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Entraide et Tradition

Un entretien avec M l’abbé Troadec, Supérieur du séminaire de Flavigny,

publié dans nouvelles de chrétienté le 7 juin 2013


 Entretien avec M. l’abbé Patrick Troadec
SOURCE – Lettre aux Amis et Bienfaiteurs du séminaire St-Curé-d’Ars – 31 mai 2013

Qui dispense la formation aux séminaristes et aux frères ?

Abbé Troadec – A Flavigny, nous sommes quatre prêtres. Monsieur l’abbé LAURENÇON donne les cours d’Écriture Sainte, Monsieur l’abbé GODARD enseigne la liturgie et Monsieur l’abbé BERTHE la patrologie. Quant à moi, je donne les cours de spiritualité et des actes du magistère. Pour le latin, les séminaristes sont répartis en trois niveaux, avec pour enseignants Monsieur l’abbé LAURENÇON, Monsieur l’abbé BERTHE et le Frère Cyrille-Marie. Les cours de chant grégorien sont donnés par Frère Benoît.
Chaque année, vous recevez une nouvelle promotion. Sont-elles toutes semblables ?
Les promotions se ressemblent dans le sens où l’on retrouve chaque année la même fraîcheur, la même générosité, le même enthousiasme, fruits du don premier que le séminariste a fait de sa vie à Dieu. La première année est un petit peu comme la période des fiançailles avec le bon Dieu. Cependant, il y a chaque année une note dominante. Par exemple, cette année, c’est le nombre d’étrangers en proportion du nombre de Français. Au début de l’année, nous avions 8 étrangers sur les 19 nouveaux séminaristes et frères. L’année précédente, c’était le nombre de convertis qui était relativement important.

Avez-vous constaté des différences entre les jeunes gens qui entrent au séminaire aujourd’hui et ceux que vous avez connus en arrivant à Flavigny il y a 17 ans ?

Les séminaristes d’aujourd’hui sont aussi pieux, généreux et réceptifs que ceux que j’ai connus à mes débuts. Cependant, certaines caractéristiques de la jeunesse, propres à leur époque, marquent une partie d’entre eux. Ainsi, il y a quinze ans, je parlais de séminaristes à la mentalité « fast-food », c’est-à-dire recherchant dans le domaine intellectuel une nourriture prédigérée. Ils avaient plus de mal à aborder des sujets spéculatifs que la génération précédente. Cinq ans plus tard, des séminaristes ont manifesté une tendance au « zapping », due à des difficultés de concentration. Par exemple, il est plus difficile aujourd’hui de choisir en lecture de table un livre de 400 pages qu’il y a dix ans, ou encore de donner une longue série de conférences sur un même thème.

Il y a deux ans, certains séminaristes ont manifesté une tournure d’esprit liée à mon avis à l’usage assidu d’Internet. Vivant à l’ère de « clic », ils ont appris à chercher des réponses à leurs questions sur Google. Résultat : des séminaristes, dès leur entrée au séminaire, souhaiteraient des réponses toutes faites à des questions d’ordre philosophique, théologique ou touchant la crise de l’Église, alors qu’ils n’ont pas encore le bagage intellectuel suffisant pour les comprendre. De plus, ils n’ont pas toujours le sens des nuances. L’ordinateur est binaire, mais la réalité est plus complexe. Dès que l’on parle de Dieu et des mystères de la religion, on utilise des termes analogiques et non des termes univoques.

Ainsi, l’usage abusif d’Internet rend plus difficile pour certains séminaristes l’acquisition de la science philosophique et théologique. À cela s’ajoute la crise d’autorité qui touche aujourd’hui non seulement la société civile mais l’Église elle-même. La perte du sens de l’autorité peut également être préjudiciable pour la formation de certains séminaristes.

Heureusement, ces faiblesses sont loin de toucher l’ensemble des séminaristes, et elles peuvent s’estomper, voire disparaître avec le temps par la formation dispensée au séminaire, et surtout par le contact intime que le séminariste entretient avec Notre Seigneur Jésus-Christ.

Préférez-vous que les jeunes gens entrent tout de suite au séminaire après le bac ou qu’ils fassent des études supérieures ?

Il n’y a pas ici, à mon avis, de réponse toute faite. La vocation peut être comparée à un fruit. Elle mûrit progressivement. Il y a donc deux écueils à éviter : celui de le cueillir trop tôt et celui de le cueillir trop tard.

Lorsqu’un jeune homme est issu d’une bonne famille et a été formé dans une école foncièrement catholique, il n’est pas rare qu’il ait dès la sortie des études secondaires la maturité suffisante pour entrer au séminaire, malgré son jeune âge. Cependant ce n’est pas le cas de tous. Dans certains cas, la vocation n’est pas suffisamment assurée ; d’autres fois, c’est la vertu qui n’est pas encore enracinée, ou le bagage intellectuel qui est insuffisant ; ou encore le jeune homme a un esprit collégien… Bref, de nombreux motifs peuvent me conduire à faire attendre un candidat.

Il arrive aussi que malgré certains manques, j’invite le candidat à entrer au séminaire dès la fin de ses études secondaires lorsque je vois que le monde pourra mettre en péril sa vocation ou encore lorsqu’un défaut sera plus facilement corrigé au séminaire que dans le monde.

J’ajoute que les séminaristes français issus du milieu de la Fraternité qui entrent au séminaire dès la fin de leur scolarité y bénéficient de la présence de jeunes gens plus âgés, de convertis et d’étrangers, ce qui est pour eux source d’enrichissement.

N’est-ce pas fastidieux de redonner l’esprit sacerdotal à chaque promotion, puisque les séminaristes de Flavigny n’ont pas sous les yeux l’exemple de leurs aînés ?

En 1996, d’aucuns pensaient que c’était une gageure de réduire le nombre d’années de séminaire à Flavigny de trois à une. En réalité, les premières années ont été plus laborieuses que les suivantes en raison de mon inexpérience et du petit nombre de personnes encadrant les séminaristes : nous n’étions que trois prêtres et un seul frère profès. Mais depuis quelques années, l’acquisition du savoir est grandement facilitée par l’augmentation du nombre de frères. Ces derniers assurent la direction de la chorale, le rôle d’organiste, l’encadrement de la sacristie et ils permettent la transmission de l’esprit et des coutumes de la maison en vivant constamment près des séminaristes. Les frères sont un bel exemple pour les séminaristes par leur fidélité au règlement du séminaire, par leurs compétences dans l’exercice de leurs charges et par leur bon esprit. Au-delà de leurs tâches matérielles, ils communiquent aux séminaristes l’esprit religieux, ce qui est très important pour les séminaristes de première année, celle-ci étant une sorte de noviciat. Mgr LEFEBVRE, qui était religieux, a voulu donner aux membres de la Fraternité un esprit religieux.
Comment expliquez-vous que vous ayez toujours autant de vocations malgré la fondation depuis 25 ans d’autres communautés traditionnelles qui célèbrent la messe selon le rite de saint Pie V ?
Nous accueillons à Flavigny des jeunes gens qui pour la plupart viennent de nos bonnes familles et ont reçu une excellente éducation dans des écoles foncièrement catholiques. C’est le vivier principal du Séminaire.

Cependant, nous avons un nombre non négligeable de jeunes gens qui frappent à notre porte et proviennent d’horizons très divers. Internet est à ce propos un moyen aujourd’hui très courant pour se faire connaître de personnes provenant de milieux étrangers à la Tradition. Quand on leur demande pourquoi ils ont choisi la Fraternité Saint-Pie X, ces jeunes gens nous répondent qu’ils ont constaté que si la Tradition est encore aujourd’hui vivante dans l’Église, c’est grâce à Mgr LEFEBVRE. Aussi ils se tournent spontanément vers la Fraternité qu’il a fondée. Un autre argument avancé souvent par eux pour justifier leur choix, c’est la cohérence qu’ils voient dans la Fraternité entre le discours et la pratique. Ils voient que la Fraternité non seulement bénéficie de la liturgie traditionnelle, mais enseigne intégralement la doctrine catholique et combat les erreurs modernes présentes aujourd’hui jusque dans l’Église. Par ailleurs, ils comprennent que l’obéissance aux autorités légitimes est subordonnée à l’enseignement intégral de la foi catholique. Voilà pourquoi ils ne se laissent pas impressionner par les censures qui ont touché les membres de la Fraternité à partir de 1976. De plus, la liberté accordée en 2007 par le Motu proprio du pape Benoît XVI de célébrer la messe tridentine, qui avait été interdite dans les faits pendant près de 40 ans, la levée du décret d’excommunication des quatre évêques sacrés par Mgr LEFEBVRE en 2009, tout cela contribue à rassurer les plus timorés. Ils se disent que l’heure viendra où Rome reconnaîtra la Fraternité pour ce qu’elle est, à savoir une oeuvre d’Église qui n’a d’autre ambition que de communiquer aux âmes la foi transmise de façon inchangée pendant vingt siècles et de protéger les fidèles des erreurs modernes qui se sont infiltrées à l’intérieur même de l’Église depuis le concile Vatican II.

Quels conseils donneriez-vous aux parents pour favoriser l’éclosion d’une vocation dans leur foyer ?

Le prêtre est essentiellement le ministre de la messe. Or la messe est à la fois la prière par excellence et le sacrifice de Notre-Seigneur renouvelé sur nos autels : la piété et le dévouement jusqu’au sacrifice sont donc les deux principales dispositions à développer chez les enfants.

À cela, j’ajoute une vigilance particulière des parents dans l’acquisition de la pureté chez leurs enfants. Vu les sollicitations multiples au péché, que ce soit dans la rue par l’indécence des modes, que ce soit au cinéma ou au théâtre par les mauvais spectacles, que ce soit chez soi par le biais de la télévision, des DVD ou d’Internet, il est aujourd’hui plus que nécessaire de fortifier et de protéger la vertu de nos jeunes. L’impureté, en même temps qu’elle fait perdre l’innocence, assène à la vocation un coup qui peut être mortel.

Enfin, je rappellerai que si la grâce perfectionne la nature, elle la présuppose. Aussi, que les parents travaillent à acquérir dans leur foyer un bel équilibre tant au plan naturel que surnaturel. C’est ce qui assurera chez leurs enfants cette même harmonie, gage des plus belles vocations et source de beaux foyers catholiques.

Voilà en quelques mots, bien chers amis et bienfaiteurs, une présentation rapide du Séminaire Saint-Curé-d’Ars. Mes confrères prêtres, les séminaristes et les frères se joignent à moi pour vous dire notre reconnaissance pour votre aide spirituelle et matérielle.

Abbé Patrick Troadec, Directeur,

Le 31 mai 2013, en la fête de Marie Reine

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