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Entraide et Tradition

Dimanche de la septuagésime « Dieu est devenu le grand absent de nos sociétés. A sa place, il y a de nombreuses idoles…Dieu est devenu le grand absent de nos sociétés. A sa place, il y a de nombreuses idoles…surtout la possession et le moi autonome »

publié dans couvent saint-paul le 26 janvier 2013


Dimanche de la septuagésime

« Dieu est devenu le grand absent de nos sociétés. A sa place, il y a de nombreuses idoles…surtout la possession et le moi autonome »

Le pape Benoît XVI dans son homélie du mercredi 23 Janvier 2013 a attiré l’attention de son auditoire, réuni dans la grande salle saint Paul, sur les premiers mots de notre « Credo » : « Je crois en Dieu ». Il a illustré ce « je crois en Dieu » par la belle figure d’Abraham. Vous connaissez tous son histoire, ce beau modèle de foi.
Aussi je ne m’arrêterai pas sur cette figure connue. Je voudrais par contre porter mon attention sur une autre réflexion très profonde du pape. Il dit : « le chrétien ne doit pas avoir peur d’aller à « contre-courant » pour vivre sa foi, en résistant à la tentation de s’« uniformiser ». Dans un grand nombre de nos sociétés, Dieu est devenu le « grand absent » et à sa place, il y a de nombreuses idoles, des idoles très diverses et surtout la possession et le « moi » autonome ». Et cet « égocentrisme » va croissant au fil des « progrès … de la science et de la technique », ce qui a introduit chez l’homme « une illusion de toute puissance et d’autosuffisance ».
Voilà, MBCF, une belle analyse du monde moderne. Elle est coutumière à la pensée de Benoît XVI, comme elle l’était, du reste, à celle de Jean Paul II, à la fin de son Pontificat.
Je m’arrêterai à ces deux idées.
Tout d’abord, la modernité : « Dieu est devenu le grand absent » de notre société européenne. L’athéisme tient l’Etat, la justice, l’éducation publique, les spectacles et les médias.
Et pourtant au commencement de cette Europe, il y avait eu le contraire de l’athéisme avec la réforme intellectuelle et religieuse de Charlemagne. Cette réforme « carolingienne » était une synthèse grandiose entre la culture de l’antiquité classique, principalement romaine et grecque avec les principes de la foi catholique. Oui ! Cette réforme était réalisée sur la base de l’Evangile de Jésus-Christ. Voilà la vigoureuse construction de Charlemagne. Et les conséquences en furent immenses.
C’est par l’acceptation, en effet, de la foi que l’Europe devint « une unité politique » qui tout au long des siècles a réussi à répandre ses valeurs dans presque toutes les autres parties de la terre pour le bien de l’humanité. Aussi pour l’entrée dans le troisième millénaire, à l’occasion du 1200 ème anniversaire du couronnement de Charlemagne, Jean Paul II rappelait l’origine et l’identité chrétienne du continent européen.
Et le 1er janvier 2001, il parlait de rupture. Il avertissait les hommes de bonne volonté que « les modèles du monde occidental, désormais affranchis du terreau chrétien, sont inspirés par une conception pratiquement athée de la vie ». Le monde est entré dans une ère nouvelle où la vie pratique n’a plus le bien pour objet. La culture actuelle est « marquée par la prétention dramatique de vouloir réaliser le bien de l’homme en se passant de Dieu, le Souverain Bien. Mais la créature sans son Créateur s’évanouit. Une culture qui refuse de se référer à Dieu perd son âme en même temps que son orientation, devenant une culture de mort, comme en témoigne les tragiques événements du vingtième siècle » avec le communisme bolchevique et le nazisme « et comme le montrent les conséquences nihilistes que l’on constatent actuellement dans de larges sphères du monde occidental ». On peut difficilement parler plus clairement.
Avec Benoît XVI nous savons aussi que l’athéisme l’a emporté sur le monde chrétien. Les institutions et les moeurs sont athées. Benoît XVI prononce aujourd’hui, simple constat, l’acte de décès de l’Occident chrétien. « Dieu est devenu le grand absent »
Mais « ce grand absent » est remplacé aujourd’hui par « le subjectivisme ». C’est la deuxième grande idée développée par Benoît XVI
Dieu est remplacé dans la société actuelle par le « moi » et, par « un moi autonome » devenu véritable « idole », dit-il. C’est-à-dire que ce « moi autonome » n’est plus réglé par la loi entendue comme un commandement de la raison, édicté en vue du bien commun par l’autorité qui en a la charge. Le « moi » qui a pris la place de Dieu dans l’organisation de la société, est « autonome », c’est-à-dire qu’il est « libre », indépendant de Dieu et de sa loi. Ou mieux encore, pour être plus précis, ce « moi » dépend bien aussi d’une loi mais d’une loi qui est conçue comme « étant l’expression de la volonté générale ». Mais c’est le grand principe des « Lumières », de l’esprit encyclopédique. Ce « moi » autonome n’aura donc plus pour guide que « la Philosophie des Lumières ». C’est en cela que réside la rupture d’avec le passé chrétien de la société européenne. Rupture d’avec le Christianisme au bénéfice du subjectivisme. C’est là que se trouve la rupture d’avec la société d’antan.
Mais précisons un peu !
Selon la conception classique de toute vraie politique, il existe trois sortes lois que les lois décrétées par les Etats ont pour fonction d’appliquer selon les circonstances de chaque nation:
La loi naturelle qui est « l’obligation morale de nous comporter conformément à notre nature humaine, telle que nous la connaissons par notre raison ». Son premier principe est que « l’on doit faire le bien et éviter le mal, ce qui implique de ne pas faire à autrui ce que nous ne voudrions pas que l’on nous fit ».
Le Décalogue : « ce sont les dix prescriptions morales des tables de la Loi révélées à Moïse sur le Mont Sinaï »
La loi de Charité qui est la Loi de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Ces trois lois sont interdépendantes. La loi naturelle est la loi « primitivement » non écrite. Elle est écrite dans le Décalogue. Ce sont les « Commandements de Dieu » qui indiquent clairement que l’auteur de la loi naturelle est le Dieu créateur de la nature humaine. La loi de Charité, mais, là aussi, le Christ a dit clairement qu’il n’est pas venu abolir mais parfaire la loi naturelle.
Mais alors qu’en est-il des lois civiles ? L’autorité des lois civiles vient de ce qu’elles sont une application concrète de ces trois lois dont Dieu est l’auteur.
Tel est l’héritage transmis, le principe – Dieu et ses lois – qui a fait les nations de l’Europe et par elle l’ordre mondial, le progrès humain.
Mais arriva la démission de l’Occident. Il fut infidèle. Il a accepté et permis que Dieu soit ignoré et rejeté et qu’il soit supplanté par le « moi subjectif et autonome » ne trouvant sa « loi » que dans la « volonté générale ». « Quand la loi n’est plus que l’expression de la volonté générale et qu’ainsi l’humanité ne reconnaît plus aucune loi supérieure à l’homme et indépendante de sa volonté, alors cet homme sans la loi naturelle devient, dit saint Thomas, pessimum omnium animalium, « le pire des êtres vivants ».
La loi, nous dit-on aujourd’hui, est « l’expression de la volonté générale ». C’est dire qu’elle se déclare tout simplement affranchi de la loi de Dieu. Et « s’il lui arrive de ne pas la contredire, ce sera par l’effet d’une coïncidence accidentelle et non par l’effet d’une dépendance librement acceptée ». La modernité méconnaît entièrement le fait qu’il existe une loi de Dieu, énoncée dans le Décalogue et l’Evangile. C’est pourquoi le pape parle de « moi autonome », autonome de toute loi, de toute dépendance. En matière religieuse, en matière politique, « l’autonomie du moi» ne reconnaît que des opinions, toutes respectables, toutes facultatives. Il n’y a d’obligation morale que subjective, celle que chacun s’est formée selon son expérience et sa réflexion subjective. Entre ces subjectivités, il est souhaitable que s’établisse un dialogue permettant des échanges, des remises en question, « des doutes », des enrichissements réciproques. En dehors de la loi morale subjective que chacun s’impose ou non à lui-même et qui reste donc d’une portée strictement individuelle, il ne peut y avoir de loi commune que résultant d’un consensus obtenu au bout d’un débat. Voilà la loi civile. Et il n’existe aucune obligation qui soit supérieure à la loi civile; elle est indéfiniment évolutive puisque rien ne change plus que la volonté générale.
Cet état d’esprit a fini par déteindre sur la pensée politique de « beaucoup » : il n’existe plus de loi divine ayant une réalité objective et ayant le caractère d’une obligation morale. Le « moi » est autonome, vous diront tous les politiques, (rejoignant ainsi la pensée du pape). Il n’existe plus ni erreur ni mal, mais seule l’évolution de la société. Et la loi civile devra s’y adapter. Ce n’est plus Dieu qui est et sa loi qui oblige. C’est la société qui est et son évolution qui oblige. C’est le triomphe du « moi autonome ». « Le moi » se perd dans la volonté générale, nécessairement évolutive. C’est pourquoi il faut dire que le « moi autonome » se perdant dans la subjectivité, s’inscrit nécessairement dans l’héritage des Lumières. « Lumières de la raison, de la tolérance, « lumières de la liberté, la liberté absolue de conscience, la liberté de douter, parce que le doute, dira-t-on, est moteur de progrès ». Bref, le « moi » est autonome en ce sens qu’il est parvenu à s’affranchir « tant des passions que des carcans sociaux ». Plus de dogmatismes dont il faut « desserrer les étreintes ». Il faut « casser les rigidités, pour instaurer un espace de liberté, hors des tabous et des index de l’époque. L’autonomie du moi, finalement, n’est rien d’autre que « le refus des certitudes »…. C’est le refus de tout « autoritarisme »….Le « moi autonome », « autonome » c’est l’idéal de la Révolution française. Le « moi autonome » n’a que faire de la religion catholique. Il est « rationaliste ». Il est « laïc » et en est fier. Mais il engendre, comme le dit Jean Paul II, une « civilisation de mort ». Il s’en moque.

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