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Entraide et Tradition

« Le Jésus de Nazareth » de Benoît XVI (T 2)

publié dans nouvelles de chrétienté le 17 mars 2011


Luigi Accattoli a lu le « Jésus » de Benoît XVI

C’est une lecture « sympathique » du nouveau livre de Benoît XVI sur « Jésus de nazareth ».

Le 16 mars 2011 – E. S. M. – Il parle d’ « Une lecture rationnelle du second volume sur Jésus de Nazareth ». A la fois minutieux, et rempli d’une profonde empathie avec le Saint-Père. Article paru dans l’hebdomadaire « Liberal » .

L’article, très long, a pris beaucoup de temps à traduire (d’autant plus que j’ai recherché, dans la mesure du possible, les correspondances dans le texte en français), mais il vaut la peine d’être lu, et peut vraiment servir de guide de lecture.

Anatomie du Christ

Benoît XVI écrit des pages intenses, qui portent une attention nouvelle à la figure du Nazaréen: l’avènement, le message, le procès et la trahison de Judas sont les facteurs qui dominent l’histoire.-

Hier, j’ai passé ma journée à lire, d’une traite, le livre du Pape sur Jésus de Nazareth, présenté la veille à la presse.

C’est une expérience extraordinaire que je recommande à tous ceux qui aiment le pape Benoît, et qui se proposent de le comprendre: là est son cœur, là est son trésor. Nous ne pouvons rien demander de plus à un Pape que de nous parler de Jésus.

Les journaux et les nouvelles télévisées ont parlé des aspects saillants et provocateurs de cette lecture. A un jour de distance, je propose un examen du contenu qui ne néglige – si possible – aucun des aspects essentiels de ce don si bien adapté au Carême qui vient de commencer: le volume traite en fait – comme spécifié dans le titre – de la dernière semaine de la vie de Jésus, qui tourne autour de la Cène et du vendredi Saint.

D’abord, l’auteur. Comme pour le premier volume publié par Rizzoli en 2007 – il s’intitulait «du baptême dans le Jourdain à la Transfiguration», et un troisième est annoncé sur les Évangiles de l’Enfance – la couverture montre une double signature: Joseph Ratzinger, Benoît XVI.

Il s’agit d’un travail qu’il avait commencé à écrire comme cardinal, et qu’il a complété comme pape, mais surtout la double signature revient à dire que le Pape s’est ici dépouillé du rôle magistral, et parle comme un chrétien ordinaire. Ici, il expose – comme il l’a dit dans la préface du premier volume – sa «recherche personnelle du visage du Seigneur », il n’accomplit pas un «acte magistériel» et «par conséquent, chacun est libre de me contredire ».

Je trouve doublement attrayant le pape qui parle à titre personnel. J’y vois une aide pour regarder vers l’avenir de l’humanité, où l’Evêque de Rome aura un rôle de porte-parole des chrétiens, reconnu par toutes les familles confessionnelles, et au nom de tous, il pourra parler de Jésus au monde.

« Je n’ai pas voulu écrire une Vie de Jésus », précise-t-il dans les premières pages du nouveau volume. L’intention est plutôt celle de « montrer la figure et le message de Jésus » pour aider le lecteur à « trouver le vrai Jésus », entendu comme « le Jésus des Evangiles », et, en même temps, de l’histoire, parce qu’il procède d’une lecture des sources du Nouveau Testament qui serait à la fois historico-critique et théologique. Une approche de la figure de Notre-Seigneur dit-il encore, « qui pourrait être utile à tous les lecteurs qui veulent rencontrer Jésus et croire en lui ».

Le livre commence par l’entrée de Jésus à Jérusalem, accueilli par la foule en liesse, assis sur un âne, comme « un roi de la paix et un roi de la simplicité, un roi des pauvres ». Ce n’est pas un révolutionnaire politique, « il ne s’appuie pas sur la violence, ne commence pas une insurrection militaire contre Rome ».

Dès le premier chapitre, le pape théologien trouve le moyen de clarifier notre point de vue historique sur Jésus : «la vague des théologies de la révolution s’est calmée; sur la base d’un Jésus interprété comme un zélote, elles avaient cherché à légitimer la violence comme un moyen de créer un monde meilleur – le Royaume – (page 28). Les résultats terribles d’une violence motivée religieusement sont de manière trop drastique présents sous les yeux de nous tous, la violence n’établit pas le royaume de Dieu, le règne de l’humanisme. C’est au contraire un outil de prédilection utilisé par l’Antichrist (…). Elle ne sert pas l’humanisme, mais l’inhumanité ».

Sur le renversement du rêve messianique d’Israël, le pape écrit des pages enthousiasmantes:

« Jésus ne vient pas comme destructeur: il ne vient pas avec l’épée du révolutionnaire, il vient avec le don de guérison. Il se consacre à ceux qui, en raison de leur infirmité sont repoussés aux marges de leur propre vie et aux marges de la société ; il présente Dieu comme Celui qui aime, et son pouvoir comme le pouvoir de l’amour » (p.36).

La vocation chrétienne, qui vient de cet renversement est un don. Le pape en parle dans le chapitre sur lavement des pieds : « Pierre et Judas sont deux façons de réagir à ce don. Tous les deux le reçoivent, mais ensuite, l’un renie, l’autre trahit. Pierre, s’étant repenti, croit au pardon. Judas aussi se repent, mais il n’est « plus capable de croire au pardon. Son repentir devient désespoir (…) il ne voit désormais que ses propres ténèbres, il est destructeur et ce n’est pas un vrai repentir » (p.89).

Ici, le pape sembleévoquer de nombreux post-chrétiens d’aujourd’ui: « En Judas, nous nous trouvons face au danger qui imprègne tous les temps, qui est le danger que même ceux qui ont été une fois éclairés, à travers une série de formes apparemment minimes d’infidélité, tombent spirituellement, et ainsi, à la fin, quittant la lumière, entrent dans la nuit et ne sont plus capables de se convertir » (p.90)

Continuellement, Benoît-Ratzinger insiste sur la correspondance entre le Jésus des Évangiles et le Jésus historique : «Le message néotestamentaire n’est pas juste une idée: pour lui, il est déterminant qu’il s’agisse d’événements de l’histoire réelle du monde: la foi biblique ne raconte pas des histoires comme symboles de vérités métahistoriques (ndt : la traduction en français indique « vérités qui vont au-delà de l’histoire », p.128), elle se base sur l’histoire qui est arrivée à la surface de cette terre …
Il insiste sur cette correspondance – essentielle pour la figure de Jésus attestée par toutes les Eglises historiques – dans le chapitre sur la dernière Cène : « l’idée de la formation de l’Eucharistie dans le milieu de la ‘communauté’, est aussi du point de vue historique tout à fait absurde. Qui aurait pu se permettre de concevoir une telle pensée, de créer une telle réalité? Comment se pourrait-il que les premiers chrétiens – apparemment déjà dans les années 30 – acceptent une telle invention, sans aucune objection? (…) Ce n’est que par la particularité de la conscience personnelle de Jésus que celle-ci pouvait naître » (p.149)

Il y a des passages dans lesquels le volume évoque l’inoubliable Via Crucis de 2005: « A Gethsémani, Jésus a expérimenté la solitude ultime, toutes les tribulations de l’être humain. Ici l’abîme du péché et de tout le mal a pénétré dans les profondeurs de son âme. Ici, il a été touché par le bouleversement de la mort imminente. Ici le traître l’a embrassé. Ici tous les disciples l’abandonnèrent. Ici il a combattu aussi pour moi » (p.175).

Quand Benoît médite sur les disciples qui dorment, ses paroles semblent faire allusion à cette épine dans la chair constituée pour lui et pour tous par le scandale de la pédophilie: « La somnolence des disciples demeure au fil des siècles l’occasion favorable pour les puissances du mal ». (p.178).

Dans le chapitre 7, Le procès de Jésus, nous trouvons des pages importantes sur qui est responsable de la condamnation: elles ont été anticipées d’une semaine par rapport à la présentation du livre et ont rencontré l’importante appréciation des milieux juifs italiens et internationaux. Dans ces pages, le Pape souligne que ceux qui ont voulu la mort de Jésus, ce n’était pas «le peuple des Juifs en tant que tel, mais l’aristocratie du temple (à quelques exceptions près, comme Nicodème), et – dans le cadre de l’amnistie proposée par Pilate – la ‘masse’ des soutiens de Barabbas.

Une autre référence importante au monde du judaïsme se rencontre dans le chapitre 2 intitulé «Le discours eschatologique de Jésus ». Là, le Pape cite, en l’approuvant, Hildegarde Brem (p.61), qui, commentant un passage de Paul, déclarait: « L’Église ne devrait pas s’inquiéter au sujet de la conversion des Juifs, parce que nous devons attendre le moment fixé par Dieu, ‘lorsque tous les païens auront atteint le salut’ (Rm 11,25). Au contraire, les Juifs sont eux-mêmes une prédication vivante, à laquelle l’Eglise doit renvoyer, parce qu’ils rappellent à la mémoire la passion du Christ » (ndt : la traduction française dit « réalisent la passion du Christ, » ce qui résonne étrangement…)

« Pendant ce temps, Israël – poursuit le Pape- conserve sa mission propre (p.63). Il est dans les mains de Dieu qui, le moment venu, le sauvera entièrement, quand le nombre des païens sera complet… ». Cette page est décisive pour comprendre la nouvelle prière pour les juifs dictée par Benoît pour la liturgie du Vendredi Saint selon l’ancien rite.

L’effort le plus grand, le Pape exégète et théologien l’a fait dans le chapitre 9, intitulé La Résurrection de Jésus d’entre les morts. Là est remarquable la recherche d’un nouveau langage pour parler d’une réalité surprenante: «la résurrection de Jésus a été l’évasion vers un tout nouveau genre de vie, vers une vie qui n’est plus soumise à la loi de la mort et du devenir, mais placée au-delà de cela – une vie qui a ouvert une nouvelle dimension de l’être-homme ». (p.278).

Et encore : « La résurrection de Jésus (…) est une sorte de (…) « mutation décisive… un bond en avant (ndt: dans le texte français: saut de qualité). Dans la résurrection de Jésus a été atteinte une nouvelle possibilité d’être homme, une possibilité qui intéresse tout le monde et ouvre un avenir, un nouveau type d’avenir pour l’humanité ».

Le pape insiste dans la description des disciples, témoins de la résurrection, «dépassés par la réalité dont ils font l’expérience et induits par elle à témoigner « avec un courage absolument nouveau » que « le Christ est vraiment ressuscité ».

«En fait – explique le Pape professeur – la proclamation apostolique avec son enthousiasme et son audace est impensable sans un contact réel des témoins avec le phénomène totalement nouveau et inattendu qui les touchait de l’extérieur et qui consistait dans la manifestation et les paroles du Christ ressuscité. Seul un événement réel d’une qualité radicalement nouvelle pouvait rendre possible la proclamation apostolique, qui ne s’explique pas par des spéculations ou des expériences intérieures mystiques » (p.310)

On comprend bien l’insistance du Pape Benoît XVI sur cette affirmation centrale dans les traditions de toutes les Eglises : « La foi chrétienne tient par la vérité du témoignage selon lequel le Christ est ressuscité des morts, ou bien elle s’effondre. Si on supprime cela, il est certes possible de recueillir de la tradition chrétienne un certain nombre d’idées dignes d’attention sur Dieu et sur l’homme, sur l’être de l’homme et sur son devoir être – une sorte de conception religieuse du monde -, mais la foi chrétienne est morte. Jésus, dans ce cas, est une personnalité religieuse qui a échoué ».

Ici est dite de façon claire, la distance entre le pape théologien et les théologiens laïcistes, ou démystifiants, ou libéraux comme on les appelait autrefois.

Sur le rôle des femmes dans l’Église, le volume a ces ligne encourageantes (p.297): «Tout près de la croix – à l’exception de Jean- ont été trouvées seulement les femmes, ainsi leur a été destinée la première rencontre avec le Ressuscité. L’Église, dans sa structure juridique, est fondée sur Pierre et les Onze, mais dans la forme concrète de vie de l’Eglise, ce sont toujours et de nouveau les femmes qui ouvrent la porte au Seigneur, qui l’accompagnent jusqu’à la Croix, et ainsi, à pouvoir le rencontrer comme le Ressuscité ».

Mais si Jésus est vraiment ressuscité, s’il a vraiment vaincu le mal, pourquoi sa victoire ne devient-elle plus évidente? Pourquoi n’y a-t-il pas la preuve indubitable qui incite tous les hommes à accepter le message chrétien?

Déjà dans le premier volume, le pape réfléchissait sur cet aspect dramatique de l’expérience chrétienne, qu’il évoque en ces termes dans le dernier chapitre de ce nouveau volume: « C’est le mystère de Dieu d’agir de manière humble. Ce n’est que progressivement qu’il construit, dans la grande histoire de l’humanité, son histoire. Il devient homme, mais de manière à être ignoré par ses contemporains, par les forces influentes de l’histoire. Il souffre et il meurt et, ressuscité, il veut venir à l’humanité seulement par la foi des siens auxquels il se manifeste. Sans cesse, il frappe doucement à la porte de nos cœurs, et si nous lui ouvrons, lentement, il nous rend capables de ‘voir’. Et pourtant – n’est-ce pas là le style divin? Ne pas écraser avec le pouvoir extérieur, mais donner la liberté, donner et inspirer l’amour » (p.311)

Ne manquent pas non plus les pages qui regardent avec confiance l’avenir de la foi: « Aujourd’hui encore, la barque de l’Eglise, avec les vents contraires de l’histoire, navigue à travers l’océan agité du temps. Souvent on a l’impression qu’elle va sombrer. Mais le Seigneur est présent et vient au bon moment (p.321) (…) La croyance dans le retour du Christ est le deuxième pilier de la profession chrétienne (…). Cela implique la certitude dans l’espérance que Dieu essuiera toute larme, qu’il ne restera rien qui n’ait de sens, que toutes les injustices seront surmontées et la justice établie. La victoire de l’amour sera le dernier mot dans l’histoire du monde »

Sources : benoit-et-moi

Revue-Item.com

 

 

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