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Entraide et Tradition

Le sacerdoce.

publié dans couvent saint-paul le 17 octobre 2010


Prédication pour le 21ème dimanche après la Pentecôte

Le 17 octobre 2010
Date réelle de mon ordination sacerdotale.
Le sacerdoce.

En ce dimanche, 17 octobre 2010, me voilà arrivé au véritable anniversaire de mon ordination sacerdotale. Dimanche dernier, je ne sais pourquoi, je l’avais anticipé d’une semaine…Cela me donne l’occasion de reparler du sacerdoce. Je ne saurais y manquer.

Ce qui fait le prêtre, sa joie, ses études, c’est la découverte toute particulière du mystère de Dieu. Le prêtre, plus que tout autre baptisé, contemple le mystère de Dieu. Dieu est l’objet de ses études. Il en scrute le mystère. Il en scrute la bonté. « Dieu est chose si bonne que meilleure ne se peut », disait, je crois, saint Louis.

Il en étudie d’abord l’existence, les propriétés. C’est l’objet de la théodicée. C’est une des premières études du prêtre. La théodicée, l’étude de Dieu, de son existence, de ses propriétés telles que la raison peut les connaître… Que d’heures merveilleuses passées sur ce sujet par le séminariste. Il s’applique d’abord à comprendre les cinq voies de saint Thomas qui permettent d’affirmer l’existence de Dieu. Il s’efforce d’en avoir l’intelligence. Il s’arrêtera plus ou moins sur l’une ou l’autre, par exemple sur la preuve dite de l’être contingent. « L’être contingent » ? Qu’est-ce à dire ? C’est l’être qui peut être ou ne pas être. Il est, sans être pourtant un être nécessaire. Il est aujourd’hui. Il ne sera pas demain. Il est l’être non nécessaire. Il n’a pas en lui-même sa raison d’être. Et pourtant il est. Si donc il n’a pas en lui-même sa raison d’être, tout en étant, c’est qu’il l’a par un autre qui a l’être en lui-même. Car on ne peut remonter sans cesse dans la chaîne des causes secondes, des causes contingentes. Il faut nécessairement en arriver à un être premier qui a sa raison d’être en lui-même et nullement en un autre, autrement rien de ce qui est, n’aurait sa raison d’être et donc rien ne serait. Il faut donc s’arrêter à un être nécessaire, à une cause première. Et cet être nécessaire qui a sa raison d’être en lui-même, est ce qu’on appelle Dieu. L’intelligence aime scruter la raison de cet être nécessaire car, de là, elle va en tirer quelques propriétés. Il est au principe de tout. Il est donc le maître de toutes choses. Il est le Tout-Puissant. Il est le principe et la fin de tout. Il est le principe. Il est l’ « alpha » et l’ « omega ». Il est le principe, à l’origine de tout. Tout dépend de lui, de son existence nécessaire. Il est la fin de tout. C’est en lui que toute chose a sa fin, sa finalité, sa raison d’être. Il est le Créateur. Il est la perfection. Il est l’être subsistant par lui-même. Il se suffit à lui-même. Il n’a besoin de rien. S’il crée, parce que tout puissant, c’est pour donner et être possédé par tout être créé. Il est l’être provident, la Providence.
L’intelligence du séminariste, futur prêtre, s’enthousiasme de la découverte de l’être, de Dieu. Il arrive à avoir la certitude de l’existence de Dieu. Il va contempler, dans son intelligence, l’être divin. Il va s’initier à chanter sa gloire. Sa raison, là, dans ces premières études qui portent sur Dieu, va fortifier sa foi, son « Credo », « je crois » : « Credo in unum Deum, patrem omnipotentem ». Il pourra dire, à cet instant, « je sais que Dieu est ». Je sais qu’il est « l’acte pur », la perfection même, sans mélange de puissance et d’acte, sans mélange de non être et d’être. Il est. C’est tout et cela me suffit. Et je chante sa gloire. C’est donc bien les créatures – tous êtres contingents, qui me révèlent l’existence de Dieu comme l’effet révèle la cause. Aussi le prêtre ne peut tenir cacher dans son cœur l’être divin. Il ne peut tenir captive la vérité dans son cœur. Il vibre à la condamnation de saint Paul écrivant aux Romains : « La colère de Dieu se révèle du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes, qui, par leurs injustices retiennent la vérité captive, car ce qui est connu de Dieu est manifeste pour eux : Dieu le leur a fait connaître. Car ses perfections invisibles, son éternelle puissance et sa divinité sont depuis la création du monde, aperçues par l’intelligence au moyen de ses œuvres ». Alors le prêtre comprend ses paroles de Paul : « Ils sont donc inexcusables, puisque ayant connu Dieu, ils ne l’ont pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas rendu grâces ».
Voilà aussi l’injustice du monde moderne.
Voilà aussi l’impiété du monde moderne.
Il voit les œuvres et pourtant il ne conclut pas à l’existence de Dieu. Dès lors, il vit dans l’injustice. Il vit dans l’impiété. Dans l’injustice, en ne rendant pas à Dieu son du : la gloire. A Lui la gloire. A Lui l’action de grâces. Dans l’impiété, en se créant de faux dieux. Le jeune lévite, lui, vit de tout son être, de tout son cœur, dans l’action de grâces, pour ce Dieu, principe de tout le créé. Il aime. Il contemple. Son intelligence possède, en cette affirmation, « Dieu est », son bien qui est le vrai. Et c’est alors la joie de son intelligence, tant il est vrai que la joie de l’intelligence est la possession du vrai, c’est son bien. Dieu est le vrai. Dieu est le bien. Dieu est l’objet de la béatitude de l’être contemplatif. Le prêtre est le contemplatif de Dieu. Il est dans la béatitude.
Et cette théodicée qui, au prêtre, lui parle de Dieu, s’épanouie, se développe, se fortifie, par les affirmation de la foi, de la théologie, par les affirmations révélées, objet de la théologie. Et nous avons alors le merveilleux prologue de l’Evangile de saint Jean qui nous dit : « In principio erat Vervum »…Au principe de toutes choses, au commencement est le Verbe et le Verbe est en Dieu et le Verbe est Dieu. Il était au commencement en Dieu…Toutes choses ont été faites par Lui et rien de ce qui a été fait, n’a été fait sans Lui ». La foi vient conforter la raison. Heureuse complémentarité. L’auteur inspiré, sain Jean, confirme les conclusions de la raison : « In principium erat Vebum ». Le Verbe, en Dieu, Dieu lui-même est le principe de tout. Rien de ce qui est, n’a été fait sans Lui. Il est la cause de toutes choses… Mais ce qui reste pour la raison une abstraction, grâce à la Révélation, prend un nouveau visage. Ce premier principe, c’est Le Verbe, la deuxième personne de la Trinité, en qui Dieu le père a mis toutes ses complaisances. A Lui toute honneur et toute gloire. C’est ainsi que la théodicée et la théologie, ayant même objet, Dieu, mais l’appréhendant selon un objet formel différent – ce sont deux sciences distingues, s’appuient mutuellement pour mieux chanter encore la gloire de Dieu. Ainsi le prêtre entretient-il dans son cœur ce désir de la contemplation de Dieu. Entretient-il dans son cœur, la joie intérieure par la possession du bien parfait, Dieu. Il fuit ainsi toute injustice et toute impiété. La vérité de Dieu, pour lui, n’est pas captive dans son cœur. Non ! Que non pas ! Ce qu’il contemple de Dieu, son existence, ses perfections, il veut le prêcher, l’annoncer. Il veut que ses fidèles, chantent comme lui la gloire de Dieu et chantent leurs actions de grâces. Il veut les prévenir des dangers des ténèbres dont nous parle toujours saint Paul dans la même épître aux Romains. Ceux qui nient Dieu et son existence « sont devenus vains dans leurs pensées et leur cœur sans intelligence s’est enveloppé de ténèbres. Se vantant d’être sages, ils sont devenus fous et ils ont changé la majesté de Dieu incorruptible par des images représentants l’homme corruptible, des oiseaux, des quadrupèdes, des reptiles ». La négation de Dieu et de son existence ne va pas sans entraîner l’idolâtrie. On se détourne de Dieu pour se tourner vers des fables, des faux dieux. L’idolâtrie, fruit de l’agnosticisme. L’idolâtrie ! Mais c’est l’homme lui-même qui se fait Dieu et s’adore lui-même. Aujourd’hui l’anthropocentrisme est la nouvelle idéologie du monde moderne, son idolâtrie. L’homme devient le centre de tout, au détriment de Dieu, du vrai.
Mais aussi Dieu, poursuit saint Paul, les « a-t-il livrés, au milieu des convoitises de leurs cœurs, à l’impureté, en sorte qu’ils déshonorent entre eux, leurs propres corps, eux qui ont échangé le Dieu véritable pour le mensonge et qui ont adoré et servi les créatures de préférence au Créateur, lequel est béni éternellement ».
Les conséquences de la négation divine sont gravissimes pour l’homme.

« Ils ont adoré et servi les créatures de préférence au Créateur, lequel est béni éternellement ». Vous remarquerez la conclusion, MBCF, « lequel est béni éternellement ». C’est une conclusion énergique, forte, une conclusion enflammée d’un cœur amoureux de Dieu. Voila, de fait, les sentiments de celui qui étudie la science de Dieu, la plus belle des sciences, du séminariste, du prêtre. Je ne peux que souhaiter que les jeunes qui m’entendent réfléchissent à ce témoignage vrai que je donne du haut de cette chair.

Mais la théodicée, sans être oubliée est vite dépassée par la théologie. Et le prêtre va ainsi pénétrer dans le plus beau des mystères, l’intimité de Dieu, dans le mystère de la charité de Dieu que seule la Révélation peut nous faire connaître. Alors le prêtre est ravi au ciel, je ne dis pas au troisième ciel, mais il est ravi au ciel dans une joie plus exaltante encore quand la théologie lui dit, avec saint Jean : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle » (Jn 3 16) Voilà le véritable et unique mystère de Dieu. Voilà le mystère de l’Incarnation, le mystère de la Rédemption. Voilà sa cause : la charité de Dieu. Voilà sa finalité : le ciel, la béatitude.. Le prêtre, le lévite va se consacrer des années durant, des mois, des semaines, à scruter ce mystère de la charité de Dieu. Il va comprendre que Dieu est charité. « Deus caritas est ». Il va scruter ce mystère du salut, « l’Evangile du salut ». Il va comprendre que « Dieu est riche en miséricorde », « qu’à cause du grand amour dont il nous a aimés et alors que nous étions morts par nos offenses, nous a rendu vivants dans le Christ » (C’est par grâce que nous sommes sauvés) « qu’il nous a ressuscités ensemble et nous a fait asseoir ensemble dans les cieux en Jésus-Christ afin de montrer dans les siècles à venir l’infinie richesse de sa grâce par sa bonté envers nous en Jésus-Christ ».

Le prêtre va scruter, vous dis-je, cette charité divine, sa gratuité, son immensité, sa volonté de bien, sa volonté bienfaitrice. Il va comprendre que le ciel des béatitudes est la raison de l’Incarnation rédemptrice, « propter nostram salutem », disons nous dans notre Credo. Le prêtre va comprendre et s’enflammer de cet amour divin. Il comprendra que c’est par grâce que nous sommes sauvés. Il va comprendre que la foi au Christ Seigneur est la voie royale du salut, et qu’elle est unique, la seule : « le salut par le moyen nécessaire de la foi au Christ. Il va comprendre que le salut ne vient pas de nous mais qu’il est un don de Dieu. Il va comprendre que le salut ne vient pas de nos œuvres afin que nul ne se glorifie. Alors il comprendra que nous sommes tous, baptisés, « l’ouvrage de Dieu » par le sang rédempteur du Christ, œuvre de charité.
Ce sera là sa prédication, le thème central de sa prédication. Ce fut la prédication de saint Paul. Sa prédication fut le mystère du Christ et rien d’autre. Il ne cesse de le répéter :
– Aux Corinthiens , il dit : « Moi, mes frères, lorsque je suis venu chez vous, ce n’est pas avec une supériorité de langage ou de sagesse que je suis venu vous annoncer le témoignage de Dieu. Car je n’ai pas jugé que je dusse savoir parmi vous autre chose que Jésus et Jésus crucifié ».
– Aux Ephésiens, il écrit encore plus explicitement : « J’ai été fait ministre de cet Evangile selon le don de la grâce de Dieu qui m’a été accordée par l’efficacité de sa puissance. C’est à moi le moindre de tous les saints, qu’a été accordé cette grâce d’annoncer parmi les gentils, les richesses incompréhensibles du Christ et de mettre en lumière aux yeux de tous l’économie du mystère qui avait été cachée depuis le commencement en Dieu, le créateur de toutes choses afin que les principautés et les puissances dans les cieux connaissent aujourd’hui à la vue de l’Eglise, la sagesse infiniment variées de Dieu, selon le dessein éternel qu’il a réalisé par Jésus-Christ notre Seigneur en qui nous avons par la foi en lui l’assurance et l’accès en toute confiance auprès de Dieu »
Voilà ce qu’apprend le prêtre durant son séminaire : le mystère de Dieu, le mystère du Christ, expression, manifestation de la charité de Dieu qui a pour unique finalité la rédemption et la glorification des hommes dans la vision de gloire, au ciel, un jour.
Voilà ce qu’il contemple, contemplera, prêche, prêchera, « afin que le Jésus Christ habite dans vos cœurs par la foi »
« afin que, étant enracinés et fondés dans la charité, vous puissiez comprendre avec tous les saints quelle est la largeur et la longueur et la profondeur et la hauteur de la charité du Christ »
« afin que vous puissiez connaître l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance, en sorte que vous soyez remplis de toute la plénitude de Dieu »
Vous avez fait attention, je pense, à ces dernières expressions de l’Apôtre :
-connaître l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance. Je traduis : la connaissance du Christ et son mystère est l’objet de la Théologie. Dès lors cette science est la science des sciences. Elle surpasse toute connaissance. Que vaut la science du Droit, la science physique, la mathématique face à la théologie. La théologie fut bien en Sorbonne la science des sciences.
« En sorte que vous soyez remplis de toute la plénitude de Dieu » : Celui qui s’adonne à cette science, la théologie, est rempli de la plénitude de Dieu. Il est avec Dieu, il vit de Dieu et de sa plénitude. Il est dans une joie spirituelle et intellectuelle profonde, celle que donne la possession de l’être divin, la Sagesse éternelle.

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