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Un bilan de l’année 2009 par Benoît XVI

Un bilan de l’année 2009 par Benoît XVI

publié dans magistère de benoît XVI le 22 décembre 2009


Benoît XVI présente ses vœux aux membres de la Curie Romaine

Le pape Benoît XVI a rencontré les dirigeants de la Curie romaine pour la traditionnelle séance de présentation de vœux de Noël et a dressé un bilan de cette année 2009.

Messieurs les cardinaux,
vénérés frères dans l’épiscopat
et dans le sacerdoce,
chers frères et sœurs,

La solennité du saint Noël, comme vient de le souligner le cardinal-doyen, Angelo Sodano, est pour tous les chrétiens une occasion tout à fait particulière de rencontre et de communion. Cet Enfant que nous rencontrons à Bethléem nous invite à faire l’expérience de l’amour immense de Dieu, ce Dieu qui est descendu du ciel et s’est fait proche de chacun de nous pour faire de nous ses fils, membres de sa famille. Ce rendez-vous traditionnel de Noël du Successeur de Pierre avec ses plus proches collaborateurs constitue également une rencontre de famille, qui renforce les liens d’affection et de communion, pour former toujours plus ce « Cénacle permanent » consacré à la diffusion du Royaume de Dieu, comme cela vient d’être rappelé. Je remercie le cardinal-doyen pour les paroles cordiales à travers lesquelles il s’est fait l’interprète des vœux du Collège cardinalice, des membres de la Curie romaine et du gouvernorat, ainsi que de tous les représentants pontificaux qui sont profondément unis à nous pour apporter aux hommes de notre époque cette lumière qui est née dans la mangeoire de Bethléem. En vous accueillant avec une grande joie, je désire également exprimer ma gratitude à tous pour le service généreux et compétent que vous apportez au Vicaire du Christ et à l’Eglise.

Une autre année riche d’événements importants pour l’Eglise et pour le monde touche à son terme. Avec un regard rétrospectif empreint de gratitude, je voudrais en cette heure faire mémoire de quelques points-clés pour la vie ecclésiale. De l’Année de saint Paul, nous sommes passés à l’Année sacerdotale. De la figure imposante de l’apôtre des nations qui, frappé par la lumière du Christ ressuscité, et par son appel, a apporté l’Evangile aux peuples du monde, nous sommes passés à la figure humble du curé d’Ars qui, pendant toute sa vie, est resté dans le petit village qui lui avait été confié et qui toutefois, précisément dans l’humilité de son service, a rendu largement visible dans le monde la bonté réconciliatrice de Dieu. A partir de ces deux figures se manifeste la vaste portée du ministère sacerdotal et il devient évident que c’est précisément ce qui est petit qui est grand et que, à travers le service apparemment petit d’un homme, Dieu peut accomplir de grandes choses, purifier et renouveler le monde de l’intérieur.

Pour l’Eglise, et pour moi personnellement, l’année qui se conclut a été placée en grande partie sous le signe de l’Afrique. Il y a eu avant tout le voyage au Cameroun et en Angola. Il a été émouvant pour moi de ressentir la grande cordialité avec laquelle le Successeur de Pierre, le Vicarius Christi, a été accueilli. La joie festive et l’affection cordiale de ceux qui sont venus à ma rencontre sur toutes les routes ne s’adressaient pas, justement, à un hôte quelconque. Dans la rencontre avec le Pape, on a pu percevoir l’Eglise universelle, la communauté qui embrasse le monde et qui est réunie par Dieu à travers le Christ – la communauté qui n’est pas fondée sur des intérêts humains, mais qui nous est offerte par l’attention bienveillante de Dieu pour nous. Tous ensemble, nous formons la famille de Dieu, frères et sœurs en vertu d’un unique Père: telle a été l’expérience vécue. Et on faisait l’expérience que l’attention pleine d’amour de Dieu dans le Christ pour nous n’appartient pas au passé et ne relève pas non plus de théories savantes, mais est une réalité tout à fait concrète ici et maintenant. C’est précisément Lui qui est au milieu de nous: c’est ce que nous avons perçu à travers le ministère du Successeur de Pierre. Ainsi, nous avons été élevés au-dessus du simple quotidien. Le ciel s’est ouvert, et c’est ce qui transforme un jour en une fête. Et c’est dans le même temps quelque chose de durable. Cela continue à être vrai, également dans la vie quotidienne, que le ciel n’est plus fermé; que Dieu est proche; que dans le Christ, nous appartenons tous les uns aux autres.

Le souvenir des célébrations liturgiques reste gravé de façon particulièrement profonde dans ma mémoire. Les célébrations de la Sainte Eucharistie ont été de véritables fêtes de la foi. Je voudrais mentionner deux éléments qui me semblent particulièrement importants. Il y avait avant tout une joie partagée, qui s’exprimait également à travers le corps, mais de façon disciplinée et guidée par la présence du Dieu vivant. Ceci indique déjà le deuxième élément: le sens du sacré, du mystère présent du Dieu vivant a façonné, pour ainsi dire, chaque geste. Le Seigneur est présent – le Créateur, Celui auquel tout appartient, dont nous provenons et vers lequel nous marchons. De façon spontanée me sont venues à l’esprit les paroles de saint Cyprien qui, dans son commentaire au Notre Père, écrit : « Rappelons-nous que nous sommes sous le regard de Dieu posé sur nous. Nous devons plaire aux yeux de Dieu, tant par l’attitude de notre corps que par l’usage de notre voix » (De dom. or. 4 CSEL III 1 , p. 269). Oui, cette conscience était présente: nous étions en présence Dieu. De cela ne découle ni peur, ni inhibition, pas davantage une obéissance extérieure aux rubriques, et encore moins une façon de se mettre en évidence les uns devant les autres ou d’élever la voix de façon désordonnée. Il régnait plutôt ce que les Pères appellent « sobria ebrietas »: être remplis d’une joie qui demeure toutefois sobre et ordonnée, qui unit les personnes de l’intérieur, en les conduisant à la louange communautaire de Dieu, une louange qui suscite dans le même temps l’amour du prochain, la responsabilité réciproque.

Naturellement, la rencontre avec mes frères dans le ministère épiscopal et l’inauguration du synode pour l’Afrique à travers la remise de l’Instrumentum Laboris, ont fait bien sûr partie du voyage en Afrique. Cela a eu lieu dans le cadre d’une rencontre le soir de la fête de saint Joseph, une rencontre au cours de laquelle les représentants de chaque épiscopat ont présenté de façon émouvante leurs espérances et leurs préoccupations. Je pense que le bon maître de maison, saint Joseph, qui sait bien personnellement ce que signifie réfléchir, dans une attitude de sollicitude et d’espérance, sur les chemins futurs de la famille, nous a écoutés avec amour et nous a accompagnés jusqu’au synode lui-même. Jetons un bref regard sur le synode. A l’occasion de ma visite en Afrique, la force théologique et pastorale du primat pontifical comme point de convergence pour l’unité de la famille de Dieu a d’abord été rendu évidente. Au cours du synode, est apparue encore plus fortement l’importance de la collégialité – de l’unité des évêques, qui reçoivent leur ministère précisément du fait qu’ils entrent dans la communauté des successeurs des Apôtres: chacun est évêque, successeur des apôtres, uniquement dans la mesure où il appartient à la communauté de ceux dans lesquels se poursuit le Collegium Apostolorum dans l’unité avec Pierre et avec son successeur. Comme dans les liturgies en Afrique, puis de nouveau, à Saint-Pierre de Rome, le renouveau liturgique de Vatican II a pris forme de façon exemplaire, ainsi, dans la communion du synode l’ecclésiologie du Concile a été vécue de façon très concrète. Les témoignages que nous avons pu écouter de la part des fidèles d’Afrique – des témoignages de souffrance et de réconciliation concrète dans les tragédies de l’histoire récente du continent – ont été également émouvants.

Le Synode s’était proposé comme thème: l’Eglise en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix. Il s’agit d’un thème théologique et surtout pastoral d’une actualité brûlante, mais qui pouvait également être pris à tort pour un thème politique. Le tâche des évêques était de transformer la théologie en pastorale, c’est-à-dire en un ministère pastoral très concret, dans lequel les grandes visions de l’Ecriture Sainte et de la Tradition sont appliquées à l’œuvre des évêques et des prêtres à un moment et en un lieu déterminés. Mais il ne fallait pas pour cela céder à la tentation de prendre personnellement en main la politique et de pasteurs, se transformer en guides politiques. En effet, la question très concrète devant laquelle les pasteurs se trouvent continuellement, est précisément celle-ci: comment pouvons-nous être réalistes et pratiques, sans nous arroger une compétence politique qui ne nous revient pas? Nous pourrions également dire : il s’agissait de la question d’une laïcité positive, pratiquée et interprétée de façon juste. Il s’agit là également d’un thème fondamental de l’encyclique, publiée le jour de la fête des saints Pierre et Paul, « Caritas in Veritate », qui a de cette façon repris et développé plus avant la question qui concerne la place théologique et concrète de la doctrine sociale de l’Eglise.

Les pères synodaux ont-ils réussi à trouver la voie plutôt étroite entre une simple théorie théologique et une action politique immédiate, la voie du « pasteur »? Dans mon bref discours en conclusion du synode, j’ai répondu par l’affirmative, de façon consciente et explicite, à cette question. Naturellement, dans l’élaboration du document post-synodal, nous devrons faire attention à maintenir cet équilibre et à offrir ainsi la contribution pour l’Eglise et la société en Afrique qui a été confiée à l’Eglise en vertu de sa mission. Je voudrais tenter d’expliquer cela brièvement à propos d’un point précis. Comme je l’ai déjà dit, le thème du synode désigne trois grandes paroles fondamentales de la responsabilité théologique et sociale: réconciliation – justice – paix. On pourrait dire que réconciliation et justice sont les deux présupposés essentiels de la paix et qu’ils définissent également dans une certaine mesure sa nature. Limitons-nous à la parole «réconciliation». Un regard sur les souffrances et les difficultés de l’histoire récente de l’Afrique, mais également dans de nombreuses autres régions de la terre, montre que les oppositions non résolues et profondément enracinées peuvent conduire, dans certaines situations, à des explosions de violence dans lesquelles tout sens d’humanité semble avoir disparu. La paix ne peut se réaliser que si elle conduit à une réconciliation intérieure. Nous pouvons considérer comme un exemple positif d’un processus de réconciliation en voie de réussite l’histoire de l’Europe après la deuxième guerre mondiale. Le fait que depuis 1945, en Europe occidentale et centrale, il n’y a plus eu de guerre se fonde certainement de façon déterminante sur des structures politiques et économiques intelligentes et éthiquement encadrées, mais celles-ci n’ont pu se développer que parce qu’existaient des processus intérieurs de réconciliation, qui ont rendu possible une nouvelle coexistence. Chaque société a besoin de réconciliation, afin qu’il puisse y avoir la paix. Les réconciliations sont nécessaires pour une bonne politique, mais ne peuvent être réalisées uniquement par celle-ci. Il s’agit de processus pré-politiques et ils doivent provenir d’autres sources.

Le synode a cherché à examiner en profondeur le concept de réconciliation comme devoir pour l’Eglise d’aujourd’hui, en attirant l’attention sur ses différentes dimensions. L’appel que saint Paul a adressé aux Corinthiens possède véritablement aujourd’hui une nouvelle actualité. « Nous sommes donc les ambassadeurs du Christ, et par nous c’est Dieu lui-même qui, en fait, vous adresse un appel. Au nom du Christ, nous vous le demandons, laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2 Co 5, 20). Si l’homme n’est pas réconcilié avec Dieu, il est également en opposition avec la création. Il n’est pas réconcilié avec lui-même, il voudrait être un autre que celui qu’il est et par conséquent il n’est pas non plus réconcilié avec son prochain. En outre, la capacité de reconnaître sa faute et de demander pardon – à Dieu et à l’autre – fait partie de la réconciliation. Et enfin, la disponibilité à la pénitence, la disponibilité à souffrir jusqu’au bout pour une faute et à se laisser transformer, appartient au processus de réconciliation. Et la gratuité, dont l’encyclique Caritas in Veritate parle à plusieurs reprises, en fait partie: la disponibilité à aller au-delà du nécessaire, à ne pas faire de calculs, mais à aller au-delà de ce que demandent les simples obligations juridiques. Cette même générosité avec laquelle Dieu lui-même nous a donné l’exemple en fait partie. Pensons aux paroles de Jésus: « Donc, lorsque tu vas présenter ton offrande sur l’autel, si, là, tu te souviens que ton frère à quelque chose contre toi, laisse ton offrande là, devant l’autel, va d’abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande » (Mt 5, 23sq). Dieu qui savait que nous ne sommes pas réconciliés, qui voyait que nous avons quelque chose contre Lui, s’est levé et est venu à notre rencontre, bien que Lui seul ait été du côté de la raison. Il est venu à notre rencontre jusqu’à la Croix, pour nous réconcilier. Telle est la gratuité: la disponibilité à faire le premier pas. Aller les premiers à la rencontre de l’autre, lui offrir la réconciliation, assumer la souffrance que comporte le renoncement à avoir raison. Ne pas céder dans la volonté de réconciliation: c’est de cela que Dieu nous a donné l’exemple et c’est la façon de devenir semblables à Lui, une attitude dont nous avons toujours à nouveau besoin dans le monde. Nous devons aujourd’hui être en mesure d’apprendre à nouveau à reconnaître la faute, nous devons nous ôter l’illusion d’être innocents. Nous devons être en mesure d’apprendre à faire pénitence, à nous laisser transformer; à aller à la rencontre de l’autre et à nous faire donner par Dieu le courage et la force pour un tel renouvellement. Dans notre monde d’aujourd’hui, nous devons redécouvrir le sacrement de la pénitence et de la réconciliation. Le fait que celui-ci ait en grande partie disparu des habitudes existentielles des chrétiens est le symptôme d’une perte de véracité à l’égard de nous-mêmes et de Dieu; une perte, qui met en danger notre humanité et qui réduit notre volonté de paix. Saint Bonaventure était de l’opinion que le sacrement de la pénitence était un sacrement de l’humanité en tant que tel, un sacrement que Dieu avait déjà institué dans son essence immédiatement après le péché originel avec la pénitence imposée à Adam, même s’il n’a pu obtenir sa forme complète que dans le Christ, qui est de manière personnelle la force réconciliatrice de Dieu et qui a pris sur lui notre pénitence. En effet, l’unité entre faute, pénitence et pardon est l’une des conditions fondamentales de la véritable humanité, des conditions qui atteignent leur forme complète dans le sacrement, mais qui, à partir de leur racine, font partie du fait d’être des personnes humaines comme telles. Le synode des évêques pour l’Afrique a donc à juste titre inclus dans ses réflexions également les rituels de réconciliation de la tradition africaine comme lieux d’apprentissage et de préparation pour la grande réconciliation que Dieu donne dans le sacrement de la pénitence. Mais cette réconciliation requiert le vaste « espace » de la reconnaissance de la faute et de l’humilité de la pénitence. La réconciliation est un concept pré-politique et une réalité pré-politique, qui précisément pour cette raison est de la plus grande importance pour la tâche de la politique elle-même. Si l’on ne crée pas dans les cœurs la force de la réconciliation, le présupposé intérieur manque à l’engagement politique pour la paix. Lors du synode, les pasteurs de l’Eglise se sont engagés en vue de cette purification intérieure de l’homme qui constitue la condition préliminaire essentielle à l’édification de la justice et de la paix. Mais cette purification et cette maturation intérieure vers une véritable humanité ne peuvent pas exister sans Dieu.

Réconciliation – avec cette parole-clef me revient à l’esprit le deuxième grand voyage de l’année qui s’achève : le pèlerinage en Jordanie et en Terre Sainte. A cet égard, je voudrais tout d’abord remercier cordialement le roi de Jordanie pour la grande hospitalité avec laquelle il m’a accueilli et accompagné au cours de tout le déroulement de mon pèlerinage. Ma gratitude concerne également la manière exemplaire avec laquelle il s’engage pour une coexistence pacifique entre chrétiens et musulmans, pour le respect à l’égard de la religion de l’autre et pour la collaboration dans la responsabilité commune devant Dieu. Je remercie de tout cœur également le gouvernement d’Israël pour tout ce qu’il a accompli afin que ma visite puisse se dérouler pacifiquement et en toute sécurité. Je suis particulièrement reconnaissant pour la possibilité qui m’a été donnée de célébrer deux grandes liturgies publiques – à Jérusalem et à Nazareth -, où les chrétiens ont pu se présenter publiquement comme communauté de foi en Terre Sainte. Enfin, mes remerciements s’adressent à l’Autorité palestinienne qui m’a accueilli elle aussi avec une grande cordialité; cette dernière a également rendu possible une célébration liturgique publique à Bethléem, et elle m’a permis de connaître les souffrances et les espérances de son Territoire. Tout ce que l’on peut voir dans ces pays appelle la réconciliation, la justice, la paix. La visite à Yad Vashem a représenté une rencontre bouleversante avec la cruauté de la faute humaine, avec la haine d’une idéologie aveugle qui, sans aucune justification, a destiné des millions de personnes humaines à la mort et à travers cela, en dernière analyse, a voulu chasser du monde également Dieu, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob et le Dieu de Jésus Christ. Il s’agit donc en premier lieu d’un monument commémoratif contre la haine, d’un appel plein d’anxiété à la purification et au pardon, à l’amour. C’est précisément ce monument à la faute humaine qui a ensuite rendu d’autant plus importante la visite aux lieux de la mémoire de la foi et qui a fait percevoir leur actualité inaltérée. En Jordanie, nous avons vu le point le plus bas de la terre, près du fleuve Jourdain. Comment pourrait-on ne pas se rappeler la parole de la Lettre aux Ephésiens, selon laquelle le Christ est « descendu jusqu’en bas sur la terre » (Ep 4, 9). Dans le Christ, Dieu est descendu au plus profond de l’être humain, jusque dans la nuit de la haine et de l’aveuglement, jusqu’à l’obscurité de l’éloignement de l’homme vis-à-vis de Dieu, pour y allumer la lumière de son amour. Il est présent même dans la nuit la plus profonde: même aux enfers, te voici – cette parole du Psaume 139 [138], 8 est devenue une réalité dans la descente de Jésus. Ainsi, la rencontre avec les lieux du salut dans l’église de l’Annonciation à Nazareth, dans la grotte de la nativité à Bethléem, sur le lieu de la crucifixion au Calvaire, devant le sépulcre vide, témoignage de la résurrection, a été comme une manière de toucher l’histoire de Dieu avec nous. La foi n’est pas un mythe. Elle est une histoire réelle, dont on peut toucher les traces avec la main. Ce réalisme de la foi nous est particulièrement bienfaisant dans la tourmente du présent. Dieu s’est vraiment montré. En Jésus Christ, il s’est vraiment fait chair. Ressuscité, Il demeure un Homme véritable, il ouvre sans cesse notre humanité à Dieu et est toujours le garant du fait que Dieu est un Dieu proche. Oui, Dieu vit et il est en relation avec nous. Dans toute sa grandeur, il est cependant le Dieu proche, le Dieu-avec-nous, qui nous appelle sans cesse: Laissez-vous réconcilier avec moi et entre vous! Il place toujours dans notre vie personnelle et communautaire le devoir de la réconciliation.

Pour terminer, je voudrais encore exprimer ma reconnaissance et ma joie pour mon voyage en République tchèque. Avant ce voyage, j’ai toujours eu conscience qu’il s’agissait d’un pays avec une majorité d’agnostiques et d’athées, où les chrétiens constituent désormais seulement une minorité. Ma surprise a été d’autant plus joyeuse en constatant que j’étais partout entouré d’une grande cordialité et amitié; que de grandes liturgies étaient célébrées dans une atmosphère joyeuse de fête; que dans le monde des universités et de la culture ma parole recevait une vive attention; que les autorités de l’Etat ont fait preuve à mon égard d’une grande courtoisie et ont accompli tout leur possible pour contribuer au succès de la visite. Je serais à présent tenté de dire quelque chose sur la beauté du pays et sur les magnifiques témoignages de la culture chrétienne, qui eux seuls rendent cette beauté parfaite. Mais je considère surtout important le fait que les personnes qui se considèrent agnostiques ou athées doivent également nous tenir à cœur en tant que croyants. Lorsque nous parlons d’une nouvelle évangélisation ces personnes sont peut-être effrayées. Elles ne veulent pas se voir comme faisant l’objet d’une mission, ni renoncer à leur liberté de pensée et de volonté. Mais la question de Dieu reste toutefois présente également pour elles, même si elles ne peuvent pas croire au caractère concret de son attention pour nous. A Paris, j’ai parlé de la recherche de Dieu comme du motif fondamental de la naissance du monachisme occidental et, avec celui-ci, de la culture occidentale. Comme premier pas de l’évangélisation, nous devons chercher à garder cette recherche vivante; nous devons nous soucier que l’homme ne mette pas de côté la question de Dieu comme question essentielle de son existence. Nous devons nous soucier qu’il accepte cette question et la nostalgie qui se cache en elle. Il me vient à l’esprit une parole que Jésus reprend du prophète Isaïe, c’est-à-dire que le temple devait être une maison de prière pour tous les peuples (cf. Is 56, 7; Mc 11, 17). Il pensait à ce que l’on appelle la maison de prière pour toutes les nations, qu’il désencombra des activités extérieures pour qu’il y ait une place libre pour les païens qui voulaient prier là le Dieu unique, même s’ils ne pouvaient pas prendre part au mystère, auquel l’intérieur du temple était réservé. Un espace de prière pour tous les peuples – on pensait avec cela à des personnes qui ne connaissent Dieu, pour ainsi dire, que de loin; qui sont insatisfaites de leurs dieux, de leurs rites et de leurs mythes; qui désirent le Saint et le Grand, même si Dieu reste pour eux le « Dieu inconnu » (cf. Ac 17, 23). Ils devaient pouvoir prier le Dieu inconnu, mais cependant être ainsi en relation avec le vrai Dieu, malgré des zones d’ombre de natures diverses. Je pense que l’Eglise devrait aujourd’hui aussi ouvrir une sorte de « parvis des Gentils », où les hommes puissent d’une certaine manière s’accrocher à Dieu, sans le connaître et avant d’avoir trouvé l’accès à son mystère, au service duquel se trouve la vie interne de l’Eglise. Au dialogue avec les religions doit aujourd’hui surtout s’ajouter le dialogue avec ceux pour qui la religion est une chose étrangère, pour qui Dieu est inconnu et qui, cependant, ne voudraient pas rester simplement sans Dieu, mais l’approcher au moins comme Inconnu.

En conclusion, encore une fois, quelques mots sur l’Année Sacerdotale. En tant que prêtres, nous sommes à la disposition de tous: de ceux qui connaissent Dieu de près et de ceux pour qui Il est l’Inconnu. Nous devons tous le connaître toujours à nouveau et nous devons le chercher sans cesse pour devenir de véritables amis de Dieu. Comment pourrions-nous, en définitive, arriver à connaître Dieu, si ce n’est à travers les hommes qui sont les amis de Dieu? Le noyau le plus profond de notre ministère sacerdotal est d’être des amis du Christ (cf. Jn 15, 15), des amis de Dieu, par l’intermédiaire desquels d’autres personnes également peuvent trouver la proximité de Dieu. Ainsi, en même temps que mes profonds remerciements pour toute l’aide que vous m’avez apportée tout au long de l’année, voici mon vœu pour Noël: que nous devenions toujours plus des amis du Christ et donc des amis de Dieu et que, de cette manière, nous puissions être le sel de la terre et la lumière du monde. Un saint Noël et une bonne année nouvelle!

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