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Entraide et Tradition

Toujours au sujet de la prochaine encyclique

publié dans nouvelles de chrétienté le 28 septembre 2020


C’est le titre, emprunté à saint François, de la prochaine encyclique, qui devrait sortir le 3 octobre prochain. Le sous-titre « Sur la fraternité et l’amitié sociale« , qui l’inscrit dans la continuité du fameux document d’Abou Dhabi sur la fraternité humaine, laisse présager un contenu hautement inflammable. Même si on ne peut pas juger un texte avant qu’il soit sorti (décrédibilisant de fait toute critique ultérieure même fondée), le moins que l’on puisse dire est que le thème est… clivant! Nico Spuntoni explique ce à quoi on peut s’attendre – en espérant que ce ne sera pas le pire!

Signature de la Déclaration d’Abu Dhabi avec le Grand Imam d’Al-Azhar Ahmad Al-Tayeb,
4 février 2019

Ce que l’on peut attendre de la nouvelle encyclique de François

Nico Spuntoni
La NBQ
13/9/2020
Ma traduction

Elle sera signée le 3 octobre, mais le titre (« Fratelli tutti » – Tous frères) et le sous-titre (« Sur la fraternité et l’amitié sociale ») déjà annoncés laissent penser que la troisième encyclique de Bergoglio s’inscrira dans le sillage de la Déclaration d’Abu Dhabi. On peut aussi en trouver un indice dans son homélie du 14 mai. Et, peut-être, le pape expliquera-t-il mieux le passage controversé sur la diversité des religions

Le titre et le sous-titre annoncés confirment la rumeur sur la nouvelle encyclique « échappée » le 26 août dernier à l’évêque de Rieti, Mgr Domenico Pompili. La fraternité humaine sera en effet le thème central de Fratelli tutti, nom tiré du sixième chapitre (De imitatione Domini) des « Admonitions » de saint François. Dans le passage qui a inspiré le Pontife pour le titre, le Poverello d’Assise utilise l’expression « omnes fratres » pour une invitation : « Nous tous, frères, regardons avec attention le Bon Pasteur qui a soutenu la passion de la croix pour sauver ses brebis ».

Ce n’est pas le seul élément qui fait référence au saint dont Bergoglio a pris le nom pontifical il y a sept ans, car l’encyclique sera signée le 3 octobre à Assise, à la fin d’une Messe célébrée sine populo (sans assemblée, ndt) sur la tombe située dans la Basilique inférieure.

Le contenu du document ne sera connu que dans une vingtaine de jours, mais on peut déjà se risquer à faire des prédictions à la lumière des voix qui ont filtré. Après l’annonce officielle de la sortie imminente par le Vatican, de nombreux observateurs ont parlé de proposition du pape pour le monde post-covid. En réalité, il faut dire que l’encyclique – comme le confirme également The Tablet, un hebdomadaire catholique anglais – a été préparée avant le déclenchement de la pandémie. Il est cependant inévitable que le texte n’ignore pas tout ce qui s’est passé entre-temps sur la planète.

Comme le dit le sous-titre, il s’agira d’un document « sur la fraternité et l’amitié sociale » qui approfondira probablement ce qui a déjà été abordé dans la déclaration d’Abu Dhabi. Le pontife en a fourni un indice non marginal le 14 mai dernier, alors qu’en Italie et dans de nombreux pays, le confinement pour urgence sanitaire était encore en vigueur. En effet, avec l’homélie prononcée ce jour-là à Sainte Marthe, Bergoglio a ouvert la « Journée de la Fraternité, Journée de Pénitence et de Prière » appelée par le Haut Comité pour la Fraternité Humaine créé pour promouvoir la Déclaration signée aux Emirats Arabes Unis le 4 février 2019. À cette occasion, le pape a anticipé le titre de l’encyclique, rappelant que « Saint François d’Assise a dit : « Tous frères ». Une formule dans laquelle le pontife considérait comme inclus les « frères et sœurs de toute confession religieuse (…) unis dans la fraternité qui nous rassemble en ce moment de douleur et de tragédie ».

Cette mention pourrait être interprétée comme une trace du fil conducteur qui devrait relier le document d’Abu Dhabi à celui qui sortira le 3 octobre prochain. François est conscient que le texte signé avec le Grand Imam d’al-Azhar ne fait certainement pas l’unanimité dans le monde catholique, surtout pour le passage problématique du paragraphe 5 sur « le pluralisme et la diversité religieuse ». Et c’est précisément dans l’homélie d’anticipation de Tous Frères qu’il a lui-même mentionné, en utilisant le verbe au futur, l’argument principal des critiques :

« Peut-être y aura-t-il quelqu’un qui dira: ‘C’est du relativisme religieux, on ne peut pas le faire’. Mais comment on ne peut pas le faire! Prier le Père de tous? Chacun prie comme il sait le faire, comme il peut, comme il l’a appris dans sa propre culture. ».

Ce sont entre autres les préoccupations qu’avaient avancées le vaticaniste Aldo Maria Valli dans un article sur son blog Duc in altum (« Si Dieu devient relativiste ») et le philosophe Josef Seifert, ex-membre de l’Académie pontificale pour la vie, selon lequel « en attribuant à Dieu la volonté qu’il y ait des religions qui contredisent sa Révélation divine (…) on Le transforme en relativiste qui ne sait pas qu’il n’y a qu’une seule vérité ».

Il n’est pas à exclure que la probable continuité entre Abu Dhabi et Assise ravive le débat sur le passage discuté, mais le pape – si l’on veut interpréter ses paroles du 14 mai également dans l’optique de la sortie de l’encyclique – semble déterminé à aller de l’avant.

Interviewé par la NBQ, Adnane Mokrani, premier théologien musulman à enseigner à l’Université pontificale grégorienne, commente avec enthousiasme la publication imminente de la lettre apostolique consacrée à la fraternité humaine qu’il voit comme « un acte de résistance humaine et religieuse contre toutes les dérives auxquelles l’humanité est confrontée aujourd’hui ». Le professeur italo-tunisien, spécialiste de la Déclaration d’Abu Dhabi, ne pense pas qu’une éventuelle re-proposition du passage sur le pluralisme religieux puisse constituer un problème:

« Le texte parle de manière concrète, ce n’est pas un document de théologie des religions. C’est un document pastoral et social qui parle de la pluralité comme un bien et non comme une menace; tandis que sur le point théologique, il faut travailler davantage et ce sera le thème du futur sur lequel les universités musulmanes et pontificales devront élaborer une nouvelle théologie qui puisse interpréter de manière positive le pluralisme religieux du monde ».

L’aspect théologique du délicat passage était au centre de la demande de clarification faite au Vatican par Mgr Athanasius Schneider, évêque auxiliaire d’Astana, lors de la visite ad limina des évêques du Kazakhstan, demande qui a ensuite connu un développement ultérieur avec un échange de lettres. Schneider a raconté à la journaliste Diane Montagna de Life Site News que le Pape aurait été d’accord avec lui pour considérer que la phrase de la Déclaration est mal comprise, ajoutant que pour mieux l’expliquer on pourrait dire que « la diversité des religions correspond à la volonté permissive de Dieu ». Environ un mois après cette rencontre, François a décidé de revenir sur le sujet lors de l’audience générale du 3 avril, en précisant:

Dieu a voulu permettre cela: les théologiens de la Scholastique faisaient référence à la voluntas permissiva de Dieu. Il a voulu permettre cette réalité: il y a beaucoup de religions; certaines naissent de la culture, mais elles regardent toujours le ciel, elles regardent Dieu.

Au cas où, dans la nouvelle encyclique, le passage sur « le pluralisme et la diversité des religions » serait reproposé, il est possible que le principe de la volonté permissive de Dieu soit mieux expliqué.

La Déclaration d’Abu Dhabi est un document sur les relations sociales entre catholiques et musulmans, Fratelli tutti sera par contre un document du magistère papal. Le jésuite Domenico Marafioti lui-même, dans sa lecture raisonnée du texte signé le 4 février 2019, a souligné que l’objectif « n’est pas la composition des différences, mais la tolérance et le respect des deux communautés religieuses en vue de la paix » et donc « dans ce contexte, toutes les déclarations doivent être interprétées, même si certains de leurs aspects restent à clarifier ».

L’encyclique, en abordant le même thème avec le chrisme de l’officialité magistérielle, pourrait également être l’occasion de satisfaire l’exigence soulignée par le professeur de théologie dogmatique, en tenant compte des observations que François a témoigné partager dans sa catéchèse du 3 avril 2019.

Nous le découvrirons dans vingt jours.

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