« Demandons le divorce pour l’intégrité du mariage chrétien »
publié dans regards sur le monde le 3 juillet 2013
« Demandons le divorce pour l’intégrité du mariage chrétien »
Monsieur L’Abbé Michel-Jean Pillet demande le divorce entre le mariage civil et le mariage religieux. Malgré le ton provocateur de son accroche, le prêtre part d’un constat : la loi Taubira rédéfinissant unilatéralement le mariage, remet en cause les fondements mêmes de la concorde qui régnait entre l’ordre républicain respectueux de la loi nauturelle et l’Eglise.
Voici une tribune qui, n’en doutons pas, devrait produire de l’effet :
« Après que la Révolution eut entériné la distinction entre mariage civil et religieux, c’est Bonaparte, en 1802, qui a imposé que le mariage religieux soit précédé par le mariage civil. L’Eglise a toujours respecté cet ordre des choses, dans la mesure où elle reconnaissait le mariage civil comme naturel, parce qu’il impliquait l’union d’un homme et d’une femme dans la fidélité et l’ouverture à la vie. Eglise et Etat s’accordaient fondamentalement sur la valeur institutionnelle du mariage, que le sacrement pouvait consacrer.
La loi Taubira remet en question radicalement ce consensus et ce fondement, et dès lors, on est en droit de se demander pourquoi ce « mariage pour tous » dénaturé devrait être imposé à tous. En choisissant unilatéralement de changer la définition universelle du mariage, l’Etat a rendu caduque cette obligation du mariage civil avant le mariage religieux. Au nom de quoi peut-on obliger désormais les fiancés catholiques à passer à la mairie avant l’église ? Idem pour les juifs ou les musulmans. Et l’Eglise, qui reste seule à défendre l’intégrité du mariage, pourrait légitimement demander à l’Etat de reconnaître un effet civil au mariage religieux, comme c’est le cas en Italie, en Belgique ou en Allemagne…
Il serait bon aussi de tenir compte des couples, de plus en plus nombreux, concubins ou pacsés, qui seraient prêts à consacrer sacramentellement leur foyer, mais sans trouver avantage à changer leur situation civile. Le mariage civil, nos gouvernants républicains eux-mêmes s’en passent allègrement !
Il se trouvera toujours des prêtres et des évêques qui préféreront adopter le profil bas plutôt que risquer d’entrer en dissidence et de faire des remous. (Mais qui a lancé le pavé dans la mare ?)
Le « Conseil Famille et société », de la Conférence des évêques de France, a publié après le vote de la loi un long texte intitulé « Poursuivons le dialogue » : mais, pour un dialogue, il faut être deux, et la concertation avec la représentation nationale a été un dialogue de sourds. Un texte décevant, lénifiant et stupéfiant, qui se préoccupe davantage de l’accueil des personnes homosexuelles que de la déstructuration de la famille et de la filiation. Le texte recommande « l’accueil inconditionnel dans l’Eglise des personnes homosexuelles » : mais jusqu’où… jusqu’au « mariage » ? Le Conseil constate « une distance grandissante entre mariage civil et mariage religieux », tout en invitant les catholiques à « vivre l’exigence démocratique », à « respecter la laïcité », à « assumer une position minoritaire »…
Peut-on en rester là, en laissant retomber dans l’indifférence et la compromission (comme ce fut le cas déjà après la légalisation de l’avortement) tous les élans et les prises de conscience qui ont été suscités lors des grandes manifestations ? Or, il est évident que le gouvernement a parié sur l’usure des opposants à la loi et sur l’attitude traditionnellement et majoritairement consensuelle de l’épiscopat…
Le moment n’est-il pas venu pour l’Eglise de dénoncer ce lien légal entre mariage civil et religieux et de revendiquer dans les faits la séparation de l’Eglise et de l’Etat ? Ne rien dire et ne rien faire serait entériner tacitement la loi avec toutes ses conséquences sociétales néfastes et continuer d’avaliser un « mariage » civil qui n’en a plus que le nom.
Sans cette claire démarcation et prise de position de l’épiscopat, il est à craindre que, très bientôt, des prêtres – qui, eux, sont sur le terrain de la pratique du mariage – soient confrontés à la justice pour refus de célébration à l’église voire simple refus de salle paroissiale et attitude homophobe… Les évêques se trouveront-ils de leur côté ? »
Lahire (Sur le salon Beige du 3 juillet.)