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Entraide et Tradition

Le Jeudi de l’Ascension.

publié dans couvent saint-paul le 16 mai 2012


Le Jeudi de l’Ascension.

« Après leur avoir ainsi parlé, le Seigneur Jésus fut enlevé au ciel, où il est assis à la droite de Dieu ».

Ultimes paroles de saint Marc en son Evangile. (Mc 16 19)

C’est ce que nous confessons dans notre Credo : « je crois qu’il est monté aux cieux ; qu’il est assis à la droite de Dieu, le Père tout-puissant ».

Oui ! Après avoir achevé et consommé le mystère de notre Rédemption, le Seigneur Jésus monta au ciel comme homme, en son corps et en son âme et comme Dieu et cela par sa propre puissance divine. « Il est assis à la droite de Dieu » : ce qui veut dire qu’il jouit de la puissance royale et de la gloire infinie qu’il reçoit de son Père. Saint Paul le confesse aux Ephésiens, lorsqu’il écrit : « Son Père, après l’avoir ressuscité d’entre les morts, L’a fait asseoir à sa droite dans le ciel au dessus de toutes les Principautés, de toutes les Puissances, de toutes les Vertus, de toutes les Dominations et de tout ce que l’on peut trouver de plus grand, soit dans le siècle présent, soit dans le siècle futur et Il a mis toutes chose sous ses pieds » (Eph 1 20)
En disant cela, nous ne pouvons rien dire de plus magnifique ni de plus admirable pour célébrer la Gloire et la divine Majesté de NSJC en son Ascension.

Mais cette année, je ne voudrais pas rester à contempler le Seigneur dans sa gloire. Je voudrais plutôt méditer la phrase qu’Il disait à ces disciples après la Cène, quelques temps avant l’Ascension et que saint Jean nous a précieusement gardée en son chapitre 14ème « Que votre cœur ne se trouble point. Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon Père; s’il en était autrement, je vous l’aurais dit, car je vais vous y préparer une place. Et lorsque je m’en serai allé et que je vous aurai préparé une place, je reviendrai, et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous y soyez aussi. Et là où je vais, vous en savez le chemin ».

Oh douces paroles ! « Je vais vous y préparer une place…afin que là où je suis, vous y soyez aussi ».
Cette méditation pourra bien faire l’objet et de ce Jeudi de l’Ascension et de dimanche qui vient.
Je voudrais développer avec vous trois idées : que la vraie vie, c’est la vie éternelle ; que la vie présente n’est la vraie vie que si elle est rattachée par la foi aux réalités de la vie future. Ce sera l’objet des considérations de ce Jeudi. Quelle est donc cette vraie vie ? C’est celle qui est éternelle. Il faut en faire un peu la description autant que la Révélation nous le permet. Ce sera l’objet des considérations de dimanche prochain.

Croire que la vie d’ici bas est la vraie vie, la seule vie, est la plus radicale de toutes les erreurs. La vie ici bas est certainement fascinante… Elle n’est certainement pas la vraie vie tout en étant fascinante. Mais si je m’y « enfuis » totalement, si je m’y plonge totalement, elle risque de m’empêcher de voir les biens réels et tout autant les maux réels. Ce qui serait, bien sur, une erreur cruelle, la plus cruelle de toutes les erreurs…parce que si je fais de cette vie, le tout de mon être, je me dégrade. Comment donc ? Oui je me dégrade. Je suis un être doué d’intelligence et de volonté libre – ce qui me met au dessus de tout le monde créé – je ne peux donc être son esclave. Ce qui serait si je ne voyais en cette vie que ma seule finalité. Mais surtout elle me dégrade car je oublie que je suis, par mon baptême, « enfant de Dieu, héritier de Dieu ». « Etre héritier présomptif de riches trésors, de vastes domaines, de magnifiques châteaux, d’un nom glorieusement historique, c’est quelque chose. Mais être héritier de Dieu, non seulement de ses biens, mais de lui-même, de sa puissance, de sa sagesse, de sa majesté, de ses félicités infinies, au point de devenir un avec lui : quel héritage ». Mais qu’est que ce monde, qu’est-ce que cette vie devant le monde divin, devant la vie divine ? « Je vais vous préparer une place…afin que là où je suis, vous soyez aussi ». Cet être immortel dont les destinées sont si hautes… est-ce seulement raisonnable qu’il se laisser fasciner par cette seule vie présente, passagère et fugitive. Il est fait pour plus grand, pour meilleur. Il ne peut borner ses espérances, « son espace vital », aux seuls biens du temps et passer ses années à seulement les acquérir, à les conserver sans aucun rapport avec l’avenir divin. Ne chercher qu’à conquérir des terres, des châteaux, des parcs, des monceaux de pièces d’or et de papier-monnaie et grâce à tout cela, boire, manger, se distraire, se promener tout à l’aise. Et c’est tout ! Et de tout cela que nous restera-t-il bientôt ? « Que vaut de gagner l’univers s’il on en vient à perdre son âme ? »

Et j’entends dans mon âme de baptisé : « Quid hoc ad aeternitatem ? »

J’aime ce dialogue que l’histoire nous a gardé entre un grand saint de Rome, Saint Philippe de Néri et un jeune homme de nom François. Etant venu voir l’illustre confesseur de Rome, celui-ci fixe sur l’adolescent un regard paternel et, le prenant par le bras, lui dit : « François que fais-tu maintenant : « Je fais mes études ». – « Tu seras un brillant élève couvert de diplômes et chargé de prix. Et après ? –« Après mes humanités, j’apprendrai le droit » – « Tu recevras tes grades cum laude, avec félicitations du jury ? Et après ? » –« J’entrerais dans la magistrature ». – « Tu seras un magistrat connu et recherché. Et après ? » – « Je me marierai ». –« Tu auras une belle et nombreuse famille. Et après ? ». – « Je continuerai d’exercer ma profession, afin de donner une position honorable à mes enfants ». –« La fortune te sourira ; ils seront riches. Et après ? « Je composerai des ouvrages utiles à ceux qui suivront ma carrière ». -« Tes ouvrages auront grands succès ; tu seras l’oracle de tes confrères. Et après ? » – « Je jouirai tranquillement des biens que j’aurai amassés et de la considération que j’aurai acquise » « Tu vivras dans l’abondance ; ton nom sera honoré. Et après ? ». « Après ? Je vieillirai ; et comme tous les mortels, je payerai le tribut de la nature : je mourrai. Et après ? » – « Après ? » « Après ? » -« Oui après ? » Et après, il faudra être jugé, absous ou condamné, sans appel, pour toute l’éternité. Je ne blâme rien de ce que tu veux faire. Seulement si tu te laisses absorber par les travaux de la vie présente, sans les attacher par la foi aux réalités de la vie future, tu tombes dans la plus dangereuse et la plus cruelle des folies. Tu te seras consumé à poursuivre une chimère que tu n’auras pas saisi et à l’heure du départ –heure certaine – tu te trouveras les mains vides ; vides de bonnes œuvres, pourtant semences de la vie immortelle. N’oublie pas le 7ème article du Credo : « D’où il viendra juger les vivants et les morts ». N’oublie pas la parole de l’Apôtre : « nous devons tous comparaître devant le tribunal de Jésus-Christ, afin que chacun reçoive ce qui est dû aux bonnes ou aux mauvaises actions qu’il aura faites, pendant qu’il était revêtu de son corps » (2 Cor 5 10). François garda le silence, embrassa le père et sortit. Mais le coup avait porté. L’après du Père Philippe lui restait dans l’esprit. Il ne pouvait s’en débarrasser. Il se met à méditer cet après importun. Bientôt, Dieu aidant, ses illusions disparaissent, il comprend que la vie d’ici bas n’est pas la vie et en homme sage, il la fit résolument servir à l’acquisition de la vie éternelle.

Qu’est-ce que la vie si elle n’est éternelle ? Cette réflexion me fait penser au récit du riche de l’Evangile : « J’ai beaucoup de bien et j’en ai pour longtemps. Repose-toi, mon ami, mange, bois, fais bonne chère. Insensé ! Cette nuit on te redemandera ton âme ; et pour qui sera ce que tu as amassé ? (Lc 12 17-21).

Ainsi posséder un trésor auquel on a donné toutes ses forces, se promettre dans jouir et savoir qu’on en sera dépouillé infailliblement au moment où on ne s’y attend pas, bientôt, pour toujours et sans compensation : est-ce là vivre ? « Je m’en vais vous préparer une place. Là où je suis vous serez ». Voilà la vraie vie parce qu’éternelle.

Permettez-moi une autre réflexion sur la vie.

L’amour de la vie est le ressort de l’agir humain. En effet image vivant du Dieu vivant, l’homme est vie. Pour lui, la vie n’est pas seulement le premier et le plus précieux des biens, elle est son être : hors de la vie, néant. L’homme aime donc la vie du même amour que lui-même. Il l’aime essentiellement, il l’aime passionnément, il l’aime invinciblement, il l’aime partout… Pourquoi aime-t-on l’enfant ? Parce que c’est la vie qui vient ? Pourquoi respecte-t-on le vieillard ? Parce que c’est la vie qui s’en va. Pourquoi éprouve-t-on un sentiment de curiosité religieuse à la vue d’une vielle ruine ? Parce que la vie est passée par là. L’homme n’aime que la vie. S’il boit, s’il mange, s’il dort, s’il travaille, s’il pleure, s’il se réjouit, c’est par amour de la vie. A la conserver et à la développer, se rapportent, sans exception et dans tous les âges, ses instincts, ses pensées, ses affections, ses paroles, ses privations, ses craintes, ses désirs, ses actes, ses vertus et même ses crimes. Plutôt que de perdre la vie, il consent à tout. Que l’homme étant ce qu’il est, soit persuadé que la vie d’ici-bas, c’est la vie, toute la vie, qu’il n’y a pas d’au-delà, pas de vie éternelle, vous le rendez fou. Il s’épuisera à la jouissance des biens de cette vie. Courte et bonne, puisque la vie présente est toute la vie, je veux en vivre, vivre pleinement, constamment. jusqu’à l’overdose. C’est la loi de mon être…Mais, dans une telle philosophie, de jouissance effrénée, je cultive la mort.

Mais ôte de ce cœur que la vie d’ici bas, c’est la vie. A la place, fais prévaloir la parole du Christ, « je vais vous préparer une place », fais prévaloir ainsi que la vie d’ici-bas n’est que l’ombre de la vraie vie, la préparation, le gage de la vraie vie…alors tu opères une révolution totale. Il ne s’attacheras pas à la vie présente…sinon comme moyen de gagner l’éternité. Il usera de ce monde comme n’en usant pas. Toujours avec la même énergie vitale, c’est sa loi, il cherchera l’éternelle vie. Il s’attachera à ses devoirs, car il sait que là dépend la vraie vie. L’ordre règne sur la terre s’il règne dans les cœurs. L’amour de l’au-delà, le cultiver, est la plus belle des actions. Elle peut servir l’ordre public. Amen.

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