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Les Nouvelles de Chrétienté n°177 : le voyage apostolique de Benoît XVI en Jordanie (2)

Les Nouvelles de Chrétienté n°177 : le voyage apostolique de Benoît XVI en Jordanie (2)

publié dans nouvelles de chrétienté le 15 mai 2009


Discours de Benoît XVI au Mont Nebo (Jordanie)

Nous publions ci-dessous le discours que le pape Benoît XVI a prononcé le samedi matin,9 mai au Mont Nebo, en Jordanie, où se trouve l’antique Basilique du « Mémorial de Moïse » confiée à la custodie franciscaine de Terre sainte. Selon la tradition, c’est à cet endroit que le Seigneur montra la Terre promise à Moïse, au terme de l’épreuve du désert, 40 ans après l’exode d’Egypte.

A son arrivée, le pape a été accueilli par le ministre général de l’Ordre des frères mineurs, le P. José Rodríguez Carballo. Nous publions ci-dessous le discours prononcé par le pape.

Père Ministre général,
Chers amis,

En ce saint lieu, consacré à la mémoire de Moïse, je vous salue tous avec affection en Jésus Christ notre Seigneur. Je remercie le Ministre général de l’Ordre des Frères mineurs, le Père José Rodriguez Carballo, pour ses mots chaleureux de bienvenue. Je saisis également cette occasion pour exprimer ma gratitude, et celle de l’Eglise tout entière, aux Frères de la Custodie pour leur très ancienne présence sur ces terres, pour leur joyeuse fidélité au charisme de saint François, et pour leur généreuse sollicitude dans l’assistance spirituelle et matérielle en faveur des communautés chrétiennes locales et des innombrables pèlerins qui visitent chaque année la Terre Sainte. Je désire rappeler aussi, avec une gratitude particulière, le défunt Père Michele Piccirillo, qui a passé sa vie à l’étude de l’Antiquité chrétienne et qui est enterré dans ce sanctuaire qu’il a tant aimé.

Il est juste que mon pèlerinage puisse commencer sur cette montagne, où Moïse a contemplé de loin la Terre promise. La magnifique perspective qui s’ouvre depuis l’esplanade de ce sanctuaire nous invite à méditer sur cette vision prophétique qui embrassait mystérieusement le grand plan de salut que Dieu avait préparé pour son peuple. C’est en effet dans la vallée du Jourdain qui s’étend sous nos yeux que, à la plénitude des temps, Jean le Baptiste devait venir pour préparer la voie au Seigneur. C’est dans les eaux du Jourdain que Jésus, après son baptême par Jean, a été manifesté comme le Fils bien-aimé du Père et que, consacré par l’Esprit-Saint, il a inauguré son ministère public. Et c’est depuis le Jourdain que l’Evangile progressera, d’abord à travers la prédication et les miracles du Christ, et plus tard, après sa résurrection et le don de l’Esprit à la Pentecôte, jusqu’aux extrémités de la terre par l’œuvre de ses disciples.

Ici, sur les hauteurs du Mont Nébo, la mémoire de Moïse nous invite à «lever les yeux» pour embrasser du regard avec gratitude non seulement la puissante œuvre accomplie par Dieu dans le passé, mais aussi pour regarder avec foi et espérance vers l’avenir qu’il nous offre, à nous-mêmes et au monde. Comme Moïse, nous aussi avons été appelés par notre nom, invités à entreprendre un exode quotidien du péché et de la servitude vers la vie et la liberté, et nous avons reçu une promesse irrévocable pour guider notre marche. Dans les eaux du Baptême, nous sommes passés de l’esclavage du péché à une vie nouvelle et à l’espérance. Dans la communion de l’Eglise, Corps du Christ, nous attendons de voir la cité céleste, la nouvelle Jérusalem, où Dieu sera tout en tous. Depuis cette sainte montagne, Moïse dirige notre regard vers le haut, vers l’accomplissement de toutes les promesses de Dieu, dans le Christ.

Moïse a contemplé de loin la Terre promise, au terme de son pèlerinage terrestre. Son exemple nous rappelle que nous avons part nous aussi à l’immémorial pèlerinage du peuple de Dieu à travers l’histoire. Dans les pas des prophètes, des apôtres et des saints, nous sommes appelés à poursuivre la mission du Seigneur, à rendre témoignage à la Bonne Nouvelle de la miséricorde et de l’amour universel de Dieu, et à œuvrer pour l’avènement du Royaume du Christ par notre charité, notre service des pauvres et nos efforts pour être levain de réconciliation, de pardon et de paix autour de nous. Nous savons nous aussi que, comme Moïse, nous ne verrons probablement pas le plein accomplissement du plan divin durant notre vie terrestre. Cependant, nous croyons qu’en assumant la petite part qui nous est confiée, dans la fidélité à la vocation que chacun de nous a reçue, nous aiderons à rendre droits les chemins du Seigneur et à accueillir l’aurore de son Royaume. Et nous savons que le Dieu qui a révélé son nom à Moïse comme le gage qu’il serait toujours à nos côtés (cf. Ex 3, 14) nous donnera la force de persévérer dans une espérance joyeuse même au milieu des souffrances, des épreuves et des tribulations.

Depuis les origines, les chrétiens sont venus en pèlerinage sur les lieux associés à l’histoire du peuple élu, aux événements de la vie du Christ et de l’Eglise naissante. Cette grande tradition, que mon présent voyage entend poursuivre et confirmer, est fondée sur le désir de voir, de toucher, de goûter dans la prière et la contemplation, les endroits bénis par la présence physique du Sauveur, de sa sainte Mère, des Apôtres et des premiers disciples qui l’ont vu relevé d’entre les morts. Ici, sur les pas des innombrables pèlerins qui nous ont précédés au cours des siècles, nous sommes provoqués à mesurer plus pleinement le don de notre foi et à grandir dans cette communion qui transcende toute frontière de langue, de race et de culture.

L’antique tradition du pèlerinage sur les lieux saints nous rappelle aussi le lien inséparable qui unit l’Eglise au peuple juif. Depuis le commencement, l’Eglise sur cette terre a commémoré dans sa liturgie les grandes figures des Patriarches et des Prophètes, comme un signe de sa conscience profonde de l’unité des deux Testaments. Puisse, aujourd’hui, notre rencontre nous inspirer un amour renouvelé pour les écrits de l’Ancien Testament et le désir de dépasser tous les obstacles à la réconciliation des Chrétiens et des Juifs dans le respect mutuel et la coopération au service de cette paix à laquelle la Parole de Dieu nous appelle!

Chers amis, rassemblés en ce lieu saint, que nos yeux et nos cœurs se tournent maintenant vers le Père. Alors que nous nous préparons à redire la prière que Jésus nous a enseignée, demandons-lui de hâter la venue de son royaume afin que nous puissions voir l’accomplissement de son plan de salut, et faire l’expérience, avec saint François et tous les pèlerins qui nous ont précédés marqués du signe de la foi, du don de l’indicible paix – pax et bonum – qui nous attend dans la Jérusalem céleste.

Université de Madaba (Jordanie) : Discours de Benoît XVI

Bénédiction de la première pierre

Nous publions ci-dessous le discours que le pape Benoît XVI a prononcé le samedi matin, 9 mai , à l’occasion de la bénédiction de la première pierre de l’Université du patriarcat latin, dans la ville de Madaba, en Jordanie.

Chers frères Evêques,
Chers amis,

C’est pour moi une grande joie de bénir cette pierre de fondation de l’Université de Madaba. Je remercie Sa Béatitude Mgr Fouad Twal, Patriarche latin de Jérusalem, pour ses aimables paroles de bienvenue. Je désire exprimer aussi ma particulière reconnaissance à Sa Béatitude le Patriarche émérite Michel Sabbah, à l’initiative et aux efforts duquel, joints à ceux de Mgr Salim Sayegh, cette nouvelle institution doit beaucoup. Je remercie également les autorités civiles, les Evêques, les prêtres, les religieux, les fidèles ainsi que toutes les personnes qui sont rassemblées pour cette importante cérémonie.

A juste raison, le Royaume de Jordanie a donné la priorité à la tâche de développer et de perfectionner l’éducation. Je n’ignore pas que dans ce noble objectif Sa Majesté la Reine Rania est spécialement impliquée et que son engagement est une source d’inspiration pour beaucoup. Alors que je salue les efforts des personnes de bonne volonté qui se consacrent à l’éducation, je relève avec satisfaction la participation compétente et culturellement qualifiée des institutions chrétiennes, spécialement catholiques et orthodoxes, dans cet effort général. C’est ce climat qui a poussé l’Eglise catholique, avec le soutien des autorités jordaniennes, à consacrer des efforts au développement de l’enseignement universitaire ici et ailleurs. Cette initiative répond aussi à la requête de nombreuses familles qui, heureuses de la formation donnée dans les écoles tenues par les autorités religieuses, souhaitent qu’une option analogue sur le plan universitaire soit offerte.

Je rends hommage aux promoteurs de cette nouvelle institution pour leur courageuse confiance qu’une bonne éducation est un point d’appui essentiel pour l’épanouissement personnel et pour la paix et le développement de la région. Dans ce contexte, l’Université de Madaba conservera sûrement à l’esprit trois objectifs importants.

En développant les talents et la noblesse de comportement des générations à venir d’étudiants, elle les préparera à servir une communauté plus large et à élever son niveau de vie.

En transmettant la connaissance et en diffusant chez les étudiants l’amour de la vérité, elle fortifiera puissamment leur adhésion aux valeurs authentiques et leur liberté personnelle.

Enfin, cette même formation intellectuelle aiguisera leur sens critique, dissipera ignorance et préjugés, et aidera à briser l’attrait exercé par des idéologies anciennes ou nouvelles.

Le résultat de ce processus est une université qui n’est pas seulement un lieu où se fortifie l’adhésion à la vérité et aux valeurs d’une culture donnée, mais un espace de dialogue et de compréhension. Tout en assimilant leur propre héritage, les jeunes jordaniens et les étudiants des pays voisins seront conduits à une connaissance plus profonde des réussites de l’humanité, seront enrichis par d’autres points de vue et formés à la compréhension, à la tolérance et à la paix.

Cette éducation «plus large», c’est ce que l’on attend des institutions d’enseignement supérieur et de leur environnement culturel, qu’il soit séculier ou religieux. En fait, croire en Dieu ne dispense pas de la recherche de la vérité; tout au contraire, cela l’encourage. Saint Paul exhortait les premiers chrétiens à ouvrir leur esprit à «tout ce qui est vrai et noble, tout ce qui est juste et pur, tout ce qui est digne d’être aimé et honoré, tout ce qui s’appelle vertu et mérite des éloges» (Ph 4, 8). Bien sûr, la religion, comme la science et la technologie, comme la philosophie et toutes les expressions de notre quête de la vérité, peut être corrompue. La religion est défigurée quand elle est mise au service de l’ignorance et du préjugé, du mépris, de la violence et des abus. Dans ce cas, nous ne constatons pas seulement une perversion de la religion mais aussi une corruption de la liberté humaine, une étroitesse et un aveuglement de l’esprit. Il est clair qu’une telle issue n’est pas inévitable. En effet, quand nous promouvons l’éducation, nous exprimons au contraire notre confiance dans le don de la liberté. Le cœur humain peut être endurci par les conditionnements du milieu environnant, par les intérêts et les passions. Mais toute personne est aussi appelée à la sagesse et à l’intégrité, au choix décisif et fondamental du bien sur le mal, de la vérité sur la malhonnêteté, et elle peut être aidée dans cette tâche.

L’appel à l’intégrité morale est perçu par la personne vraiment religieuse parce que le Dieu de la vérité, de l’amour et de la beauté, ne peut pas être servi d’une autre façon. Croire en Dieu de façon mûre est grandement utile à l’acquisition et à l’application même de la connaissance. Science et technologie offrent d’extraordinaires bienfaits à la société et ont grandement amélioré la qualité de vie des êtres humains. C’est là, sans aucun doute, une des espérances de ceux qui promeuvent cette Université dont la devise est Sapientia et Scientia. En même temps, la science a ses limites. Elle ne peut répondre à toutes les questions qui concernent l’homme et son existence. En effet, la personne humaine, sa place et son rôle dans l’univers, ne peuvent être circonscrits dans les limites de la science. «La nature raisonnable de la personne humaine trouve, et doit trouver, sa perfection dans la sagesse qui attire avec douceur l’esprit de l’homme à rechercher le vrai et le bien» (cf. Gaudium et Spes, n. 15). L’usage des connaissances scientifiques requiert la lumière de la sagesse éthique. Telle est la sagesse qui a inspiré le serment d’Hippocrate, ou la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, ou la Convention de Genève et d’autres louables Traités internationaux. De là, le fait que la sagesse éthique et religieuse, en répondant au questionnement du sens et des valeurs, joue un rôle central dans la formation professionnelle. En conséquence, les universités où la quête de la vérité est liée à la recherche de ce qui est bon et noble, offrent une contribution indispensable à la société.

Dans le prolongement de ces réflexions, j’encourage d’une façon particulière les étudiants chrétiens de Jordanie et des régions voisines, à se consacrer avec sérieux à une formation morale et professionnelle appropriée. Vous êtes appelés à être les bâtisseurs d’une société juste et pacifique composée de personnes de religions différentes et d’origines ethniques diverses. Ces réalités – je désire le souligner une fois de plus – doivent conduire, non à des oppositions, mais à un enrichissement mutuel. La mission et la vocation de l’Université de Madaba sont précisément de vous aider à participer plus pleinement à cette tâche.

Chers amis, je souhaite renouveler mes félicitations au Patriarche latin de Jérusalem et mes encouragements à tous ceux qui ont pris ce projet à cœur, ainsi qu’à tous ceux qui sont déjà engagés dans l’apostolat de l’enseignement dans ce pays. Que le Seigneur vous bénisse et vous soutienne! Je prie pour que votre rêve puisse devenir bientôt réalité, que vous puissiez voir des générations d’hommes et de femmes bien formés – chrétiens, musulmans et d’autres religions – prendre leur place dans la société, professionnellement aptes, compétents dans leur domaine et éduqués aux valeurs de sagesse, de tolérance et de paix. Sur vous et sur l’ensemble des futurs étudiants, professeurs et membres de l’administration de cette Université ainsi que sur leurs familles, j’invoque l’abondance des bénédictions du Dieu Tout-Puissant. Merci.

Visite à la mosquée de Amman : discours de Benoît XVI

Nous publions ci-dessous le texte du discours que le pape Benoît XVI a prononcé le samedi, 9 mai, en fin de matinée, à l’extérieur de la mosquée « Al-Hussein Bin Talal », à Amman, en présence des responsables religieux musulmans, du Corps diplomatique et des recteurs des universités de Jordanie. Le pape a prononcé son discours après la salutation du Prince Ghazi Bin Muhammed Bin Talal, un des signataires du Message adressé au pape et aux responsables chrétiens en octobre 2007 par 138 intellectuels musulmans pour promouvoir la paix dans le monde.

Altesse Royale,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

C’est une source de grande joie pour moi de vous rencontrer ce matin dans ce lieu magnifique. Je souhaite remercier le Prince Ghazi Ben Mohammed Ben Talal pour ses aimables paroles de bienvenue. Les nombreuses initiatives de Votre Altesse Royale en vue de promouvoir le dialogue interreligieux et interculturel sont appréciées par le peuple du Royaume hachémite et sont très largement reconnues par la communauté internationale. Je sais que ces efforts reçoivent le soutien actif des autres membres de la famille royale comme du Gouvernement de la Nation, et qu’elles trouvent un large écho à travers de nombreuses initiatives de collaboration parmi les Jordaniens. Pour tout cela, je désire exprimer ma sincère admiration.

Des lieux de culte, comme cette splendide Mosquée Al-Hussein Ben Talal du nom du révéré Roi défunt, se dressent comme des joyaux sur la surface de la terre. Les anciens comme les modernes, les plus splendides comme les plus humbles, tous ces édifices nous orientent vers le Divin, l’Unique transcendant, le Tout-Puissant. A travers les siècles, ces sanctuaires ont attiré des hommes et des femmes dans leur espace sacré pour qu’ils s’arrêtent, qu’ils prient, pour qu’ils reconnaissent la présence du Tout-Puissant et pour qu’ils confessent que nous sommes tous ses créatures.

Pour cette raison, nous ne pouvons pas manquer d’être interpellés par le fait qu’aujourd’hui, avec une insistance croissante, certains affirment que la religion faillit dans son ambition à être, par nature, constructrice d’unité et d’harmonie, à être une expression de la communion entre les personnes et avec Dieu. Certains soutiennent même que la religion est nécessairement une cause de division dans notre monde; et ils prétendent que moins d’attention est prêtée à la religion dans la sphère publique, mieux cela est. Certainement et malheureusement, l’existence de tensions et de divisions entre les membres des différentes traditions religieuses, ne peut être niée.

Cependant, ne convient-il pas de reconnaître aussi que c’est souvent la manipulation idéologique de la religion, parfois à des fins politiques, qui est le véritable catalyseur des tensions et des divisions et, parfois même, des violences dans la société?

Face à cette situation, où les opposants à la religion cherchent non seulement à réduire sa voix au silence, mais à la remplacer par la leur, la nécessité pour les croyants d’être cohérents avec leurs principes et leurs croyances est ressentie toujours plus vivement. Musulmans et chrétiens, précisément à cause du poids de leur histoire commune si souvent marquée par les incompréhensions, doivent aujourd’hui s’efforcer d’être connus et reconnus comme des adorateurs de Dieu fidèles à la prière, fermement décidés à observer et à vivre les commandements du Très Haut, miséricordieux et compatissant, cohérents dans le témoignage qu’ils rendent à tout ce qui est vrai et bon, et toujours conscients de l’origine commune et de la dignité de toute personne humaine, qui se trouve au sommet du dessein créateur de Dieu à l’égard du monde et de l’histoire. La détermination des éducateurs et des responsables civils et religieux jordaniens à s’assurer que le versant public de la religion reflète sa véritable nature, est digne d’éloge. L’exemple d’individus et de communautés, avec les cours et les programmes qui sont proposés, met en évidence la contribution positive de la religion dans les secteurs éducatif, culturel, social et caritatif de la société civile.

J’ai pu en avoir un exemple de première main.

Hier, j’ai été le témoin du travail renommé en matière d’éducation et de réhabilitation du Centre Notre Dame de la Paix, où chrétiens et musulmans transforment la vie de familles entières, en les assistant pour que leurs enfants handicapés puissent prendre leur juste place dans la société.

Plus tôt ce matin, j’ai béni la première pierre de l’Université de Madaba où de jeunes adultes chrétiens et musulmans bénéficieront côte à côte d’un enseignement universitaire, les rendant aptes à contribuer de façon appropriée au développement économique et social de leur nation.

Les nombreuses initiatives de dialogue interreligieux soutenues par la famille royale, par la communauté diplomatique, et parfois entrepris en coordination avec le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux sont aussi dignes d’éloge. Cela inclut le travail actuel accompli par l’Institut royal pour les Etudes interreligieuses et pour la Croyance islamique, le Message d’Amman de 2004, le Message interreligieux d’Amman de 2005 et, plus récemment, la lettre Common Word (Parole commune) qui faisait écho à un thème consonnant à celui de ma première Encyclique: le lien indissoluble entre l’amour de Dieu et l’amour du prochain, et la nature fondamentalement contradictoire de l’usage de la violence et de l’exclusion au nom de Dieu (cf. Deus caritas est, n.16).

De telles initiatives conduisent clairement à une meilleure connaissance réciproque, et elles favorisent un respect grandissant à la fois pour ce que nous avons en commun et pour ce que nous comprenons différemment. Ainsi, devraient-elles pousser les Chrétiens et les Musulmans à explorer toujours plus profondément la relation essentielle entre Dieu et ce monde de telle façon que nous puissions nous efforcer d’assurer que la société s’établisse en harmonie avec l’ordre divin. A cet égard, la coopération développée ici en Jordanie est une illustration exemplaire et encourageante pour la région, et même pour le monde, de la contribution positive et créatrice que la religion peut et doit apporter à la société civile.

Chers amis, je désire aujourd’hui mentionner une tâche dont j’ai parlé à de nombreuses reprises et dont je crois fermement que Chrétiens et Musulmans peuvent la prendre en charge, particulièrement à travers leurs contributions respectives à l’enseignement et à l’éducation ainsi qu’au service public. Il s’agit du défi de développer en vue du bien, en référence à la foi et à la vérité, le vaste potentiel de la raison humaine. Les Chrétiens parlent en effet de Dieu, parmi d’autres façons, en tant que Raison créatrice, qui ordonnes et gouverne le monde. Et Dieu nous rend capables de participer à sa raison et donc d’accomplir, en accord avec elle, ce qui est bon. Les Musulmans rendent un culte à Dieu, le Créateur du ciel et de la terre, qui a parlé à l’humanité. En tant que croyants au Dieu unique, nous savons que la raison humaine est elle-même un don de Dieu et qu’elle s’élève sur les cimes les plus hautes quand elle est éclairée par la lumière de la vérité divine. En fait, quand la raison humaine accepte humblement d’être purifiée par la foi, elle est loin d’en être affaiblie; mais elle en est plutôt renforcée pour résister à la présomption et pour dépasser ses propres limites. De cette façon, la raison humaine est stimulée à poursuivre le noble but de servir le genre humain, en traduisant nos aspirations communes les plus profondes et en élargissant le débat public, plutôt qu’en le manipulant ou en le confinant. Ainsi, l’adhésion authentique à la religion – loin de rendre étroits nos esprits – élargit-elle l’horizon de la compréhension humaine. Elle protège la société civile des excès de l’égo débridé qui tend à absolutiser le fini et à éclipser l’infini, elle assure que la liberté s’exerce «main dans la main» avec la vérité, et elle enrichit la culture avec des vues relatives à tout ce qui est vrai, bon et beau.

Cette manière de concevoir la raison, qui pousse continuellement l’esprit humain au-delà de lui-même dans la quête de l’Absolu, constitue un défi; elle oblige à la fois à l’espérance et à la prudence. Chrétiens et Musulmans sont poussés, ensemble, à rechercher tout ce qui est juste et vrai. Nous sommes liés pour dépasser nos propres intérêts et pour encourager les autres, les fonctionnaires et les responsables en particulier, à agir de même pour faire leur la profonde satisfaction de servir le bien commun, même s’il doit en coûter personnellement. N’oublions pas que parce que c’est notre commune dignité humaine qui donne naissance aux droits humains universels, ceux-ci valent également pour tout homme et toute femme, quelque soit sa religion et quelque soit le groupe ethnique ou social auquel il appartienne. A cet égard, nous devons noter que le droit à la liberté religieuse dépasse la seule question du culte et inclut le droit – spécialement pour les minorités – d’avoir accès au marché de l’emploi et aux autres sphères de la vie publique.

Avant de vous quitter, je voudrais ce matin mentionner de manière spéciale la présence parmi nous de Sa Béatitude Emmanuel iii Delly, Patriarche de Bagdad, que je salue chaleureusement. Sa présence me conduit à faire mémoire du peuple voisin, celui d’Iraq, dont de nombreux membres ont trouvé refuge ici en Jordanie. Les efforts de la communauté internationale pour promouvoir la paix et la réconciliation, conjugués à ceux des responsables locaux, doivent continuer afin de porter des fruits dans la vie des Iraquiens. Je souhaite exprimer ma reconnaissance à tous ceux qui sont engagés dans les efforts pour renouer la confiance et pour rebâtir les institutions et les infrastructures nécessaires au bien-être de ce pays. Et, une fois encore, j’invite avec insistance les diplomates et la communauté internationale qu’ils représentent, ainsi que les responsables politiques et religieux locaux, à faire tout ce qui est possible pour assurer à l’antique communauté chrétienne de cette noble terre ses droits fondamentaux à une cœxistence pacifique avec l’ensemble des autres citoyens.

Chers amis, je crois que les sentiments que j’ai exprimés aujourd’hui nous donnent une espérance renouvelée face à l’avenir. Notre amour et notre service devant le Tout Puissant s’expriment non seulement dans notre culte mais aussi dans notre amour et notre préoccupation pour les enfants et les jeunes – vos familles – et tous les Jordaniens. C’est pour eux que vous travaillez et ce sont eux qui motivent votre exigence de placer le bien de toute personne humaine au cœur des institutions, des lois et des travaux de la société. Puisse la raison, humble et ennoblie par la grandeur de la vérité de Dieu, continuer à modeler la vie et les institutions de ce pays, de telle sorte que les familles puissent prospérer et que tous puissent vivre en paix, en contribuant à la culture qui donne son unité à ce grand royaume et en la faisant grandir! Merci beaucoup!

Vêpres en la cathédrale grecque melkite de Amman : Homélie de Benoît XVI

Nous publions ci-dessous le texte de l’homélie que le pape Benoît XVI a prononcée le samedi, 9 mai,en fin d’après-midi, dans la cathédrale grecque melkite saint George, à Amman, en Jordanie, dans le cadre de son voyage en Terre sainte.

Chers Frères et Sœurs,

C’est pour moi une grande joie de célébrer les Vêpres avec vous ce soir dans la cathédrale grecque-melkite Saint-Georges. Je salue chaleureusement Sa Béatitude Grégorios III Laham, le Patriarche grec-melkite, qui de Damas nous a rejoints, l’Archevêque émérite Georges El-Murr et Mgr Yaser Ayyach, Archevêque de Pétra et de Philadelphie, que je remercie pour ses aimables paroles d’accueil et je lui adresse, en retour, mes sentiments respectueux. Je salue aussi les responsables des autres Eglises catholique orientales présents – Maronite, Syriaque, Arménienne, Chaldéenne et Latine. A vous tous, aux prêtres, aux religieuses et aux religieux, aux séminaristes et aux fidèles laïcs rassemblés ici ce soir, j’exprime mes sincères remerciements de m’avoir donné l’occasion de prier et de goûter un peu de la richesse de nos traditions liturgiques.

L’Eglise elle-même est un peuple de pèlerins; elle a été ainsi marquée, à travers les siècles, par des événements historiques déterminants et par des époques culturelles d’importance. Malheureusement, certaines ont parfois été accompagnées par des épisodes d’oppositions théologiques ou d’oppression. En revanche, d’autres ont été des moments de réconciliation – renforçant merveilleusement la communion de l’Eglise – et des temps de florissants renouveaux culturels auxquels les chrétiens de l’Orient ont largement contribué. Les Eglises particulières à l’intérieur de l’Eglise universelle manifestent le dynamisme de leur pèlerinage terrestre et offrent à tous les membres de la communauté des croyants un trésor de traditions spirituelles, liturgiques et ecclésiales qui fait ressortir la bonté universelle de Dieu et son désir, vérifié à travers l’histoire, de les introduire tous dans sa vie divine.

Le trésor antique et vivant des traditions des Eglises orientales enrichit l’Eglise universelle et ne devrait jamais être compris comme des réalités à préserver seulement. Tous les chrétiens sont appelés à répondre activement au commandement du Seigneur – comme saint Georges, d’après le souvenir populaire, le fit en des circonstances dramatiques – de conduire les autres à Le connaître et à L’aimer. Dans les faits, les vicissitudes de l’histoire ont fortifié les membres des Eglises particulières pour remplir ce devoir avec vigueur et se confronter résolument aux réalités pastorales de ce temps. La plupart d’entre vous possèdent des liens antiques avec le Patriarcat d’Antioche; vos communautés sont donc enracinées ici au Proche-Orient. Et, tout comme il y a tout juste deux mille ans, c’est à Antioche que les disciples furent pour la première fois appelés chrétiens, ainsi, aujourd’hui, en tant que petites minorités disséminées en communautés sur ces territoires, vous êtes également reconnus comme les disciples du Seigneur. La dimension publique de votre foi chrétienne ne se restreint pas à la sollicitude spirituelle que vous vous portez les uns aux autres et à votre peuple, aussi essentiel que cela soit. Mais au contraire, vos nombreuses entreprises inspirées par la charité universelle s’étendent à tous les Jordaniens – musulmans et personnes d’autres religions – ainsi qu’au grand nombre de réfugiés que ce Royaume accueille si généreusement.

Chers frères et sœurs, le premier Psaume (103) que nous avons proclamé ce soir nous présente par des images magnifiques de Dieu, la libéralité du Créateur, présent activement dans sa création, suscitant la vie par sa généreuse bonté et l’ordre de sa sagesse, toujours prêt à renouveler la face de la terre! Cependant, le passage de l’épître que nous venons d’entendre dresse une autre perspective. Il nous avertit, non pas de manière menaçante, mais réaliste, de la nécessité de demeurer vigilants, d’être attentifs aux forces du mal à l’œuvre dans notre monde et qui sont à l’origine des ténèbres (cf. Ep 6, 10-20). Certains pourraient être tentés de penser qu’il y a là une contradiction; en réfléchissant pourtant sur notre expérience humaine ordinaire, nous constatons un combat spirituel, nous prenons conscience du besoin quotidien de demeurer et de vivre dans la lumière du Christ, de choisir la vie, de rechercher la vérité. En effet, ce mouvement – tourner le dos au mal et se ceindre de la force du Seigneur – est ce que nous célébrons à chaque baptême, l’entrée dans la vie chrétienne, le premier pas dans la voie des disciples du Seigneur. Rappelant le baptême du Christ par Jean dans les eaux du Jourdain, l’assemblée prie pour que celui qui est baptisé soit arraché au royaume des ténèbres et placé dans la splendeur de la lumière du Royaume de Dieu et reçoive ainsi le don de la vie nouvelle.

La dynamique de ce mouvement qui va de la mort à la nouveauté de la vie, des ténèbres à la lumière, du désespoir à l’espérance, dont nous faisons l’expérience si fortement pendant le Triduum, et qui est célébré si joyeusement à Pâques, permet à l’Eglise elle-même de rester jeune. Elle est vivante parce que le Christ est vivant, vraiment ressuscité. Vivifiée par la présence de l’Esprit, elle parvient chaque jour à attirer des hommes et des femmes vers le Dieu vivant.

Chers Evêques, prêtres, religieuses et religieux et fidèles laïcs, vos rôles respectifs dans le service et la mission au sein de l’Eglise constituent la réponse inlassable d’un peuple de pèlerins. Vos rites liturgiques, votre discipline ecclésiastique et votre héritage spirituel sont un témoignage vivant de votre tradition ininterrompue. Vous donnez un écho plus ample à la première prédication de l’Evangile, vous ravivez la mémoire antique des œuvres du Seigneur, vous rendez présente sa grâce de salut et vous diffusez à nouveau les premières lueurs de la lumière de Pâques et les vibrantes flammes de la Pentecôte.

En ce sens, en imitant le Christ, ainsi que les patriarches et les prophètes de l’Ancien Testament, nous nous disposons à conduire le peuple du désert vers le lieu de la vie, vers le Seigneur qui nous donne la vie en abondance. Ceci marque l’ensemble de vos œuvres apostoliques, dont la variété et la dimension sont grandement appréciées. Des écoles maternelles jusqu’aux établissements d’enseignement supérieur, des orphelinats jusqu’aux foyers pour personnes âgées, du travail avec les réfugiés jusqu’aux académies de musique, aux cliniques et aux hôpitaux, aux initiatives culturelles et celles qui sont liées au dialogue interreligieux, votre présence dans cette société est un merveilleux signe de l’espérance qui nous définit comme chrétiens.

Cette espérance déborde le cadre de nos communautés chrétiennes. Souvent, vous constatez que les familles appartenant à d’autres religions, avec lesquelles vous travaillez et auxquelles vous offrez un service de charité, partagent des préoccupations et des soucis qui dépassent les frontières culturelles ou religieuses. Cela est particulièrement notable en ce qui concerne les espoirs et les aspirations des parents pour leurs enfants. Qui, en tant que parent ou personne de bonne volonté, pourrait ne pas être troublé par les influences néfastes si présentes dans notre monde globalisé, notamment les facteurs destructeurs présents dans l’industrie du divertissement qui exploite sans cœur l’innocence et la sensibilité des jeunes et des personnes vulnérables? Malgré tout, en gardant les yeux fermement fixés sur le Christ, lumière qui dissipe tout mal, qui restaure l’innocence perdue, qui abaisse l’orgueil du monde, vous pourrez avoir une vision magnifique d’espérance pour tous ceux que vous rencontrez et que vous servez.

Je voudrais conclure par une parole particulière d’encouragement à l’égard de ceux qui sont ici présents et qui sont en formation en vue de la prêtrise ou de la vie religieuse. Guidés par la lumière du Christ ressuscité, brûlant de son espérance, et revêtus de la vérité et de l’amour, votre témoignage portera d’abondantes bénédictions à ceux que vous rencontrerez le long du chemin. Et ceci vaut également pour vous tous jeunes chrétiens jordaniens: n’ayez pas peur d’offrir votre contribution sage, pondérée et respectueuse à la vie publique du Royaume. La voix authentique de la foi apporte toujours intégrité, justice, compassion et paix!

Chers amis, avec des sentiments de grand respect pour vous tous qui êtes rassemblés avec moi pour la prière vespérale, je vous remercie encore de vos prières pour mon ministère de successeur de Pierre et je vous assure, ainsi que tous ceux qui sont confiés à votre sollicitude pastorale, de mon souvenir pour vous dans ma prière quotidienne.

Messe au Stade de Amman (Jordanie) : Homélie de Benoît XVI

Nous publions ci-dessous l’homélie que le pape Benoît XVI a prononcée ce dimanche matin, 10 mai, lors de la grand messe qu’il a célébré au Stade international d’Amman, en Jordanie.

Chers frères et sœurs dans le Christ,

Je me réjouis que nous puissions célébrer cette Eucharistie ensemble au début de mon pèlerinage en Terre Sainte. Hier, depuis les hauteurs du Mont Nébo où je me tenais, je regardais avec attention cette terre magnifique, la terre de Moïse, d’Elie et de Jean le Baptiste, la terre où les antiques promesses de Dieu ont été accomplies par la venue du Messie, Jésus Notre Seigneur. Cette terre a été le témoin de sa prédication et de ses miracles, de sa mort et de sa résurrection, et de l’effusion de l’Esprit Saint sur l’Eglise, sacrement d’une humanité réconciliée et renouvelée. Alors que je considérais le mystère de la fidélité de Dieu, je priais pour que l’Eglise sur ces terres soit confirmée dans l’espérance et fortifiée dans son témoignage au Christ ressuscité, le Sauveur du genre humain. Vraiment, comme saint Pierre nous le dit dans la première lecture de ce jour, «son nom, donné aux hommes, est le seul qui puisse nous sauver» (Ac4, 12).

La joyeuse célébration du sacrifice eucharistique de ce jour exprime la riche diversité de l’Eglise catholique en Terre Sainte.

Je vous salue tous avec affection dans le Seigneur. Je remercie Sa Béatitude Fouad Twal, Patriarche latin de Jérusalem, pour ses aimables paroles d’accueil. Mes salutations s’adressent aussi aux nombreux jeunes des écoles catholiques qui apportent aujourd’hui tout leur enthousiasme à cette célébration eucharistique.

Dans l’Evangile que nous venons d’entendre, Jésus proclame: «Je suis le bon pasteur… qui donne sa vie pour ses brebis» (Jn 10, 11). En tant que Successeur de Pierre, à qui le Seigneur a confié le soin de son troupeau (cf. Jn 21, 15-17), j’ai longtemps attendu cette opportunité de me tenir devant vous comme un témoin du Sauveur ressuscité, et de vous encourager à persévérer dans la foi, l’espérance et la charité, dans la fidélité aux traditions antiques et à l’histoire édifiante du témoignage chrétien qui remonte au temps apostolique. La communauté catholique, ici, est profondément touchée par les difficultés et les incertitudes qui affectent tous les peuples du Moyen-Orient. Puissiez-vous ne jamais oublier la grande dignité qui vient de votre héritage chrétien, ou manquer de sentir la solidarité affectueuse de tous vos frères et sœurs de l’Eglise à travers le monde entier!

«Je suis le bon pasteur», nous dit le Seigneur, «je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent» (Jn 10, 14). Aujourd’hui, en Jordanie, nous célébrons la Journée mondiale de Prière pour les Vocations. Alors que nous méditons sur l’Evangile du Bon Pasteur, demandons au Seigneur d’ouvrir nos cœurs et nos esprits toujours plus pleinement pour entendre son appel. Véritablement, Jésus «nous connaît», plus profondément que nous ne nous connaissons nous-mêmes, et il a un dessein pour chacun de nous. Nous savons aussi que, quel que soit son appel, nous trouverons le bonheur et l’épanouissement; en effet, nous nous trouverons véritablement nous-mêmes (cf. Mt 10, 39). Aujourd’hui, j’invite les nombreux jeunes présents ici à considérer comment le Seigneur les appelle à le suivre et à construire son Eglise. Que ce soit dans le ministère sacerdotal, dans la vie consacrée ou dans le sacrement de mariage, Jésus a besoin de vous pour faire entendre sa voix et travailler à la croissance de son Royaume.

Dans la seconde lecture de ce jour, saint Jean nous invite à «penser à l’amour dont le Père nous a comblés» en faisant de nous ses enfants d’adoption dans le Christ. Entendre ces paroles devrait nous rendre reconnaissants pour l’expérience de l’amour du Père que nous avons faite dans nos familles, à travers l’amour de notre père et de notre mère, de nos grands-parents, de nos frères et sœurs. Pendant la célébration de l’Année de la Famille, l’Eglise en Terre Sainte a réfléchi sur la famille comme un mystère d’amour qui donne la vie, doué dans le dessein divin d’un appel et d’une mission propre: rayonner l’amour divin qui est la source et l’ultime accomplissement de tous les autres amours de nos vies. Que chaque famille chrétienne grandisse dans la fidélité à sa haute vocation pour être une véritable école de prière, où les enfants apprennent l’amour sincère de Dieu, où ils mûrissent par la maîtrise de soi et le souci du bien des autres, et où, modelés par la sagesse née de la foi, ils contribuent à construire une société toujours plus juste et fraternelle. Les fortes familles chrétiennes de ces contrées sont un legs précieux laissé par les générations précédentes. Puissent les familles d’aujourd’hui être fidèles à cet impressionnant héritage, et ne jamais manquer de l’assistance matérielle et morale dont elles ont besoin pour remplir leur rôle irremplaçable dans le service de la société!

Un aspect important de votre réflexion durant cette Année de la Famille a été consacré à la dignité particulière, à la vocation et à la mission des femmes dans le dessein de Dieu. Qui peut dire ce que l’Eglise ici présente doit au patient, aimant et fidèle témoignage d’innombrables mères chrétiennes, religieuses, enseignantes, médecins ou infirmières! Qui peut dire ce que votre société doit à toutes ces femmes qui, de différentes et parfois de très courageuses manières, ont consacré leurs vies à construire la paix et à promouvoir l’amour! Dès les premières pages de la Bible, nous voyons comment l’homme et la femme, créés à l’image de Dieu, sont destinés à se compléter l’un l’autre en tant qu’intendants des dons de Dieu et partenaires dans la communication du don qu’il fait de sa vie au monde, à la fois sur le plan biologique et spirituel. Malheureusement, cette dignité reçue de Dieu et ce rôle des femmes n’ont pas toujours été suffisamment compris et estimés. L’Eglise, et la société dans son ensemble, a commencé à saisir combien nous avons besoin de façon urgente de ce que le Pape Jean-Paul ii appelait le «charisme prophétique» des femmes (cf. Mulieris dignitatem, n.29) comme porteuses d’amour, enseignantes de la miséricorde et artisans de paix, apportant chaleur et humanité à un monde qui trop souvent juge la valeur des personnes d’après les froids critères de l’utilité et du profit. Par son témoignage public de respect vis-à-vis de la femme, et sa défense de la dignité innée de toute personne humaine, l’Eglise en Terre Sainte peut apporter une importante contribution au progrès d’une vraie culture humaniste et à la construction de la civilisation de l’amour.

Chers amis, revenons aux mots de Jésus dans l’Evangile d’aujourd’hui. Je crois qu’ils contiennent un message qui vous est particulièrement destiné, vous son fidèle troupeau sur ces terres où il vécut. «Le bon pasteur», nous dit-il, «donne sa vie pour ses brebis». Au commencement de cette messe, nous avons demandé au Père de «nous donner part à la force du courage du Christ notre berger», qui est demeuré ferme dans la fidélité à son Père (cf. Prière d’ouverture, Messe du quatrième dimanche de Pâques). Puisse le courage du Christ notre berger vous inspirer et vous soutenir chaque jour dans vos efforts pour rendre témoignage de la foi chrétienne et pour maintenir la présence de l’Eglise dans l’évolution du tissu social de ces terres si anciennes.

La fidélité à vos racines chrétiennes, la fidélité à la mission de l’Eglise en Terre Sainte réclament de chacun de vous un courage singulier: le courage de la conviction, née d’une foi personnelle, qui ne soit pas seulement une convention sociale ou une tradition familiale; le courage de dialoguer et de travailler aux côtés des autres chrétiens au service de l’Evangile et de la solidarité avec les pauvres, les personnes déplacées et les victimes des grandes tragédies humaines; le courage de construire de nouveaux ponts pour rendre possible la rencontre fructueuse des personnes de religions et de cultures différentes, et donc d’enrichir le tissu de la société. Cela signifie également rendre témoignage à l’amour qui nous porte à donner nos vies au service des autres, et ainsi à contrecarrer des manières de penser qui justifient qu’on puisse «prendre» des vies innocentes.

«Je suis le bon berger; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent» (Jn 10, 14). Réjouissez-vous que le Seigneur vous ait appelés par votre nom et ait fait de vous les membres de son troupeau. Suivez-le avec joie et laissez-le vous guider sur tous vos chemins en toute chose! Jésus sait à quels défis vous faites face, quelles épreuves vous endurez et le bien que vous faites en son nom. Faites-lui confiance, faites confiance à son amour inlassable pour chacun des membres de son troupeau, et persévérez dans le témoignage rendu au triomphe de cet amour. Puissent saint Jean-Baptiste, le patron de la Jordanie, et Marie, Vierge et Mère, vous encourager par leur exemple et leur prière, et vous conduire à la plénitude de la joie dans les pâturages éternels où nous ferons pour toujours l’expérience de la présence du Bon Pasteur et où nous connaîtrons pour toujours les profondeurs de son amour. Amen.

Discours de Benoît XVI sur le site du baptême de Jésus

Le pape bénit les premières pierres de deux églises

Nous publions ci-dessous le texte du discours que le pape Benoît XVI a prononcé le dimanche, 10 mai, en fin d’après-midi, après avoir visité le site du baptême de Jésus, à Béthanie, au-delà du Jourdain, en Jordanie, et après avoir béni les premières pierres des églises des latins et des grecs-melkites.

Votre Altesse,
Chers Frères Évêques,
Chers Amis,

C’est avec une grande joie spirituelle que je viens bénir les premières pierres de deux églises catholiques qui seront construites près du Jourdain, lieu marqué par de nombreux événements mémorables dans l’histoire biblique. Le prophète Élie, le Tisbite, provenait de cet endroit, peu éloigné du Nord de Galaad. Près d’ici, en face de Jéricho, les eaux du Jourdain s’ouvrirent devant Élie, qui fut enlevé par le Seigneur sur un char de feu (cf. 2 Rois 2, 9-12). Ici, l’Esprit du Seigneur appela Jean, le fils de Zacharie, à prêcher la conversion des cœurs. Jean l’Évangéliste situe également dans ce lieu la rencontre entre le Baptiste et Jésus, qui, à son Baptême, fut « oint » par l’Esprit de Dieu descendant sur Lui comme une colombe, et qui proclama le Fils bien-aimé du Père (cf. Jn 1, 28 ; Mc 1, 9-11).

J’ai eu l’honneur d’être reçu à cet important site par leurs Majestés le Roi Abdallah II et la Reine Rania. Je désire une fois encore exprimer ma reconnaissance sincère pour l’hospitalité chaleureuse dont ils ont fait preuve à mon égard durant ma visite au Royaume hachémite de Jordanie.

Je salue avec joie Sa Béatitude Grégoire III Laham, Patriarche d’Antioche de l’Église Grecque-Melkite. Je salue également avec affection Sa Béatitude Mgr Fouad Twal, Patriarche Latin de Jérusalem, et je le remercie de ses mots cordiaux de bienvenue. J’étends mes vœux les plus chaleureux à Sa Béatitude Michel Sabbah, aux Évêques auxiliaires présents, en particulier à Mgr Joseph Jules Zerey et à Mgr Salim Sayegh, ainsi qu’à tous les Évêques, prêtres, religieux et fidèles qui nous accompagnent aujourd’hui. Réjouissons-nous de savoir que ces deux édifices, un latin et un autre grec-melkite, serviront à construire, chacun selon les traditions de sa propre communauté, l’unique famille de Dieu.

La première pierre d’une église est un symbole du Christ.

L’Église repose sur le Christ ; elle est soutenue par lui et elle ne peut pas être séparée de lui. Il est l’unique fondement de toute communauté chrétienne, la pierre vivante, écartée par les bâtisseurs mais choisie et précieuse aux yeux de Dieu comme la pierre d’angle (cf. 1 P 2, 4-5, 7). Avec lui, nous aussi nous sommes des pierres vivantes construisant une maison spirituelle, une demeure pour Dieu (cf. Ep 2, 20-22 ; 1 P 2, 5). Saint Augustin aime se référer au mystère de l’Église comme au Christus totus, le Christ tout entier, signifiant la plénitude ou la totalité du Corps du Christ, Tête et membres. C’est la réalité de l’Église ; c’est le Christ et nous, le Christ avec nous. Il est avec nous comme la vigne avec ses propres sarments (cf. Jn 15, 1-8).

L’Église est, dans le Christ, une communauté de vie nouvelle, une réalité dynamique de grâce qui découle de lui. Par l’Église, il purifie nos cœurs, il illumine nos esprits, il nous unit avec le Père et, dans l’unique Esprit, il nous pousse à mettre en pratique chaque jour l’amour chrétien. Nous confessons cette joyeuse réalité en tant qu’Église Une, Sainte, Catholique et Apostolique.

Nous entrons dans l’Église par le Baptême. La mémoire du propre Baptême du Christ se présente de façon vivante à nous en ce lieu. Jésus s’est mis dans la file avec les pécheurs et il a accepté le Baptême de pénitence de Jean comme un signe prophétique de sa propre passion, mort et résurrection pour le pardon des péchés. Depuis, à travers les siècles, de nombreux pèlerins sont venus au Jourdain pour y chercher leur purification, renouveler leur foi et se rapprocher du Seigneur. Comme Éthérie qui, à la fin du 4e siècle, laissa le récit écrit de sa visite. Le sacrement du baptême, formellement institué après la mort et la résurrection du Christ, sera particulièrement cher aux communautés chrétiennes qui se rassembleront entre les murs des nouvelles églises. Que le Jourdain vous rappelle sans cesse que vous avez été lavés dans les eaux du baptême et que vous êtes devenus membres de la famille de Jésus. Vos vies, en conformité avec sa parole, ont été transformées à son image et à sa ressemblance. Alors que vous vous efforcez d’être fidèles à votre engagement baptismal de conversion, de témoignage et de mission, sachez que vous êtes fortifiés par le don de l’Esprit Saint.

Chers frères et sœurs, que la contemplation méditative de ces mystères vous enrichisse d’une joie spirituelle et d’une force morale. Avec l’Apôtre Paul, je vous encourage à grandir dans toute l’étendue des nobles attitudes contenues sous le nom bénie d’agape, l’amour chrétien (cf. 1 Co 13, 1-13). Favorisez le dialogue et la compréhension dans la société civile, spécialement lorsque vous revendiquez vos droits légitimes. Au Moyen-Orient, marqué par des souffrances tragiques, par des années de violence et de tensions non résolues, les Chrétiens sont appelés à offrir leur contribution, inspirée par l’exemple de Jésus, à la réconciliation et à la paix à travers le pardon et la générosité. Continuez à être reconnaissants envers ceux qui vous conduisent et vous servent fidèlement comme ministres du Christ. Vous faîtes bien d’accepter leur accompagnement dans la foi, sachant qu’en recevant l’enseignement des Apôtres qu’ils transmettent, vous accueillez le Christ et vous accueillez Celui qui l’envoie (cf. Mt 10, 40).

Mes chers frères et sœurs, nous allons maintenant bénir ces deux pierres, commencement de deux nouveaux édifices sacrés. Que le Seigneur soutienne, renforce et accroisse les communautés qui y pratiqueront leur culte. Et qu’il vous bénisse tous par le don de sa paix. Amen !

Benoît XVI quitte la Jordanie : Discours à l´aéroport de Amman

Nous publions ci-dessous le discours que le pape Benoît XVI a prononcé au moment de son départ de Jordanie, à l’aéroport Queen Alia de Amman, le lundi matin, 11 mai 2009

Majesté,
Excellences,
Chers Amis,

Alors que je me prépare à la prochaine étape de mon pèlerinage sur les lieux bibliques, je désire remercier chacun de vous pour l’accueil chaleureux que j’ai reçu en Jordanie au cours de ces derniers jours. Je remercie Sa Majesté le Roi Abdallah II de m’avoir invité à visiter le Royaume hachémite, de son hospitalité et de ses paroles cordiales. Je tiens également à exprimer ma reconnaissance pour l’immense effort qui a été fait pour rendre ma visite possible et assurer le bon déroulement des différentes rencontres et des célébrations qui ont eu lieu. Les autorités publiques, assistées d’un grand nombre de volontaires, ont travaillé longtemps et durement pour guider les foules et organiser les différents événements. La couverture médiatique a permis à d’innombrables personnes de suivre les célébrations même si elles ne pouvaient pas être physiquement présentes. Tout en remerciant ceux qui ont rendu cela possible, je souhaite aussi saluer de façon spéciale tous ceux qui écoutent la radio ou regardent la télévision, en particulier les malades et ceux qui ne peuvent sortir de chez eux.

Ce fut une joie particulière pour moi d’être présent au lancement d’un certain nombre d’initiatives importantes promues par la communauté catholique, ici en Jordanie. La nouvelle aile du Centre Regina Pacis ouvrira de nouvelles possibilités pour apporter l’espérance à ceux qui font face à des difficultés de toutes sortes et à leurs familles.

Les deux églises qui doivent être construites à Béthanie permettront à leurs communautés respectives d’accueillir les pèlerins et de stimuler la croissance spirituelle de tous ceux qui prieront dans ce lieu saint.

L’Université de Madaba a une contribution particulièrement importante à offrir à une communauté plus large, dans la formation de jeunes provenant de différentes traditions afin qu’ils acquièrent les compétences qui leur permettront de construire l’avenir de la société civile. A tous ceux qui sont impliqués dans ces projets, j’offre mes bons vœux et la promesse de mes prières.

L’un des points culminants de ces journées a été ma visite à la mosquée Al-Hussein Ben Talal, où j’ai eu le plaisir de rencontrer les Responsables religieux musulmans ainsi que les membres du Corps diplomatique et les Recteurs d’université.

Je voudrais encourager les Jordaniens, qu’ils soient chrétiens ou musulmans, à bâtir sur les fondements fermes de la tolérance religieuse qui permettent aux membres des différentes communautés de vivre ensemble dans la paix et le respect mutuel.

Sa Majesté le Roi a été particulièrement actif en favorisant le dialogue interreligieux, et je désire souligner combien son engagement à cet égard est apprécié. Je note aussi avec gratitude la considération particulière qu’il porte à la communauté chrétienne en Jordanie. Cet esprit d’ouverture aide non seulement, à court terme, les membres des différentes communautés ethniques à vivre ensemble dans ce pays en paix et en harmonie, mais il a favorisé aussi, à long terme, les initiatives politiques de la Jordanie en vue de réaliser la paix dans tout le Moyen-Orient.

Chers amis, comme vous le savez, c’est d’abord en tant que pèlerin et pasteur que je suis venu en Jordanie. Les expériences de ces jours qui resteront profondément gravées dans ma mémoire, sont donc mes visites aux lieux saints et les moments de prières que nous avons célébrés ensemble. Une nouvelle fois, je tiens à manifester combien l’Eglise entière apprécie le travail de ceux qui s’occupent des lieux de pèlerinage de ce pays, et je désire remercier également tous ceux qui ont contribué à la préparation des Vêpres de samedi chantées dans la cathédrale Saint Georges et de la Messe d’hier, célébrée au stade international. Ce fut une vraie joie pour moi de vivre ces célébrations pascales avec les fidèles catholiques provenant de différentes traditions, unis dans la communion ecclésiale et dans le témoignage rendu au Christ. Je les encourage tous à rester fidèles à l’engagement de leur Baptême, se souvenant que le Christ lui-même a reçu le Baptême par Jean dans les eaux du Jourdain.

En vous quittant, je désire que vous sachiez que je continue de porter dans mon cœur le peuple du Royaume hachémite et tous ceux qui vivent dans cette région. Je prie afin que vous puissiez jouir de la paix et de la prospérité maintenant et pour les générations à avenir. Une nouvelle fois merci et que Dieu vous bénisse !

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