Du Motu Proprio : Summorum Pontificum à son décret d’application : Universae ecclesiae.
publié dans regards sur le monde le 20 juillet 2011
Du Motu Proprio : Summorum Pontificum
à
son décret d’application : Universae ecclesiae.
Le 7 juillet 2007, le pape Benoît XVI publiait le Motu Proprio intitulé Summorum Pontificum. Dans ce texte, il reconnaît explicitement que le Missel traditionnel n’a jamais été abrogé, qu’il ne pouvait pas l’être et qu’en conséquence tout prêtre demeure libre d’en user. C’est ce qu’expriment ces mots de l’article 1 : « Il est donc permis de célébrer le sacrifice de la messe suivant (….) le Missel romain (traditionnel) (…) jamais abrogé ».
« Jamais abrogée » : « nunquam abrogatam ». En deux mots, le MP règle le sort de l’interdiction odieuse, injuste et illégale qui, depuis quarante ans, prétendait frapper la messe traditionnelle.
Cette affirmation est fortifiée par le commentaire que fait le pape lui-même dans sa lettre aux évêques: « Ce Missel n’a jamais été juridiquement abrogé et, par conséquent, en principe, il est toujours resté autorisé ».
C’est-à-dire que l’interdiction longuement répétée était illicite, comme le fait remarquer Jean Madiran.
Et plus loin, le pape écrit : « Ce qui était sacré pour les générations précédentes reste grand et sacré pour nous, et ne peut à l’improvise se retrouver totalement interdit, voire considéré comme néfaste ».
C’est confirmer l’importance de la coutume dans l’Eglise : « Ce qui était sacré pour les générations précédentes reste grand et sacré pour nous… ». Il en est ainsi de la messe tridentine. Elle est une coutume immémoriale, ce qui lui donne, sous ce seul rapport « une pérennité intrinsèque en tant que monument incomparable de la foi ». Par conséquent, la « pérennisation » de la messe traditionnelle n’est ni à octroyer ni à ôter, comme l’écrivait M de Saventhem à Mgr Ré, le substitut de la Secrétairerie d’Etat, elle est simplement à reconnaître et à faire respecter dans les dispositions réglant son emploi à côté, éventuellement des rites nouveaux, si ils sont. Et ils sont.
C’est précisément ce que fait le pape Benoît XVI dans son MP Summorum Pontificum. Il veut faire respecter par une disposition légale la messe tridentine.
Et c’est pourquoi le MP fut reçu par le monde de la Tradition avec une immense joie, une immense reconnaissance, un grand émerveillement. Tous ses sentiments se sont exprimés, pour beaucoup, par le chant de l’éternel Te Deum, avec la crainte cependant qu’il ne soit pas reçu facilement par les épiscopats et que son application en soit rendue difficile.
A-Brève histoire du MP Summorum Pontificum.
C’est qu’en effet depuis quarante ans, les épiscopats du monde entier, mais tout particulièrement français, et même l’épiscopat suisse, s’étaient dressés contre « cette messe de toujours ». – Vous en savez ici, au Brésil, quelque chose avec l’opposition farouche de Mgr Novarro, successeur de Mgr de Castro Mayer sur le siège de Campos, le 15 novembre 1981 –
Prenons nos exemples en Suisse :
Mgr Adam, évêque de Sion, publiait en janvier 1973, une « mise au point » affirmant interdit de célébrer selon le rite de saint Pie V « qui a été aboli (sic) par la Constitution Missale romanum de 1969 ». Et Mgr Adam précisait : « La présente déclaration est faite sur renseignement authentique et indication formelle de l’Autorité ».
Au mois de janvier suivant, c’était l’assemblée plénière des évêques suisses qui proclamait : « Il n’est plus permis de célébrer la messe selon le rite de saint Pie V »
Partout c’était le même refrain officiel : « L’obéissance à l’Eglise interdit de célébrer la messe selon le rite de saint Pie V dans quelque circonstance que ce soit ».
Et la catastrophe, ce fut le discours consistorial du 24 mai 1976, déclarant que la nouvelle messe « a été promulguée pour prendre la place de l’ancienne », substitution à laquelle il fallait donner « une prompte soumission au nom de l’autorité suprême ». « C’est au nom de la Tradition, disait le Pape, lors de ce consistoire, que nous demandons à tous nos fils, à toutes les communautés catholiques de célébrer dans la dignité et la ferveur la liturgie réformée »
Ainsi la messe nouvelle devenait obligatoire ; elle seule devait être célébrée. Elle seule était la loi. La messe traditionnelle était interdite.
« C’est donc avec une profonde amertume, mais aussi avec une paternelle espérance que nous nous adressons une fois de plus à ce confrère (Mgr Lefebvre), à ses collaborateurs et à ceux qui se sont laissés entraîner par eux…Nous comprenons leur attachement sentimental à des formes de culte et de discipline auxquelles ils étaient habitués, qui pendant longtemps ont été pour eux un soutien spirituel et dans lesquelles ils avaient trouvé une nourriture spirituelle. Mais nous avons le ferme espoir qu’ils sauront réfléchir avec sérénité et sans parti pris et qu’ils voudront admettre qu’ils peuvent trouver aujourd’hui le soutien et la nourriture auxquels ils aspirent dans les formes renouvelées que le Concile Vatican II et nous même avons décrétées comme nécessaire pour le bien de l’Eglise, pour son progrès dans le monde contemporain, pour son unité ».
Les « intentions pontificales » ne peuvent pas être exprimées d’une manière plus claire. Les formes canoniques n’ont peut-être pas été respectées – c’est la thèse de M l’abbé Dulac défendue avec brio à l’époque – la messe traditionnelle cependant, dans la pensée, du moins, de la hiérarchie, a vécu. Elle n’est plus.
Telle fut la version officielle jusqu’en 1978.
A partir de 1978, et plus nettement à partir de 1984, avec la lettre Quattuor abhinc annos, et plus nettement encore avec le MP de JP II Ecclesia Dei adflicta, on a vu le langage se faire moins catégorique, évitant les termes d’obligation du rite nouveau et d’interdiction du rite traditionnel. On est alors passé peu à peu, dit Jean Madiran, à un régime d’autorisation préalable, – c’était la « pratique» de la lettre Quattuor abhinc annos, ainsi que d’Ecclesia Dei adflicta – il fallait demander l’autorisation à l’évêque du lieu – ce qui laissait supposer, mais implicitement cette fois, que l’interdiction existait toujours. Toutefois elle n’était plus absolue. Des dérogations pouvaient être obtenues, des dispenses données.
D’autant que la curie romaine et certains cardinaux, archevêques et évêques, – certainement les plus compétents -, comprenaient que l’interdiction avait été un abus de pouvoir. Mais ils ne l’ont pas dit malgré la tendance grandissante aux repentances de toutes sortes.
Ils ne l’ont pas dit tout de suite, ils l’ont même « caché ».
Par exemple : on a su, mais seulement en 1995, par une révélation du Cardinal Stickler, que JP II avait réuni une commission ad hoc, composée de neuf cardinaux, à laquelle il avait posé deux questions :
-la messe tridentine a-t-elle été abolie ?
-et un évêque peut-il interdire un de ses prêtres en situation canonique normale, de dire la messe tridentine ?
A la première question, 8 cardinaux sur 9, ont répondu que la messe tridentine n’avait jamais été abolie. A la seconde, qu’un évêque ne pouvait pas interdire à son prêtre de dire cette messe. Ils firent même des propositions au Souverain Pontife, l’une d’entre elles reconnaissait la légalité, la légitimité du rite de Jean XXIII, de 1962 : « Pour chaque messe célébrée en langue latine – avec ou sans fidèles présents – le célébrant a le droit de choisir librement entre le missel de Paul VI (1970) et celui de Jean XXIII (1962). Si le célébrant choisit le missel de Paul VI, il doit s’en tenir aux rubriques du dit missel. Si le célébrant choisit le Missel de Jean XXIII, il est tenu d’employer les rubriques dudit missel, mais il peut
-employer soit la langue latine, soit la langue vulgaire pour les lectures ;
-puiser dans les Préfaces et les prières du Propre de la messe supplémentaires, contenues dans le missel de Paul VI, et introduire des preces universales (les fameuses intercessions). Le calendrier liturgique pour les fêtes sera celui choisi par le célébrant ».
Le pape, pourtant favorable à une telle mesure, au dire même du cardinal Stickler, ne publia rien à cause de la pression de certains épiscopats.
Nous étions en 1986.
Ainsi en raison du silence des meilleurs, l’interdiction de fait de la messe tridentine continuait d’être la règle. L’interdiction demeurait toujours. En effet le MP Ecclesia Dei adflicta de 1988 n’a pas substantiellement modifiée la « législation » de Paul VI. La loi générale en matière liturgique était encore à cette époque en faveur de la messe nouvelle.
J’en veux pour preuve la réponse de Mgr Re à M de Saventhem, président honoraire d’Una Voce. Il lui écrivait le 17 janvier 1994 : « par le MP Ecclesia Dei l’usage du missel romain approuvé en 1962 a été concédé à certaines conditions. Les diverses dispositions prises depuis 1964 avait pour but de faciliter la vie ecclésiale d’un certain nombre de fidèles, sans pérenniser pour autant les formes liturgiques antérieures. La loi générale demeure l’usage du rite rénové depuis le Concile, alors que l’usage du rite antérieur relève actuellement de privilèges qui doivent garder le caractère d’exceptions ».
Les termes du prélat sont claires : « la loi générale demeure l’usage du rite rénové depuis le Concile alors que l’usage du rite antérieur relève actuellement de privilèges qui doivent garder le caractère d’exceptions ».
Nous étions le 17 janvier 1994.
Toutefois certaines personnalités d’importance, à la même date, comme le cardinal Ratzinger soutenu par le cardinal Stickler, commençaient à prendre leur distance par rapport à de telles affirmations, à une telle législation. Oui, dès 1994, c’est la date de son livre « le sel de la terre », le cardinal Ratzinger écrivait : « Je suis certes d’avis que l’on devrait accorder beaucoup plus généreusement à tous ceux qui le souhaitent le droit de conserver l’ancien rite. On ne voit d’ailleurs pas ce que cela aurait de dangereux ou d’inacceptable. Une communauté qui déclare soudain strictement interdit ce qui était jusqu’alors pour elle tout ce qu’il y a de plus sacré et de plus haut, et, à qui l’on présente comme inconvenant le regret qu’elle en a, se met elle-même en question. Comment la croirait-on encore ? Ne va-t-elle pas interdire demain ce qu’elle prescrit aujourd’hui ? Malheureusement la tolérance envers les fantaisies aventureuses est chez nous presque illimitée,, mais elle est pratiquement inexistante envers l’ancienne liturgie. On est sûrement ainsi sur le mauvais chemin ».
Dans son livre testament, « Ma vie. Souvenirs », il dit avoir été « consterné par l’interdiction de l’ancien missel. Car cela ne s’était jamais vu dans toute l’histoire de la liturgie ». Il reprendra cette idée en 1998 à Rome lors du pèlerinage des communautés Ecclesia Dei. S’appuyant sur l’autorité du Cardinal Newman, il leur dit : « Il est bon de rappeler ici ce qu’a constaté le cardinal Newman qui disait que l’Eglise dans toute son histoire n’avait jamais aboli ou défendu des formes liturgiques orthodoxes, ce qui serait tout à fait étranger à l’Esprit de l’Eglise…De tels rites peuvent mourir, si le sujet qui les a portés historiquement disparaît ou si ce sujet s’est inséré dans un autre cadre de vie. L’autorité de l’Eglise peut définir et limiter l’usage des rites dans des situations historiques diverses – mais jamais elle les défend purement et simplement ».
De telles déclarations d’un cardinal, du cardinal, préfet de la Congrégation de la doctrine de la foi, étaient, on le comprend, très importantes…et allaient tôt ou tard modifier les choses et les esprits…
Mais dans les faits, même encore en 1998-1999, l’interdiction de la liturgie ancienne était toujours de rigueur.
Le cardinal Medina eut l’occasion de le rappeler en 1999, le 3 juillet 1999 au cardinal Bonicelli, ou le 17 octobre 1999 dans ce que l’on a appelé en France, l’affaire de la FSSP : à tous, Rome rappelait que « la loi générale demeurait l’usage du rite rénové depuis le Concile alors que l’usage du rite antérieur relevait actuellement de privilèges qui devaient garder le caractère d’exception ».
Le mal fait dans l’Eglise par cette interdiction n’était toujours pas réparé à cette époque. Dans les paroisses, dans les écoles, dans les mouvements catholiques, on continuait à professer que la messe traditionnelle n’était plus permise. On l’a donc répété pendant quarante ans. L’espace, largement, d’une génération.
Il fallut attendre 2001 pour voir la législation « Medina », du nom du préfet de l’époque de la Congrégation des sacrements et de la liturgie, se « lézarder » et ne plus être appliquée dans la totalité d’un diocèse. Ce fut à l’occasion de la création de l’administration apostolique Saint Jean Marie Vianney à Campos au Brésil. Le pape JP II, dans sa lettre du 25 décembre 2001 Ecclesiae unitas , déclarait : « On confirmera à l’administration apostolique la faculté de célébrer l’eucharistie et la liturgie des heures selon le rite romain et la discipline liturgique codifiée par notre prédécesseur Saint Pie V, avec les adaptations introduites par ses successeurs jusqu’au bienheureux Jean XXIII ».
Ainsi la loi générale pour ce diocèse n’était plus le nouveau missel, mais bien le missel antérieur.
Ce qui fut confirmé par le décret d’érection signé par le cardinal Re : « La faculté est accordée à l’administration apostolique de célébrer la sainte eucharistie, les autres sacrements, la liturgie des heures et les autres actions liturgiques selon le rite romain et la discipline liturgique de saint Pie V, avec les adaptations que ses prédécesseurs ont introduites jusqu’au bienheureux Jean XXIII ».
L’enseignement du cardinal Ratzinger portait ses premiers fruits. Enfin ! Il avait déclaré, en 1994, nous l’avons vu : « Il est important aussi de cesser de bannir la forme de la liturgie en vigueur jusqu’en 1970 » C’était chose faite pour l’administration apostolique saint Jean Marie Vianney, en 2001.
Il fallut attendre encore sept ans pour voir cette nouvelle législation appliquée à l’Eglise universelle
Ainsi avec le MP de Benoît XVI, la messe traditionnelle était non pas libéralisé, comme beaucoup l’écrivirent, mais libérée comme le fit justement remarquer Jean Madiran.
Parce qu’elle ne pouvait pas être valablement interdite.
Cette impossible interdiction fut rappelée sans interruption jusqu’à maintenant dans les milieux de la Tradition.
Cela avait été immédiatement dit dès le début. Les réfractaires à l’interdiction, au nom du droit naturel avec Louis Salleron, au nom du droit canon avec l’abbé Raymond Dulac, au nom du dogme, avec le P Calmel, de Mgr de Castro Mayer, de Mgr Lefebvre et du cardinal Ottaviani, ont, dès 1969-1970, protesté qu’un commandement aussi injuste que celui de l’interdiction de la messe traditionnelle ne pouvait obliger en conscience.
Le cardinal Ottaviani, dans sa lettre de présentation du Bref Examen Critique au Pape Paul VI écrivait :
« Nous sommes assurés que ces considérations (celles exposées dans le Bref Examen Critique), directement inspirées de ce que nous entendons par la voix vibrante des pasteurs et du troupeau, devront trouver un écho dans le coeur paternel de Votre Sainteté, toujours si profondément soucieux des besoins spirituels des fils de l’Eglise. Toujours les sujets, pour le bien desquels est faite la loi, ont eu le droit et plus que le droit, le devoir, si la loi se révèle tout au contraire nocive, de demander au législateur, avec une confiance filiale, son abrogation.
C’est pourquoi nous supplions instamment Votre Sainteté de ne pas vouloir que — dans un moment où la pureté de la foi et l’unité de l’Eglise souffrent de si cruelles lacérations et des périls toujours plus grands, qui trouvent chaque jour un écho affligé dans les paroles du Père commun — nous soit enlevée la possibilité de continuer à recourir à l’intègre et fécond Missel romain de saint Pie V, si hautement loué par Votre Sainteté et si profondément vénéré et aimé du monde catholique tout entier ».
Vous imaginez le poids de telles affirmations, sous la plume d’un cardinal !
La déclaration du Père Calmel fit aussi sensation. Ecrite en novembre-décembre 1969, quelques mois seulement après la publication du nouvel Ordo Missae, elle parut en janvier 1970. « Elle fut la première de ce genre et de cet éclat », dit Jean Madiran. Elle demeure au premier rang des apologie de la messe catholique traditionnelle, latine et grégorienne selon le missel romain de saint Pie V. « Avec une résolution tranquille, continue Jean Madiran, elle s’engage : « Je m’en tiens à la messe traditionnelle »… « La déclaration du Père Calmel fut un chef-d’œuvre, elle fut un acte, elle est un exemple ».
Ainsi pendant quarante ans, toute une génération de catholiques militants, membres religieux ou laïcs de l’Eglise militante – deux générations – a subi cette opposition à la messe tridentine sans céder, a ouvertement contesté l’interdiction arbitraire de la messe traditionnelle. Nous pensons à nos morts : le cardinal Ottaviani, le Père Calmel, l’abbé Raymond Dulac ; Mgr Renatto Pozzi, Mgr Lefebvre, Mgr de Castro Mayer, le P Guérard des Lauriers. Et parmi les laïcs : Critina Campo, Luce Quénette. Louis Salleron, Eric de Saventhem.
Sans cette mâle réaction des catholiques et tout particulièrement de Mgr Lefebvre et de Mgr de Castro Mayer, nul doute que le MP de Benoît XXVI n’aurait pas vu le jour, tout simplement parce qu’elle aurait été sans objet, la messe traditionnelle ayant tout simplement disparue de nos églises.
B-Analyse du MP Summorum Pontificum.
Comme nous l’avons dit en introduction, la qualité essentielle du Motu Proprio tient dans sa reconnaissance explicite que le Missel traditionnel n’a pas été abrogé, qu’il ne pouvait pas l’être comme coutume immémoriale dans l’Eglise et qu’en conséquence tout prêtre demeure libre d’en user.
C’est ce qu’exprime très clairement l’article 1 §2 du MP : « Il est donc permis de célébrer la Sacrifice de la Messe romain promulguée par le bienheureux Jean XXIII en 1962 et jamais abrogé ». Ce rite du bienheureux Jean XXIII est appelé « forme extraordinaire de la liturgie de l’Eglise ». M. l’abbé Barthe reconnaît que l’expression « forme extraordinaire » convient parfaitement à ce rite, l’autre, celui de Paul VI étant dit « rite ordinaire ».
Cette déclaration de la libre célébration dans l’Eglise du rite traditionnelle, dit extraordinaire, est corroborée dans la lettre d’accompagnement aux évêques. Là, Benoît XVI leur dit : « Ce Missel n’a jamais été juridiquement abrogé, et, par conséquent, en principe, il est toujours resté autorisée ». Et un peu plus loin, Benoît XVI ajoute : « Ce qui était sacré pour les générations précédentes reste grand et sacré pour nous, et ne peut à l’improviste se retrouver totalement interdit, voire considéré comme néfaste ».
Tout cela fut, je vous l’ai dit, reçu et accueilli avec grande joie.
Toutefois le MP affirme la prétendue continuité doctrinale entre la messe tridentine et le Novus Ordo Missae.
C’est l’affirmation de l’article 1 §1 du MP: « Le Missel romain promulgué par Paul VI est l’expression ordinaire de la « lex orandi » de l’Église catholique de rite latin. Le Missel romain promulgué par S. Pie V et réédité par le B. Jean XXIII doit être considéré comme l’expression extraordinaire de la même « lex orandi » de l’Église et être honoré en raison de son usage vénérable et antique. Ces deux expressions de la « lex orandi » de l’Église n’induisent aucune division de la « lex credendi » de l’Église ; ce sont en effet deux mises en oeuvre de l’unique rite romain ».
Le décret d’application, signé par le cardinal William Levada, préfet de la Congrégation, le 13 mai 2011, dira à l’identique: « Les textes du Missel romain du Pape Paul VI et de la dernière édition de celui du Pape Jean XXIII sont deux formes de la liturgie romaine, respectivement appelées ordinaire et extraordinaire : il s’agit de deux mises en œuvre juxtaposées de l’unique rite romain. L’une et l’autre forme expriment la même lex orandi de l’Eglise ». (n°6)
C’est bien affirmer clairement, comme le fait remarquer M l’abbé Celier dans la « lettre à nos frères prêtres » de juin 2011, « l’équivalence théologique, liturgique et spirituelle du Missel de Paul VI avec le Missel traditionnel » (p.2)
Ce principe d’ « équivalence » est exprimé à plusieurs endroits de Summorum Pontificum ainsi que dans la lettre aux évêques, par exemple : « Il n’est pas convenable de parler de deux versions du Missel Romain comme s’il s’agissait de deux Rites (…) il n’y a aucune contradiction entre l’une et l’autre édition du Missale romanum ».
Il est étonnant de lire cette affirmation sous la plume de Benoît XVI alors que l’on sait qu’il a tellement loué Mgr Gamber, alors que l’on sait qu’il nous l’a présenté comme un maître en matière liturgique, d’une grande culture historique. Il nous le donne en exemple. Or ce dernier, dans son livre « La liturgie en question » lorsqu’il parle du rite de Paul VI et du rite traditionnel, parle très clairement de deux rites différents, il appelle le rite traditionnel : ritus romanus, alors qu’il donne au rite de Paul VI, le nom de ritus modernus. Pour lui, l’un n’est pas l’autre.
Je suis cette position de Mgr Gamber.
Comme je l’ai dit plus haut, Mgr Lefebvre, avec le Père Calmel, avec Mgr de Castro Mayer…et leurs disciples, a toujours présenté « des critiques » sur plusieurs points du Missel de Paul VI et des critiques doctrinales. Mgr Lefebvre, comme Mgr de Castro Mayer – celui-ci lorsqu’il reçut à Campos le Bref Examen Critique le fit immédiatement traduire en portugais pour l’adresser à ses prêtres – a toujours affirmé avec le cardinal Ottaviani, Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, dans sa lettre au Pape Paul VI du 3 septembre 1969 que : « le nouvel Ordo Missae s’éloigne d’une façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la sainte messe, définie à jamais par le Concile de Trente ».
Et le cardinal Alfons Maria Stickler, bibliothécaire de la Sainte Eglise romaine et archiviste des Archives secrètes du Vatican, écrivait le 27 novembre 2004, à l’occasion de la réédition du Bref examen critique des cardinaux Ottaviani et Bacci : « L’analyse du Novus ordo faite par ces deux cardinaux n’a rien perdu de sa valeur ni, malheureusement, de son actualité… Les résultats de la réforme sont jugés dévastateurs par beaucoup aujourd’hui. Ce fut le mérite des cardinaux Ottaviani et Bacci de découvrir très vite que la modification des rites aboutissait à un changement fondamental de la doctrine. »
C’est bien en raison des graves carences du Novus Ordo Missae et des réformes introduites sous Paul VI que l’on peut s’interroge sérieusement, non point sur la validité de principe, du moins sur la « légitimité de la Sainte Messe » selon la forme ordinaire.
Il est difficile, comme l’avait noté dans sa déclaration de janvier 1970 le Père Calmel, de considérer la messe de saint Pie V et celle de Paul VI, dans une même « tradition apostolique ininterrompu ».
Cette idée exprimée hier par nos maîtres vient de trouver une nouvelle actualité et de nouveaux défenseurs, lors d’un colloque qui s’est tenu en juillet 2011 à Cork, en Irlande sous la haute présidence du Cardinal Burke, préfet de la Congrégation de la Signature apostolique. Dom Cassian Folsom, prieur du monastère bénédictin de Norcia (Italie) a donné la première communication. Il a précisément cité le Motu Proprio Summorum Pontificum qui affirme que les deux missels exprimeraient « une même foi ». Il s’est interrogé sur cette affirmation. Pour lui, elle est difficilement recevable au regard des faits. Il fit remarquer que le missel de 1970 laisse transparaître des positions contestables de la théologie contemporaine. C’est la position de Mgr Gamber. Il la reprend à son compte. Pour Dom Folsom, ainsi que pour Mgr Gamber, ainsi que pour nous, le Novus Ordo Missae a introduit une rupture radicale avec l’ancien missel. De plus, il est doté d’un esprit fort anti-rubriciste. Ce que reconnaissait du reste, le Cardinal Ratzinger dans sa conférence conclusive à Fontgombault le 24 juillet 2001 disant qu’il fallait mettre fin à toutes les improvisations liturgiques actuelles. Ainsi pour Dom Folsom et pour Mgr Gamber, le rite de Paul IV est non un développement du rite romain, mais bel et bien un nouveau rite. Alors comment comprendre l’affirmation du Pape disant que les deux missels « expriment une même foi » ? Le bénédictin a proposé que ce soit plutôt « un objectif à atteindre » à l’occasion de la mise en œuvre de la Réforme de la Réforme que souhaite le pape et qui devrait permettre de corriger la liturgie issue du Concile Vatican II.
Je ne suis pas loin de partager ce point de vue. Quoi qu’il en soit, il est nécessaire que les divergences profondes entre la messe traditionnelle et le Novus Ordo Missae soient levées.
Mais reconnaissons cependant que le MP Summorum Pontificum de 2007 et son décret d’application de 2011 constituent une étape importante dans la reconnaissance des droits de la messe traditionnelle.
Et sous ce rapport ce texte est une excellente chose car, comme le dit M l’abbé Barthe dans son article de Présent « il favorise le relèvement du sacrifice de la messe, et donc du sacerdoce catholique » et par conséquent il favorise le relèvement de la sainte Eglise. Il conclut son article de Présent par ces mots : « Sous cet aspect, l’affirmation apparemment modeste, mais définitive, que la liturgie antérieure à la réforme de Vatican II n’a jamais été abolie, est un des germes les plus précieux de la revitalisation à venir du catholicisme ».
C’est ce que reconnaît aussi la FSSPX, dans sa lettre à nos frères prêtres du mois de juin : « La Fraternité saint Pie X se réjouit du fait que, grâce au MP, de plus en plus de prêtres puissent célébrer selon le Missel traditionnel, de plus en plus de fidèles puissent bénéficier de ces célébrations. Et donc tout ce qui rendra plus facile, plus pérenne, plus large, plus universelle la liberté reconnue par le MP est accueilli avec ferveur par la FSSPX. Car chaque fois que le Missel traditionnel regagne du terrain, c’est le rayonnement spirituel, apostolique et missionnaire de l’Eglise qui grandit ». (p 3)
C- Sur la récente instruction Universae ecclesiae
Nous suivons ici la présentation qu’en fit, lors de sa publication, M l’abbé Celier dans sa lettre à nos frères prêtres. J’imagine que je dois être de ceux là ! C’est une analyse simple des articles du document :
« Annoncée depuis le 30 décembre 2007, par le cardinal Tarcisio Bertone, l’Instruction Universae Ecclesiae sur l’application du Motu Proprio Summorum Pontificum (7 juillet 2007) a été rendue publique le 13 mai 2011 par la Commission pontificale Ecclesia Dei.
Signé par le cardinal William Levada, Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, et par Mgr Guido Pozzo, Secrétaire de la Commission Ecclesia Dei, ce document romain paraît après que les évêques du monde entier ont pu adresser à Rome le bilan des trois ans écoulés depuis la publication du Motu Proprio, conformément au souhait de Benoît XVI dans sa lettre d’accompagnement du 7 juillet 2007.
Ce délai important manifeste combien l’application de Summorum Pontificum a rencontré de difficultés auprès des évêques. En sorte qu’Universae Ecclesiae a officiellement pour but « de garantir une interprétation correcte et une juste application du Motu Proprio Summorum Pontificum » (n°12), mais aussi et surtout de faciliter une application à laquelle les Ordinaires ne consentent qu’avec parcimonie. Le décalage prévisible entre le droit de la messe traditionnelle, reconnu par le Motu Proprio, et le fait de cette reconnaissance par les évêques » était prévisible.
Sur ce point, de la réaffirmation de la messe traditionnelle, « c’est dans un esprit positif que nous recevons cette instruction. Elle nous semble en substance, fortifier, consolider la doctrine du MP, donc la liberté du Missel traditionnel, et en ce sens elle mérite d’être considérée comme un heureux progrès. La plupart des points de cette instruction donnent du poids au MP en son principe essentiel, à savoir la valeur et la liberté du Missel Traditionnel.
Ce MP, dit l’instruction, est une loi universelle pour l’Eglise (n°2), un acte du Magistère du Pontife romain et de son munus propre (n° 8).
Le missel traditionnel doit être conservé avec l’honneur qui lui est du (n° 6) comme un trésor précieux (n° 8) qui doit être accessible à tous les fidèles et même garanti et assuré réellement (n° 8) et notamment par l’évêque diocésain qui prendra les mesures nécessaires en ce sens (n°14) en accord avec le mens du Pontife romain exprimé clairement dans le MP (n° 13)
La commission Ecclesia Dei est munie par le Souverain Pontife des pouvoirs ordinaires pour veiller à l’application du MP pouvant désormais produire des décrets et des textes, veiller à l’édition des textes liturgiques traditionnels et recevoir des recours juridiques (n° 9-11)
Le groupe de fidèles n’a pas de nombre fixe, il peut être assez petit, de paroisses voire de diocèses différents ; les lieux de pèlerinage doivent offrir la possibilité de rite traditionnel (n° 15-18)
Les Ordinaires doivent offrir aux prêtres, mais aussi aux séminaristes, la possibilité d’apprendre à célébrer le rite traditionnel (n° 21).
La question du Triduum pascal, qui n’avait pas bien été comprise, est précisée de façon compréhensible par tous et de plus, il est signalé que les offices de ces jours peuvent être répétés au profit du rite traditionnel ; (n° 33).
Les ordres religieux bénéficiant de livres liturgiques traditionnels propres peuvent les utiliser (n° 34), ce qui ouvre la voie à reconnaître demain les rites traditionnels locaux, tel le rite lyonnais. Etc.
L’article 30 est intéressant en ce qu’il témoigne d’une collision entre les rites traditionnels et le nouveau droit canonique de 1983 qui a pris certaines options incompatibles : ici, entre des rites liturgiques (les quatre ordres mineurs et le sous diaconat) représentant clairement un déploiement du sacrement de l’ordre et un droit canonique qui ne reconnaît l’entrée en cléricature que par le diaconat.
On retrouve le même genre de difficulté avec l’article 31 sur le Pontifical traditionnel pour les ordinations diocésaines : des indults vont sans doute être demandés par certains évêques lorsque le futur prêtre se prépare à exercer un ministère lié au moins en partie au rite traditionnel. Il est probable que d’autres difficultés de ce genre apparaissent et que naisse ainsi progressivement un droit canonique partiellement propre au rite traditionnel ».
Quant à l’article 19 du décret qui a fait beaucoup parler, je m’en tiendrai au jugement de Jean Madiran exprimé dans Présent du samedi 21 mai 2011
Voilà tout d’abord l’article lui-même:
« Les fidèles qui demandent la célébration de la forme extraordinaire ne doivent jamais venir en aide ou appartenir à des groupes qui nient la validité ou la légitimité de la Sainte Messe ou des sacrements célébrés selon la forme ordinaire, ou qui s’opposent au Pontife romain comme Pasteur suprême de l’Église universelle.
Voilà l’article de Jean Madiran : sous le titre « une autre lecture
« Le dix-neuvième paragraphe de l’Instruction brandi par La Croix contre les traditionalistes s’oppose à ce que l’on nie « la validité ou la légitimité » de la messe nouvelle. Revenons donc aux bases classiques de sa contestation : la validité et la légitimité du Missel de Paul VI ne sont pas mises en cause dans le Bref examen critique présenté par le cardinal Ottaviani, et pas davantage dans le livre de Louis Salleron La nouvelle messe auquel se référait Mgr Lefebvre lors de son interrogatoire par les cardinaux inquisiteurs. Les critiques fondamentales de la nouvelle messe promulguée en 1969 n’ont pas été un procès en illégitimité ni en invalidité.
Parenthèse. On m’objectera peut-être que la FSSPX « s’interroge sérieusement sur la légitimité » du Missel de Paul VI. Mais légitimité ne paraît pas avoir le même sens dans l’Instruction et dans l’interrogation de la FSSPX. Dans l’Instruction, il s’agit d’affirmer que le Pape a le pouvoir légitime de promulguer un Missel. Cette « légitimité » d’origine est distincte du fait : le Missel de Paul VI « s’éloigne d’une manière impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la sainte messe, définie à jamais par le concile de Trente » (Ottaviani).
A mon avis, le Missel de Paul VI avait commencé à entrer dans l’illégitimité avec son usage, qui en a été fait aussitôt, comme arme par destination contre la messe traditionnelle, dont l’interdiction fut invalide et gravement coupable. Fin de la parenthèse ».
Aujourd’hui, il faut ajouter le commentaire de M l’abbé Philippe laguérie sur cet article 19, exprimé dans son interview sur Disputationes theologicae. (Voir mon site et la rubrique « Regards sur le monde…)
Quant à l’article 8 : Le décret Universae ecclesiae parle ouvertement dans son article 8 c de la nécessaire « réconciliation dans l’Eglise ». C’est clairement exprimé dans le § 8 c : « Le Motu Proprio Summorum Pontificum constitue une expression remarquable du magistère du Pontife romain et de son munus propre – régler et ordonner la sainte liturgie de l’Église – et il manifeste sa sollicitude de Vicaire du Christ et de Pasteur de l’Église universelle.
Il se propose :
a) d’offrir à tous les fidèles la liturgie romaine dans l’usus antiquior, comme un trésor à conserver précieusement ;
b) de garantir et d’assurer réellement l’usage de la forme extraordinaire à tous ceux qui le demandent, étant bien entendu que l’usage de la liturgie latine en vigueur en 1962 est une faculté donnée pour le bien des fidèles et donc à interpréter en un sens favorable aux fidèles qui en sont les principaux destinataires ;
c) de favoriser la réconciliation au sein de l’Église.
Sur ce sujet très important, permettez-moi ces quelques remarques :
Cette réconciliation sera doctrinale et liturgique ou ne sera pas.
Elle doit donc s’initier dans les séminaires. Si l’on veut vraiment «parvenir à une réconciliation interne au sein de l’Eglise » comme le demande expressément le cardinal Levada, il faut en prendre les moyens. La « réconciliation » passe nécessairement par la formation au séminaire. Il y faudra des générations. Il faut la vouloir. Aux séminaristes, il faut donc apprendre le sens des choses liturgiques ; il faut apprendre le latin. Benoît XVI le demande expressément. La liturgique, son ordre, son symbolisme demandent tout une étude, un apprentissage, une pratique. Les années de séminaires sont nécessaires à cette fin. Qui en prend les moyens ?
Le texte romain qui précise les résolutions du Motu Proprio Summorum Pontificum prévoit que les séminaristes apprennent la célébration de la messe aussi dans le rite « tridentin ». A la bonne heure ! Cela va dans le bon sens.
Si cela ne se fait pas, nous risquons d’avoir une juxtaposition de communautés, de prêtres. Ils chercheront à vivre dans l’amitié, une amitié retrouvée au niveau des diocèses, des doyennés. C’est important. Mais ce n’est pas suffisant. Le conflit relevant de la doctrine, il faut nécessairement restaurer l’enseignement de la théologie thomiste, le sens de la liturgie dans le clergé.
Mais cette réconciliation sera difficile
Pourquoi ?
Il faut mesurer la crise qui touche l’Eglise. Elle est doctrinal et liturgique.
Sur le plan liturgique, deux mondes s’affrontent : la liturgie tridentine, la liturgie « moderniste ». Elles sont incompatibles l’une à l’autre. Sur ce sujet, il me semble que M l’abbé Barthe l’exprime fort bien dans une synthèse difficilement dépassable, dans son dernier livre : « la messe à l’endroit », à la page 11et 12. Nous assistons dans la liturgie moderne à une « déritualisation ». Venez assister à une messe chrismale et vous en serez convaincu ! Vous avez également un « pluralisme » rituel…Qu’est devenue dans bien des églises la messe de Paul VI ? Vous avez également « un aplatissement du symbolisme liturgique », l’envahissement d’une « pédagogie de monitions », bien évidemment « le retournement de l’autel, si possible placé au centre de l’assemblée, la mue du célébrant hiérarchique en acteur personnel ». Oui ! Ce sont là quelques caractéristiques de la liturgie moderne. « Tout a contribué, dit-il, à faire (bien gauchement d’ailleurs) du culte divin une sorte de théâtralité accordée à la modernité, et donc, à faire que la dramaturgie liturgique cesse largement d’être … une réprobation de ce monde ». Or la vraie « liturgie chrétienne au sein du monde moderne ne peut qu’être critique de ce monde ». C’est très juste. La liturgie classique est « théandrique ». Le monde moderne « anthropocentrique ». Le culte divin est louange et adoration de Dieu. Le monde moderne est replié sur lui-même. Ainsi « s’adapter à ce monde, c’est disparaître. Ce qui est advenu »….Dès lors, « l’aspect de rupture de l’univers rituel catholique par rapport à la modernité individualiste a ainsi largement disparu. La conciliation – d’autant plus maladroite qu’elle est par la force des choses partielle – avec la « culture » que cette modernité sécrète fait que le culte divin a cessé d’avoir la pleine force d’invitation à tout « restaurer dans le Christ » . C’est ainsi que le profane, d’une manière non totale, certes, mais cependant d’une manière assez massive, est entrée dans le sanctuaire. : « idéologiquement, par la refabrication de rites où le subjectif de la célébration du groupe centré sur lui-même s’impose sensiblement par un abandon de l’hiératisme rituel, de la langue sacrée, de la prière « vers le Seigneur », de l’adoration exprimée au moyen d’une gestuelle et d’un silence de prosternation. On a ainsi concédé à la société moderne une atténuation de ce qu’elle n’est plus en mesure d’entendre : la valeur de la messe comme sacrifice offert pour les péchés, la présence réelle du Christ sous les espèces eucharistiées, la différence/similitude du sacerdoce de l’Homme-Dieu exprimant précisément l’action du Christ-Tête ». (p. 11-12). Ces dernières valeurs, rappelées heureusement ici par l’abbé Barthe, sont essentielles à la doctrine catholique et parfaitement exprimée dans le rite tridentin. Oui ! Sa « gestuelle » et ses prières les expriment à la perfection. Elles sont de l’essence du sacrifice de la messe.
Ce sont bien, alors, deux mondes qui s’affrontent. Ils sont incompatibles, inconciliables. Cette critique n’est pas outrancière. Elle est juste. Voilà la réalité, même si elle ne s’exprime pas partout, dans les églises paroissiales, heureusement, dans toute cette acuité.
Les choses en sont là aujourd’hui.
Il faut procéder à l’arrêt de ce qui est devenu une vraie subversion. Il faut comme le dit M l’abbé Barthe, « subvertir cette idéologie d’ouverture ».
On peut légitiment se poser la question : la liturgie de Paul VI, ici décrite, est-elle seulement réformable ?
L’Eglise doit nécessairement restaurer sa tradition liturgique.
Il n’y aura pas de réconciliation profonde et donc d’unité des esprits et des cœurs dans le monde sacerdotal -ce qui est hautement souhaitable – sans la réforme liturgique. La réconciliation par la réforme liturgique doit être le maître mot aujourd’hui … dans l’Eglise.
Mais dans cette réforme qui aboutira à une vraie réconciliation, il faut avoir le sens du possible et, dans ce domaine liturgique, aller du mieux au bien. M l’abbé Barthe suggère, dans un premier temps, de retenir cinq points :
-« Réintroduire l’usage de la langue liturgique latine, spécialement par l’utilisation du chant grégorien ( kyriale, Pater, si possible chant des parties du propre de la messe),
-Distribuer la communion selon le mode traditionnel,
-User de la première prière eucharistique, si possible en latin, et sans trop élever la voix,
-Orienter la célébration vers le Seigneur au moins à partir de l’offertoire,
-User en silence de l’offertoire traditionnel.
Avec en parallèle, la célébration de « la forme extraordinaire », la forme tridentine, qui viendra tout naturellement s’intégrer dans une vie liturgique paroissiale animée de cette réforme et qui la soutiendra efficacement. Et voilà pourquoi Benoît XVI demande la célébration paroissiale du rite tridentin au milieu du rite « ordinaire ». (p. 96)
Voilà qui serait beaucoup. Voilà qui favoriserait réellement une réconciliation sacerdotale.
Voilà ce que veut le pape.