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11 Novembre: Saint Martin de Tours

publié dans couvent saint-paul le 11 novembre 2020


St Martin de Tours.

Icône de la nef de la chapelle du monastère de Cantauque (Provence), dont il est le titulaire.

Martin de Tours ou Martin le Miséricordieux (né en 316 ou 317 à Sabaria dans l’actuelle Hongrie, mort à Candes en 397) fait partie des Pères de l’Église. Sa vie nous est connue par la Vie de Martin de Sulpice-Sévère. Fêtes le 11 novembre (funérailles en 397) et le 4 juillet (consécration épiscopale en 371).

Martin est né en l’an 316 dans la province de l’Empire Romain de Pannonie dans la cité de Sabaria, l’actuelle ville de Szombathely en Hongrie moderne, dont le nom hongrois moderne signifie « lieu du Shabat » qui sous-entend un lieu où chaque samedi on se rassemble pour commercer. Son père était un tribun militaire de l’Empire, c’est-à-dire un officier supérieur chargé de l’administration de l’armée, et ce n’est pas un hasard si le nom de Martin signifie « voué à Mars », Mars étant le dieu des paysans-soldats de la Rome primitive.

On ne sait rien de sa mère, peut-être a-t-elle eu cependant un rôle dans les convictions religieuses de l’enfant, c’est plus que probable.

Suivant son père au gré des affectations en villes de garnison, Martin passe son enfance à Pavie en Italie du nord. C’est l’époque du développement de la Chrétienté et l’enfant qui doit être naturellement rempli de religiosité a été vraisemblablement en contact avec des chrétiens qui ont su marquer son caractère et qui ont sans doute été ses maîtres quoique nous n’ayons pas d’informations concrètes à ce sujet…

Quoi qu’il en soit, vers l’âge de 10 ans l’enfant veut devenir un chrétien et il se sent très tôt attiré par le service de Dieu : c’est en saint homme qu’il veut vivre, sur le modèle du Christ, mais c’est surtout à saint Jean-Baptiste qu’il fait penser à travers sa vie.

On ne sait s’il est romain ou bien pannonien. Les Pannoniens sont des Illyriens qui parlent une langue apparentée à l’albanais moderne, mais en Pannonie vivent également des populations celtiques tout comme en Italie du nord et en Gaule. Il n’est donc pas interdit de penser que Martin a pu être d’origine celtique ou qu’au moins il parlait et comprenait la langue des Celtes et donc celle des Gaulois, ce qui expliquerait pourquoi sa vie fut toute entière liée à la Gaule.

En tant que fils de magistrat militaire, Martin est pour ainsi dire héréditairement lié à la carrière de son père qui est tout entier dévoué au culte de l’Empereur considéré traditionnellement comme un dieu vivant. Ce père est sans aucun doute irrité de voir son fils tourné vers une foi nouvelle : alors que l’âge légal de l’enrôlement est de 17 ans, il force son fils de 15 ans à entrer dans l’armée. Il est probable que Martin ne s’est laissé convaincre que pour ne pas nuire à la position sociale de ses parents tant sa vocation chrétienne est puissante.

Représentation traditionnelle de Saint Martin : coupant son manteau pour le partager avec un pauvre. Détail de la façade du Duomo di san Martino de Lucques, Italie

Il n’en reste pas moins vrai que ce n’est pas en simple soldat que Martin entre dans l’armée romaine : en tant que fils de vétéran, il a le grade de circitor avec une double solde ; le rôle du circitor est celui de mener la ronde de nuit et d’inspecter les postes de garde et la surveillance de nuit de la garnison ; affecté en Gaule, peut-être pour sa connaissance du gaulois, c’est lors d’une de ces rondes de nuit qu’un soir d’hiver 338 à Amiens il partage son manteau avec un déshérité transi de froid car il n’a déjà plus de solde après avoir généreusement distribué son argent ; il tranche son manteau ou tout du moins la doublure de sa pelisse et la nuit suivante le Christ lui apparaît en songe vêtu de ce même pan de manteau ; il a alors 18 ans. Là se mêlent le réel et la légende.

L’année suivante il se fit baptiser à Pâques toujours en garnison à Amiens ; cette époque est un temps de transition, la fin d’un règne et le début d’un autre règne où tous, même les soldats, sont pénétrés par les idées nouvelles.

Bientôt Martin devient membre du corps d’élite des Alae Scolares, une unité d’élite de la garde impériale dont il fut membre pendant 20 années ; nul doute que cette promotion est due à la protection de son père. Désormais il possède un esclave mais il le traite comme son propre frère.

Il servit ni plus ni moins 25 années dans l’armée romaine ce qui est la durée légale.

C’est aussi le temps où les grandes invasions germaniques se préparent ; les Barbares sont aux portes de l’Empire ; depuis longtemps déjà les milices auxiliaires des légions sont composées de mercenaires d’origine germanique. En mars 354, Martin participe à la campagne sur le Rhin contre les Alamans à Rauracum dans l’actuelle Ruhr allemande ; ses convictions religieuses lui interdisent de verser le sang et il refuse de se battre. Pour prouver qu’il n’est pas un lâche et qu’il croit à la providence et à la protection divine, il propose de servir de bouclier humain ; il fut enchaîné et exposé à l’ennemi mais, pour une raison inexpliquée, les Barbares demandent la paix.

En 356, ayant pu enfin quitter l’armée il se rend à Poitiers pour rejoindre Hilaire, évêque de la ville depuis 350. Il a rencontré Hilaire dans une de ses villes de garnisons. Hilaire a le même âge que lui et appartient comme lui à l’aristocratie, mais il a embrassé la foi chrétienne tardivement, et est moins tourné vers la mortification et plus intellectuel ; l’homme lui a plu cependant et il a donc décidé de se joindre à lui.

Son statut d’ancien homme de guerre l’empêche d’être prêtre et il refuse la fonction de diacre que lui propose l’évêque Hilaire ; il devient donc exorciste ce qui lui permet d’être confronté aux réalités concrètes sur le terrain. Cette fonction d’exorciste peut indiquer que Martin possédait des dons de guérisseur. En un autre temps il aurait été sorcier, aujourd’hui il serait peut-être psychologue ou médecin de l’âme, gourou qui sait ?

La Chrétienté est déchirée dans ses rangs par des courants de pensées qui se combattent violemment et physiquement jusqu’à la mort ; les Ariens sont les disciples d’un prêtre, Arius qui nie que le Christ soit Dieu fils de Dieu au contraire des trinitaires de l’église officielle ; à cette époque les Ariens sont très influents auprès d’un pouvoir politique qui se cherche une foi nouvelle dans un empire décadent qui sent sa fin proche. Alors que Hilaire, un trinitaire, victime de ses ennemis politiques et religieux tombe en disgrâce et est exilé, Martin est averti « en songe » qu’il doit rejoindre ses parents en Illyrie afin de les convertir ; il réussit à convertir sa mère mais son père reste étranger à sa foi, cette position peut du reste n’être que tactique, le père essayant de défendre son statut social privilégié. En Illyrie c’est la foi arienne qui est la foi dominante et Martin qui est un fervent représentant de la foi trinitaire doit sans doute avoir de violentes disputes avec les Ariens car il est publiquement fouetté puis expulsé ; il s’enfuit et se réfugie à Milan mais là aussi les Ariens dominent et Martin est à nouveau chassé ; il se retire avec des compagnons dans l’île déserte de Gallinara non loin du port d’Albenga et tous se nourrissent de racines et d’herbes sauvages pour exercer leur foi sur le modèle évident de saint Jean-Baptiste ; Martin s’empoisonne avec de l’hellébore et il s’en faut de peu pour qu’il ne meure. Cet épisode indiquerait une fois encore qu’il était guérisseur et aurait peut-être essayé sur lui-même un remède (l’hellébore ayant des vertus médicinales).

En 360, les trinitaires regagnent définitivement leur influence politique et Hilaire retrouve son évêché. Martin en est informé et revient lui-même à Poitiers. Martin a alors 44 ans, il s’installe sur un domaine gallo-romain que possède Hilaire et que celui-ci lui a cédé ; Martin y crée un petit ermitage à 8 km de la ville, c’est Ligugé où il est rejoint par des disciples ; il crée ici la première communauté de moines en Gaule.

Ce premier moutier (autrement dit monastère) fut suivi d’un second plus important (Marmoutier signifie « grand monastère » car en gaulois « grand » se dit mar) ; Martin développe là son activité d’évangélisation pendant dix ans ; il accomplit ses premiers

miracles et se fait ainsi reconnaître par le petit peuple comme le saint homme qu’il a toujours désiré être.

En 370 à Tours, l’évêque en place vient de mourir ; les habitants veulent choisir Martin mais celui-ci s’est choisi une voie et n’aspire pas à être évêque ; les habitants l’enlèvent donc et le proclament évêque le 4 juillet 371 sans son consentement ; Martin se soumet en pensant qu’il s’agit là sans aucun doute de la volonté divine.

Les autres évêques ne l’aiment guère car il a un aspect pitoyable dû aux mortifications et aux privations excessives qu’il s’inflige, il porte des vêtements rustiques et grossiers, il est un exemple trop évident de sainteté et de christianisme véritable.

Désormais il est évêque mais il ne continue pas moins de vivre en saint homme ; il crée un nouvel ermitage à 3 km des murs de la ville, c’est l’origine de Marmoutier avec pour règle la pauvreté, la mortification et la prière ; les moines doivent se vêtir d’étoffes grossières sur le modèle de saint Jean-Baptiste qui était habillé de poil de chameau ; ils copient des manuscrits, pêchent dans la Loire ; leur vie est très proche de ce que l’on peut lire dans les Évangiles sur la vie des premiers apôtres, jusqu’aux grottes qui abritent dans les coteaux de la Loire des habitations troglodytes où se réfugient les moines solitaires.

Le monastère est construit en bois ; Martin vit dans une cabane de bois dans laquelle il repousse les « apparitions diaboliques et converse avec les anges et les saints » : c’est une vie faite d’un courage viril et militaire que Martin impose à sa communauté.

Tout ce monde voyage à travers les campagnes à pied, à dos d’âne et par la Loire ; car Martin est toujours escorté de ses moines et disciples, sans doute en grande partie pour des raisons de sécurité car il ne manque pas de voyager très loin de Tours.

Ailleurs l’autorité de l’évêque est limitée à l’enceinte de la cité, avec Martin elle sort des murs et pénètre profondément à l’intérieur des terres ; Martin semble avoir largement sillonné le territoire de la Gaule ; là où il n’a pas pu aller, il a envoyé ses moines.

À cette époque les campagnes sont païennes, il les parcourt donc faisant détruire temples et idoles ; il fait par exemple abattre un pin sacré ; s’il est gaulois, il est aussi d’une façon évidente le Gaulois qui a tué culturellement les restes de la civilisation gauloise qui subsistait à son époque, c’est là le reproche qu’on peut lui faire, mais il n’en était sans doute pas conscient.

Il prêche et persuade les paysans, il force par l’exemple et répugne à lutter par la force ; c’est une époque de moines et de vierges, de fous en le Christ ; il dit d’une brebis tondue qu’elle accomplit le précepte de l’évangile basé sur le partage ; il prêche par la parole et par sa force, il sait parler aux petits et il utilise à merveille la psychologie par sa connaissance des réalités quotidiennes et leur transformation en images que le petit peuple comprend tel que le Christ le faisait ; il remplace les sanctuaires païens par des églises et des ermitages et comprenant fort bien l’homme de la campagne et ses besoins, il se donne les moyens de le convertir à l’heure où la foi chrétienne est pour l’essentiel cantonnée derrière les murs des villes.

Marmoutier sert de centre de formation pour l’évangélisation et la colonisation spirituelle des campagnes ; c’est pour l’essentiel la première base de propagation du christianisme en Gaule.

Martin avait-il donc des dons de guérisseur ? Sinon comment expliquer tous les miracles qu’on lui attribue : on dit qu’il fait « jaillir des sources, qu’il guérit les paralytiques, les possédés, les lépreux, il ressuscite les enfants, il fait parler les muets, il peut même guérir à distance, ou par l’intermédiaire d’un objet qu’il a lui-même touché ; il calme les animaux furieux et même la grêle. »

Marmoutier comptait 80 frères vivant en communauté, issus pour la plupart de l’aristocratie ce qui permettait à Martin de jouir d’une grande influence et de le faire recevoir par les empereurs eux-mêmes ; il existe désormais une « complicité » entre les empereurs et les évêques, entre le pouvoir de la nouvelle foi et le pouvoir politique. Mais cela n’empêche pas Martin, à la table de l’empereur, de servir en premier le prêtre

qui l’accompagne et d’expliquer que le sacerdoce est plus éminent que la pourpre impériale.

Un jour, voyant des martins-pêcheurs se disputer des poissons, il explique à ses disciples que les démons se disputent de la même manière les âmes des chrétiens. Et les oiseaux prirent ainsi le nom de l’évêque.

Le lendemain, épuisé par cette vie de soldat du Christ, Martin meurt à Candes sur Loire à la fin de l’automne, le 8 novembre 397 sur un lit de cendre comme mouraient les saints hommes ; son corps est rapidement reconduit par le fleuve jusqu’à Tours où il est enterré le 11 novembre. Son successeur sera Brice, un de ses disciples.

Tours est resté un foyer spirituel important. A l’époque carolingienne, Alcuin, conseiller de Charlemagne, fut nommé abbé de Saint-Martin de Tours, et de Cormery. Ces abbayes furent des foyers importants de la renaissance carolingienne aux alentours de l’an 800.

Aujourd’hui plusieurs centaines de villages portent son nom et plus de 4000 églises ; son nom de baptême est devenu le nom de famille le plus fréquent de France.

La Fête de la Saint-Martin en Flandre

On fête en Flandre, la Saint-Martin le soir du 10 novembre (ainsi que le soir du 11 novembre avant la Seconde Guerre mondiale).

Selon la légende, en effet, saint Martin portant la bonne parole sur les côtes flamandes, aurait perdu son âne parti brouter ailleurs, alors qu’il tentait d’évangéliser les pêcheurs d’un petit village, futur Dunkerque. À la nuit tombée, les enfants du pays se mettant à sa recherche, avec force lanternes, l’ont retrouvé dans les dunes, en train de manger des chardons et des oyats.

Pour les remercier, saint Martin a transformé toutes les petites crottes de l’âne en brioches à la forme particulière, que l’on appelle folard (Voolaeren, en flamand), ou craquandoules.

Les enfants chantent en Flandre française, cette chanson, le soir de la Saint-Martin :

« Saint Martin

Boit du vin

Dans la rue des Capucins

Il a bu la goutte

Il a pas payé

On l’a mis à la porte avec un

Coup d’balai »

en défilant dans la rue, avec une lanterne en forme de tête, creusée dans une betterave à sucre. Après le défilé, on leur donne un folard et une orange, et le concours de la plus belle lanterne est organisé.

Cette fête n’est pas sans rappeler Halloween, que l’on fête aux États-Unis, à la différence que Halloween est la fête de la nuit, de la mort, alors que la Saint-Martin est la fête de la vie, de la lumière.

Une tradition similaire existe aussi en Alsace et en Allemagne dans le Pays de Bade ainsi qu’aux Pays-Bas.

Bien que d’inspiration chrétienne, la Saint-Martin en Flandre est une fête païenne, et est fêtée dans les écoles laïques.

* L’Abbaye Saint-Martin de Ligugé

* La fête de la Saint-Martin en Suisse : il s’agit d’une fête gastronomique célébrée en Ajoie dans le canton du Jur

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