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La visite « ad limina » des évêques belges

La visite « ad limina » des évêques belges

publié dans nouvelles de chrétienté le 21 mai 2010


La visite « ad limina » des évêques belges

L’allocution au Pape de Mgr Léonard

« L’évangélisation et l’approfondissement de la foi » reste une  priorité de Mgr Léonard,  archevêque de Malines-Bruxelles et président de la conférence épiscopale. Il l’affirmait devant Benoît XVI lors de l’audience accordée aux évêques de Belgique par Benoît XVI à l’issue de leur visite ad limina.

Nous lirons d’abord cette allocution (A)

Puis la réponse du Pape (B) 

Et enfin les commentaires  (C) que l’on peut lire sur le site  de « l’Osservatore Vaticano » et dans la presse belge.

 

A- Allocution de Mgr Léonard 

Très Saint-Père, 

Je vous ai fait remettre une version plus détaillée du message que je vous adresse ici de manière concise. C’est une Eglise belge douloureuse qui s’adresse à vous après le grave scandale causé par la démission forcée d’un de ses évêques. Douloureuse, mais déterminée à affronter ce genre de problème avec clarté, ainsi qu’en témoigne, notamment, le travail intense de la Commission chargée de traiter les plaintes en matière d’abus sexuel se produisant dans le contexte pastoral. Décidée aussi à jouer humblement et courageusement son rôle dans la société fortement sécularisée où se déroule sa mission. 

Elle le fait sur plusieurs plans. Tout d’abord en entretenant un dialogue ouvert et constructif avec les pouvoirs publics, avec les autres confessions chrétiennes et religieuses ainsi qu’avec l’ensemble de la société civile. Ensuite en rendant un témoignage de solidarité avec les plus démunis de notre société en cette période de crise économique. En outre, en se laissant plus résolument instruire par l’expertise remarquable et jusqu’ici trop peu exploitée de nos Universités catholiques, lesquelles ne sont pas d’abord une source de problèmes éthiques pour l’Eglise, mais une chance extraordinaire de rapport éclairé aux sciences humaines et exactes. Enfin, en entretenant un rapport franc et courageux avec les médias. 

En ce qui concerne la vie interne de l’Eglise, notre première priorité va vers l’évangélisation et l’approfondissement de la foi. D’où nos années pastorales thématiques consacrées récemment à la première annonce de la foi, à sa croissance, à la Parole de Dieu, au « Credo » et, bientôt, aux sacrements de l’initiation, puis aux autres sacrements. Un accent particulier est placé sur la catéchèse permanente des adultes et le catéchuménat des adultes. 

Dans un pays où une large majorité d’élèves sont scolarisés dans l’enseignement libre catholique et où bon nombre de jeunes reçoivent un cours de religion catholique dans l’enseignement public, nous sommes également décidés à déployer de grands efforts pour que le cours de religion réalise pleinement sa mission, à savoir permettre la rencontre avec la personne du Christ et le contenu central de la foi catholique. 

Nous entendons développer aussi nos efforts pour promouvoir positivement la consistance et la beauté de la pratique liturgique. Ce sera la meilleure manière de redresser certaines pratiques déviantes. Car, à côté de lieux majoritaires où la liturgie est bien valorisée, il faut bien constater des déviations ou des lacunes, parfois graves dans certaines paroisses. Si nous voulons réagir d’une manière qui ne soit pas purement disciplinaire, il nous faut travailler en profondeur à l’intelligence de la foi et à la connaissance de la liturgie. 

En même temps, nous mettons en place des structures paroissiales nouvelles, qui visent à vivre l’Eglise locale comme une communauté de communautés, ouvertes les unes sur les autres. Pour ces nombreuses nécessités qui incombent à l’Eglise de notre pays, nous comptons sur toutes les vocations et missions propres aux membres de l’Eglise, qu’elles soient portées par des ministres ordonnés, des personnes ou des communautés de vie consacrée ou des fidèles laïcs. Rien ne serait possible dans notre Eglise de Belgique sans l’engagement de tant de fidèles laïcs dans la vie de nos unités pastorales, dans la catéchèse, dans l’enseignement scolaire, dans l’action sociale, dans le monde de la santé, dans les mouvements de jeunes ou d’adultes, etc. Tout ceci soit dit sans jamais oublier que la toute première mission des laïcs est d’imprégner la société du ferment de l’Evangile. De ce point de vue, nous nous réjouissons de l’engagement de tant de laïcs dans le monde de l’enseignement, de la santé, de l’entreprise, de l’industrie et de la politique. Ils méritent notre gratitude et nos encouragements, car ils inscrivent des choix chrétiens à l’intérieur de leur vie professionnelle. 

La vie consacrée est davantage préoccupante. Rarissimes sont les communautés de vie apostolique ou les instituts séculiers qui recrutent encore des jeunes. La situation est à peine meilleure dans les communautés de vie contemplative. Les vocations à la virginité consacrée sont belles, mais rares, elles aussi. Seules quelques communautés nouvelles ont un recrutement appréciable sans être pour autant massif. 

Les vocations diaconales, spontanées ou suscitées par une interpellation, sont régulières sans être nombreuses. Elles ont trouvé progressivement un équilibre entre le service liturgique, l’engagement paroissial et la présence au monde en ses diverses composantes. Cette vocation gagne constamment en crédibilité et nous nous en réjouissons. 

Reste l’important problème des vocations sacerdotales. La situation n’a jamais été si mauvaise en Belgique. Tant du côté flamand que du côté francophone, nous allons, pour la rentrée prochaine, adopter une série de mesures aptes à renforcer les lieux de formation pouvant regrouper un nombre suffisant de séminaristes, dispensant un enseignement de qualité et capables de rayonner auprès du monde des jeunes. 

Ceci me conduit, pour conclure, à dire quelques mots de la pastorale des vocations, de la jeunesse et de la famille. En premier lieu, nous pouvons nous réjouir de l’essor qu’est en train de prendre la pastorale des vocations, notamment grâce à la campagne annuelle liée au dimanche de prière pour les vocations, mais aussi à l’occasion de journées d’étude consacrées à ce thème et, spécialement en cette année sacerdotale, à la vie du prêtre. 

A sa manière, la pastorale familiale doit contribuer, elle aussi, à la pastorale des vocations, car une famille chrétienne, nouée autour du Seigneur, est l’un des lieux où une vocation peut s’épanouir. Mais cette pastorale a son contenu propre, visant à améliorer la préparation au mariage, à soutenir les couples dans la fidélité mutuelle et au sacrement qui les unit et à rencontrer, avec amour et vérité, la douloureuse réalité, partout présente, de l’échec conjugal et des problèmes humains et ecclésiaux qui en découlent. Elle tente aussi de relever les défis nouveaux de nos sociétés : les nouvelles formes de vie en couple en dehors du mariage classique, l’accueil des enfants et les problèmes liés à leur éducation. 

Semblablement, la pastorale de la jeunesse a ses objectifs propres, cherchant à permettre à des jeunes de faire une rencontre vivante du Christ. Mais c’est là aussi que des vocations peuvent naître. De ce point de vue, outre l’apport éducatif et parfois religieux des mouvements de jeunesse d’inspiration chrétienne, nous nous réjouissons du travail constructif qui se réalise auprès des jeunes à travers divers rassemblements de jeunes, diocésains, nationaux ou internationaux grâce au dynamisme de la pastorale de la jeunesse. Je souligne également l’essor que prend dans le pays, et surtout en Flandre, le mouvement des acolytes. 

Très Saint-Père, je n’ai pas cherché à être exhaustif en répercutant ainsi quelques-unes des préoccupations, des joies et des peines qui nous habitent. Je vous remercie de votre bienveillante écoute et vous redis notre grande disponibilité à nous laisser guider, instruire et stimuler par votre ministère pétrinien au service de l’Eglise universelle et de notre pays en particulier. Nous vous redisons notre fraternel et filial attachement. 

Mgr André-Joseph Léonard, archevêque de Malines-Bruxelles.

 B-  Le discours du Pape aux évêques belges

C’était le samedi 8 mai 2010 dans la matinée. 

Chers Frères dans l’Épiscopat, 

Je suis heureux de vous souhaiter très cordialement la bienvenue à l’occasion de votre visite ad Limina Apostolorum qui vous conduit en pèlerinage sur la tombe des Apôtres Pierre et Paul. Cette visite est un signe de la communion ecclésiale qui unit la Communauté catholique de Belgique au Saint-Siège. Elle est aussi une occasion heureuse de renforcer cette communion dans l’écoute réciproque, dans la prière commune et dans la charité du Christ surtout en ces temps où votre Eglise elle-même a été éprouvée par le péché. Je remercie vivement Monseigneur André-Joseph Léonard des paroles qu’il m’a adressées en votre nom et au nom de vos communautés diocésaines. Il m’est agréable d’avoir une pensée particulière pour le Cardinal Godfried Danneels qui, pendant plus de trente ans, a conduit l’archidiocèse de Malines-Bruxelles et votre Conférence épiscopale. 

À la lecture de vos rapports sur l’état de vos diocèses respectifs, j’ai pu mesurer les transformations qui se poursuivent dans la société belge. Il s’agit de tendances communes à beaucoup de pays européens mais qui ont, chez vous, des caractéristiques propres. Certaines d’entre elles, déjà relevées lors de la précédente visite ad Limina, se sont accentuées. Je me réfère à la diminution du nombre de baptisés qui témoignent ouvertement de leur foi et de leur appartenance à l’Église, à l’élévation progressive de la moyenne d’âge du clergé, des religieux et religieuses, à l’insuffisance des personnes ordonnées ou consacrées engagées dans la pastorale active ou dans les domaines éducatif et social, au nombre restreint de candidats au sacerdoce et à la vie consacrée. La formation chrétienne, surtout celle des jeunes générations, les questions relatives au respect de la vie et à l’institution du mariage et de la famille constituent d’autres points sensibles. On peut encore mentionner les situations complexes et souvent préoccupantes liées à la crise économique, au chômage, à l’intégration sociale des immigrés, à une coexistence apaisée des diverses communautés linguistiques et culturelles de la Nation. 

J’ai pu relever combien vous êtes conscients de telles situations et de l’importance d’insister sur une formation religieuse plus solide et plus profonde. J’ai pris connaissance de votre Lettre pastorale, La belle profession de la foi, inscrite dans le cycle Grandir dans la foi. Par cette Lettre, vous avez voulu inciter l’ensemble des fidèles à redécouvrir la beauté de la foi chrétienne. Grâce à la prière et à la réflexion en commun autour des vérités révélées exprimées par le Credo, on redécouvre que la foi ne consiste pas uniquement à accepter un ensemble de vérités et de valeurs, mais d’abord à se confier à Quelqu’un, à Dieu, à L’écouter, à L’aimer, et à Lui parler, enfin à s’engager à son service (cf. p.5). 

Un événement significatif, pour aujourd’hui et pour demain, a été la canonisation du P. Damien De Veuster. Ce nouveau saint parle à la conscience des Belges. N’a-t-il pas été désigné comme le fils de la nation le plus illustre de tous les temps ? Sa grandeur, vécue dans le don total de lui-même à ses frères lépreux, au point d’être contaminé et d’en mourir, réside dans sa richesse intérieure, dans sa prière constante, dans son union au Christ qu’il voyait présent dans ses frères et à qui, comme lui, il se donnait sans réserve. En cette Année sacerdotale, il est bon de proposer son exemple sacerdotal et missionnaire, particulièrement aux prêtres et aux religieux. La diminution du nombre de prêtres ne doit pas être perçue comme un processus inévitable. Le Concile Vatican II a affirmé avec force que l’Eglise ne peut se passer du ministère des prêtres. Il est donc nécessaire et urgent de lui donner sa juste place et d’en reconnaître le caractère sacramentel irremplaçable. Il en résulte par conséquent la nécessité d’une ample et sérieuse pastorale des vocations, fondée sur l’exemplarité de la sainteté des prêtres, sur l’attention aux germes de vocation présents chez beaucoup de jeunes et sur la prière assidue et confiante, selon la recommandation de Jésus (cf. Mt 9, 37). 

J’adresse un salut cordial et reconnaissant à tous les prêtres et aux personnes consacrées, souvent surchargés de travail et désireux du soutien et de l’amitié de leur Évêque et de leurs confrères, sans oublier les prêtres plus avancés en âge qui ont consacré toute leur vie au service de Dieu et de leurs frères. Je n’oublie pas non plus l’ensemble des missionnaires. Que tous – prêtres, religieux, religieuses et laïcs de Belgique – reçoivent mes encouragements et l’expression de ma gratitude et qu’ils n’oublient pas que c’est le Christ seul qui apaise toute tempête (cf. Mt 8, 25-26) et qui redonne force et courage (cf. Mt 11, 28-30 et Mt 14, 30-32) pour mener une vie sainte en pleine fidélité à leur ministère propre, à leur consécration à Dieu et au témoignage chrétien. 

La Constitution Sacrosanctum concilium souligne que c’est dans la liturgie que se manifeste le mystère de l’Église, dans sa grandeur et sa simplicité (cf. n.2). Il est donc important que les prêtres prennent soin des célébrations liturgiques, en particulier de l’Eucharistie, pour qu’elles permettent une communion profonde avec le Dieu Vivant, Père, Fils et Saint-Esprit. Il est nécessaire que les célébrations se déroulent dans le respect de la tradition liturgique de l’Église, avec une participation active des fidèles, selon le rôle qui correspond à chacun d’eux, s’unissant au mystère pascal du Christ. 

Dans vos rapports, vous vous montrez attentifs à la formation des laïcs, en vue d’une insertion toujours plus effective dans l’animation des réalités temporelles. C’est là un programme louable, qui naît de la vocation de tout baptisé configuré au Christ prêtre, prophète et roi. Il est bon de discerner toutes les possibilités qui émanent de la vocation commune des laïcs à la sainteté et à l’engagement apostolique, dans le respect de la distinction essentielle entre le sacerdoce ministériel et le sacerdoce commun des fidèles. Tous les membres de la Communauté catholique, mais d’une façon particulière les fidèles laïcs, sont appelés à témoigner ouvertement de leur foi et à être un ferment dans la société, en respectant une saine laïcité des institutions publiques et les autres confessions religieuses. Un tel témoignage ne peut être limité à la seule rencontre personnelle, mais doit aussi assumer les caractéristiques d’une proposition publique, respectueuse mais légitime, des valeurs inspirées par le message évangélique du Christ. 

La brièveté de cette rencontre ne me permet pas de développer d’autres thèmes qui me sont chers et que vous avez aussi mentionnés dans vos rapports. Je terminerai donc en vous priant de bien vouloir transmettre à vos Communautés, aux prêtres, aux religieux, aux religieuses et à tous les catholiques de Belgique mes salutations affectueuses, les assurant de ma prière pour eux devant le Seigneur. Que la Vierge Marie, vénérée en de si nombreux sanctuaires de Belgique, vous assiste dans votre ministère et vous protège tous dans sa tendresse maternelle. À vous et à tous les catholiques du Royaume, j’accorde de grand cœur la Bénédiction apostolique. 

[Texte original: Français] 

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C- les commentaires de l’Osservatore Vaticano.

« La toute récente visite ad limina apostolorum des évêques belges a été pour le nouveau primat Léonard l’occasion d’enfoncer un coin sur un sujet qui lui tient à coeur: l’enseignement catholique. Pour mémoire, le dossier belge de L’Homme Nouveau dont nous avions parlé fin mars comportait un encadré sur une série de manuels catéchétiques à la limite de l’hérésie.

Aussi bien dans son discours au pape que dans sa conférence de presse au Collège belge de Rome, Mgr Léonard a dit son intention de “déployer de grands efforts pour que le cours de religion réalise pleinement sa mission”, c’est-à-dire “reparle du christianisme”. Cette insupportable prétention fascisante a été accueillie comme il se doit, en particulier en Flandre. Dans une lettre ouverte, un groupe d’enseignants a déclaré tout de go qu’il “ne peut être question de suivre [Mgr Léonard] dans ses recommandations” parce qu’il “ne semble vraiment pas connaître la réalité du terrain”.

En fait, Mgr Léonard connaît justement très bien la réalité: comme il l’a déclaré, dans les écoles belges “le cours de religion n’en est plus un depuis longtemps” (De Standaard, 10 mai). Crier que le roi est nu, c’est précisément reconnaître réalité, et voilà qui est profondément sain. Il est notoire en Belgique que les cours de religion traitent d’idéaux humanitaires et de tout, sauf de la doctrine catholique. On se souvient de cet adolescent traduit en justice pour “outrage aux objets du culte”, pour avoir profané des hosties dans la chapelle de son athénée (collège-lycée public). Interrogé par le magistrat, qui cherchait à voir s’il avait eu conscience de commettre un acte heurtant pour les catholiques, le garçon répondit qu’au cours de religion on ne lui parlait à peu près que du Sida, de la faim dans le monde et du ramadan. Ceux qui se lamentent sur la crise des vocations, en disant “se torturer les méninges” (Card. Danneels à Dimanche, 26.10.2006) pour comprendre les causes, feraient bien de se demander comment on peut espérer des vocations particulières si on ne sème pas la bonne graine dans l’âme des enfants. Attendre des résultats sans en prendre les moyens, n’est-ce pas tenter Dieu?

(à suivre)

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La libre belgique donne des extraits de cette « Lettre ouverte » dont parle « l’osssservatore vaticano ». Voici: 

Des vents contraires autour de Mgr Léonard

par Christian Laporte

 

L’annonce de l’archevêque de réformer les cours de religion fait déjà des vagues.

Vendredi soir à la conférence de presse au Collège belge mais également samedi dans son discours au Pape, l’archevêque de Malines-Bruxelles disait sa détermination à « déployer de grands efforts pour que le cours de religion réalise pleinement sa mission, à savoir permettre la rencontre avec la personne du Christ et le contenu central de la foi catholique ». Il n’en a pas fallu davantage pour que se lève un vent de tempête en Flandre contre ce qui est considéré par certains comme une volonté de remise au pas de l’enseignement de la religion à l’école.

Petit rappel : au Collège belge, Mgr Léonard avait expliqué qu’il souhaitait que « le cours de religion reparle du christianisme et de ce qui constitue le noyau de la foi chrétienne, en l’occurrence le Christ ». Et à une question d’un collègue du « Nieuwsblad » il avait répondu qu’il envisageait notamment de mettre en avant des manuels plus susceptibles de s’en rapprocher.

Ni plus, ni moins mais cela n’a pas apaisé un groupe de profs de religion anversois qui s’en sont ouverts illico presto à des confrères flamands notamment pour rappeler qu’« il faut faire une distinction entre la catéchèse diffusée sur une base volontaire dans les paroisses et un cours obligatoire à l’école ».

Selon Jan Maes et les signataires d’une lettre ouverte « Mgr Léonard ne semble pas vraiment connaître la réalité de terrain. Il ne peut être question de le suivre dans ses recommandations. Actuellement, nous travaillons comme des cuisiniers qui proposent une série de plats aux jeunes sur les questions qui les interpellent; cela leur permet aussi de se retrouver davantage dans les conceptions de vie qui dominent dans leur environnement. Très sincèrement, revenir à un enseignement strict de la doctrine chrétienne serait contre-productif pour l’écrasante majorité d’entre eux. Avec la conséquence que les élèves seront encore plus déboussolés ».

Et de résumer très simplement leur point de vue : « nos élèves nous interrogent sur le mariage des homosexuels ou sur l’euthanasie, rarement sur le catéchisme ! »

Lundi le débat est encore monté d’un cran : le doyen et le vice-doyen de la Faculté de théologie de la KU Leuven, soit respectivement Lieven Boeve et Didier Pollefeyt ont en effet estimé devoir préciser que « l’enseignement de la religion ne sortirait pas gagnant d’une polarisation sur la question dans les circonstances actuelles ».

Et les deux responsables louvanistes qui furent aussi impliqués dans la réforme des cours de religion de faire valoir « que ce n’est pas vraiment le bon moment de s’interroger sur le fonctionnement du cours de religion alors que les enseignants sont confrontés à de très nombreuses questions sur les abus sexuels commis dans un cadre ecclésial ».

Certes, les deux professeurs de la KU Leuven peuvent « comprendre le souci du nouvel archevêque pour un enseignement authentique de la religion » mais demandent aussi « de ne pas voir d’opposition là où il n’y en a pas nécessairement une ». Boeve et Pollefeyt rappellent aussi que les professeurs de religion doivent tenir compte de la diversité des origines des élèves et du contexte sociétal actuel.

Bref « le souci de l’identité du cours de religion et le pluralisme de fait des classes ne doivent surtout pas être exploités l’un contre l’autre mais doivent être considérés comme des chances pour un enseignement de la religion qui soit à la fois utile et authentique ».

Selon certaines sources, il semble que le vent de révolte ait surtout été suscité par un effet de surprise : à ce jour, les professeurs de religion n’avaient pas encore été mis au parfum et ils n’ont apprécié que très modérément d’avoir été informés par la presse depuis Rome.

Si cela peut les rasséréner, on ajoutera qu’ils ne sont pas les seuls : les séminaristes ont également appris les chantiers de réformes qui les toucheront directement par voie médiatique.

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Nous évoquions hier le discours de Mgr Léonard relatif à l’enseignement de la foi.

L’initiative annoncée par le primat du royaume est d’autant plus significative quand on sait combien  l’enseignement de la religion catholique jouit en Belgique d’une position enviable : il est assuré non seulement, évidemment, dans les établissements catholiques (qui scolarisent plus d’élèves que les établissements officiels), mais encore dans ces derniers. C’est que la neutralité de l’État belge revêt des formes fort différentes de la laïcité française (même s’il s’agit du même principe). Après deux guerres scolaires (1879-1884 et 1950-1959), les catholiques ont obtenu un des meilleurs régimes possibles dans un État non confessionnel: une véritable neutralité de celui-ci. Non seulement les écoles catholiques se sont vu reconnaître une entière autonomie de leurs programmes, mais les établissements publics permettent aux parents de choisir pour leurs enfants les cours de la religion de leur choix, assurés par les ministres des cultes concernés. Chose inimaginable en France, un prêtre en col romain peut donc aller donner cours (de cathéchisme) dans une école d’État. L’effondrement de l’enseignement de la religion catholique est donc largement la faute des catholiques eux-mêmes. Après le concile Vatican II, on peut même parler de liquéfaction.

La réforme annoncée par Mgr Léonard vise donc à reprendre le contrôle de cette “force de frappe”. Il faut se rendre compte que, si on additionne les établissements catholiques et les cours de religion dispensés dans les établissements publics, on arrive à quelque 75% des élèves scolarisés en Belgique qui suivent d’une façon ou d’une autre un cours de religion catholique. Répétons-le: ce sont les responsables catholiques eux-mêmes qui se sont déculottés. On ne compte plus les livres et programmes “catholiques” qui dédouanent la contraception ou l’homosexualité sous couleur d’éducation à l’égalité des chances. En 2002, le Secrétariat flamand de l’Enseignement catholique a même signé avec le ministère de l’Education une “Déclaration commune sur le traitement égal de l’hétérosexualité et de la sexualité homosexuelle, lesbienne et bisexuelle dans l’enseignement”. Il y a 2 ans, son pendant francophone a avalé sans broncher un décret ministériel qui impose à toutes les écoles, mêmes privées, d’éduquer les enfants à la non-discrimination, à la citoyenneté démocratique et autres idéaux maçonnico-onusiens. On peut parler de trahison des acquis du pacte scolaire, obtenus de haute lutte et consacrés par l’art. 24 de la constitution belge. C’est donc une capitulation catholique en rase campagne. En prétendant enrayer ce processus, Mgr Léonard s’attire évidemment des inimitiés. 

Notons toutefois que l’enrayement en question n’est pas sans limites. Non seulement l’alignement de l’Église sur les idéaux modernes (Gaudium et Spes et, encore plus, Dignitatis Humanae) restreint ses possibilités de réaction, mais Mgr Léonard lui-même s’interdit de dépasser certaines bornes. En mars dernier, il félicitait le président du Centre d’action laïque pour son élection ; en janvier il disait “avoir un côté un peu rationnaliste” et “beaucoup aimer chez [les francs-maçons] et les laïques pointus qu’ils soient amis de la raison” (Voir La Libre Belgique) C’est évidemment se mettre en position difficile pour contester ensuite des cours de religion qui relèvent du naturalisme humanitaire. On peut toutefois analyser les choses autrement: quelles que soient les limites de la position de Mgr Léonard, c’est sa prétention à renverser à vapeur, aussi peu soit-il, qui provoque des réactions furieuses. Ce signal a valeur de symptôme.

Pour terminer, un fait qui ne surprendra pas grand-monde: des professeurs de Louvain se sont trouvés en pointe dans la fronde de ces derniers jours. En particulier, Lieven Boeve (dont le nom signifie opportunément “cher bandit”), doyen de théologie de la Katholieke Universiteit Leuven a contesté le bien-fondé de l’action du primat, qui est aussi grand chancelier de l’université. Puisque nous évoquions récemment les incartades de Louvain-la-Neuve, nous aurons l’occasion de revenir prochainement sur le passif des deux universités postcatholiques de Louvain…

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