Les pèlerins de Chartres
publié dans nouvelles de chrétienté le 7 juin 2017
10 000 jeunes pèlerins à Chartres, et si peu de médias pour en parler !
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Ils sont la jeunesse invisible de la France bien élevée dont la presse n’a rien à cirer.
On connaissait les « j’m’en-foutistes », voici les « tout-est-foutuistes ». Depuis la dernière élection présidentielle, c’est un cercle qui recrute sec. Croissance exponentielle des adhérents. À côté d’eux, le prophète Philippulus fait figure de grand optimiste : « Tout est foutu, on vous dit. » Ça, c’est le refrain. Vient ensuite le couplet démographique : que voulez-vous faire contre la submersion migratoire ? Puis culturel : qu’est devenu notre terreau commun ? Puis spirituel : les chrétiens ne représentent plus rien ! Puis politique : le système est trop fort, Macron est trop fort… Puis historique : la chute de l’Empire romain, ça ne vous rappelle rien ? Je m’arrête, il y en a près de 25, tous aussi gais. À les écouter, il n’y a plus qu’à se flinguer. D’ailleurs, on en a même fait un bouquin : Le Suicide français.
Mais contre la tentation du tout-est-foutuisme, il y a le pèlerinage de Chartres. Plus de dix-mille pèlerins, partis de Notre-Dame de Paris et lancés sur les plaines de la Beauce, dont l’âge moyen est… 21 ans. Ils chantent, ils prient, ils rient, ils avancent, ils ont affreusement mal aux pieds, des coups de soleil sur le nez, et ne donneraient pas leur place pour un boulet de canon.
« [Ils] aime[nt] Dieu, les fleurs, les astres, les prés verts », comme dit le poète, et « [leur] regard reflète la clarté de [leur] âme ». Et puis ils râlent parce que la pause n’arrive pas, qu’ils ont paumé leur K-Way, qu’il y a du monde devant les toilettes, que les salades niçoises en conserve sont objectivement dégueulasses et que ce truc qu’on entonne, là, a été pris trop bas.
Allez donc leur dire, à eux, que tout est foutu, mort, plié, affaire classée, que la France, la chrétienté, allez, faut pas s’illusionner, c’est terminé. Vous allez voir comme ils vont vous recevoir.
Aucun des médias qui couvraient avec gourmandise Nuit debout ne s’intéresse à ces étudiants, ces lycéens, ces enfants-là. Ils sont la jeunesse invisible de la France bien élevée dont la presse n’a rien à cirer.
Pas grave. Ils savent bien, eux, que leur heure viendra.
Les journalistes peuvent les ignorer, mais qu’ils ne s’étonnent pas de les voir d’un coup émerger, un prochain matin, sur le bitume ou dans les urnes. Il fallait entendre les journalistes pousser des oh et des ah lors des premières Manifs pour tous : Bizarre ! Comme c’est bizarre ! Mais d’où sort donc cette génération spontanée de jeunes conservateurs que l’on voit sans crier gare descendre dans la rue et s’agiter ? Mais, mon coco, si tu avais fait ton boulot, tu les aurais vus arriver. Seulement, à les snober, à « oublier » de bosser sur ces dossiers, tu es tout surpris quand, soudain, il deviennent si voyants que tu ne peux plus les éviter. Tu avais finir par prendre tes désirs pour des réalités et t’imaginer qu’ils n’existaient pas en vrai.
Où est passée l’âme française ? se lamente-t-on souvent. Je crois, moi, qu’en ce week-end de Pentecôte, elle marchait, joyeuse, sur les routes de Chartres. Et qu’elle s’est mise à genoux, lorsque au loin, très loin, derrière les arbres, elle a aperçu pour la première fois les flèches de la cathédrale. Elle était belle à voir.