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Une rectification doctrinale exemplaire par Benoît XVI

Une rectification doctrinale exemplaire par Benoît XVI

publié dans nouvelles de chrétienté le 18 juillet 2010


Dans Présent du Samedi 17 juillet 2010, on lit cet excellent et très important article de M l’abbé Barthe:

Une rectification doctrinale exemplaire
La propitiation dans la définition de la messe

L’effacement de l’affirmation du caractère propitiatoire du sacrifice de la messe (la messe est un sacrifice réitérant le sacrifice de la Croix, offert pour la réparation des péchés) est l’un des principaux dommages qu’ait subi la prédication de l’Eglise depuis le dernier concile. Cet affaiblissement doctrinal s’est traduit dans la nouvelle liturgie : parmi ses carences, celle-ci est assurément la plus impressionnante ; elle se manifeste spécialement par la suppression de l’offertoire sacrificiel, au retour duquel je consacrerai un prochain article.

Le présent article s’appuie, avec son aimable autorisation, sur une longue note de l’abbé Grégoire Célier dans la Lettre à nos frères prêtres de juin 2010 : « Retour sur la propitiation » (pp. 3-4). Grégoire Célier fait état d’une étonnante et très heureuse modification intervenue entre la première édition du Catéchisme de l’Eglise catholique, en 1992 (1), et l’édition de 1997 (2). Cette modification lourde de sens concerne le n°1367 du CEC.

Pour la bien comprendre, il faut revenir à l’une des définitions les plus célèbres du Concile de Trente, au chapitre II du décret sur le sacrifice de la messe, 22e session du concile (Dz 1743) : « Parce que, dans ce divin sacrifice qui s’accomplit à la messe, ce même Christ est contenu et immolé de manière non sanglante, lui qui s’est offert une fois pour toutes de manière sanglante sur l’autel de la Croix, le saint concile enseigne que ce sacrifice est vraiment propitiatoire, et que par lui il se fait que, si nous nous approchons de Dieu avec un cœur sincère et une foi droite, avec crainte et respect, contrits et pénitents, nous obtenons miséricorde et nous trouvons la grâce d’un secours opportun (He 4, 16). Apaisé par l’oblation de ce sacrifice, le Seigneur, en accordant la grâce et le don de la pénitence, remet les crimes et les péchés, même ceux qui sont énormes. C’est en effet une seule et même victime, c’est le même qui, s’offrant maintenant par le ministère des prêtres, s’est offert alors lui-même sur la Croix, la manière de s’offrir étant seule différente. Les fruits de cette oblation – celle qui est sanglante – sont reçus abondamment par le moyen de cette oblation non sanglante ; tant il s’en faut que celle-ci ne fasse en aucune façon tort à celle-là. C’est pourquoi, conformément à la tradition des apôtres, elle est légitimement offerte, non seulement pour les péchés, les peines, les satisfactions et les autres besoins des fidèles vivants, mais aussi pour ceux qui sont morts dans le Christ et ne sont pas encore pleinement purifiés. »

Dans sa première édition, celle de 1992, le CEC dit en son n°1367 : « Le sacrifice du Christ et le sacrifice de l’Eucharistie sont un unique sacrifice : “C’est une seule et même victime, c’est le même qui offre maintenant par le ministère des prêtres, qui s’est offert lui-même alors sur la Croix. Seule la manière d’offrir diffère” : “Dans ce divin sacrifice qui s’accomplit à la messe, ce même Christ qui s’est offert lui-même une fois de manière sanglante sur l’autel de la Croix, est contenu et immolé de manière non sanglante” ». Référence donc est faite à la définition du Concile de Trente, mais, comme on le voit, la citation sectionne la phrase citée en lui enlevant son caractère de conclusion (« Parce que,… ») et surtout, elle omet l’affirmation finale : « … ce sacrifice est vraiment propitiatoire ».

Il faut savoir qu’après la première édition du CEC un certain nombre de points comme celui-ci, généralement de moindre importance, ont ému des théologiens qui ont adressé leurs respectueuses et constructives critiques à la Congrégation pour la doctrine de la foi, laquelle en a tenu compte pour l’établissement d’une deuxième édition (3).

Ici, nous intéresse la rédaction nouvelle du n°1367 dans l’édition de 1997 (1998, pour l’édition française) : « Le sacrifice du Christ et le sacrifice de l’Eucharistie sont un unique sacrifice : “C’est une seule et même victime, c’est le même qui offre maintenant par le ministère des prêtres, qui s’est offert lui-même alors sur la Croix. Seule la manière d’offrir diffère” : “Et puisque dans ce divin sacrifice qui s’accomplit à la messe, ce même Christ qui s’est offert lui-même une fois de manière sanglante sur l’autel de la Croix, est contenu et immolé de manière non sanglante, ce sacrifice est vraiment propitiatoire” ». Référence, cette fois parfaitement justifiée, à la définition du Concile de Trente (Dz 1743), puisque le CEC en cite la substance.

On peut certes regretter que le Concile de Trente ne soit pas davantage mis à profit pour expliquer aux lecteurs du CEC ce qu’est la propitiation, ce qui aurait pu se faire tout simplement par une citation complète du bref chapitre II consacré à cette question, mais on doit constater que la mention de cette doctrine a été clairement rétablie. Assurément, d’autres catéchismes postérieurs au Concile de Trente, comme le Catéchisme romain (4) et le Catéchisme de Saint Pie X (5), sont nettement plus explicites sur ce sujet (« donner la satisfaction due pour nos péchés, soulager les âmes du purgatoire »). Peut-être n’aurait-il pas été inutile non plus que le CEC fasse allusion à la dernière précision magistérielle intervenue à propos de l’essence du sacrifice eucharistique, « vrai sacrifice au sens propre », dans l’encyclique Mediator Dei de Pie XII, de 1947 (6). Il demeure que, grâce à cette heureuse correction du texte du CEC, l’essentiel est préservé.

Mais au total, on peut constater qu’on est passé, jusqu’à présent, depuis Vatican II, par trois périodes :

— D’abord, sans que nullement le dernier concile ne le dise, il a existé une véritable vacatio de l’enseignement catéchétique romain. La crise de la catéchèse dans tous les pays du monde a fait des dégâts dont les conséquences sont incalculables pour les générations à venir.

— Ce silence a été assez notablement comblé en 1992, près de trente ans après, par la première édition du Catéchisme de l’Eglise catholique, mais sans qu’on puisse vraiment donner à cet ouvrage le statut plénier et l’autorité de ses prédécesseurs.

— En effet, cinq ans après, l’édition de 1997 (1998 en français) a, entre autres, corrigé très opportunément l’oubli conséquent qui fait l’objet du présent article. Dès lors, quel statut intrinsèque ou respectif ont chacune des deux éditions ? Les deux éditions latines sont dites « textes typiques », c’est-à-dire « modèles » pour les autres éditions, et il ne paraît pas que la seconde abolisse la première. Un peu comme en matière liturgique, où la proclamation de la non-abolition de la « forme extraordinaire » fait qu’elle coexiste désormais avec la « forme ordinaire », le rappel de la non-abolition de la doctrine traditionnelle de la propitiation fait coexister l’expression de cette doctrine avec l’absence de sa formulation. Il y a, si l’on veut, une « doctrine extraordinaire », jamais abolie, et une « doctrine ordinaire ».

Cette configuration sous mode de « concurrence » d’un processus doctrinal de retour (la liturgie est aussi doctrine) semble donc caractéristique de la marche continue et progressive – une transition ai-je dit par ailleurs –, conduite hier par le cardinal Ratzinger, aujourd’hui par le pape Benoît XVI, vers la conclusion d’une période historique postconciliaire, qu’on pourrait qualifier en évoquant Vattimo, d’« enseignement faible ».

Abbé Claude Barthe

(1) Edition française, Plon/Mame/Librairie Editrice Vaticane, traduction sur le texte typique latin, Libreria Editrice Vaticana, 1992.

(2) Edition française, Centurion/Cerf/Fleurus-Mame/ Librairie Editrice Vaticane, 1998, traduction sur le texte typique latin, Libreria Editrice Vaticana, 1997.

(3) Par exemple, cette précision introduite dans le n°1471 :

— 1e rédaction : « “L’indulgence est partielle ou plénière, selon qu’elle libère partiellement ou totalement de la peine temporelle due pour le péché.” Les indulgences peuvent être appliquées aux vivants et aux défunts. »

— 2e rédaction : « “L’indulgence est partielle ou plénière, selon qu’elle libère partiellement ou totalement de la peine temporelle due pour le péché.” “Tout fidèle peut gagner des indulgences pour soi-même ou les appliquer aux défunts”. »

(4) « Les choses étant ainsi, il faut sans aucune hésitation enseigner avec le saint Concile que l’auguste Sacrifice de la Messe n’est pas seulement un Sacrifice de louanges et d’actions de grâces, ni un simple mémorial de celui qui a été offert sur la Croix, mais encore un vrai Sacrifice de propitiation, pour apaiser Dieu et nous le rendre favorable. Si donc nous immolons et si nous offrons cette victime très sainte avec un cœur pur, une Foi vive et une douleur profonde de nos péchés, nous obtiendrons infailliblement miséricorde de la part du Seigneur, et le secours de sa Grâce dans tous nos besoins. Le parfum qui s’exhale de ce Sacrifice lui est si agréable qu’Il nous accorde les dons de la grâce et du repentir, et qu’Il pardonne nos péchés. Aussi, l’Eglise dit-elle dans une de ses Prières solennelles : « Chaque fois que nous renouvelons la célébration de ce sacrifice, nous opérons l’œuvre de notre salut. » [Secrète du 9e dimanche après la Pentecôte] Car tous les mérites si abondants de la Victime sanglante se répandent sur nous par ce Sacrifice non sanglant » (Catéchisme du Concile de Trente, Itinéraires/Dominique Martin Morin, 1969).

(5) « Pour quelles fins offre-t-on le sacrifice de la messe ? On offre à Dieu le sacrifice de la sainte Messe pour quatre fins : […] 3° Pour l’apaiser, lui donner la satisfaction due pour nos péchés, soulager les âmes du purgatoire, et à ce point de vue le sacrifice est propitiatoire » (Catéchisme de Saint Pie X, Itinéraires/Dominique Martin Morin, 1969).

(6) « Le sacrifice de l’autel n’est pas une pure et simple commémoration des souffrances et de la mort de Jésus-Christ, mais un vrai sacrifice, au sens propre, dans lequel par une immolation non sanglante, le Souverain Prêtre fait ce qu’il a déjà fait sur la Croix en s’offrant lui-même au Père éternel comme une hostie très agréable. […] En effet par la “transsubstantiation” du pain en Corps et du vin en Sang du Christ, son Corps ainsi que son Sang sont réellement présents, et les espèces eucharistiques sous lesquelles il est présent figurent la séparation du Corps et du Sang. C’est pourquoi la présentation en mémorial de sa mort qui s’est produite réellement au Calvaire est renouvelée dans les différents sacrifices de l’autel, lorsque par des signes clairs le Christ Jésus est signifié et montré dans l’état de victime ».

Article extrait du n° 7137
du Samedi 17 juillet 2010

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