau – « Infans » veut dire « qui ne parle pas ». Vous vous rendez compte ! Celui qui est le Verbe, et qui a créé l’Univers d’une Seul parole, c’est fait dans ce Mystère de l’Incarnation, en Marie, « celui qui ne parle pas, qui est incapable de parler, sans éloquence : « Infans ». Quel contraste !
Et pour bien le montrer, notre auteur insiste fortement sur la Majesté du Créateur. Il est « le tout puissant ». Il peut tout faire. Il a la science de tout, tout est soumis à son empire et à sa volonté. Rien ne lui est impossible. Il est le Créateur de tout. Il n’a pas formé le monde avec une matière préexistante, Il l’a tiré du néant, sans nécessité, ni contrainte, librement et de son plein gré. Le seul motif qui l’ait déterminé à l’œuvre de la création, c’est sa bonté qu’il voulait répandre sur les êtres qu’Il allait produire. « Il a dit et tout a été fait : il a ordonné et tout a été créé » (Ps 148 5) « le terre et le ciel et tout ce qui l’habite » Et Celui qui a tout créé, gouverne aussi toutes ces choses. « Trinam regentem machinam ». « machinam » qui vient du grec et qui veut dire « toutes ses inventions », j’aimerais traduire volontiers, toute cette « machinerie ». Il gouverne « la terre la mer et les astres ». « terra, pontus sidera ». Mieux Il est le Roi. Le Souverain. « Rex ». « Trinam regentem machinam ». Et à ce titre, en toute justice, tout l’univers, le « vénère, l’adore et le proclame » « Quem terra, pontus, sidera colunt, adorant, praedicant ». « Colunt » de « colere » qui veut dire : cultiver, s’occuper de, pratiquer. C’est l’agriculteur qui cultive son champ. Au figuré, c’est le sujet qui honore son Dieu, le respecte, le « chérit ». Telle est l’attitude de toute créature vis-à-vis de son Dieu. Il faut bien être une génération de dévoyés par « oublier Dieu, ne plus s’en occuper, ne plus le pratiquer ». Notre auteur précise encore : « adorant » et « praedicant » : elle « l’adore » et « le proclame ». Ces sont les actes même du vrai culte : l’adoration, la louange, elle le célèbre. C’est ce que dit l’Ecriture Sainte, dans de nombreux Psaumes, ceux particulièrement que le clergé chante le dimanche matin à Laudes : « benedicite, omnia opera Domini, Domino : laudate et superexaltate eum in saecula : « Ouvrages du Seigneur, bénissez tous le Seigneur ; louez-le et exaltez-le dans tous les siècles », « Benedicite, Angeli Domini, Domino ; benedicite, caeli, Domino », « Anges du Seigneur, bénissez le Seigneur ; Cieux bénissez le Seigneur… », « Soleil et lune, bénissez le Seigneur ; étoiles du ciel, bénissez le Seigneur…. ». C’est dans Daniel 3 57-88. Sur ce thème on pourrait aussi citer le Psaume 148 et bien d’autres.
C’est celui-ci, ainsi magnifié, qui s’enferme dans le sein de Marie après la parole de Marie : « Qu’il me soit fait selon votre parole ». « Claustrum Mariae bajulat ».
C’est merveilleux, vous dis-je. Comment ne pas être ému devant ce mystère ? Et adorer le Créateur qui, pour notre salut, ne craint pas de se faire homme. « Il vous est né aujourd’hui, dans la ville de David, un Sauveur qui est le Christ Seigneur » (Lc 2 11)
2ème strophe
« Cui luna, sol, et omnia deserviunt per tempora, perfusa caeli gratia gestant puellae viscera »
« Celui à qui la lune, le soleil et toutes choses obéissent en tous temps, est porté par les entrailles d’une vierge fécondes par la grâce céleste »
C’est la fidèle transcription du récit évangélique, de la parole de l’Ange Gabriel, l’Ange de l’Annonciation : « L’Ange étant entré chez elle lui dit : « Je vous salue, pleine de grâce ; le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre les femmes…Ne craignez pas, Marie, car vous avez trouvé grâce devant Dieu. Voici que vous concevrez en votre sein, et vous enfanterez un fils et vous lui donnerez le nom de Jésus. Il sera grand, on l’appellera le Fils du Très Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il règnera éternellement sur la maison de Jacob et son règne n’aura pas de fin… » « Comment cela se fera-t-il… ?L’Esprit Saint viendra sur vous et la vertu du Très Haut vous couvrira de son ombre. C’est pourquoi l’être saint qui naitra de vous sera appelé Fils de Dieu »… « Marie dit à l’Ange : voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole » (Lc 1 1 293).
C’est ce que dit notre auteur : « perfusa caeli gratia » : « perfusa » c’est le participe passé de « perfundere » qui veut dire « couvrir » : « couverte de la grâce céleste ». Saint Luc utilise le mot : « obumbrare » : « virtus Altissimi obumbrabit tibi », il dit même : « Spiritus Sanctus super veniet in te ». Le « perfundere » de notre auteur exprime parfaitement cette action de l’Esprit Saint pour réaliser le mystère de l’Incarnation.
Et quel langage réaliste ! « gestant puellae viscera » : « les entrailles « viscera » de l’enfant « puellae » portent le Roi de l’univers.
Remarquons tout d’abord le terme de « puella » pour désigner la Vierge, la jeunesse de la Vierge. C’est une expression qui se veut en plus très tendre, très affectueuse.
Et notre auteur insiste de nouveau sur la Majesté de Celui que porte les « entrailles de la jeune Vierge » : c’est « Celui à qui la lune, le soleil et toutes choses obéissent en tous temps », « Cui luna, sol, et omnia deserviunt per tempora ». Le verbe latin « deservire » commande le datif « Cui » et exprime un service absolu : « se consacrer entièrement à quelqu’un », « être au service de… ». D’où le mot français de « serviteur ». Ainsi de la création vis-à-vis de son Maître ! Ainsi de Notre Dame : « Je suis la servante du seigneur ».
3ème strophe
Beata Mater munere, Cujus supernus Artifex Mundum pugillo continens, Ventris sub arca clausus est »
« Mère bienheureuse, par un tel don, le Créateur céleste qui porte le monde en sa main, est enfermé dans l’arche de son sein ».
C’est la même idée qui est ici encore reprise et exprimée, mais avec quel réalisme. J’en suis « estomaqué ». « Munere » de « munus ». C’est le mystère de l’Incarnation qui est ici sous-entendu. Il le définit du juste mot : « c’est une faveur, c’est une grâce, c’est un bienfait, c’est même un cadeau, un présent ». Cette Incarnation n’est nullement méritée. Elle est un pur don de Dieu, indépendant de nos mérites. C’est l’enseignement de saint Paul : comment mériter cette Incarnation : « alors que nous étions encore pécheurs, le Christ pour nous est mort ».
Ce don, ce « munus », qui est aussi « une charge » « une responsabilité » – il en va toujours ainsi dans les œuvres de Dieu – rend Notre Dame, évidemment bienheureuse : « beata mater ». Notre Dame confessera cette béatitude devant sa cousine Elizabeth, en sa demeure, en son Magnificat : « Mon âme glorifie le Seigneur Et mon esprit trésaille de joie (exultavit) en Dieu, mon Sauveur, Parce qu’il a jeté les yeux sur la bassesse de sa servante. Voici en effet que désormais toutes les générations me diront bienheureuse. (beata). Parce qu’Il a fait en moi de grandes choses, Celui qui est puissant » (Lc 1 47-49)
C’est bien, à n’en pas douter un seul instant, l’Incarnation qui est la raison de l’exultation de joie de Notre Dame.
Et ce don lui est bien propre. Il lui est réservé. C’est pourquoi l’Ange lui dit qu’ « elle est bénie entre toutes les femmes » ; « Il s’est enfermé dans l’arche de son sein » « Ventris sub arca clausus est ». Et quel réalisme dans l’expression ! Nous avons déjà donné le sens de l’expression « clausus est ».
Mais quel est précisément ce don, ce « munus » ? C’est « le Créateur céleste qui porte le monde ». En latin c’est beaucoup plus expressif. On y peut rien, toute traduction est un affaiblissement de sens, voire une trahison !. Nous avons exactement : « supernus Artifex Mundum pugillo continens ». « Supernus Artifex ». « Artifex » : c’est l’artisan, c’est le créateur, l’auteur. Mais ce mot se décompose en « ars-facere ». Or le mot « ars » veut dire « talentueux », ingénieux, habile. Tel est le Créateur qui a fait les « choses d’en haut « supernus », les choses d’en haut, les choses du Ciel. « Supernus Artifex » : le créateur du Ciel. Mais celui-ci n’a pas fait seulement, avec ars et beauté – ô combien – les choses du Ciel, il porte également le monde. Il le maintient dans l’être. Il est Provident. Mais il ne faut pas oublier le petit mot : « pugillo » – « pugil – pugilis » qui veut dire lutteur au pugilat, combat à coup de poing, lutteur. Ainsi ce Créateur conserve-t-il, dans la lutte, le monde. Le traducteur de cette strophe traduit « pugillo », « en sa main ». C’est une traduction plus douce…mais moins évocatrice et réaliste.
Tel est Celui qui est donné à la Vierge Mère. Quel honneur pour la Vierge. C’est ce qu’a parfaitement compris Elizabeth, sa cousine lorsqu’elle confesse accueillant Marie, en sa maison : « Vous êtes bénie entre les femmes, et le fruit de vos entrailles est béni. Et d’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne à moi ? » Elle comprend tout l’honneur de cette visite et cet honneur vient de la grandeur de notre Dame qui est la Mère du Seigneur !
4ème strophe
« Beata caeli nuntio, Faecunda Sancto Spiritu, desideratus gentibus Cujus per alvum fusus est »
« Bienheureuse par le céleste message, féconde par le Saint Esprit, le désiré des nations, par ses entrailles nous a été donné »
Notre auteur insiste de nouveau sur la béatitude de notre Dame. Cette « joie » a pour raison le « céleste message » que lui porte l’Ange Gabriel envoyé de Dieu. C’est Saint Luc qui le note : « Au sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé de Dieu dans une ville… ». Il faut retenir cette insistance de l’auteur et dire : qui vit de cette annonce angélique, ne peut pas ne pas être dans la joie et la béatitude. Qu’on se le dise !
« Féconde par l’Esprit Saint » : comment en douter après les paroles de l’Ange : « l’Esprit Saint viendra sur vous et la Vertu du Très Haut vous couvrira de son ombre, c’est pourquoi l’être saint qui naîtra de vous sera appelé Fils de Dieu » (Lc 1 35-37)
Ou mieux encore, les paroles de saint Mathieu, plus expressives : « La naissance de Jésus-Christ arriva ainsi. Marie, sa Mère étant fiancée à Joseph, il se trouva, avant qu’ils eussent habité ensemble, qu’elle avait conçu par la vertu du Saint Esprit. Joseph, son mari, qui était un homme juste, ne voulant pas la diffamer, résolut de la renvoyer secrètement. Comme il était dans cette pensée, voici qu’un Ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne craint point de prendre avec toi Mari, ton épouse, car ce qui est formé en elle est l’ouvrage du Saint Esprit. Et elle enfantera un Fils et tu lui donneras le nom de Jésus car il sauvera son peuple de ses péchés ». Or tout cela arriva afin que fut accompli ce qu’avait dit le Seigneur par le Prophète : « Voici que la Vierge concevra et enfantera un fils et on le nommera Emmanuel, c’est-à-dire Dieu avec nous ». (Mt 1 19-23)
Ainsi Nous croyons et faisons profession de croire que Jésus-Christ, Notre Seigneur, le Fils unique de Dieu, en prenant pour nous et pour notre salut un corps humain dans le sein d’une Vierge, n’a pas été conçu comme les autres hommes, humainement, mais par une intervention surnaturelle, par la vertu seule du Saint Esprit. De sorte que la même personne demeurant Dieu, comme elle l’était de toute éternité, est devenu homme ce qu’elle n’était pas auparavant.
« C’est l’enseignement même du Saint Concile de Constantinople: « Jésus-Christ, dit-il, est descendu des cieux pour nous autres hommes, et pour notre salut ; Il s’est incarné dans le sein de la Vierge Marie, par le Saint-Esprit, et Il s’est fait homme ».
C’est également l’enseignement de Saint Jean l’Évangéliste : Après avoir déclaré la nature du Verbe divin en ces termes: Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu, il termine par ceux-ci: et le Verbe s’est fait chair, et Il a habité parmi nous. En effet le Verbe, qui est une des Personnes divines, a pris la nature humaine d’une manière si complète, que les deux natures n’ont plus fait en Lui qu’une seule et même hypostase, une seule et même Personne. Et toutefois dans cette admirable union, chacune des deux natures a conservé ses opérations et ses propriétés, et l’illustre Pontife Saint Léon a eu raison de dire: « La gloire de la nature divine n’a point absorbé la nature humaine, et l’élévation de la nature humaine n’a rien fait perdre à la nature divine ». Tel est l’enseignement du Catéchisme du Concile Trente.
Et ce Fils Dieu, fait homme, appelé ici « le désiré des nations » (selon le livre du prophète Aggée (2 6-7) « nous a été donné par ses entrailles», « desideratus gentibus cujus per alvum fusus est » : « fusus », c’ est le participe passé du verbe « fundere » qui veut dire entre autres : « mettre au monde », « per alvum » : par ses entrailles. Comme souvent, remarquons le réalisme de la pensée !
« Jesu, tibi sit gloria qui natus es de Virgine, Cum patre et almo Spiritu In sempiterna saecula »
« Jésus, à vous soit la gloire qui êtes né de la Vierge Marie, comme au Père et au Saint Esprit dans les siècles des siècles ».
Comme toujours l’hymne se termine par un chant de gloire au Fils de la Vierge, au Père Père comme au Saint Esprit.