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le Synode: « La foi ne se décide pas aux voies »

publié dans regards sur le monde le 16 octobre 2014


LA FOI NE SE DÉCIDE PAS AUX VOTES.

Le Cardinal Burke contre la «manipulation informative du Synode». Et très clair sur le reste

14 octobre 2014
Ricossa Cristiana (Il Foglio)
la traduction de « benoitetmoi
——

Il plaît peu, ou pas du tout au monde, le cardinal Raymond Leo Burke. Et, si possible, il plaît encore moins à cette Eglise qui plaît au monde.
D’autre part, cet américain de 66 ans, de Richland Center, Wisconsin, a fait tout son possible pour réussir catholiquement à mettre le feu aux consciences chrétiennes trop enclines à la tiédeur. Il participe aux marches pour la vie, il dit que l’on ne doit pas donner la communion aux politiciens qui soutiennent des lois pro-avortement, il dénonce l’avance rapide de l’agenda homosexuel, il fait savoir au pape François que la défense des principes non négociables n’est pas une mode soumise aux humeurs des pontifes, il soutient la messe selon le rite traditionnel.
Il a récemment signé l’ouvrage collectif «Rester dans la vérité du Christ. Mariage et communion dans l’Église catholique», écrit en controverse ouverte avec les ouvertures miséricordieuses du cardinal Walter Kasper sur la famille et la communion pour les divorcés remariés.
Rien d’étrange, alors, si le remaniement curial pensé par Bergoglio prévoit qu’après avoir été préfet de la Signature apostolique, il est aujourd’hui exilé à la charge de cardinal patron de l’Ordre souverain de Malte.
Mais en attendant, au Synode sur la famille, ce très fin canoniste fils de l’Amérique rurale a assumé le rôle d’opposant, on pourrait dire de katechon, en présence du tournant attribué, sans démenti, à la ‘mens‘ papale.
Comme le récite l’ancienne « Bible polyglotte » ouvert sur le pupitre de son bureau à la page de l’Ecclésiaste: «Toute chose a son temps (…) il y a un temps pour se taire et un temps pour parler»

* * *

Q. Que voit-on, derrière le rideau médiatique qui entoure le Synode?

R. Une tendance inquiètante émerge, car certains soutiennent la possibilité d’adopter une praxis qui se détache de la vérité de la foi. Même s’il devrait être évident qu’on ne peut pas poursuivre en ce sens, beaucoup encouragent par exemple de dangereuses ouvertures sur la question de la communion concédée aux divorcés remariés. Je ne vois pas comment on peut concilier le concept irréformable de l’indissolubilité du mariage avec la possibilité d’admettre à la communion ceux qui vivent dans une situation irrégulière. Ici est mis directement en cause ce qu’a dit Notre Seigneur, quand il enseignait que celui qui divorce de sa femme et épouse une autre femme commet l’adultère.

Q. Selon les réformateurs, cet enseignement est devenu trop dur.
R. Ils oublient que le Seigneur assure l’aide de la grâce à ceux qui sont appelés à vivre le mariage. Ce qui ne signifie pas qu’il n’y aura pas des difficultés et des souffrances, mais qu’il y aura toujours une aide divine pour les affronter, et être fidèles jusqu’au bout.

Q. Il semble que votre position est minoritaire …

R. Il y a quelques jours, j’ai vu une émission dans laquelle le cardinal Kasper a dit que l’on marchait dans la bonne direction, vers les ouvertures. En peu de mots, les 5,7 millions d’Italiens qui ont suivi la transmission, en ont retiré l’idée que tout le Synode marche sur cette ligne, que l’Eglise est en train de changer sa doctrine sur le mariage. Mais ce n’est tout simplement pas possible. Beaucoup d’évêques interviennent pour dire qu’on ne peut pas admettre de changements.

Q. Pourtant, ce n’est pas cela qui émerge du point de presse (briefing) quotidien du bureau de presse du Vatican. Le cardinal Müller s’en est plaint également.

R. Je ne sais pas comment est conçu le briefing, mais il me semble que quelque chose ne fonctionne pas bien si l’information est manipulée de manière à ne mettre en relief qu’une seule thèse, plutôt que de rapporter fidèlement les différentes positions exposées. Ceci m’inquiète beaucoup, car un nombre consistant d’évêques n’acceptent pas les idées d’ouverture, mais peu le savent. On parle seulement de la nécessité que l’Eglise s’ouvre aux instances du monde, énoncée en février par le cardinal Kasper. En réalité, sa thèse sur les thèmes de la famille et sur une nouvelle discipline pour la communion aux divorcés remariés n’est pas nouvelle, on en discute depuis trente ans. Et puis, depuis février, elle a repris avec vigueur et coupablement, on l’a laissé croître. Mais tout ceci doit finir, parce que cela provoque un grave dommage à la foi. Des évêques et des prêtres me disent qu’aujourd’hui, de nombreux divorcés remariés demandent à être admis à la communion, puisque le Pape François le veut. En réalité, je prends acte qu’au contraire, jusqu’à présent, il ne s’est pas exprimé sur la question.

Q. Pourtant, il semble évident que le cardinal Kasper et ceux qui sont sur sa ligne parlent avec le soutien du Pape.

R. Cela oui. Le Pape a nommé le cardinal Kasper au Synode, et il a laissé le débat poursuivre sur cette voie. Mais, comme l’a dit un autre cardinal, le pape ne s’est pas encore prononcé. J’attends une déclaration de lui, qui ne peut être qu’en continuité avec l’enseignement donné par l’Eglise dans toute son histoire. Un enseignement qui n’a pas changé, parce qu’il ne peut pas changer.

Q. Certains prélats qui soutiennent la doctrine traditionnelle disent que si le Pape devait apporter des changements, ils les accepteraient. N’est-ce pas une contradiction?

R. Oui, c’est une contradiction, parce que le Pape est le Vicaire du Christ sur la terre et donc le premier serviteur de la vérité de la foi. Connaissant l’enseignement du Christ, je ne vois pas comment on peut dévier de cet enseignement avec une déclaration doctrinale ou avec une praxis pastorale qui ignore la vérité.

Q. L’accent mis par le Pontife sur la miséricorde comme étant la plus importante, sinon la seule, idée directrice de l’Eglise, ne contribue-t-elle pas à maintenir l’illusion que l’on peut pratiquer une pastorale décrochée de la doctrine?

R. L’idée se répand qu’il pourrait y avoir une Église miséricordieuse qui ne respecte pas la vérité. Mais l’idée que, jusqu’à aujourd’hui, les évêques et les prêtres n’étaient pas miséricordieux, m’offense profondément. J’ai grandi dans une région rurale des Etats-Unis, et je me souviens que lorsque j’étais enfant, dans notre paroisse, il y avait un couple d’une ferme voisine de la nôtre qui venait à la messe dans notre église, mais ne communiait jamais. En grandissant, j’ai demandé pourquoi à papa et lui, avec naturel, m’a expliqué qu’ils vivaient en situation irrégulière et acceptaient de ne pas communier. Le curé était très gentil avec eux, très miséricordieux et appliquait sa miséricorde à oeuvrer afin que le couple retourne à une vie en harmonie avec la foi catholique. Sans vérité il ne peut y avoir de véritable miséricorde. Mes parents m’ont toujours enseigné que si nous aimons les pécheurs, nous haïssons le péché et nous devons tout faire pour arracher les pécheurs du mal dans lequel ils vivent.

Q. Dans votre bureau, il ya une statue du Sacré-Cœur, dans votre chapelle, au-dessus de l’autel, il y a une autre image du Cœur de Jésus, votre devise épiscopale est «Secundum Cor tuum». Alors, un évêque peut maintenir unies la doctrine et la miséricorde …

R. Oui, c’est auprès de la source incessante et inépuisable de la vérité et de la charité, c’est-à-dire du glorieux Cœur transpercé de Jésus, que le prêtre trouve la sagesse et la force de conduire le troupeau dans la vérité et dans la charité. Le Curé d’Ars définissait le prêtre comme l’amour du Sacré-Cœur de Jésus. Le prêtre uni au Sacré-Cœur ne succombera pas à la tentation de dire au troupeau des mots différents de ceux du Christ indéfectiblement transmis dans l’Église, il ne tombera pas dans la tentation de substituer aux mots de la saine doctrine un langage confus et facilement erroné.

Q. Mais les réformateurs soutiennent que la charité, pour l’Église, consiste à courir après le monde.

R. C’est la pierre angulaire des arguments de ceux qui veulent changer la doctrine ou la discipline. Cela m’inquiète. On dit que les temps ont tellement changé, qu’on ne peut plus parler de la loi naturelle, de l’indissolubilité du mariage … Mais l’homme n’a pas changé, il continue à être comme Dieu l’a voulu. Bien sûr, le monde s’est sécularisé, mais c’est une raison de plus pour dire la vérité haut et fort. C’est notre devoir, mais pourle faire, comme il l’enseignait déjà saint Jean-Paul II dans Evangelium vitae, il faut appeler les choses par leur nom, nous ne pouvons pas utiliser un langage pour le moins ambigu pour plaire au monde.

Q. La clarté ne semble pas être une priorité des réformateurs, si, par exemple, ils ne se sentent pas en contradiction quand ils affirment que les divorcés remariés peuvent accéder à la communion à condition de reconnaître l’indissolubilité du mariage.

R. Si quelqu’un confirme sincèrement l’indissolubilité du mariage, il peut seulement rectifier la situation irrégulière dans laquelle il est, ou s’abstenir de communion. Il n’y a pas de voie intermédiaire.

Q. Pas même celle du soi-disant «divorce orthodoxe»?

R. La pratique orthodoxe de l’économie ou du deuxième ou troisième mariage pénitentiel est historiquement et actuellement très complexe. Dans tous les cas, l’Église catholique, qui connaît cette pratique depuis des siècles, ne l’a jamais adopté, en vertu des paroles du Seigneur mentionnées dans l’Évangile selon saint Matthieu (19, 9) (*).

Q. Ne pensez-vous pas que, si l’on devait concéder cette ouverture, elle serait suivie par beaucoup d’autres?

R. Certainement. Aujourd’hui, on dit que cela ne sera concédé que dans certains cas. Mais quiconque connaît un peu des hommes sait que quand on cède sur un cas, on cède sur tous les autres. Si on admet comme licite l’union entre divorcés remariés, on ouvrira ses portes à toutes les unions qui ne sont pas en conformité avec la loi de Dieu, parce que le rempart conceptuel qui protège la bonne doctrine et la bonne pastorale qui en résulte aura été éliminé.

Q. Les réformateurs parlent souvent d’un Jésus disposé à tolérer le péché, pour pouvoir aller à la rencontre des hommes. Mais était-ce le cas?

R. Un Jésus similaire est une invention qui n’a aucune confirmation dans les Evangiles. Il suffit de penser à l’affrontement avec le monde dans l’Évangile de saint Jean. Jésus a été le plus grand opposant de son temps et il l’est encore aujourd’hui. Je pense à ce qu’il a dit à la femme adultère, «moi non plus je ne te condamne pas; va, et à partir de maintenant ne pèche plus» (Jn 8, 11).

Q. Admettre à la communion les divorcés remariés mine le sacrement du mariage, mais aussi celui de l’Eucharistie. Cela ne vous semble-t-il pas une dérive qui touche le coeur de l’église?

R. Dans la première Lettre aux Corinthiens, chapitre 11, Saint Paul enseigne que celui qui reçoit l’Eucharistie en état de péché mange sa propre condamnation. Accéder à l’Eucharistie signifie être en communion avec le Christ, être conformé à lui. Beaucoup opposent l’idée que l’Eucharistie n’est pas le sacrement des parfaits, mais c’est un faux argument. Aucun homme n’est parfait et l’Eucharistie est le sacrement de ceux qui se battent pour être parfaits, selon ce que demande Jésus lui-même: de l’être comme notre Père qui est dans les cieux (Mt 5, 48). Même celui qui se bat pour atteindre la perfection pèche, bien sûr, et s’il est en état de péché mortel, il ne peut pas communier. Pour pouvoir le faire, il doit confesser son péché avec repentir et avec l’intention de ne plus le commettre: cela s’applique à tout le monde, y compris aux divorcés remariés.

Q. Aujourd’hui, la participation à l’Eucharistie n’est preque plus considérée comme un acte sacramentel, mais comme une pratique sociale. Elle ne signifie plus communion avec Dieu, mais acceptation de la part d’une communauté. N’est-ce pas là la racine du problème?

R. C’est vrai, cette idée protestante se répand de plus en plus. Et elle ne s’applique pas seulement aux divorcés remariés. On dit souvent que, dans les occasions spéciales comme la première communion ou la confirmation des enfants, ou lors de mariages, même les non-catholiques peuvent être admis à l’Eucharistie. Mais cela, encore une fois, est contre la foi, est contre la vérité même de l’Eucharistie.

Q. Au lieu d’un débat sur ces questions, que devrait produire le Synode?

R. Le Synode n’est pas une assemblée démocratique où les évêques se réunissent pour changer la doctrine catholique selon la majorité. Je voudrais qu’il devienne une occasion pour apporter le soutien des pasteurs à toutes les familles qui entendent vivre au mieux leur foi et leur vocation, pour soutenir ces hommes et ces femmes qui, malgré de nombreuses difficultés, ne veulent pas rompre avec ce enseigne l’Évangile. C’est cela que devrait faire un Synode sur la famille, plutôt que de se perdre dans des discussions inutiles sur des questions qui ne peuvent être abordées dans une tentative de changer des vérités qui ne peuvent pas être changées. À mon avis, il aurait été préférable d’ôter ces questions de la table, parce qu’elles ne sont pas disponibles. Qu’on parle plutôt de la façon d’aider les fidèles à vivre la vérité du mariage. Qu’on parle de la formation des enfants et des jeunes qui arrivent au mariage sans connaître les fondements de la foi, et ensuite tombent aux premières difficulté.

Q. Les réformateurs ne pensent pas à ces catholiques qui ont maintenu leur famille ensemble, même dans des situations dramatiques, renonçant à refaire leur vie?

R. Beaucoup de gens qui ont fait cet effort me demandent maintenant s’ils ont tout faux. Ils demandent s’ils ont gâché leurs vies dans des sacrifices inutiles. Tout cela n’est pas acceptable, c’est une trahison.

Q. Ne pensez-vous pas que la crise de la morale est liée à la crise liturgique?

R. Certainement. Dans la période post-conciliaire, il a eu une baisse dans la vie de foi et de la discipline ecclésiale, mise en évidence surtout par la crise de la liturgie. La liturgie est devenue une activité anthropocentrique, elle a fini par refléter les idées de l’homme plutôt que le droit de Dieu à être adoré comme Lui-même le demande. De là, suit également dans le domaine moral l’attention presque exclusive aux besoins et aux désirs des hommes, plutôt qu’à ce que le Créateur a écrit dans le cœur de toutes les créatures. La lex orandi est toujours liée à la lex credendi. Si l’homme ne prie pas bien, alors il ne croit pas bien et donc il ne se comporte pas bien. Quand je vais célébrer la messe traditionnelle, par exemple, je vois tellement de belles jeunes familles avec de nombreux enfants. Je ne pense pas que ces familles n’ont pas de problèmes, mais il est évident qu’elles ont plus de force pour les affronter. Tout cela doit signifier quelque chose. La liturgie est l’expression la plus parfaite, la plus complète de notre vie dans le Christ et quand tout cela diminue ou est trahi, chaque aspect de la vie des fidèles est blessé.

Q. Que peut dire un pasteur à un catholique qui se sent perdu devant ces vents de changement?

R. Les fidèles doivent prendre courage parce que le Seigneur n’abandonnera jamais son Eglise. Pensez à la façon dont le Seigneur a calmé la mer dans la tempête, et ses paroles à ses disciples: «Pourquoi avez-vous peur, gens de peu de foi?» (Mt 8, 26). Si cette période de confusion semble mettre leur foi en danger, ils doivent seulement s’engager avec plus de force dans une vie vraiment catholique. Mais je me rends compte qu’en ces temps, vivre donne une grande souffrance.

Q. Il est difficile de ne pas penser à un châtiment.

R. C’est ce que je pense d’abord pour moi-même. Si je souffre maintenant de la situation de l’église, je pense que le Seigneur me dit que j’ai besoin d’une purification. Et je pense aussi que, si la souffrance est si répandue, cela signifie qu’il y a une purification dont a besoin l’Église toute entière. Mais cela ne dépend pas d’un Dieu qui n’attend que de nous punir, cela dépend de nos péchés. Si nous avons d’une certaine façon trahi la doctrine, la morale ou la liturgie, il s’ensuit inévitablement une souffrance que nous purifie pour nous ramener dans la voie étroite.

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