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Hans Küng critique l’œcuménisme de Benoît XVI

Hans Küng critique l’œcuménisme de Benoît XVI

publié dans regards sur le monde le 29 octobre 2009


Hans Kung, dans un article du Monde du 28 octobre 2009, que vous trouverez sur le site Item dans la rubrique « Flash-Info », à la même date, critique fortement « l’accueil » par Benoît XVI de certains anglicans dans l’Eglise catholique, ceux de la « Traditional Anglican Communion »,( la TAC). (1) Il s’y oppose absolument. Benoît XVI leur propose, comme vous le savez, puisqu’ils adhèrent au catéchisme de l’Eglise catholique et reconnaissent le primat de Pierre, de garder leur propre liturgie et certaines de leurs spécificités, comme le mariage des pasteurs sauf pour l’épiscopat – même s’ils doivent être ordonnés, Léon XIII ayant déclaré nulles les ordinations anglicanes dans son document « Ad perpetuam rei memoriam » en 1896, ce que conteste bien évidemment Hang Küng , cette décision serait fondée, écrit-il, sur des arguments « peu convaincants ». Ils pourront alors vivre dans l’Eglise usant d’une structure canonique spécifique : l’ordinariat personnel, qui est une circonscription juridique non territoriale, mais personnelle. Cette « structure », très proche de « l’ordinariat aux armées », me parait, quant à moi, très intéressante. C’est celle que Mgr Lefebvre proposait à Rome pour « normaliser » la situation de la Fraternité saint Pie X dans l’Eglise catholique. Benoît XVI qui a eu en mains cette lettre de Mgr Lefebvre, du 21 novembre 1987, s’en inspirerait-il pour « l’accueil » des anglicans dans l’Eglise ? Quoi qu’il en soit, c’est très encourageant pour l’avenir « proche » de la FSSPX !

 

Cet « accueil » de Benoît XVI n’a pas l’heur de plaire à Hans Kung. Loin de là !
Il regrette ce « retour » en tant que tel dans le sein de l’Eglise de ceux qui s’en étaient éloignés. Il est absolument contre. Il l’exprime de nombreuses fois dans cet article et de manières différentes. Ce « passage » – qu’il conteste – vers l’Eglise catholique, il le considère comme une « réintégration », voire même comme « un débauchage » de « pasteurs » et de laïcs anglicans. Ce serait même « un recrutement des anglicans favorables à Rome ». C’est assez blessant. Ce « passage » ne serait finalement rien d’autre qu’un « un retour dans le giron de l’Eglise sous le primat du pape ». Horreur ! Dédaigneusement et irrévérencieusement, il parle d’une «partie de pêche papale dans les eaux anglicanes ». L’expression est du cardinal Kasper qui, le jeudi 15 octobre, avait précisé, dans la Salle de presse du Saint-Siège, présentant le bilan de son conseil pontifical : « Nous ne pêchons pas dans les lacs anglicans. »… Hans Künh répète même cette expression, deux fois. L’image, manifestement lui plait. Il va même jusqu’à écrire que ces pauvres anglicans vont « se retrouver pris dans cette nasse romaine ». Je trouve cette expression particulièrement infamante. Le sens figuré du mot « nasse » n’est rien d ‘autre que « piège ». Ainsi, serait l’Eglise pour ces anglicans ! Rien d’autre qu’un « piège » ! Alors que l’Eglise est belle, noble, Elle est l’Epouse du Christ, le Corps mystique du Christ. Et qu’en tant que telle, comment pourrait-elle tendre des pièges à ses enfants, même s’ils se sont éloignés pour un temps, alors qu’ils reviennent. L’Eglise n’est pas une « marâtre » ! Mais dans sa « haine », il parle de nouveau de « débauchage ». Rome aurait manifesté une véritable « volonté de débauchage » dans ce retour des anglicans. « Débauchage » – l’expression est de lui – pour « rejoindre Rome »!

 

« Rejoindre Rome » ! Voilà ce que vont faire ces anglicans de la TAC. Et ils ne sont pas préparés « à cette ruse de la diplomatie vaticane ». Mais c’est terrible et affligeant de parler comme cela. Kung n’aurait plus la foi en la sainte Eglise qu’il ne s’exprimerait pas autrement.
« Rejoindre Rome » ! C’est dire que la théorie du « retour » qui était la pensée de toujours de l’Eglise en matière œcuménique (2) et qui est très clairement reprise dans l’encyclique de Pie XI, « Mortalium animos » « reprend du poil de la bête ». C’est pour le regretter fortement. Pie XI, au contraire, y voyait la seule route possible vers l’unité. Hans Küng se fait même, sur ce sujet, moqueur lorsqu’il écrit « Hyper- traditionalistes de tous les pays, unissez-vous – sous le dôme de Saint-Pierre ». C’est qu’il doit regretter fort la levée des excommunications des « évêques de la FSSPX ». Et dire que le pape le recevait quelques jours après sa réception de Mgr Fellay à Castel Gandolfo. L’échange de vue, certainement cordial, avec le Pape, ne semble pas l’avoir pourtant convaincu…

 

Il se dresse fort contre cette pratique œcuménique du Pape Benoît XVI parce qu’il y voit « un changement de cap dramatique ». Elle est finie, dit-il, « l’époque de l’oecuménisme fondé sur un dialogue d’égal à égal (NB : ce que condamne Pie XI -) et une recherche de compréhension authentique ». « Nous ne trouvons plus là l’esprit qui animait les travaux de « l’Anglican Roman Catholic International Commission (Arcic), et de ses « documents patiemment élaborés au cours de pénibles négociations entre le secrétariat romain pour l’unité des chrétiens et la conférence anglicane de Lambeth ; ils abordaient les problèmes de l’eucharistie (1971), du sacerdoce et de l’ordination des prêtres (1973), sans oublier la question de l’autorité de l’Eglise (1976-1981). Or tous les spécialistes savent que ces trois documents cosignés par les deux parties ne se fondent pas sur une volonté de débauchage, mais au contraire de réconciliation ».

 

On retrouve ici, la pensée du cardinal Kasper, Président du Conseil pontifical pour la promotion de l’Unité des Chrétiens, sur l’œcuménisme. En l’an 2000, il affirmait ouvertement le rejet « du vieux concept d’œcuménisme du retour ». Il a été remplacé, dit-il, par celui d’itinéraire commun, qui dirige les chrétiens vers le but de la communion ecclésiale comprise comme unité dans la diversité réconciliée » (W. Kasper, La documentation catholique N° 2220 du 20/02/2000).
Qu’est-ce que cela veut dire ? Que désormais, la conversion des hérétiques ou schismatiques n’est plus réclamée, ni même souhaitable : « L’œcuménisme ne se fait pas en renonçant à notre propre tradition de foi. Aucune Église ne peut pratiquer ce renoncement » (W. Kasper, ibid.). En effet, continue-t-il ailleurs, « Nous ne pouvons jeter par-dessus bord ce qui nous a portés et tenus jusqu’à présent, ce dont nos devanciers ont vécu, en des circonstances souvent difficiles, et nous ne devons pas attendre cela de nos frères et de nos sœurs du protestantisme et de l’orthodoxie. Ni eux ni nous ne pouvons devenir infidèles » (La documentation catholique N° 2298 du 21/09/2003).

 

Hans Kung exprime la même pensée sur l’œcuménisme. Il l’exprimait dans son livre « L’Eglise » qu’il avait adressé à l’archevêque de Canterbury, à l’époque, Michael Ramsey. Nous étions le 11 octobre 1967, cinq ans après la clôture du concile Vatican II. Il lui dédicaçait l’ouvrage en ces termes : « Dans l’humble espoir que se trouve dans les pages de ce livre une base théologique propice à un arrangement entre les Eglises de Rome et de Canterbury ». Et cet « arrangement » n’impliquait nullement une profession de foi catholique, nullement une reconnaissance de la primauté de Rome, nullement un retour à Rome mais bien au contraire, une « reconnaissance » de part et d’autre d’un juste indépendance des anglicans sous l’autorité de Canterbury avec, toutefois, une reconnaissance de la « primauté pastorale » de Rome. « Primauté pastorale » ? C’est son expression : « Une reprise de la communauté pastorale entre l’Eglise catholique et l’Eglise anglicane serait possible » si « d’une part, on donnait à la Church of England la garantie de pouvoir conserver de façon pleine et entière sa constitution ecclésiastique autonome sous la primauté de Canterbury » et si « d’autre part, la Church of England reconnaissait la primauté pastorale de la papauté comme instance suprême de médiation et de conciliation entre les Eglises ». J’espérais, écrivait-il à l’époque, que « de l’imperium romain, on pourrait ainsi passer à un Commonwealth catholique ! ». Voilà clairement exprimée une pensée « fédéraliste » des églises. Le fédéralisme. Rien d’autre que le pan – chistianisme condamné pourtant par Pie XI dans « Mortalium animos ». Oui, Pie XI s’oppose absolument à « ces panchrétiens qui cherchent à fédérer les églises ». C’est son expression. Car ils s’opposent purement et simplement à la constitution divine de l’Eglise : « Ils renversent, dit-il, de fond en comble la constitution divine de l’Église ». (DzH 2886-87).

 

Sans se soucier le moins du monde de son opposition formelle à la juste pensée de l’Eglise qui défend la structure ecclésiale voulue par NSJC, et fondée sur Pierre, il regrette amèrement que Benoît XVI, dans cet accord, ait encore fait triompher « l’imperium romain » : « Mais, cet imperium, Benoît XVI entend bien le restaurer ! Il ne fait aucune concession à l’anglicanisme ; au contraire, il veut maintenir et assurer de façon pérenne le centralisme romain issu du Moyen Age – même si cela rend impossible une unification des Eglises chrétiennes sur les questions fondamentales. La primauté du pape – considérée par Paul VI comme le « grand roc » sur le chemin de l’unité des Eglises – ne fait manifestement pas fonction de « pierre angulaire de l’unité ».

 

Il termine son article par ces mots terribles : « le désir de pouvoir de Rome divise la chrétienté et nuit à l’Eglise elle-même » : « divise la chrétienté », en ce sens, dit-il, qu’elle affaiblit encore davantage une église anglicane déjà en grande difficulté ; « nuit à l’Eglise elle-même », en ce sens que cette nouvelle « stratégie » œcuménique déçoit les catholiques les plus engagés. « Un vrai drame ». C’est sa conclusion. A voir !

 

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(1) Quelques précisions sur la « Traditional Anglican Communion ». « Fondée officiellement en 1991 à l’initiative du prêtre épiscopalien (branche américaine des anglicans) Louis Falk, du fait de divergences à propos de l’ordination des femmes, la « Traditional Anglican Communion » (TAC) est indépendante de la Communion anglicane et de l’archevêque de Cantorbéry.
Selon Mgr Pierre Whalon, évêque responsable de tous les épiscopaliens en Europe, «dès les années 1960, à la suite d’évolutions liturgiques dans l’anglicanisme, une frange traditionnelle s’était mise en marge de la Communion anglicane». Sur le plan théologique, la TAC est fortement attachée au Mouvement d’Oxford fondé par le cardinal Henry Newman, prêtre anglican qui s’était converti au catholicisme en 1845 et qui sera béatifié en mai 2010 à Birmingham.
Présente dans 44 pays, la TAC revendique 400 000 fidèles, répartis en 33 évêchés ; depuis 2002, son primat est l’archevêque anglican australien John Hepworth. C’est lui qui, en octobre 2007, a formulé à Benoît XVI une demande de rattachement à l’Église catholique romaine sur le principe d’une communion pleine, entière et sacramentelle. Un dialogue existe cependant entre la TAC et Rome depuis 1991.

(2) Le but poursuivi par l’Église à travers les siècles était clairement défini : l’effort œcuménique n’avait d’autre objet que de faciliter le retour des hérétiques et schismatiques à l’unique Église catholique, en leur faisant renoncer à leurs erreurs et rébellions. Cet œcuménisme, dit “de retour”, fut la pratique constante de l’Église. Tel est ce que prouve l’histoire.
L’œcuménisme à travers les siècles
Léon XIII (Lettre Præclara gratulationis du 20/06/1894), à l’occasion de son jubilé épiscopal, invite les protestants et autres non catholiques à revenir à l’Église catholique : « Nous nous tournons vers ces peuples [terme très générique] et, avec une charité toute paternelle, nous les prions et conjurons d’effacer toute trace de division et de revenir à l’unité » et de louer l’exemple des protestants qui sont revenus à l’Église catholique : « Il s’en trouva, esprits judicieux et cœurs avides de vérité, qui sont venus chercher dans l’Église catholique la voie qui conduit sûrement au salut. Ils comprirent qu’ils ne pouvaient adhérer à la tête qui est Jésus-Christ s’ils n’appartenaient au corps de Jésus-Christ qui est l’Église [catholique]. »
Pie IX (Lettre Jam vos omnes, 13/09/1868) avait agi de même à l’occasion du concile Vatican I. Il précisait : « Quiconque considère avec soin et médite l’état dans lequel se trouvent les diverses sociétés religieuses divisées entre elles et séparées de l’Église catholique devra se convaincre facilement que ni aucune de ces sociétés, ni toutes réunies ensemble, ne constituent en aucune façon et ne sont cette Église une et catholique que le Christ, le Seigneur, a fondée et bâtie, et qu’il a voulu voir exister, et qu’elles ne peuvent pas non plus être considérées en aucune façon comme un membre ou une partie de cette même Église, puisqu’elles sont séparées visiblement de l’unité catholique » (DzH 2998).
En 1595, Clément VIII (Instr. Magnus Dominus, 23/12/1595) disait des évêques de Kiev : « Grâce à la lumière du Saint-Esprit qui illuminait leur cœur, ils ont commencé à considérer sérieusement qu’ils n’étaient plus membres du Corps du Christ qu’est l’Église puisqu’ils n’étaient pas liés avec sa tête visible qu’est le Souverain pontife de Rome. C’est pourquoi ils décidèrent de rentrer dans l’Église romaine qui est leur mère et celle de tous les fidèles. »
En 1439, le concile de Florence réclame des Arméniens le retour à l’Église catholique et romaine pour les déclarer dans l’unité de communion (DzH 1328). En 1274, le 2ème concile de Lyon avait déjà réclamé un tel retour de la part des Grecs (DzH 861).
En 523, le pape Hormisdas réclame du clergé issu du schisme d’Acace, pour qu’il retrouve la communion perdue, qu’il « suive en toutes choses le Siège apostolique et prêche tout ce que celui-ci a décrété » (DzH 365).
Le nécessaire “œcuménisme de retour”
Si l’“œcuménisme de retour” est la pratique constante de l’Église, c’est parce qu’une telle conduite est dictée par les livres saints. Selon le Nouveau Testament, l’hérésie est en effet égarement loin de la vérité, et donc séparation d’avec le Christ qui est Vérité : « Vous avez rompu avec le Christ, vous qui cherchez la justice dans la Loi ; vous êtes déchus de la grâce […] Votre course partait bien ; qui a entravé votre élan de soumission à la vérité ? » (Gal 5, 4 et 7). Aussi, la démarche de charité à l’endroit de celui qui s’est ainsi égaré consiste-t-elle, de la part du catholique, à ramener la brebis perdue dans la vérité : « Mes frères, si quelqu’un parmi vous s’égare loin de la vérité et qu’un autre l’y ramène, qu’il le sache : celui qui ramène un pécheur de son égarement sauvera son âme de la mort et couvrira une multitude de péchés » (Jc 5, 19-20). Tel est donc le véritable œcuménisme : ramener l’égaré à l’unique bercail qu’est l’Église catholique, détentrice de la Révélation et unique arche de salut.
C’est pourquoi Pie XI, dans son encyclique Mortalium animos sur l’œcuménisme (6 janvier 1928) condamne toute démarche œcuménique qui ne viserait pas au retour des dissidents : « Il n’est pas permis de procurer la réunion de chrétiens autrement qu’en poussant au retour les dissidents à la seule véritable Église du Christ […] Le retour à l’unique véritable Église, disons-Nous, bien visible à tous les regards, et qui, par la volonté de son fondateur, doit rester perpétuellement telle qu’il l’a instituée lui-même pour le salut de tous. »

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