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MAIS POURQUOI TANT D’IGNORANCE

MAIS POURQUOI TANT D’IGNORANCE

publié dans regards sur le monde le 15 avril 2010


« Paix liturgique » épingle Mgr Vingt-Trois.

MAIS POURQUOI TANT D’IGNORANCE

CHEZ LE CARDINAL DE PARIS ?

 

Dans un livre récent* (mars 2010) sorti dans l’indifférence générale, ont été publiés divers entretiens dans lesquels le Cardinal Vingt Trois a bien voulu livrer sa pensée sur un certains nombre de sujets. Nous nous faisons un devoir de faire de la publicité pour ce livre, spécialement pour les quelques pages, dans lesquelles le Cardinal résume sa pensée – osera-t-on dire son idéologie ? – avec un mépris rageur et confondant, sur la question de ce que le journaliste appelle les « intégrismes »

Voici le texte des pages 208 à 211 que nous reproduisons « In extenso ».

QUE PENSEZ-VOUS DES INTÉGRISTES ?

 

Les intégrismes sont un phénomène permanent et commun à toutes les religions. Dans la situation française – et c’est une particularité -, le mouvement d’intégrisme catholique est indissociable d’une histoire de la pensée et de la vie publique qui remonte à la première moitié du XXè siècle. Avec l’Action Française s’est élaborée une conception de l’État et du rôle de la religion dans l’État telle que Charles Maurras l’avait imaginée, où la religion est considérée comme un soutien du fonctionnement de l’État, indépendamment des croyances que l’ont peut avoir. Donc ce n’était pas la foi qui définissait la place de la religion, mais son rôle dans la société. En caricaturant à peine, on pourrait dire que Maurras était partisan du catholicisme, sauf de son contenu.



 

Et cette tradition philosophique politique fut pour une bonne part – à quelques notables exceptions près – associée au régime de Vichy, puis réinvestie plus tard par certains partisans de l’Algérie française. Nous avons une longue tradition de combats politiques dans lesquels l’attachement à une forme de la vie de l’Église était indissociable du militantisme politique.

 

Là-dessus est venue se greffer la résistance de Mgr Lefebvre au concile Vatican II, son incapacité à reconnaître l’autorité du concile.

 

Il s’est placé en détenteur de la vérité face à ceux qui ne l’avaient pas. Il ne s’agissait pas simplement de contester des votes acquis à l’unanimité moins quelques voix, mais d’un désaccord sur des conceptions fondamentales de la liberté humaine, sur la relation de l’homme avec Dieu et l’exercice de la liberté de conscience.

 

Ce mouvement, qui s’est manifesté de façon privilégiée dans des polémiques sur la liturgie, est en fait porteur d’une controverse beaucoup plus profonde, comme l’ont montré d’ailleurs les épisodes récents. Je me réfère aux décrets de Jean-Paul II et de Benoît XVI visant à libéraliser les usages liturgiques, qui ont fait encore mieux ressortir que, pour un certain nombre, la question liturgique était relative, sinon secondaire.

 

La question fondamentale est assez simple : est-on dans la communion de l’Église avec le pape et les évêques, ou est-on dans une « contre-Église » qui veut juger le pape et les évêques ? 

 

À part cela, un nombre important de gens de bonne foi ne connaissent pas ce débat de fond, et n’y participent pas. Ils se déterminent sur des signes extérieurs : à savoir si on dit la messe tourné vers les fidèles ou non, ou si on la dit en latin ou en français. Ce sont des gens de bonne foi qui profondément ne veulent pas se détacher de l’Église. Ils ne voient pas ou ne savent pas qu’il y a un arrière-fond à ce qu’on leur propose.

 

Le pape Benoît XVI a mis en route un processus pour libéraliser la pratique liturgique. Ce qui s’est fait, avec des tensions ici ou là. Globalement, sa décision a permis d’accueillir plus largement une demande liturgique différente. Plus profondément, il a dévoilé le véritable enjeu et mis en place les conditions d’un dialogue théologique.

 

De la part du pape, nous connaissons la limite de ce dialogue : la reconnaissance pleine et entière du concile Vatican II. De la part des intégristes, ce que l’on entend le plus souvent, c’est le désir de ramener Rome à la vérité. Ce sont les positions de départ.

 

Le ministère du pape est par définition un ministère d’unité. Il est normal qu’il se dépense pour éviter de laisser se cristalliser une fracture et de lui donner une pérennité de plusieurs siècles. Qu’il réussisse, ce que je souhaite, demandera infiniment de temps et surtout le désir intérieur de faire l’unité.

 

RESSENTEZ-VOUS DE LA VIOLENCE CHEZ LES INTÉGRISTES ?

 

Je perçois chez certains une irascibilité et parfois des mouvements violents, au moins verbalement. Je ne crois pas qu’il y ait une violence physique. C’est plus une violence de l’esprit, intellectuelle, une espèce d’attachement irrationnel à des positions définies et une grande difficulté à accepter d’entrer dans une relation de dialogue.

 

En étant modeste, 60% de Français se réclament du catholicisme, soit trente-six millions de personnes. À combien peut-on estimer le nombre de ceux qui sont résolument attachés à un mouvement intégriste ?



 

Personnellement, j’interprète cela plus comme l’expression d’une détresse d’un certain nombre de gens qui n’arrivent pas à penser leur situation dans le monde actuel et qui ont besoin d’être reconnus par leur Église pour s’assurer une certaine sécurité mentale et humaine.

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LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE

 

Charmant, n’est-ce pas ? Ce texte est extrêmement intéressant puisqu’il résume en quelques pages les préjugés du Cardinal archevêque de Paris et explique de manière lumineuse les raisons de son opposition viscérale au Motu Proprio de Benoît XVI.

 

Le cardinal Lustiger n’aimait pas, lui non plus, les traditionalistes de tous poils, mais pas au point de déverser en si peu de mots tant de mépris. Il est vrai que son successeur doit gérer l’effondrement de l’Église de France et la montée en puissance des communautés nouvelles (L’Emmanuel) et des traditionalistes. Lorsque Jean-Marie Lustiger devint curé de Sainte-Jeanne-de-Chantal, en 1969, il eut comme vicaire André Vingt-Trois, qui devint tout de suite l’alter ego, le conseiller le plus écouté, qui restera pratiquement durant 30 ans à ses côtés (sauf l’épiscopat de Jean-Marie Lustiger à Orléans), jusqu’à la promotion d’André Vingt-Trois à l’archevêché de Tours, en 1999, nécessaire pour le faire accéder au siège de Paris le jour venu. Professeur de théologie morale à Issy-les-Moulineaux durant sept ans, il y avait alors une réputation d’homme relativement « avancé ». Dès le retour de Jean-Marie Lustiger à Paris comme archevêque, en 1981, il devint immédiatement vicaire général. En 1988, à 46 ans, il est fait évêque auxiliaire. Il sera le plus parfait des seconds pour le charismatique cardinal. Le cardinal Lustiger s’était retiré à la Maison Marie-Thérèse où Chateaubriand écrivait ses Mémoires d’outre-tombe. André Vingt-Trois est comme les Mémoires d’outre-tombe de Jean-Marie Lustiger. Sans le style Chateaubriand. Ni Lustiger.

 

1/ Des propos malintentionnés

 

A l’heure du Motu Proprio il eut été du rôle du Cardinal archevêque de Paris de nuancer l’appellation peu reluisante « d’intégrismes » pour aborder la question des fidèles attachés à la forme extraordinaire du rite romain. Comme le disait le Cardinal Lucas Moreira Neves, défunt primat du Brésil, ancien préfet de la Congrégation pour les Evêques « les étiquettes, c’est pour les insectes… ». Cette globalisation (le cardinal devrait savoir que 80% au moins des familles qui participent aux pèlerinages de Chartres, celui de Chrétienté et celui de la FSSPX, ne sont pas des traditionalistes historiques) est d’autant plus surprenante de la part du Cardinal qu’il ne cesse partout ailleurs dans ce livre d’expliquer qu’il faut traiter avec nuances les gens (féministes, personnes homosexuelles…) et qu’il convient de voir au cas par cas. Toujours accorder l’a priori favorable, conformément à la morale catholique… sauf avec les catholiques traditionnels en somme…

 

Par ailleurs, en expliquant sans nuance que l’intégrisme est « un phénomène commun à toutes les religions », le Cardinal ne fait rien d’autre que ce que font régulièrement les journalistes qui veulent s’en prendre à l’Eglise, à Benoît XVI et aux fidèles attachés à la forme extraordinaire du rite romain : Intégrisme = terrorisme = messe en latin = adeptes du Temple Solaire… FSSP, Saint Nicolas du Chardonnet = Ben Laden. Reductio ad Al Qaida !

 

2/ Des propos sans nuance

 

Dès les premières lignes, on est frappé par l’absence de nuance et la définition magistérielle et infaillible que dresse le Cardinal des fidèles attachés à la forme extraordinaire du rite romain : ils sont comme-ci, ils viennent de là, ils veulent cela. Fermez le banc ! Ne sommes nous pas en droit d’attendre de la part d’un Cardinal Archevêque de Paris, Président de la Conférence des évêques de France, un peu plus de hauteur, un peu plus de connaissance de son sujet que n’aurait un jeune adolescent exalté ?

 

3/ Des propos anachroniques

 

« Action Française », « Charles Maurras », « régime de Vichy », « Algérie française »… ? Le Cardinal Vingt Trois se prend pour le Cardinal Lustiger et semble en tous les cas se complaire dans les caricatures du passé. Son propos en est d’autant décrédibilisé. Des dizaines de jeunes gens (nés dans les années 1980/90) entrent actuellement dans les séminaires attachés à la forme extraordinaire du rite romain ? La faute à Maurras et à Pétain bien sûr ! Un texte fait pour l’Eglise universelle, un attachement aux livres liturgiques traditionnels à travers le monde ? Le Cardinal vous le dit : des maurrassiens ! Les centaines de Franciscains de l’Immaculée qui ont fait le choix des livres liturgiques traditionnels ? Des pétainistes on vous dit !

 

Tout ceci n’est ni sérieux ni crédible. Si le Cardinal Lustiger a pu – à son époque – se tromper de bonne foi et se persuader de cette vision politique de la liturgie, une telle posture n’est plus possible en 2010. Le monde change, les lignes bougent. Le Cardinal archevêque de Paris dans son palais épiscopal ne s’en rend pas compte. Il sait. Il enseigne. Les faits lui donnent tort ? Mais quels faits ? Quels fidèles ?…

 

4/ Des propos qui entretiennent la confusion

 

Pour le cardinal de Paris, les partisans de la messe traditionnelle sont tous des rebelles (= FSSPX, dont on rappelle au cardinal que le Pape a levé les excommunications qui pesaient sur les évêques depuis le 21 janvier 2009). Qui plus est, en 1970 déjà, avant la fondation d’Ecône, les « silencieux de l’Eglise », aujourd’hui des sondages multiples réalisés dans l’espace et dans le temps, nous indiquent que les catholiques qui souhaitent vivre leur foi au rythme de cette liturgie représentent environ 1/3 des catholiques pratiquants des paroisses alors qu’elle est méconnue de la plupart des catholiques. Enfin, lorsqu’il est allé demander secrètement en janvier dernier une condamnation du cardinal Levada des demandeurs du Motu Proprio, ce ne sont pas des « rebelles » que vise le Président de la CEF.

 

5/ Des propos blessants

 

Les femmes et les hommes qui assistent déjà à la célébration de la forme extraordinaire du rite romain, ceux beaucoup plus nombreux qui souhaiteraient le faire s’ils en avaient la possibilité (1/3 des pratiquants) ne sont pas des malades qui ont besoin « d’être reconnus par leur Église pour s’assurer une certaine sécurité mentale et humaine »…

 

Ce ne sont pas des autistes « qui n’arrivent pas à penser leur situation dans le monde actuel » et ils ont même – paraît il – une âme à sauver !

 

Ce ne sont pas des hôpitaux psychiatriques à la mode soviétique dont ces centaines de milliers de fidèles ont besoin mais de la mise en œuvre du Motu Proprio de Benoît XVI dans leurs paroisses.
Prendre des personnes à ce point pour des imbéciles au motif qu’elles ont fait des choix liturgiques différents n’est pas l’attitude que l’on attend d’un pasteur. Il y a quelques décennies Martin Luther King demandait que d’abord l’on respecte la minorité noire … ne serait-il pas temps aujourd’hui que les fidèles qui sont attachés à la forme extraordinaire de la liturgie latine demandent à leur tour d’être respectés et plus seulement traités au mieux pour des imbéciles au pire pour des extrémistes politiques ? Un tiers des catholiques pratiquants seraient des « extrémistes » ? Un sur trois des assistants à la messe du dimanche devant lesquels prêche le cardinal seraient des « maurrassiens » ?

 

6/ Des propos d’auto satisfecit indécents

 

Non, il n’est pas possible d’affirmer que le Motu proprio du Pape « a permis d’accueillir plus largement une demande liturgique différente ». L’objectif n’est pas atteint et le Cardinal doit bien savoir qu’il y a encore 13 diocèses où il n’y a pas une seule célébration dominicale dans la forme extraordinaire et en parfaite communion avec le saint Siège et que la plupart des célébrations qui ont été accordées l’ont été dans des conditions telles que l’expérience soit un échec (célébrations non hebdomadaires, horaires non familiaux, lieux inappropriés et peu pratiques, prêtres mal intentionnés…).
Le Cardinal le sait d’autant mieux que dans son propre diocèse de Paris, 35 groupes sollicitent en vain dans leurs propres paroisses l’application du Motu Proprio.

 

Conclusion

 

La réconciliation entre catholiques n’est pas une matière à option. Pour cela, il y a une très grande urgence à mieux se connaître, à se parler, à rejeter les caricatures, à ré-apprendre à vivre ensemble malgré les différences. Une fois écartés les calomnies et les coups bas, peut-être pourra-t-on demander au Président de la Conférence épiscopale d’écouter honnêtement la demande et d’y répondre autrement que par le mépris ou la calomnie…

PAIX LITURGIQUE Lettre 225 – 10 avril 2010

http://www.paixliturgique.com/

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