Le vrai Roi
publié dans nouvelles de chrétienté le 30 octobre 2013
Nouvelles de la France qui vient
Le vrai Roi
La radio du matin peut avoir du bon, même – ou surtout – lorsque celui qui parle dit, sans sembler s’en apercevoir, n’importe quoi. Ainsi, sur une chaîne dont je tairai le nom, un ecclésiastique dont je n’ai pas entendu comment il se nommait, déclarait avec autorité que le report de la fête du Christ-
Après le premier moment d’agacement – pour être poli – je remercie cet intervenant car il m’a permis de mieux comprendre le sens prophétique de mon petit livre de chevet que je n’en finis pas de méditer : le procès de Jeanne d’Arc.
Historiquement, c’est une affaire politico-
Mais ce genre d’acte dépasse largement le premier sens littéral et politique pour en acquérir un autre qui, sans contredire le premier, l’approfondit et le fait passer de l’instant à l’histoire, du fait au symbole, du temps à l’éternité.
Car, face à ses juges, qu’elle appelle évêques, face à eux qui se disent, pour la juger, l’Eglise, Jeanne brandit, sans cesse, son étendard « Notre Sire premier servi ! »
Et Jeanne, condamnée, puis réhabilitée par un procès qui annule le procès de condamnation n’est béatifiée, puis canonisée que presque cinq siècles plus tard, à la charnière du XIXe et du XXe siècle, dans cette période où se pose précisément pour l’Eglise une question qu’elle n’avait jamais connue dans son histoire, celle d’Etats non seulement agnostiques ou païens, mais anti-
C’est dans ce contexte qu’éclate la sainteté de Jeanne, portée sur les autels et, de plus, déclarée par la loi « héroïne nationale », tandis que l’Eglise en fait « la patronne secondaire de la France ».
Or, que nous dit cette jeune et nouvelle sainte, sinon que Notre-
Toutes les tentatives d’annexion de la Vierge chrétienne et nationale, par des partis, des mouvements, des clans ou des « hommes (soi-
Mon chroniqueur ecclésiastique anonyme, qui ne pensait sûrement pas à cette exception française a sans le vouloir, j’en suis certain, repris sur le mode mineur l’antienne du clergé parisien et beauvaisis du XVe siècle : au nom de quelle autorité cette jeune fille vient-
Le cléricalisme ne consiste pas à refuser aux laïcs de lire la seconde lecture ou de distribuer la sainte communion. Le cléricalisme, dans son fondement inacceptable, consiste à considérer que le pouvoir temporel, en tant que tel, qu’il soit président, roi, ou empereur ne peut pas être chrétien, car il n’y a pas de pouvoir chrétien autonome, dans son ordre, par rapport au pouvoir spirituel. Mieux vaut une république athée qu’un prince chrétien qui ne serait pas celui que nous, clercs, avons choisi. Tel est le signe de contradiction, aujourd’hui, comme il y a cinq siècles, celui de Jeanne, et telle est aussi l’extrême actualité de son message.
Il y a quelques jours, dans un campus universitaire que, pour d’évidentes raisons de sécurité, je garderai, lui aussi, anonyme, quelques jeunes Veilleurs m’ont fait l’immense honneur de m’inviter à leur soirée. Il avait plu toute la journée mais, par grâce du Ciel, la nuit était belle. Sur l’herbe mouillée, autour de quelques veilleuses posées sur les banderoles où se lisaient trois citations qui donnaient le thème de la soirée, une vingtaine de jeunes gens, plus l’ancien, méditaient, chantaient, méditaient à nouveau, exprimaient à la lecture des textes, leur enthousiasme par l’applaudissement silencieux des mains qui jouaient des marionnettes. Par trois fois, rythmant la progression des interventions, « le petit oiseau vainqueur » redisait « Reprends courage, l’espérance est un trésor. Même le plus noir nuage a toujours sa frange d’or » entre Thucydide qui rappelait « qu’un citoyen qui ne fait pas de politique s’exclut lui-
Des bâtiments voisins, quelques fenêtres s’entrouvraient : des garçons et des filles qui rejoignaient, par les allées longeant notre prairie, leurs logements, s’arrêtaient. La voix pure et féminine montait vers la lune et les étoiles. Que leur dire, en cet instant, sinon qu’une jeune fille de leur âge, plus vraie et plus proche, dans le temps et dans le cœur, que la mythique Antigone, avait vécu jusqu’au martyre du feu la brûlure de l’engagement qui les portait et qu’au bout des insurmontables tortures physiques, morales et spirituelles que lui avaient infligées des clercs indignes mués en tortionnaires et que de cette passion, avaient jailli les plus belles paroles de l’histoire de leur pays, non paroles de penseur, de philosophe ou d’orateur, mais cris sublimes de cette enfant « perdue entre ses deux amours, l’amour de sa patrie parmi l’amour de Dieu ? ».
Les mains en marionnettes m’ont dit la rencontre des cœurs dans le cœur de Celui qui fut le dernier mot de Jeanne : Jésus.
Eh oui ! Mon père, honorable et anonyme ecclésiastique d’une radio tout aussi innomée, les arabesques de la politique ecclésiastique pourront se faire de plus en plus subtiles ou de plus en plus compliquées. Elles n’y changeront rien ! Pour ces jeunes gens, pour cette jeune fille dont la voix s’élève dans la nuit étoilée d’un campus d’étudiants, c’est toujours Jésus-
JACQUES TREMOLET DE VILLERS
Article extrait du n° 7965
du Mercredi 23 octobre 2013