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Sainte Hildegarde de Bingen, docteur de l’Eglise

publié dans nouvelles de chrétienté le 8 octobre 2012


La foi

dans la doctrine

de sainte Hildegarde de Bingen

par M l’abbé Karol Zaleski, séminariste du séminaire saint Vincent de Paul de Courtalain.

Ste Hildegarde de Bingen, qui fut proclamée docteur de l’Eglise universelle, hier,  le dimanche 7 octobre 2012, a été canonisée par le décret de Benoît XVI du 10 mai 2012. Ce décret, qui porte le titre significatif de Spiritum Sanctum, loue en les termes les plus sublimes la sainteté, la sagesse et la foi de cette abbesse bénédictine du XIIème siècle. « Coram Domino ipsa (Hildegardis) continenter fuit, ut confestim eius voluntatem reciperet – « Hildegarde demeurait constamment devant Dieu pour recevoir sans delai sa volonté ».

La doctrine d’Hildegarde sera ainsi proposée à toute l’Eglise catholique au début de l’Année de la foi, pendant laquelle nous sommes invités à approfondir la doctrine catholique.

Remarquons aussi que cette année demandée par Benoît XVI commémore l’ouverture du Concile Oecuménique Vatican II. L’objectif fixé par le pape Jean XXIII dans le discours inaugural du concile était précisément de « transmettre dans son intégrité, sans l’affaiblir ni l’altérer, la doctrine catholique ; que cette doctrine certaine et immuable, qui doit être respectée fidèlement, soit approfondie et présentée d’une façon qui réponde aux exigences de notre époque ».

Cinquante ans après ces paroles, nous pouvons nous demander si vraiment ce concile a répondu à l’appel du Pape, mais cette question dépasse le sujet de cet article.

Par contre, on peut répondre à la question : quel est le rapport entre une abbesse du XIIème siècle et l’approfondissement de la doctrine réclamé par Benoît XVI particulièrement pendant cette année de la foi ?

En premier lieu, les écrits d’Hildegarde de Bingen renferment toute la doctrine catholique.  « La doctrine d’Hildegarde excelle tantôt par la profondeur et la correction de ses interprétations, tantôt par le caractère inaccoutumé de ses visions qui excèdent les limites de l’histoire de l’époque ; ses textes, qui sont imprégnés par la vraie ‘charité de l’intellect’, portent avec eux, lorsqu’on les contemple, une fraîcheur et une vigueur particulière au sujet du mystère de la Très Sainte Trinité, de l’Incarnation, de l’Eglise, de l’humanité, de la nature des choses, au point qu’ils doivent être considérés et conservés comme des créatures de Dieu ».

La bénédictine éclairée par la « Lumière vivante » voit en cette Lumière les mystères de la foi et l’univers entier, comme autrefois son père spirituel, s. Benoît, a vu toute la création dans un rayon de la même Lumière. « Et, c’est arrivé en l’an 1141 à partir de l’Incarnation de Jésus-Christ Fils de Dieu, quand j’ai eue quarante deux ans, que les cieux se sont ouvert et que la lumière de feu, avec un éclat extraordinaire, s’est versée sur tout mon cerveau, et sur tout mon cœur, et sur toute ma poitrine (…). Et soudainement j’ai compris la signification des explication des livres, c’est-à-dire du Psautier, de l’Evangile et des autres écrits catholiques, de l’Ancien et du Nouveau Testament » .

Ensuite, Ste Hildegarde parle à maintes reprises de la vertu théologale de la foi dans son chef-d’oeuvre, Scivias – « Connais les voie du Seigneur ».
Notre-Seigneur Jésus-Christ enseigne que la foi est une condition nécessaire au salut éternel : « Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé ; celui qui ne croira pas, sera condamné » (Marc XVI,16). Hildegarde écrit à sa suite que celui qui veut être sauvé ne doutera point de la foi catholique et de sa rectitude. Par l’ablution du baptême l’homme reçoit la rémission des péchés et la grâce, ainsi que le plus grand bonheur, parce qu’il a été immergé dans la foi catholique et que rien ne peut changer la grâce du baptême. Souvent, elle nomme les catholiques des « confesseurs de la Très Sainte Trinité » : « Ne vénère pas le Père celui qui renonce au Fils et n’aime pas le Fils celui qui méprise le Père, et ne vénère pas le Fils celui qui rejette l’Esprit-Saint, et ne reçoit pas l’Esprit-Saint celui qui ne vénère pas le Père et le Fils » . La lumière de la foi catholique est tombée sur la terre au moment de l’Incarnation du Verbe dans le sein de la Vierge, pour guérir la cécité de l’homme, trompé par le diable. L’homme, par contre, ne doit pas scruter les mystères au-delà ce que la Majesté Divine veut lui révéler. On se sanctifie déjà lorsque l’on dit en soi même : « Je crois en Dieu ».

Ste Hildegarde exhorte les fidèles à faire attention face aux hérétiques qui d’après ses propres termes sont « les entrailles du diable et la graine qui annonce les fils de damnation (…). Ils attaquent l’Eglise par leur apostasie, dans les hérésies et par la multitude des péchés, parce que dans leurs pièges affreux ils se moquent du baptême et du sacrement du Corps et du Sang du Fils, et du reste de la doctrine de l’Eglise. Mais à cause de leur peur des hommes ils ne combattent pas ouvertement la doctrine, mais ils l’ignorent complètement dans leurs cœurs et leurs actions » .

Dieu le Créateur est digne de toute louange, dans la plus grande foi. La foi, forte et solide, possédée par le peuple chrétien, est comme un trône royal, et Dieu même y trouve son repos. Cette foi ne désire pas regarder avec audace en Dieu, mais elle le touche avec la plus profonde piété. La foi, qui était pâle dans l’Ancien Testament, a resplendi dans l’Incarnation du Fils de Dieu. Par la foi les fidèles peuvent agir avec confiance en la bonté du Père, et croire que celui qui a vaincu un ennemi si fort est le Dieu tout-puissant. Enfin la foi a été donnée pour que les fidèles, élevés par elle, puissent obtenir la gloire éternelle.

La Trinité est au centre de la doctrine hildegardienne sur la foi. L’homme gardera la foi catholique partout et avec la même piété et un respect inchangé s’il vénère le Fils avec le Père et l’Esprit-Saint : « Le Fils fait toutes choses dans le Père et l’Esprit-Saint (…). Selon la volonté du Père, le Fils a sauvé l’homme par son Incarnation (…). Le Père a décidé que son Fils sera conçu de l’Esprit-Saint et naîtra de la Vierge, qu’il recevra l’humanité par amour pour l’homme pour le salut des hommes (…). De cette façon, l’homme participera à la vie divine, grâce à laquelle il pourra être sauvé par lui-même dans la vraie foi catholique. Et par la foi il faut connaître le Père et le Fils et l’Esprit-Saint, le Dieu unique et vrai » . La foi donne donc l’augmentation des vertus, tandis que par les mêmes vertus la foi est fortifiée et élevée comme une cité.

Ste Hildegarde enseigne la doctrine catholique dans son intégrité en montrant enfin que la foi est inutile sans les œuvres : « L’aile de la colère divine frappe les croyants qui, dans leur volonté, ne font pas de bonnes et justes œuvres ; ils voient clairement la foi et la justice divine, mais ils restent dans les ténèbres de leurs mauvaises œuvres (…). Cependant Dieu ne permet pas que leurs affaires se passent selon leur volonté ; lorsqu’ils sont tellement plongés dans les ténèbres, lorsqu’ils oublient Dieu et qu’ils le délaissent avec plaisir, Dieu les punit par sa vengeance » .

Ceux qui dans le peuple chrétien se détournent et rejettent « la plus juste foi catholique » seront ainsi coupés et brûlés par « la plus juste Divinité de la Trinité ». Ces gens sont ceux qui suivent plutôt les affaires terrestres que les éternelles : « Ils passent d’un mal à l’autre, entourés par les choses vaines ils ne regardent pas en haut, dans le miroir de la foi catholique (…) » .

La foi se présente aussi dans le Scivias de façon personnifiée. Elle s’adresse à nous en disant : « Il faut vénérer dans une gloire égale Dieu un en trois Personnes, qui ont même nature. J’aurai donc la foi et la confiance dans le Seigneur et je ne rayerai jamais son Nom de mon cœur » . La personne de la Foi porte autour du cou un collier rouge, parce qu’en chaque circonstance elle demeure confiante et forte et elle reçoit le prix du martyre.

Dans la vision XIème, qui concerne les temps derniers l’abbesse de Bingen parle de façon prophétique de la crise de la foi à l’époque de l’Antéchrist : « Les gens diront avec une grande tristesse : Où est ce qu’on dit de Jésus? Est-ce la vérité, ou non?» . Mais, après la victoire sur le Fils de damnation, grâce aussi aux témoignages d’Hénoch et d’Elie, le Fils de Dieu brillera dans la foi catholique, comme le plus clair et le plus beau.

Ste Hildegarde, qui est morte en 1179, sera proclamée Docteur de l’Eglise exactement 833 ans plus tard. Elle a elle-même décrit le rôle des docteurs pour la conservation et le renforcement de la foi. Ces maîtres touchent les profondeurs des mystères célestes, la foi en Dieu unique est allumée en eux par le feu de l’Esprit-Saint. Cette foi des docteurs est tellement claire que grâce à sa clarté, elle resplendit devant Dieu et devant le monde.
Hildegarde de Bingen, vierge, appelée par le pape Benoît XVI praeclara theologiae magistra et dignissima Christi discipula – très célébre maîtresse de théologie et la plus digne disciple du Christ- , est  proclamée Docteur de l’Eglise universelle, elle qui « après avoir reçu l’autorisation de nos prédécesseurs Hadrien IV et Alexandre III, a eu un apostolat très fécond, ce qui était très rare à son époque, et a commencé à partir de 1159 les voyages lui permettant de prêcher sur les places publiques et dans plusieurs cathédrales ». Déjà, le bienheureux pape Eugène III avait reconnu pleinement l’orthodoxie de la doctrine hildegardienne, qui de nos jours éclaire encore l’Eglise entière – cette doctrine qui vient de la « Lumière vivante ». En cette Année de la foi, donc, Ste Hildegarde nous rappelle que la vraie foi n’est que la foi catholique ; hors d’elle il n’y a que des croyances créées par l’homme ou des croyances d’origine démoniaque pour tromper les âmes. De nos jours l’Abbesse de Bingen, dans la gloire apostolique, nous enseigne qu’il n’y a point de salut hors de la vraie foi de l’Eglise de Jésus-Christ.
En invitant le lecteur à approfondir sa foi à l’école d’Hildegarde, véritable maîtresse, il nous paraît être juste de citer en conclusion Guillaume d’Auxerre : Hildegardis scripta non continent verba humana, sed divina – « Les écrits d’Hildegarde ne renferment pas de paroles humaines, mais des paroles divines ».

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Deux nouveaux maîtres de sagesse pour notre siècle

La modernité de Jean d’Avila et Hildegarde de Bingen

 

Propos recueillis par Anita Bourdin

ROME, dimanche 7 octobre 2012 (ZENIT.org) – Les chrétiens vont parfois chercher dans des sagesses étrangères à la foi biblique des enseignements pour la vie quotidienne. Or Benoît XVI vient de proclamer, ce dimanche matin, 7 octobre, sur le parvis de la basilique vaticane, deux docteurs de l’Eglise, deux maîtres pour aujourd’hui, deux témoins de la fécondité de l’Evangile : leurs immenses portraits ont été dévoilés sur la façade de Saint-Pierre.

Natalia Bottineau, spécialiste de la vie des saints, a bien voulu répondre aux questions de Zenit pour comprendre le geste de Benoît XVI qui a proclamé ces deux saints comme docteurs de l’Eglise au seuil du synode sur la nouvelle évangélisation et de l’Année de la foi.

Zenit – Qu’est-ce qui permet qu’un baptisé soit proclamé docteur de l’Eglise ?

Natalia Bottineau – Tout d’abord, la sainteté de la vie. La vie de ces docteurs de l’Eglise – 35 dont 4 femmes, à ce jour – ont auparavant  été examinées, ainsi que les miracles qui ont été attribués à leur intercession, et ils ont peu à peu été déclarés bienheureux puis saints, puis docteurs. Trente-neuf en deux mille ans, beaucoup moins que nos académiciens : l’Eglise est sobre, et cela met d’autant plus en lumière le rayonnement de ces grands « enseignants », leur « splendeur » a dit le cardinal Amato. Jean d’Avila était un prêtre diocésain espagnol (1499 -1569), et Hildegarde une moniale bénédictine allemande (1098-1179).

Mais Hildegarde a été déclarée sainte par Benoît XVI  seulement récemment …

Sainte Hildegarde était honorée par les fidèles catholiques – qui ont reçu le don d’intelligence de l’Esprit Saint à leur baptême ! –  comme sainte, mais son culte n’était pas étendu à toute l’Eglise.

Le pape, ami de saint Benoît, l’a étendu au monde entier le 10 mai dernier, reconnaissant ainsi la tradition multiséculaire qui avait inscrit la mystique rhénane au martyrologe romain, sans même que son procès de canonisation n’ait abouti.

Mais la sainteté ne suffit pas : tous les saints théologiens ne sont pas des « docteurs »!

Ensuite, effectivement, il a fallu que leur enseignement ait un rayonnement très large et que les évêques et le peuple de Dieu demandent au pape ce titre pour eux.

On se souvient par exemple de la mobilisation pour le « doctorat » de sainte Thérèse de Lisieux dans le monde entier. Et elle montre que tous les docteurs ne sont pas « théologiens », au sens académique. Que l’on pense aussi à Catherine de Sienne. Mais tous aiment le Christ et l’Eglise d’un immense amour : c’est le secret de leur intelligence de la foi et de leur fécondité spirituelle.

En annonçant les deux doctorats, le 27 mai dernier, Benoît XVI avait résumé ainsi les motivations de sa décision, soulignant l’actualité de l’enseignement d’Hildegarde : « Hildegarde fut une moniale bénédictine au cœur de l’Allemagne médiévale, authentique maîtresse en théologie et grande experte en sciences naturelles et en musique ». C’est aussi le pape musicien qui parlait.

Ce matin, ce qui a été souligné dans la présentation de sa vie et de son enseignement par une moniale bénédictine allemande, au début de la célébration, c’est son enseignement sur la place de l’homme au coeur de la création, particulièrement d’actualité en ce XXIe siècle sensible à la beauté de la création et à l’urgence de la sauvegarder pour sauvegarder l’homme.

Pour le pape, la « sainteté de la vie et la profondeur de la doctrine » de Jean d’Avila et d’Hildegarde les rendent « toujours actuels »: par l’Esprit-Saint, ils sont témoins d’une « expérience de compréhension pénétrante de la révélation divine » et d’un « dialogue intelligent avec le monde », ainsi « ces deux figures de saints et docteurs sont d’une importance et d’une actualité majeures ».

Comment résumer cette « actualité » ?

Le mot qui est revenu plusieurs fois dans la présentation du cardinal Angelo Amato, préfet de la Congrégation pour les causes des saints, au début de la célébration, et aussi dans la présentation de Jean d’Avila – je souligne, par une femme laïque -, c’est la « sagesse », la « sabiduria ». Il a été un « apôtre infatigable de l’amour de Dieu », même en prison où il a mûrit son enseignement : un docteur de l’Eglise qui a goûté à la prison pour sa doctrine, ce n’est pas banal.  Il a ensuite été lavé de toute accusation.

L’œuvre de Hildegarde de Bingen est immense. Mais elle est avant tout une « sagesse », pas un savoir encyclopédique desséché. La « postulatrice » de son doctorat a souligné combien elle est «centrée sur le Christ », aimé d’un amour sans partage. Une sagesse faite de foi, d’espérance et d’amour, et qui pour cela peut nourrir encore aujourd’hui et éclairer la vie des hommes en dépit de contextes – politiques, sociaux, culturels, économiques – aussi différents que le moyen âge rhénan, le siècle d’or espagnol et ce début de troisième millénaire à l’enseigne de la mondialisation.

C’est la fécondité sans cesse renouvelée de l’Esprit-Saint dans la vie du baptisé à chaque génération.

Pourquoi cette proclamation solennelle comme premier acte du synode pour la nouvelle évangélisation ?

Le cardinal Amato a employé cette image liturgique : cette proclamation fait au coeur de la grande prière de l’Eglise, au début de l’eucharistie, en présence de plus de 250 évêques, cardinaux et patriarches du monde entier, constitue comme une « antienne » du synode, et de l’Année de la foi que le pape ouvrira jeudi prochain, 11 octobre. Il a aussi souligné que la demande était faite pour « bien de l’Eglise » et la « joie » des baptisés. Le pape donne un homme et une femme comme référence pour vivre ces deux événements invitant à faire comme eux : « regarder vers le Christ ». La « postulatrice » du doctorat de Jean d’Avila a conclu sa présentation en disant que qu’il était un « docteur pour la nouvelle évangélisation ».

Il me semble que ce ne sont pas seulement leurs œuvres mais toute leur vie qui fait partie de cette sagesse à recueillir. Celle d’Hildegarde était toute nourrie de l’Ecriture et de la liturgie, source de sa vie d’union avec le Christ et d’amour de ses contemporains et de l’Eglise, comme l’a souligné sa « postulatrice » : elle a toujours obéi à l’Eglise, une obéissance faite d’amour, de prudence, de liberté, féconde en œuvres bonnes. Elle montre aux jeunes d’aujourd’hui la fécondité et la sagesse recueillie à cette source – monument de la culture européenne – qu’est la Règle de saint Benoît.

Qui sont les femmes « docteurs de l’Eglise » ?

Sainte Hildegarde, bénédictine, est la quatrième femme à être proclamée docteur de l’Eglise, après sainte Catherine de Sienne, tertiaire dominicaine, sainte Thérèse d’Avila et sainte Thérèse de Lisieux, toutes deux carmélites.

Mais aujourd’hui, le pape ne donne pas deux femmes ou deux hommes, mais un homme et une femme – chacun selon son génie propre – pour éclairer par leur sagesse la marche de l’Eglise, communion dans la foi dans le Dieu d’amour, Père, Fils et Saint-Esprit, « Dieu un ».

 

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