Le mariage des prêtres? En avant toute
publié dans regards sur le monde le 16 décembre 2019
Un prêtre « défroqué » peut-il désormais servir dans son ancienne paroisse ?
Un prêtre « défroqué » peut-il servir dans la paroisse où il était en activité ? La question ne se serait même pas posée il y a seulement quelques années alors qu’elle se pose désormais puisque la Congrégation romaine pour le clergé a dû y répondre. Un mot sur le terme « défroqué » qu’on n’emploie plus guère puisqu’il semble péjoratif alors qu’il signifie simplement que l’intéressé a enlevé sa « défroque », en l’occurrence la soutane du temps où elle était l’habit obligatoire du clergé. Il est vrai, néanmoins, que le prêtre qui bafouait ses engagements sacerdotaux, librement et solennellement pris devant les fidèles et dans les mains de son évêque, scandalisait les paroissiens. Un « défroqué » ne jouissait donc pas de la considé-ration des catholiques. Le vocabulaire a évolué. Le code de droit canonique ne parle plus de « réduction à l’état laïc » mais de « perte de l’état clérical », ce qui, nous allons le voir, n’est pas seulement une nuance… Si la question que nous évoquons se pose, c’est à cause d’un nouveau « rescrit », émanant de la Congrégation pour le clergé, publié cette année. A la suite de cette publication un site espagnol d’information religieuse – nullement traditionaliste ou hostile au pape – a titré : « Les prêtres qui quittent la soutane pourront rester au service de leurs communautés. » La Congrégation a répondu qu’il n’en était rien en démentant… sans démentir vraiment, à la manière subtile de certains membres de la curie. Il ne s’agirait que d’une nouvelle traduction d’un texte de 1983 qui ne le modifierait en rien. Pourquoi répondre à ce site religieux s’il n’y a rien à voir ? Or, il y a bien eu un ajout au rescrit primitif qui, précise la congrégation romaine, « se borne à donner à l’évêque un certain nombre d’éléments pour l’avenir du prêtre dispensé. » Mais c’est là que le bât blesse et que gît la possibilité pour le prêtre défroqué de continuer à servir dans la paroisse où il exerçait son sacerdoce auparavant. Car « Dans le cadre du prêtre dispensé, le jugement de l’évêque a toujours eu beaucoup d’importance », explique-t-on en outre à la Congrégation. C’est pourquoi le rescrit précise que, au jugement de l’évêque, l’an-cien prêtre peut rendre à la communauté qui l’accueille certains servicesqui ne nécessitent pas le sacrement de l’ordre ou qu’il peut enseigner la théologie dans un institut ou la religion dans les écoles. Sera-ce dans la paroisse où il a été en poste ? Réponse : « Sauf cas très exceptionnel, un prêtre dispensé ne peut rester dans la paroisse où il a servi sans provoquer le scandale d’une partie au moins des fidèles. » Mais cela peut donc être autorisé ! Nous avons appris et compris que « l’exceptionnel » ne dure qu’un temps, celui de faire accepter la nouveauté par les fidèles ! La possibilité pour les divorcés remariés de communier devait être, elle aussi, au « cas par cas » et exceptionnelle, elle est désormais habituelle un peu partout. De même, l’ordination de prêtres mariés en Amazonie devait être une exception ; elle sera étendue aux diocèses en sous-effectifs à leur demande sans même qu’ils aient besoin de solliciter une autorisation préalable. « Mais c’est toujours à l’é-vêque, en concertation avec le prêtre dispensé, de voir ce qui est possible », insiste-t-on à la Congrégation pour le clergé, exac-tement ce qui était dit pour les divorcés remariés demandant à avoir accès à la communion eucharistique. Cela n’était pas possible auparavant. Pour rendre cela possible, Rome introduit une distinction entre les prêtres selon le motif de leur abandon du ministère. Le Saint-Siège refuse de mettre sur le même plan un prêtre sanctionné (par exemple pour abus), et un autre qui, « par souci de cohérence » demande à quitter le ministère pour se marier. Pourtant, dans les deux cas, il y a infidélité aux engagements sacerdotaux et moraux. La Congrégation explique que « la praxis actuelle » de l’Église est de ne pas séparer la dispense du célibat et la perte de l’état clérical. Il y a des cas de prêtres qui demandent à être relevés de leur fonction parce que, par exemple, ils ont perdu la foi, mais qui ne le font pas pour se marier ; ils y sont donc ipso facto autorisés, si ce n’est incités. Ce texte doit être compris dans le contexte de l’évolution actuelle voulue par le pape qui nous achemine vers l’avène-ment de prêtres mariés. Si des prêtres n’étant plus dans « l’état clérical » pourront désormais avoir des activités religieuses dans la paroisse qu’ils ont dû quitter, le prochain pas sera qu’ils puissent y exercer des fonctions sacerdotales ; on trouvera singulier qu’il y ait un prêtre marié dans la paroisse d’à côté alors que le prêtre, hier défroqué, soit interdit, lui, de sacerdoce ; on ne verra dans les deux cas qu’une simple différence chronologique dans leur mariage… P.R.
(Source le Bulletin d’André Noël)