La rupture
publié dans regards sur le monde le 27 janvier 2013
La rupture
Dans son homélie du mercredi 23 Janvier 2013, le pape Benoît XVI a déclaré :
« Dans un grand nombre de nos sociétés, Dieu est devenu le « grand absent » et à sa place, il y a de nombreuses idoles, des idoles très diverses et surtout la possession et le « moi » autonome ».
Analysons ces deux idées absolument coutumières à la doctrine de Benoît XVI, comme elles l’étaient, du reste, à celle de Jean Paul II, à la fin de son Pontificat.
Voyons tout d’abord la première affirmation « Dieu est devenu le grand absent » de notre société européenne.
L’athéisme, en effet, tient l’Etat, la justice, l’éducation publique, les spectacles et les médias.
Et pourtant au commencement de cette Europe, il y avait eu le contraire de l’athéisme avec la réforme intellectuelle et religieuse de Charlemagne. Cette réforme carolingienne était une synthèse grandiose entre la culture de l’antiquité classique, principalement romaine et grecque avec les principes de la foi catholique. Oui ! Cette réforme était réalisée sur la base de l’Evangile de Jésus-Christ. Voilà la vigoureuse construction de Charlemagne.
Et les conséquences en furent immenses.
C’est par l’acceptation, en effet, de la foi que l’Europe devint une unité politique qui tout au long des siècles a réussi à répandre ses valeurs dans presque toutes les autres parties de la terre pour le bien de l’humanité. Aussi pour l’entrée dans le troisième millénaire, à l’occasion du 1200 ème anniversaire du couronnement de Charlemagne, Jean Paul II rappelait l’origine et l’identité chrétienne du continent européen. Il appelait les politiques à le reconnaître et à le noter dans l’élaboration de la nouvelle constitution européenne. Les gouvernants refusèrent..
Alors le 1er janvier 2001, Jean-Paul II ne craignait pas d’avertir les hommes de bonne volonté que « les modèles du monde occidental, désormais affranchis du terreau chrétien, sont inspirés par une conception pratiquement athée de la vie ». Le monde est entré dans une ère nouvelle où la vie pratique n’a plus le bien pour objet. La culture actuelle est « marquée par la prétention dramatique de vouloir réaliser le bien de l’homme en se passant de Dieu, le Souverain Bien. Mais la créature sans son Créateur s’évanouit. Une culture qui refuse de se référer à Dieu perd son âme en même temps que son orientation, devenant une culture de mort, comme en témoigne les tragiques événements du vingtième siècle » avec le communisme bolchevique et le nazisme « et comme le montrent les conséquences nihilistes que l’on constatent actuellement dans de larges sphères du monde occidental ». C’est la rupture !
Et Benoît XVI reconnaît lui aussi que l’athéisme l’a emporté sur le monde chrétien. Les institutions et les moeurs sont athées. Benoît XVI prononce aujourd’hui, simple constat, l’acte de décès de l’Occident chrétien. « Dieu est devenu le grand absent » de nos sociétés. En ce sens, il y a rupture.
Mais « ce grand absent », Dieu, est remplacé aujourd’hui par « le subjectivisme ». C’est la deuxième idée développée par Benoît XVI
Dieu est remplacé dans la société actuelle par le « moi » et, par « un moi autonome » devenu véritable « idole », dit-il. C’est-à-dire que ce « moi autonome » n’est plus réglé par la loi entendue comme un commandement de la raison, édicté en vue du bien commun par l’autorité qui en a la charge. Le « moi » qui a pris la place de Dieu dans l’organisation de la société, est « autonome », c’est-à-dire qu’il est « libre », indépendant de Dieu et de sa loi. Ou mieux encore, pour être plus précis, ce « moi » dépend bien aussi d’une loi mais d’une loi qui est conçue comme étant l’expression de la volonté générale . Mais c’est le grand principe des « Lumières », de l’esprit encyclopédique. Ce « moi » autonome n’aura donc plus pour guide que « la Philosophie des Lumières », la « Déclaration des droits de l’homme de 1789 ». C’est en cela que réside la rupture d’avec le passé chrétien de la société européenne. Rupture d’avec le Christianisme au bénéfice du subjectivisme. C’est là que se trouve la rupture d’avec la société d’antan.
Mais précisons un peu !
Selon la conception classique de toute vraie politique, il existe trois sortes de lois que les lois décrétées par les Etats ont pour fonction d’appliquer selon les circonstances de chaque nation:
La loi naturelle qui est « l’obligation morale de nous comporter conformément à notre nature humaine, telle que nous la connaissons par notre raison ». Son premier principe est que « l’on doit faire le bien et éviter le mal, ce qui implique de ne pas faire à autrui ce que nous ne voudrions pas que l’on nous fit ».
Le Décalogue : « ce sont les dix prescriptions morales des tables de la Loi révélées à Moïse sur le Mont Sinaï »
La loi de Charité qui est la Loi de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Ces trois lois sont interdépendantes. La loi naturelle est la loi « primitivement » non écrite. Elle est écrite dans le Décalogue. Ce sont les « Commandements de Dieu » qui indiquent clairement que l’auteur de la loi naturelle est le Dieu créateur de la nature humaine. La loi de Charité, mais, là aussi, le Christ a dit clairement qu’il n’est pas venu abolir mais parfaire la loi naturelle.
Mais alors qu’en est-il des lois civiles ? L’autorité des lois civiles vient de ce qu’elles sont une application concrète de ces trois lois dont Dieu est l’auteur.
Tel est l’héritage transmis, le principe – Dieu et ses lois – qui a fait les nations de l’Europe et par elle l’ordre mondial, le progrès humain.
Mais arriva la démission de l’Occident. Il fut infidèle. Il a accepté et permis que Dieu soit ignoré et rejeté et qu’il soit supplanté par le « moi subjectif et autonome » ne trouvant sa « loi » que dans la « volonté générale ». « Quand la loi n’est plus que l’expression de la volonté générale et qu’ainsi l’humanité ne reconnaît plus aucune loi supérieure à l’homme et indépendante de sa volonté, alors cet homme sans la loi naturelle devient, dit saint Thomas, pessimum omnium animalium, « le pire des êtres vivants ».
La loi, nous dit-on aujourd’hui, est « l’expression de la volonté générale ». C’est dire qu’elle se déclare tout simplement affranchi de la loi de Dieu. Et « s’il lui arrive de ne pas la contredire, ce sera par l’effet d’une coïncidence accidentelle et non par l’effet d’une dépendance librement acceptée ». La modernité méconnaît entièrement le fait qu’il existe une loi de Dieu, énoncée dans le Décalogue et l’Evangile. C’est pourquoi le pape parle de « moi autonome », autonome de toute loi, de toute dépendance. En matière religieuse, en matière politique, « l’autonomie du moi» ne reconnaît que des opinions, toutes respectables, toutes facultatives. C’est la démocratie moderne. Il n’y a d’obligation morale que subjective, celle que chacun s’est formée selon son expérience et sa réflexion subjective. Entre ces subjectivités, il est souhaitable que s’établisse un dialogue permettant des échanges, des remises en question, « des doutes », des enrichissements réciproques. En dehors de la loi morale subjective que chacun s’impose ou non à lui-même et qui reste donc d’une portée strictement individuelle, il ne peut y avoir de loi commune que résultant d’un consensus obtenu au bout d’un débat. C’est notre régime parlementaire actuel. Voilà la loi civile. Et il n’existe aucune obligation qui soit supérieure à la loi civile; elle est indéfiniment évolutive puisque rien ne change plus que la volonté générale.
Cet état d’esprit a fini par déteindre sur la pensée politique de « beaucoup » : il n’existe plus de loi divine ayant une réalité objective et ayant le caractère d’une obligation morale. Le « moi » est autonome, vous diront tous les politiques, (rejoignant en ce sens la pensée du pape). Il n’existe plus ni erreur ni mal, mais seule l’évolution de la société. Et la loi civile devra s’y adapter. Ce n’est plus Dieu qui est et sa loi qui oblige. C’est la société qui est et son évolution qui oblige. C’est le triomphe du « moi autonome ». « Le moi » se perd dans la volonté générale, nécessairement évolutive. C’est pourquoi il faut dire que le « moi autonome » se perdant dans la subjectivité, s’inscrit nécessairement dans l’héritage des Lumières. « Lumières de la raison, de la tolérance », « lumières de la liberté, la liberté absolue de conscience, la liberté de douter, parce que le doute, dira-t-on, est moteur de progrès ». Bref, le « moi » est autonome en ce sens qu’il est parvenu à s’affranchir « tant des passions que des carcans sociaux ». Plus de dogmatismes dont il faut « desserrer les étreintes ». Il faut « casser les rigidités, pour instaurer un espace de liberté, hors des tabous et des index de l’époque. L’autonomie du moi, finalement, n’est rien d’autre que « le refus des certitudes »…. C’est le refus de toute vérité. Le « moi autonome » ! Mais c’est l’idéal de la Révolution française. Le « moi autonome » n’a que faire de la religion catholique. Il est « rationaliste ». Il est « laïc » et en est fier. Mais il engendre, comme le dit Jean Paul II, une « civilisation de mort ». Le malheur c’est qu’il s’en moque.
Terrible rupture !(Pour développer ces idées, vous pouvez lire l’excellent petit livre de Jean Madiran: « La Civilisation blessée au cœur » et tout particulièrement le chapitre 6: « La Loi » que j’ai largement utilisé dans la rédaction de ce papier).
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je prends connaissance du dernier « papier » de Mgr Williamson.
Il développe la même pensée. C’est à lire.
28 janvier 2013
[Mgr Williamson – Commentaire Eleison] Libéralisme – blasphèmeSOURCE – Mgr Williamson – Commentaire Eleison – 26 janvier 2013
Le libéralisme, est-il vraiment aussi horrible qu’on le dit? Telle ou telle personne est accusée d’être un «libéral», et cependant bon nombre de ceux qu’on accuse ainsi nient avec vigueur que l’étiquette puisse leur être appliquée. Qui a raison ? Les accusateurs ou l’accusé ? Puisque le « libéralisme » est un des mots pour désigner cette erreur compréhensive des temps modernes qui est responsable de jeter d’innombrables âmes dans les flammes de l’Enfer, il mérite certainement une considération supplémentaire.Or, la liberté se rapporte à ce dont je suis libre (de telle ou telle contrainte), ou bien elle se rapporte à ce que je suis libre pour (poursuivre tel ou tel but). De ces deux aspects de la liberté, la liberté négative de contrainte vient à la fois avant le but positif dans le temps, mais après lui selon l’importance. Elle vient avant dans le temps, car si je suis empêché d’atteindre un but, plus question alors d’atteindre ce but. D’autre part elle vient après en importance parce que la valeur d’une volonté non-contrainte dépendra de la valeur du but pour lequel est utilisée cette non-contrainte. Ainsi, tenir un couteau me libère d’être désarmé, mais si j’utilise cette liberté-de (d’être désarmé) pour découper de la nourriture pour manger, cette liberté-de est bonne, mais si je l’utilise pour découper ma grand-mère, la même liberté-de (d’être désarmé) devient meurtrière.Or, ce que fait le libéralisme, c’est de faire de la liberté-de, une – ou même la- valeur suprême en elle-même, indépendamment de la liberté-pour, soit pour le bon soit pour le mauvais but pour lequel je vais utiliser cette liberté-de. Ainsi, la valeur de la liberté-de est-elle rendue indépendante du bon ou du mauvais but, indépendante du bien et du mal. Mais la différence entre le bien et le mal est une partie essentielle de la création de Dieu, prévue depuis le fruit interdit du Paradis Terrestre et à jamais, pour que l’homme fasse son choix entre le Ciel et l’Enfer. Et donc faire passer le manque de contrainte de l’homme avant la loi de Dieu, c’est placer l’homme avant Dieu.Étant donc la négation implicite de la loi morale de Dieu, du bien et du mal, le libéralisme fait implicitement la guerre à Dieu, en plaçant le « droit » humain de choisir avant le droit divin à commander. Or, ainsi que l’Archevêque Lefebvre le disait, il y a 36 variétés différentes de libéraux, dont pas toutes, loin de là, n’entendent faire la guerre à Dieu. Mais la guerre à Dieu demeure la conclusion logique des libéraux qui donnent la valeur suprême à la liberté, et c’est la raison pour laquelle pour beaucoup d’entre eux, tout est permis. Dieu et ses règles ayant été rétrogradés, alors l’adoration de la liberté devient pour les libéraux leur religion de substitution, une religion sans règles si ce n’est leur propre volonté.De plus, étant une religion de substitution, elle se doit de chasser la vraie religion qui lui barre le chemin, de sorte que les libéraux deviennent naturellement des croisés contre l’ordre de Dieu dans tous les coins de sa création : mariage libre de genre, famille libre d’enfants, États libres d’autorités, vies libres de morale et ainsi de suite. Une telle guerre contre la réalité de Dieu est complètement folle, et cependant les libéraux, apparemment si gentils pour leurs semblables qu’ils sont en train de « libérer », peuvent en fait être terriblement cruels contre quiconque se met en travers du chemin de leur croisade. C’est dans la logique de leur religion de substitution qu’ils ne se sentent obligés à observer aucune décence quand il s’agit d’écraser les antilibéraux, ceux-ci n e méritant aucune pitié.Pendant 20 siècles, l’Église catholique a condamné une telle folie. Cependant lors de Vatican II, l’Église officielle lui a ouvert la porte, par exemple en déclarant (« DignitatisHumanæ») que chaque État doit protéger plutôt la «liberté-de» toute contrainte civile de ses citoyens en matière de religion que leur «liberté-pour» pratiquer la vraie religion. Et maintenant, les dirigeants d’une certaine Fraternité catholique veulent la mettre sous l’autorité des Romains de Vatican II. Pour la vraie religion, une telle action est, ainsi que l’Archevêque Lefebvre l’a appelée, l’«Opération Suicide». Mais en vérité le libéralisme est intrinsèquement suicidaire.Kyrie eleiso