L’incendie de la cathédrale de Nantes
publié dans nouvelles de chrétienté le 21 juillet 2020
La Lettre de Paix liturgique
lettre 754 du 20 Juillet 2020
Samedi 18 juillet 2020 vers 7h43 du matin, un incendie s’est déclaré au niveau de la tribune de l’orgue de la Cathédrale de Nantes, mais aussi à deux autres endroits de la nef ; alertés vers 7 h 44 par les riverains, une soixantaine, puis plus de 100 pompiers étaient à pied d’œuvre dès 8 h du matin pour éteindre l’incendie. Circonscrit vers 9h, le feu a été éteint dans la matinée, mais des pertes irréparables ont été subies par la Cathédrale.
L’incendie, sans aucun doute criminel – une enquête a été ouverte – met aussi en lumière le sous-investissement chronique dans la protection du patrimoine et le manque de volonté politique – et idéologique – pour protéger le patrimoine, en particulier dans les municipalités de gauche que sont Nantes et Paris. Et ce même si Notre-Dame est l’arbre qui cache les dizaines de vols, saccages, dégradations, incendies que subissent les lieux de culte catholiques chaque mois, dans l’indifférence générale. Entretien avec notre amie Anne.
Paix Liturgique : Que sait-on de l’incendie de samedi ? Anne François de Bretagne : L’incendie a été déclenché à 7h43, dès le début, les pompiers qui intervenaient ont découvert qu’il y avait eu trois foyers d’incendie, un dans la tribune de l’orgue et deux dans la nef. Le feu a été circonscrit vers 9 heures, ils se sont rendus avec la nacelle sur la galerie extérieure de la tribune de l’orgue, mais il y avait encore des dégagements de fumée noirs, puis blancs jusque vers midi. Une enquête a été ouverte pour incendie volontaire ; à ce stade, il n’y aurait pas eu d’effraction pour entrer dans la Cathédrale, mais un bénévole de la paroisse affirme qu’une porte de secours aurait été actionnée de l’intérieur. Problème : elle donne, côté nord, sur un passage qui n’est pas couvert par la vidéo-protection, qui ne couvre que les places – Louis XVI (Foch) au niveau du Busway au nord-est et la place Saint-Pierre à l’ouest, ainsi que l’accès sous le porche au sud vers la sacristie, la Psalette et la crypte.
Paix Liturgique: Quels sont les éléments de patrimoine qui ont été détruits ? Anne François de Bretagne : A ce stade, le grand orgue dont la tribune datait de 1620 et le buffet avait été l’œuvre des facteurs Girardet (1621), Clicquot (1784) et Beuchet (1956), rescapé des bombardements de 1943-1944 et du grand incendie de 1972, a été complètement détruit. Le tableau d’Hypppolyte Flandrin, Saint-Clair rendant la vue à un aveugle (1836), est détruit. La tribune (XVIIe) menace de s’effondrer et doit être confortée.
La verrière au-dessus de l’orgue, dans laquelle avaient été enchâssés des fragments de vitraux du XVe siècle, du temps de l’indépendance bretonne dont la nef et la façade de la cathédrale étaient l’expression monumentale, a éclaté du fait de la chaleur et a été détruite. Le feu se serait aussi propagé le long des circuits électriques et dans les stalles, mais l’orgue de chœur pourrait être sauvé. Les flammes ont aussi fragilisé des éléments de la façade, un pinacle a déjà été retiré pour être restauré.
Paix Liturgique : Et quel est l’impact sur le plan religieux ? Anne François de Bretagne : Des déblais encombrent l’entrée ouest de la Cathédrale, qui a aussi été envahie par les fumées. Elle devra rester fermée le temps de consolider la tribune, d’évacuer les fumées et les déblais, ce qui va impacter la vie religieuse de Nantes, d’autant que l’église Notre-Dame de Bon Port, qui a beaucoup de contenance, est déjà fermée et en travaux pour plusieurs années, et l’église Saint-Martin de Chantenay, à l’ouest (18e-19e) a tellement bien été « restaurée » par la mairie qu’elle est sous étais et menace de s’effondrer. Par ailleurs, Nantes est un diocèse sans évêque depuis le départ de Mgr James pour Bordeaux en janvier dernier, l’installation de l’évêque se fait dans la Cathédrale et elle sera certainement repoussée, comme l’admettent déjà des responsables du diocèse. Nantes devrait donc rester sans évêque un peu plus longtemps encore…
Paix Liturgique : Nantes a pourtant déjà connu plusieurs incendies d’églises, et notamment de la Cathédrale. Ce risque est connu et devrait être préparé… Anne François de Bretagne : Oui, c’est aussi ce qui choque. On voit, à la rapidité de la mobilisation des sapeurs-pompiers et à l’efficience de leur travail, qu’eux étaient prêts. Nantes a déjà effectivement connu l’incendie de la cathédrale le 28 janvier 1972 – un choc pour de nombreux nantais qui se rappelaient, ce matin, de leurs souvenirs de cet incendie, certains habitent toujours au pied de la Cathédrale 48 ans après.
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