les « discours de haine »,
publié dans regards sur le monde le 12 février 2013
Lu sur Correspondance Européenne
UE : les « discours de haine », un délit destiné à réprimer la liberté d’expression des chrétiens
La liberté d’expression se réduit toujours plus pour les chrétiens en Europe. Même les pays d’antique tradition catholique ont commencé à introduire dans leurs législations un nouveau type de crime : les « discours inspirés par la haine » (en anglais hate speeches) qui se réfèrent à la discrimination et à l’hostilité envers un individu à cause de certaines caractéristiques particulières, comme son orientation sexuelle ou son “identité de genre”.
Dans douze Etats membres de l’Union européenne (Belgique, Danemark, Allemagne, Estonie, Espagne, France, Irlande, Lettonie, Pays-Bas, Portugal, Roumanie et Suède) plus l’Irlande du Nord au sein du Royaume Uni, il est considéré comme un délit inciter à la haine ou à la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle. Dans quatre Etats membres (Autriche, Bulgarie, Italie et Malte), les discours inspirés par la haine sont considérés comme des délits s’ils visent des groupes spécifiques, mais les homosexuels ne font pas partie des groupes en question. Dans les autres Etats membres, les discours inspirés par la haine à l’encontre des lesbiennes, des homosexuels, des bisexuels et des transsexuels ne sont pas qualifiés spécifiquement comme délit. Les groupes de pression relativistes souhaiteraient une législation européenne uniforme qui réprime toute forme de discrimination même seulement verbale.
Le 24 mai 2012, le Parlement européen a adopté une résolution contre l’homophobie et la transphobie en Europe (par 430 voix contre 105 et 59 abstentions). Le texte « condamne avec force toutes les discriminations basées sur l’orientation sexuelle et sur l’identité de genre » et exhorte les Etats membres à garantir la protection des lesbiennes, des homosexuels et des transgenres à l’encontre des discours homophobes d’incitation à la haine et de la violence. On entend ainsi empêcher toute forme explicite de critique à l’égard de la condition homo ou transsexuelle, commençant ainsi à appliquer rigoureusement la catégorie juridique de « non discrimination » introduite par l’article 21 du Traité de Nice, accueilli par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Le principe est nouveau seulement en apparence. En réalité, il ne s’agit de rien d’autre que du vieux concept jacobin d’égalité absolue, proposée avec un nouveau langage et adapté à la sensibilité contemporaine. Il est en effet difficile de trouver un terme aussi ambigu que celui de discrimination. L’idée même de justice, qui, dans sa formulation traditionnelle, signifie attribuer ce qui lui est propre (suum cuique tribuere) implique en soi une certaine forme de discrimination. Toute loi est contrainte, en quelque sorte, à discriminer du fait même qu’elle établit ce qui est juste et ce qui ne l’est pas, ce qui est permis ou défendu, favorisant les uns et gênant les autres. La prétention de ne pas discriminer les orientations sexuelles signifie appliquer un critère rigoureusement égalitaire à tous les choix, quels qu’ils puissent être, en matière de sexualité humaine. Un critère égalitaire cohérent portera à protéger juridiquement toute forme de désordre moral, allant des unions homosexuelles à la pédophilie et à l’inceste, au moins pour tous les sujets consentants, sauf bien sûr une violence explicite.
En outre, toute critique publique d’un comportement considéré comme désordonné et immoral constitue une forme de « discrimination ». Il est donc prévu, de ce fait, l’interdiction et une lourde répression pénale de ce type d’activité et d’expression qui comporte la critique de l’homosexualisme et de l’avortisme. Un prêtre ou un professeur en chaire ne peuvent présenter la famille naturelle et chrétienne comme « supérieure » aux « unions de fait », hétéro ou homosexuelles, sans que cela ne constitue une « discrimination » digne de sanction pénale. Une institution religieuse, une école privée, une association chrétienne ne pourront plus éloigner des membres qui, en leur sein, propagent ou pratiquent des comportements considérés comme immoraux sans que cela ne constitue une discrimination coupable. Tout cela au nom de la condamnation des « discours de haine ». Mais la haine est-elle nécessairement un mal ?
L’amour et la haine sont les deux sentiments qui conduisent la vie des hommes et des peuples. En méditant sur la chute de l’Empire romain, saint Augustin exposait, dans sa célèbre Cité de Dieu la vision théologique de l’histoire chrétienne, selon laquelle l’amour et la haine guident l’histoire du monde : l’amour de soi jusqu’à la haine de Dieu et l’amour de Dieu jusqu’à la haine de soi. L’amour et la haine sont inséparables dans la vie. Il n’est pas possible d’aimer le bien sans haïr le mal, comme il n’est pas possible de défendre et de diffuser la vérité sans critiquer l’erreur. A moins de ne croire que la vérité et l’erreur ne sont que des opinions subjectives et interchangeables.
Aujourd’hui, cependant, le Parlement européen, et nombre de gouvernements nationaux, voudraient admettre comme légitime une seule forme de haine, celle contre le Christianisme. Jésus l’avait dit : « vous serez haïs de tous à cause de Mon Nom » (Mt 10, 16-23). A l’occasion de la Journée mondiale de la Paix de janvier 2011, Benoît XVI a affirmé que les chrétiens sont actuellement le groupe religieux qui souffre le plus grand nombre de persécutions à cause de sa foi. Le 9 novembre dernier, l’Observatoire sur l’intolérance et la discrimination contre les chrétiens en Europe a fait parvenir à l’OSCE (Organisation pour la Coopération et la Sécurité en Europe) un rapport sur la situation de la liberté religieuse dans le continent. L’Observatoire a enregistré au cours des six dernières années plus de 800 cas en Europe dans le cadre desquels la liberté des chrétiens d’exprimer publiquement leurs idées a été lourdement violée. Nombre de ces cas se réfèrent à l’interdiction de manifester publiquement leur contrariété à l’avortement ou au “mariage” homosexuel.
La haine du nom chrétien accompagne depuis les premiers siècles la vie de l’Eglise. Aujourd’hui, la haine contre les chrétiens se manifeste sous la forme de persécutions violentes et de discriminations et se trouve cataloguée sous un nom impropre mais efficace, celui de christianophobie, qui, en son sens étymologique, veut dire « peur du Christianisme ». L’imposition de l’union contre nature entre personnes du même sexe, l’introduction du délit de homophobie, qui interdit toute forme de défense de la famille naturelle, la tentative de réprimer juridiquement l’objection de conscience de ceux qui refusent de coopérer à des homicides tels que l’avortement et l’euthanasie, la promotion du blasphème dans la publicité et dans les œuvres cinématographiques et théâtrales sont des formes de haine et d’intolérance envers les principes et les institutions chrétiennes, œuvres de la dictature du relativisme contemporaine. Tout ceci ne peut être toléré. Les chrétiens ne demeurerons pas inertes. (Roberto de Mattei)