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Entraide et Tradition

méditation pour temps de carême sur l’hymne des Vêpres

publié dans couvent saint-paul le 8 avril 2021


 

Méditation de Carême

Sur l’Hymne des Vêpres

Audi benigne Conditor

 

« Audi benigne Conditor Nostras preces cum fletibus, In hoc sacro jejunio Fusas quadragenario.” « Créateur plein de bonté, écoutez les prières, et regardez les larmes dont nous accompagnons le jeûne sacré de cette sainte quarantaine. »

C’est une très belle strophe qui commence par confesser deux qualités divines :  Il est Créateur. Il est plein de bénignité.

Il est « créateur ». C’est une affirmation constante du Magistère. Utilisons seulement l’enseignement du Ier Concile du Vatican dans sa Constitution dogmatique « Dei Filius » au chapitre 1er qui a pour titre, précisément, « De Dieu, Créateur de toutes choses ». Il affirme : « La sainte Église catholique apostolique romaine croit et confesse qu’il y a un seul Dieu vrai et vivant, Créateur et Seigneur du ciel et de la terre, tout-puissant, éternel, immense, incompréhensible, infini en intelligence et en volonté et en toute perfection ; qui, étant une substance spirituelle unique, absolument simple et immuable, doit être proclamé comme réellement et par essence distinct du monde, très heureux en soi et de soi, et indiciblement élevé au-dessus de tout ce qui est et peut se concevoir en dehors de lui.

Ce seul vrai Dieu, par sa bonté et sa vertu toute-puissante, non pas pour augmenter son bonheur, ni pour acquérir sa perfection, mais pour la manifester par les biens qu’il distribue aux créatures, et de sa volonté pleinement libre, a créé de rien, dès le commencement du temps, l’une et l’autre créature, la spirituelle et la corporelle, c’est-à-dire l’angélique et celle qui appartient au monde, et ensuite la créature humaine formée, comme étant commune, d’un esprit et d’un corps (Conc. De Latr. IV, c. 1. Firmiter).

Voilà qui est clairement dit : Dieu est créateur.

Mais explicitons un peu ce premier article de notre foi en utilisant le catéchisme du Concile de Trente. C’est de toute beauté.

C’est au   § V du  chapitre 2 : Je crois en Dieu, CREATEUR DU CIEL ET DE LA TERRE. En raison de sa Toute Puissance, que je confesse également dans mon Crédo, Dieu est créateur. « Il est d’autant plus facile d’admettre une œuvre si prodigieuse (l’œuvre de la Création) que l’on doute moins de la puissance infinie du Créateur » Ceci étant dit, le catéchisme médite alors sur l’œuvre créatrice en elle-même : «  Or Dieu n’a pas formé le monde avec une matière préexistante, Il l’a tiré du néant, sans nécessité ni contrainte, librement et de son plein gré. Le seul motif qui L’a déterminé à l’œuvre de la création, c’est sa bonté, qu’Il voulait répandre sur les êtres qu’Il allait produire. Car Dieu, souverainement heureux en Lui-même et par Lui-même, n’a besoin de rien, ni de personne, comme le proclame David en ces termes: « J’ai dit à mon Seigneur, Vous êtes mon Dieu, et Vous n’avez pas besoin de mes biens ». Et comme il n’a obéi qu’à sa bonté, quand Il a fait tout ce qu’Il a voulu, de même pour former l’univers, Il n’a pris ni modèle ni dessein qui ne fût en Lui. Son intelligence infinie possède en elle-même l’idée exemplaire de toutes choses. Et c’est en considérant au dedans de Lui cette idée exemplaire, c’est en la reproduisant pour ainsi dire, que l’Ouvrier par excellence, avec cette Sagesse et cette Puissance suprêmes qui Lui sont propres, a créé dès le commencement l’universalité des choses qui existent. Il a dit, et tout a été fait ; il a ordonné, et tout a été créé. Par ces mots « le ciel et la terre », on entend tout ce que le ciel et la terre renferment. Car non seulement Dieu a formé les cieux dont le Prophète a dit qu’ils sont l’ouvrage de ses doigts, mais c’est Lui qui les a ornés de la clarté du soleil, de la lune et de tous les autres astres, pour les faire servir de signes, afin de distinguer les saisons, les jours et les années . C’est Lui aussi qui a donné à tous les globes célestes un cours si constant et si réglé, qu’on ne peut rien voir de plus rapide que leurs perpétuels mouvements, ni de plus régulier que ces mouvements eux-mêmes. Dieu créa également  de purs esprits et des Anges innombrables pour en faire ses serviteurs et ses ministres. Il les orna et les enrichit des dons de sa grâce et de sa puissance. Quand la Sainte Ecriture nous raconte que le démon ne demeura pas dans la vérité, Elle nous fait entendre clairement que lui et les autres anges apostats avaient reçu la grâce dès le commencement de leur existence. Saint Augustin l’affirme nettement: Dieu, dit-il, créa les Anges avec une volonté droite, c’est-à-dire avec un chaste amour qui les unissait à Lui, formant à la fois leur nature, et y ajoutant la grâce comme un bienfait. D’où il faut conclure que les Anges saints ne perdirent jamais cette volonté droite, c’est-à-dire l’amour de Dieu. Quant à leur science, voici le témoignage de nos Saints Livres. O mon Seigneur et mon Roi, Vous avez la sagesse d’un Ange de Dieu, et Vous connaissez tout ce qui est sur la terre. Pour exprimer leur puissance, le saint roi David nous dit: Les Anges sont puissants en vertu, et ils exécutent les ordres de Dieu. Aussi l’Ecriture sainte les appelle souvent les vertus, et l’armée du Seigneur. Mais, bien qu’ils eussent tous reçu ces dons célestes qui faisaient leur gloire, plusieurs cependant, pour avoir abandonné Dieu leur Père et leur Créateur, furent bannis de leurs sublimes demeures, et renfermés dans une prison très obscure, au centre de la terre, où ils subissent la peine éternelle due à leur orgueil. Ce qui a fait dire au prince des Apôtres: Dieu n’a point épargné les anges pécheurs, mais Il les a précipités dans l’enfer et chargés de chaînes, pour y être tourmentés, et pour y attendre le jugement. Dieu affermit aussi la terre sur sa base, et par sa parole Il lui fixa sa place au milieu du monde. Il éleva les montagnes, Il creusa les vallées, et pour que la violence des eaux ne pût l’inonder, Il posa des bornes à la mer pour l’empêcher de la submerger. Ensuite Il la revêtit et la para de toutes sortes d’arbres, de plantes et de fleurs, Il la peupla d’animaux de toute espèce, comme il avait fait auparavant pour la mer et les airs. Enfin Il forma le corps de l’homme du limon de la terre et, par un pur effet de sa bonté, Il lui accorda le don de l’immortalité et de l’impassibilité, qui n’était pas essentiellement attaché à sa nature. Quant à l’âme, Il la fit à son image et à sa ressemblance, la doua du libre arbitre, et régla si bien tous les mouvements et tous les désirs du cœur, qu’ils devaient toujours être soumis à l’autorité de la raison. A cela Il voulut joindre le don admirable de la justice originelle, et enfin Il lui soumit tous les animaux. Pour instruire les fidèles de ces vérités, le Pasteur n’aura d’ailleurs qu’à consulter l’histoire sacrée de la Genèse. Ainsi donc ces mots de création du ciel et de la terre doivent s’entendre de la création de toutes choses. Déjà le Prophète David l’avait dit en ce peu de mots: Les cieux sont à Vous, et la terre Vous appartient. C’est Vous qui avez formé le globe de la terre et tout ce qui le remplit. Mais les Pères du Concile de Nicée l’ont exprimé bien plus brièvement encore en ajoutant au Symbole ces simples mots: visibles et invisibles. Et en effet tout ce que renferme l’ensemble des choses, tout ce que nous reconnaissons comme l’œuvre de Dieu, peut, ou bien tomber sous les sens, et nous l’appelons visible, ou seulement être aperçu par l’intelligence et la raison, et alors nous l’appelons invisible.

Suit alors un bel exposé sur la Providence.  § VI. — PROVIDENCE. Mais en reconnaissant que Dieu est l’Auteur et le Créateur de toutes choses, n’allons pas croire que son œuvre une fois achevée et terminée par Lui, ait pu subsister sans sa Puissance infinie. De même en effet que pour exister, tout a eu besoin de la souveraine Puissance, de la Sagesse et de la Bonté du Créateur, de même il est nécessaire que l’action de la Providence s’étende constamment sur tout ce qu’Il a créé. Et s’Il ne conservait son œuvre avec cette même force qu’Il a employée pour la former au commencement, elle rentrerait aussitôt dans le néant. L’Ecriture nous le déclare en termes formels, lorsqu’elle dit à Dieu : Comment quelque chose pourrait-il subsister, si Vous ne le vouliez ainsi ? Ce que Vous n’avez pas appelé, comment se conserverait-il ? Et non seulement Dieu, par sa Providence, soutient et gouverne toute la création ; mais c’est Lui qui en réalité communique le mouvement et l’action à tout ce qui se meut et à tout ce qui agit ; et de telle sorte qu’Il prévient, sans l’empêcher, l’influence des causes secondes. C’est une vertu cachée, mais qui s’étend à tout, et comme dit le Sage, qui agit fortement depuis une extrémité jusqu’à l’autre et qui dispose tout avec la douceur convenable. Ce qui a fait dire à l’Apôtre en prêchant aux Athéniens le Dieu qu’ils adoraient sans Le connaître: Il n’est pas éloigné de chacun de nous ; c’est en Lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être ».

Voilà un bel exposé sur la création de Dieu. Il suffit de se référer comme le dit ce texte au récit de la Genèse que nous récitons particulièrement lors de la veillée de Pâques.

Créateur, plein de bénignité. « benigne Conditor » .

La bénignité de Dieu qui est bonté apparait non seulement dans l’œuvre créatrice, comme nous le disions plus haut mais apparait aussi dans son œuvre salvatrice. La bénignité qui est comme l’affirme notre auteur un attribut divin comporte essentiellement  la nuance de miséricorde. C’est ainsi que Saint Paul conçoit tout le plan de salut en fonction de la bénignité de Dieu qui n’est pas seulement bienveillante et miséricordieuse mais bienfaisante et efficacement agissante : c’est afin de montrer aux siècles à venir les trésors surabondants de sa grâce et de sa bénignité envers nous dans le Christ que Dieu, riche en miséricorde, pressé par la grande charité dont il nous a aimés, nous a rendu la vie avec le Christ, nous a ressuscités avec lui et nous a fait asseoir dans les cieux (Eph 2 7). Dans ce texte, Saint Paul révèle aux Ephésiens le but du salut qui est non seulement de faire connaître d’une manière quelconque l’amour de Dieu pour les hommes mais de le montrer en acte et en fait, d’en faire voir aux hommes le déploiement, la puissance et les fruits. Cette bénignité de Dieu ainsi révélée par ses effets est désormais mieux connue que dans l’Ancien Testament : c’est un amour de bienveillance et de tendresse, elle s’inspire de sa charité qui est à la fois gratuite, prévenante et compatissante, et elle devient dans l’exécution du décret divin, généreuse et bienfaisante. .
L’Epître à Tite (3 4) résume cette idée : nous fûmes sauvés selon sa miséricorde, lorsque la bénignité et l’amour pour les hommes de notre Sauveur Dieu furent manifestés par la naissance de Jésus. Bénignité et « philanthropie » sont les attributs de Dieu en tant que sauveur de l’humanité ! C’est son amour tendre et compatissant qui l’incite à s’incarner pour délivrer ses créatures du péché et de ses sanctions. Cette bénignité a donc une nuance de pitié suscitée par le spectacle de l’état déplorable de l’humanité pécheresse.

Mais cette miséricorde n’est pas un simple sentiment du cœur, elle agit elle décrète les moyens de remédier à la situation malheureuse des hommes. Elle décide l’envoi d’un Sauveur. Le Christ n’est par conséquent que l’incarnation et le fruit de la divine bénignité. Il le prouvera pendant toute sa vie. Il fut « bénignité ».

Et puisque Dieu est plein de bénignité, il n’est pas étonnant que le fidèle lui adresse paisiblement  sa prière : Créateur plein de bonté, écoutez les prières. Il se sait d’avance exaucé d’autant qu’elles sont faites avec componction en ce temps de carême : « écoutez les prières, et regardez les larmes dont nous accompagnons le jeûne sacré de cette sainte quarantaine ». « Fusas qudragenario ». Portons notre attention sur le verbe « fusas » : preces  fusas cum fletibus » « Fusas «  de fundo  qui veut dire : répandre, verser laisser couler des larmes . Telle doit être la prière en ce saint temps de carême.

« Scrutator alme cordium, Infirma tu scis virium: Ad te reversis exhibe Remissionis gratiam ». « Père des miséricordes, scrutateur des cœurs, vous connaissez notre faiblesse; pardonnez à des enfants qui reviennent sincèrement à vous ».

C’est toujours la même idée ici développée. Fort de ses miséricordes connues et dans sa création, œuvre de sa  bonté  et par sa rédemption, œuvre de sa bénignité, nous l’avons dit plus haut, tout vous étant  connu de nos cœurs, pardonnez à vos enfants qui reviennent vers vous :  Ad te reversis exhibe Remissionis gratiam ». On pense ici à l’attitude du père de l’enfant prodigue de l’Evangile ou le père est magnifique de compassion

« Multum quidem peccavimus, Sed parce confitentibus: Ad laudem tui nominis Confer medelam languidis ». « Il est vrai que nous avons beaucoup péché; mais pardonnez-nous, en considération de l’humble aveu que nous vous en faisons; et pour la gloire de votre nom, guérissez nos âmes malades ».

Cette prière est animé par d’humbles sentiments et n’a en vue et n’a pour raison  que la gloire du Seigneur : « ad laudem tui nominis »  Et pour la gloire de votre nom, guérissez nos  misères. Dieu est toujours premier.

« Sic corpus extra conteri Dona per abstinentiam, Jejunet ut mens sobria
A labe prorsus criminum ». « 
Faites que, pendant que nos corps seront mortifiés par l’abstinence, nos âmes par un jeûne plus saint, s’abstiennent de tout péché ».

C’est clairement affirmer que la raison du jeune de carême, c’est pour une plus grande sainteté. Que « nos âmes par un jeûne plus saint, s’abstiennent de tout péché ».

« Præsta beata Trinitas, Concede simplex Unitas: Ut fructuosa sint tuis
Jejuniorum munera. Amen ». « 
O bienheureuse Trinité, qui êtes un seul Dieu, que votre grâce rende utile à vos serviteurs l’offrande qu’ils vous font de leurs jeûnes. Amen »

Tout est pour Dieu, nos offrandes de carême comme nos Jeunes.

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