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Entraide et Tradition

L’impot et la dévolution des biens

publié dans regards sur le monde le 28 novembre 2018


Christophe Castaner veut détruire la famille !

 

Jean-Pierre Maugendre

Président de Renaissance catholique

 

 

Christophe Castaner, nouveau ministre de l’Intérieur, n’ pas la réputation d’être une vive intelligence conceptuelle. Ainsi lors de la démission du général Pierre de Villiers en juillet 2017 il avait traité l’ancien Chef d’État-Major des Armées de poète revendicatif. Il vient de récidiver, dans un autre registre, en déclarant le 14 septembre dernier : L’outil privilégié pour corriger les inégalités de naissance (est) l’impôt sur les successions.Cette affirmation mérite d’être analysée.

 

Impôt et bien commun

 

La déclaration de Christophe Castaner possède d’abord l’intérêt de formuler une définition nouvelle de l’impôt. Le Nouveau Larousse Illustré, dans une version bien ancienne certes, propose comme définition de l’impôt : somme d’argent que l’État oblige les particuliers à payer et destinée, en principe, à subvenir aux dépenses des services publics. Que ce en principe est savoureux ! Dans le cas qui nous intéresse le but de l’impôt sur les successions n’est plus de contribuer à financer les services publics dont la formulation est en elle-même explicite de leur finalité, du moins en principe là encore, mais de réduire les inégalités de naissance. Il y là, clairement, un détournement d’objectif en fonction de présupposés idéologiques largement contestables. En effet l’égalité est devenue un leitmotiv lancinant d’autant plus affirmé qu’il est moins appliqué. Ainsi qui osera affirmer que la carrière de Martine Aubry, la pétulante et joviale, maire de Lille ne doit rien au fait que son père, Jacques Delors, était président de la Commission Européenne ? Quant à ses études au lycée, catholique et huppé, Notre-Dame des oiseaux c’est autre chose que le lycée professionnel Nelson Mandela en Zone d’Éducation Prioritaire ! Au bal des hypocrites les socialistes mènent la danse.

Le taux de l’impôt sur les successions en France est le plus élevé d’Europe (jusqu’à 45%) avec le montant d’abattement le plus faible (100 000 €). Il est une atteinte violente au droit de propriété et l’incarnation législative du refus de la transmission qui est une des caractéristiques majeures de la société française post moderne. Les Français sont, à ce jour, doublement déshérités. D’une part au sens immatériel dans lequel l’observait François-Xavier Bellamy dans son ouvragé éponyme, d’autre part au sens très matériel de ne pouvoir transmettre à leurs enfants, leurs héritiers, le fruit de leur vie de labeur et de sacrifice. Ce volontarisme s’avère à la fois injuste et inefficace. Injuste car il est conforme à la justice, qui est de rendre à chacun ce qui lui est dû, de pouvoir faire bénéficier ses enfants du capital intellectuel, culturel, religieux, artistique mais aussi financier et patrimonial accumulé tout au long d’une vie. Inefficace car une des conséquences majeures de cette impossibilité de transmettre est l’auto limitation dans leurs initiatives d’un certain nombre de créateurs de richesses qui s’exilent à l’étranger, en particulier aux USA et en Suisse, afin d’échapper à une fiscalité patrimoniale et successorale confiscatoire. Ce n’est pas Charles Aznavour ou Johnny Hallyday qui me démentiront.

 

Les inégalités c’est la vie

 

Corriger les inégalités de naissance semble ainsi être un objectif politique majeur de ce gouvernement. Or il s’agit là, à la fois, d’une utopie dangereuse et d’une imposture mortifère, toutes deux grosses de dérives totalitaires. Rappelons, en outre, que dans le sermon sur la montagne le Christ nous enseigne : « Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice car le royaume des cieux est à eux » (Mat V, 10). Pour la justice, pas pour l’égalité !

 

Peut-être monsieur Castaner a-t-il en mémoire la réflexion amère de Figaro, alors dans l’attente anxieuse du comte Almaviva : Qu’avez-vous fait pour tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus : du reste, homme assez ordinaire … (Le mariage de Figaro, Beaumarchais, 1782). La Révolution puis le code civil napoléonien firent de l’égalité patrimoniale des successions une loi d’airain. Le résultat ne se fit pas attendre. La France qui était en 1789 la Chine de l’Europe perdit très rapidement son rang de première puissance démographique du continent. De 1750 à 1945 sa population crût de 24 à 40 millions d’habitants pendant que celle de l’Italie passait de 14 à 45 millions, celle de l’Allemagne de 20 à 68 millions, celle du Royaume-Uni de 8 à 49 millions, etc. L’obligation légale du partage équitable du bien entre tous les enfants a considérablement diminué le taux de fécondité d’une population majoritairement rurale, peu soucieuse de voir ses terres dispersées. Il a ainsi été observé, en particulier par Frédéric Leplay, qu’au XIXe siècle le taux de fécondité des villes était supérieur à celui des campagnes et que les taux de natalité étaient plus élevés chez les ouvriers agricoles que chez les propriétaires terriens. CQFD.

 

Il se trouve que les inégalités de naissance sont intrinsèquement liées à la nature même des familles. Au-delà des inégalités matérielles que fustige Christophe Castaner, il existe également, et peut-être même surtout, des inégalités bien réelles quoique immatérielles. La nature des conversations et des préoccupations familiales prédispose plus ou moins à la qualité des études et à la prise de responsabilités. C’est un fait ! Qui fut longtemps compensé par une école qui ne craignait pas de se dire élitiste permettant à des enfants brillants (Georges Pompidou, Albert Camus, Marcel Pagnol, etc.) de sortir du lot et de surmonter le handicap de leurs origines modestes. Aujourd’hui de plus en plus d’élèves de l’École Normale Supérieure ont leurs deux parents enseignants. Est-ce un progrès ? Si le mal à combattre ce sont les inégalités de naissance il n’y a qu’une solution, radicale certes mais la seule efficace : retirer les enfants le plus tôt possible à l’influence inégalitariste de leurs familles disparates. L’instruction obligatoire ramenée par Emmanuel Macron de six ans à trois ans à la rentrée 2019 procède de cet état d’esprit. Tous les systèmes totalitaires à un instant ou à un autre ont succombé à cette tentation : retirer l’enfant le plus tôt possible à ses parents afin de le rendre conforme aux idées dominantes du moment. Il y eut les komsomols, les balillas, les Hitlerjugend. Place à l’Éducation nationale française. Quant aux tirades sur l’école républicaine et l’égalité des chances les Tartuffes qui nous gouvernent ont depuis longtemps fait le choix de l’école privée, alsacienne ou autre, à l’instar de Marlène Schiapa aujourd’hui, de Jean-Pierre Chevènement hier.

 

Conclusion

 

Peu à peu s’incarnent chaque jour plus profondément dans les lois les principes qui font de la société politique non plus un ensemble de familles unies par la poursuite collective d’un bien commun partagé mais la simple juxtaposition d’individus, prétendument égaux, nés enfants trouvés et morts célibataires selon la forte expression d’Ernest Renan, animés par la seule recherche de la satisfaction immédiate de leurs envies, de leurs désirs, voire de leurs phantasmes. Cette utopie porte en elle-même des germes de mort aussi sûrement que la nuée annonce l’orage. L’implosion démographique de nos sociétés submergées par des civilisations dans lesquelles l’individu, voire la personne, n’est que la partie, parfois bien négligeable, d’une communauté structurée et structurante devrait nous inciter à remettre en cause quelques unes des vaches sacrées à l’origine de notre décadence. Ce n’est pas, malheureusement, le chemin que semble nous indiquer notre classe politique.

 

 

 

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