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L’attitude de la CEF(Conférence des Evêques de France) sur la « loi Taubira » vue d’Italie

publié dans regards sur le monde le 26 juin 2013


L’attitude de la CEF sur la « loi Taubira » vue d’Italie

Mgr Pontier, Président de la Conférence épiscopale française

Sur Bnoît-et-moi, on trouve une traduction d’un article de Massimo Introvigne sur l’attitude des évêques français face à la loi Taubira, et surtout face à la contestation de la loi Taubira. Massimo Introvigne craint que cette attitude ne se propage en Italie :

« 4 juin: le Conseil «Famille et société» de la Conférence des évêques de France (CEF), présidée par l’évêque du Havre Mgr Jean-Luc Brunin et qui comprend des évêques et des experts, publie le document «Poursuivons le dialogue!», où il invite à la réconciliation entre ceux qui – y compris au sein du monde catholique – ont combattu sur des bords opposés dans la question du mariage homosexuel.

10 Juin: diverses voix du monde catholique conservateur – pas nécessairement liées aux milieux dits «lefebvristes» – demandent à la CEF de révoquer la nomination des membres de «Famille et société» accusés d’enseigner une doctrine en matière d’unions homosexuelles non conforme au Magistère de l’Eglise.

13 juin: le Conseil permanent de la CEF interveint et, sans désavouer le Conseil «Famille et société» – et bien sûr sans en révoquer les membres – précise toutefois que, parmi ceux qui manifestaient contre et ceux pour la loi Taubira, l’Eglise n’est pas neutre; que ceux qui s’opposaient à une loi qui ouvre des «blessures» dans le corps social avaient raison; que leur engagement «n’a pas été en vain» et qu’ils devront continuer en soccupant «d’autres domaines où la surveillance est nécessaire pour le respect de la personne», allusion évidente humaine à la loi sur l’euthanasie dont le processus législatif a déjà commencé en France.

* * *

Mais que lit-on dans le document «Continuons le dialogue!»?
En le lisant à l’endroit et à l’envers – mieux deux fois, parce qu’il cède parfois à cette langue «ecclésiale» , compréhensible seulement aux professionnels des plans pastoraux, et si souvent déconseillée par le Pape François – on découvre avant tout qu’il n’inclut aucune apologie de l’homosexualité, de sorte que certaines critiques sur ce point apparaissent «au dessus des lignes» et injustifiées. Le document affirme que la personne homosexuelle doit être accepté «inconditionnellement» dans la communauté chrétienne, expression qui peut sans doute se prêter à des équivoques. Mais elle précise que «l’acceptation inconditionnelle de la personne ne signifie en aucune façon l’approbation de tous ses actes», que «la différence sexuelle entre un homme et une femme est l’élément fondamental» pour que l’on puisse parler de mariage, lequel – pour être conforme à ce que l’Eglise enseigne – doit être caractérisé par «l’unité, l’indissolubilité, la fidélité et l’ouverture à la vie»

Jusqu’ici, donc, tout va bien. On peut discuter de l’approche pastorale qui conseille à ceux qui se sentent fortement attirés par une personne du même sexe de maintenir avec cette personne une «amitié», laquelle, sans nier la présence d’une «attraction sexuelle», «choisit de ne pas céder» à cette attraction. Le Conseil «Famille et société» explique qu’au fond, cette «amitié chaste» est la même que celle que l’on peut recommander à quelqu’un qui se sent attiré par une personne du sexe opposé qui n’est pas son époux légitime. On peut partager les considérations sur le fait que notre société ne conçoit plus une amitié séparée de la sexualité, et que ce qui semble ambigu aujourd’hui, était à d’autres époques normal et permettait de cultiver des amitiés durables qui ne se transformaient pas en relations sexuelles. Sur le plan prudentiel, toutefois, on peut se demander si le conseil de maintenir une fréquentation et une amitié avec une personne envers laquelle on ressent une attraction illicite, résistant sans relâche à cette attraction, est réaliste aujourd’hui. La majorité des confesseurs offre probablement des conseils différents.

Ce qui toutefois me dérange le plus dans le document «Continuons le dialogue!» – et qui a probablement conduit le Conseil permanent de la CEF, sans désavouer ouvertement le Conseil «Famille et société» , à intervenir – est l’aspect, pour ainsi dire, politique.
Le document est la reconnaissance d’une défaite, et invite les catholiques à faire «preuve de maturité démocratique, acceptant sans violence que leur point de vue n’a pas prévalu».
Le ton général du texte est celui d’un triste invitation à replier les banderoles, à rentrer à la maison et à accepter sportivement la défaite, ouvrant une saison de témoignage silencieux, qui se contente de prêcher par l’exemple, preuve de «maturité spirituelle». Tout en oeuvrant pour la réconciliation, la «cohésion nationale» et l’unité entre catholiques qui ont combattu dans des camps opposés, étant donné qu’ «au sein de la communauté catholique, ces divergences ne mettent pas en danger l’unité de l’Eglise». La réconciliation, ajoute le document, pourra être trouvée en impliquant les mouvements et les paroisses sur d’autres thème davantage partagés, parmi lesquels sont cités les droits des Roms et ceux des exilés (qui existent aussi en France). Les jeunes gens qui considèrent ces questions comme sans importance après s’être enthousiasmés pour les manifestations contre la loi Taubira, doivent être «accompagnés» avec patience à une étude plus complète de la doctrine sociale de l’Eglise.

Il est vrai que le document attribue les «divergence» entre catholiques sur la loi Taubira à des façons différentes de tirer des «conséquences politiques» des principes, et non à des principes différents, et contient une réserve sur l’adoption par les homosexuels, sur laquelle il manifeste une opposition plus résolue. Mais l’instance supérieure, c’est-à-dire le président de la Conférence épiscopale, a eu raison de souligner que, dans ces «divergences», il y en avait qui avaient raison, et d’autres tort.

Je me permets cependant de dire que la déclaration du Conseil de Présidence de la CEF ne va pas non plus au cœur du problème, qui nécessite en France – comme ailleurs – une réflexion plus approfondie.
S’agit-il vraiment d’accepter la défaite, de «se comporter en citoyens» – comme l’affirme le document «Continuons le dialogue!» – «assumant démocratiquement la position de minorité»? Ou la minorité, même vaincue, peut-elle légitimement aspirer à devenir la majorité de demain? Des lois injustes doivent-elles être acceptées et contestées seulement avec le témoignage silencieux, ou – comme l’a dit le Pape François le 15 Juin aux parlementaires français – les lois peuvent-elles également être abrogées? Et, si on se limite au témoignage silencieux, ou si l’on parle d’autre chose, comment créer un climat dans lequel les lois injustes peuvent être changées?

Certains ont vu dans le document «Continuons le dialogue!» un exemple supplémentaire de la dérive homosexualiste dans certains secteurs de Église. Cela me semble exagéré: même s’il «murmure» la vérité plutôt que de la proclamer avec vigueur, le document réaffirme sur le plan strictement moral les principes fondamentaux du Catéchisme. Sur le plan politique, en revanche, il me semble percevoir dans le texte une grande fatigue. Les évêques et les experts du Conseil «Famille et société» se demandent si vraiment «être catholique requiert toujours d’être « contre » des réformes présentées par d’autres comme un progrès», si l’on ne risque pas de donner l’impression de vouloir «imposer la foi ou un point de vue religieux».

Se glissent ici les risques présentés par le cardinal Burke à la conférence de Rome pour la «Journée Evangelium vitae» le 15 Juin.
On va se laisser intimider par la critique selon laquelle les catholiques n’épouseront pas de personnes du même sexe, mais ils ne peuvent pas empêcher les non-catholiques de le faire, au lieu de répondre que sont en jeu des principe de la loi naturelle que la raison peut et doit reconnaître indépendamment de toute option religieuse. Pire encore, on se laisse piéger par le mythe du progrès irréversible et inévitable, et ainsi on publie avec lassitude quelque document «chuchoté», mais finalement, on reste convaincu que la défaite est inévitable et certaine, et qu’il vaut mieux l’accepter «démocratiquement» pour éviter d’être désignés par les médias comme des mauvais perdants. (cf. Vie et famille, la «trahison» des catholiques )

Si l’on ne dépasse pas ces deux authentiques superstitions que la propagande laïciste insinue même chez les «bons» – parfois même chez les évêques – chaque défaite prépare la défaite suivante. Il ne sert à rien d’indiquer l’euthanasie comme prochain arrêt, si l’on pense que là aussi, les catholiques ne pourront pas «imposer un point de vue religieux» aux non-croyants – comme si la défense de la vie humaine ne valait que pour ceux qui croient, et n’était pas, elle aussi, une exigence de la loi naturelle – ni, finalement, se présenter comme ceux qui sont toujours « »contre » des réformes présentées par d’autres comme un progrès».

Dans un beau discours du 7 Juin aux élèves des Jésuites, le pape François a invité à la vertu oubliée de la «magnanimité», qui pousse aux grandes choses et à mener des batailles apparemment impossible. Détourner ses propres énergies des rudes batailles pour la vie et pour la famille vers d’autres – comme les Roms ou les exilés – qui recueillent les applaudissements faciles des médias correspond à la tentation de ne pas être dérangeant, de plaire au monde, d’être applaudi au lieu d’être critiqués par les puissances qui contrôlent l’opinion. C’est la tentation de la «mondanité spirituelle» dont parle souvent le Pontife. Celui qui est magnanime, a dit le Pape le 7 Juin, «n’a pas peur d’aller à contre-courant, même si ce n’est pas facile». Il combat également les batailles impossible, car il sait que rien n’est impossible à Dieu.

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