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Hugues kéraly:Une question à Marine Le Pen

publié dans flash infos le 10 mars 2011


Dans « Sedcontra » du jeudi 10 mars, Huges Kéraly rappelle le problème fondamental du droit naturel en matière politique. Je ne peux qu’encourager la lecture d’un tel dossier.

Une question à Marine Le Pen

 

Au fond, la seule question que les catholiques de France devraient poser aujourd’hui aux candidats déclarés de la prochaine Présidentielle se résume à ceci : – « Si vous êtes élu, acceptez-vous oui ou non, quelles que soient vos convictions religieuses personnelles, de nous aider à restaurer le Décalogue (autrement dit la loi naturelle) comme loi fondamentale de notre société ? » LIRE LA SUITE

Cette question que plus personne ne pose aujourd’hui, même dans les journaux catholiques, il se trouve que je l’ai posée moi-même à Jean Marie Le Pen avant que notre chère Marine n’ait atteint l’âge de raison : c’était pour la revue Itinéraires, en 1977 !

Voici donc les réponses – précieusement instructives – qu’y apportait alors le fondateur et premier Président du Front National, Jean-Marie Le Pen. Je suggère simplement aux militants catholiques du Front de reposer aujourd’hui la question à Marine, entre deux yeux, pour voir si les positions du FN ont changées, sur le seul engagement électoral qui nous importe au regard de la Foi.
Demandez-lui discrètement rendez-vous, si vous la connaissez. Puis soyez cohérents, soyez explicites et surtout courageux. Car si Marine est jeune, vive et tenace, elle est aussi intelligente : vous avez les moyens de la faire évoluer… Il n’y va pas seulement ici d’une question ou d’une objection de conscience imposée par notre baptême chrétien : il y va de la France, il y va de sa prospérité et de sa paix sociale, il y va de l’avenir de nos propres enfants !
Hugues Kéraly

PETITS EXTRAITS DE L’ENQUÊTE POLITIQUE
MENÉE PAR LA REVUE ITINÉRAIRES
“Avant les élections de mars 1978” (n° 219 de janvier 1978)

Finalité et méthodologie de l’enquête menée au 4ème trimestre de l’année 1977
Nous avons effectué une enquête auprès des partis qui vont solliciter nos suffrages au nom de l’anti-communisme et du barrage contre la gauche.

Voici selon quelles méthodes cette enquête a été conduite :
1° Nous avons posé non pas les questions que tout le monde pose, mais les questions qui sont les nôtres.
2° L’enquête a été orale. Les questions avaient été com­muniquées à l’avance. Nous avons demandé et obtenu, dans chaque parti, un interlocuteur dont les réponses engageaient officiellement le parti.
3° La transcription écrite des réponses orales, établie par Hugues Kéraly et Zita de Lussy, a été soumise à nos interlocuteurs pour véri­fication et révision avant la publication. Nos propres com­mentaires en sont nettement séparés.
4° Les mêmes questions ont été posées à tous les partis.

A/ Réponses de Jean-Marie Le Pen pour le Front National

1. – Réponse à la question sur l’ interdiction des trois formes principales d’incitation politique à la luxure (information sexuelle à l’école, propagande pour la contraception et liberté de l’avortement) :
J.-M. LE P. – Je crois que tout ce qui touche à ces matières qui ne sont pas purement physiques ou physio­logiques mais qui touche à l’âme des êtres ne gagne pas à être laissé totalement libre ; et je ne pense pas que ni le sentiment, ni l’intelligence, ni l’harmonie aient gagné beaucoup à l’exhibitionnisme scolaire.
L’homme a un corps qu’il doit respecter et connaître. Ceci me paraît être à la fois du domaine de l’éducation familiale et médi­cale. Cependant il peut exister, à mon avis, des organismes qui peuvent être consultés valablement par les gens qui désirent avoir sur ces matières des éclaircissements. Autre­ment dit je ne crois pas que tout va bien aussi quand on ne fait rien et quand on fait confiance à la nature. Je ne suis pas rousseauiste.
Mais d’un autre côté, je crois qu’une des conséquences, en particulier, de l’éducation sexuelle à l’école a été de dépoétiser, de réduire l’amour à son aspect purement physiologique, ce qui est singulièrement scléro­sant et appauvrissant. Il est évident que la puissance publi­que, l’État, a aussi le devoir de ne pas laisser pervertir les esprits et les cœurs en ce qui touche la morale natu­relle et que l’agression qui est faite aux esprits par la publicité et la pornographie est incontestablement condam­nable.

2. – Réponse à la question sur la restauration du Décalogue comme loi fondamentale de l’État :
J.-M. LE P. – Personnellement, je ne vois aucun incon­vénient à ce que le Décalogue, qui exprime d’ailleurs une morale naturelle, soit le fondement de l’État. Cependant, il implique une reconnaissance de la divinité et, en ce sens, comme nous sommes dans un État laïque et qu’il y a un certain nombre de gens qui ne croient pas en Dieu, il me paraît difficile de fonder l’État moderne sur cette affirma­tion. Vous comprenez ce que je veux dire. Personnelle­ment cela ne me gênerait pas qu’il en soit ainsi.

Observations d’Hugues Kéraly :
UN PEU HORS-SUJET TOUT DE MÊME, me semble-t-il, les réponses du Front National sur les formes d’incitation politique à la luxure : la question de « l’information sexuelle » à l’école est ici subtilement poétisée ; celles de la propagande pour la contraception et de l’avortement, délicatement écartées. Ces trois points appelaient des prises de position beaucoup plus nettes : pour ou contre. Jean-Marie Le Pen, une fois n’est pas coutume, réplique ici comme M. Jobert : ailleurs.
LE DÉCALOGUE. – « Il me paraît difficile de fonder l’État moderne sur cette affirmation. » Pourquoi l’État moderne ? L’Espagne de Franco qui fut un grand pays moderne et c’est encore celle de Juan Carlos aux jours du couronnement, inscrit officiellement dans sa Constitution (« comme une marque d’honneur ») son attachement à la loi de Dieu, c’est-à-dire aux dix Commandements ; sans parler de ce que l’on peut lire dans les proclamations les plus solennelles du parlement d’Angleterre ou du sénat des États-Unis d’Amérique… Jamais, en aucun lieu, en aucun temps, la présence de citoyens agnostiques ne fut un obstacle à la reconnaissance des droits supérieurs de la divinité par les dépositaires du pouvoir civil dans l’État. – Jean-Marie Le Pen voulait sans doute parler ici de l’État « démocratique », au sens politico-moral défini plus haut, qui s’est acquis chez nous les privilèges d’une vérita­ble religion, en guerre ouverte contre les droits de Dieu.

A NOS LECTEURS :

Pour en savoir plus et lire les 86 pages de cette passionnante
ENQUÊTE POLITIQUE MENÉE PAR LA REVUE ITINÉRAIRES
(“Avant les élections de mars 1978”, n° 219 de janvier 1978), VOIR IN FINE !

A/ Réponses aux mêmes questions, par les autres partis
.
Réponses de M. André Diligent pour le C.D.S.
(Centre des Démocrates Sociaux)

1. – Réponse de ce parti politique à la question sur l’ interdiction des trois formes principales d’incitation politique à la luxure (information sexuelle à l’école, propagande pour la contraception et liberté de l’avortement) :
A. D. – En ce qui concerne l’avortement, sur le plan purement personnel, j’ai écrit que c’était un problème d’ordre métaphysique et que si j’avais été parlementaire, je n’aurais fias voté la loi. Mais je conçois que d’autres aient des opinions différentes et je m’incline devant la loi même si je m’efforce d’en atténuer les effets. Quant à l’éducation sexuelle, je crois qu’il faudrait d’abord faire celle des parents. Je ne sais pas s’il est préférable qu’elle soit faite à l’école ; c’est bien plutôt à la famille de s’en charger. Cela doit être fait avec beaucoup de respect de l’enfant. Il est certain, en tous cas, qu’on est passé d’un excès à l’autre en une génération. Toute éducation sexuelle véritable doit être placée dans la dimension de l’amour et non sur le plan de la physiologie.

2. – Réponse du même parti politique sur la restauration du Décalogue comme loi fondamentale de l’État :
A. D. – Non, je ne vois pas comment un État peut obliger les gens à croire en Dieu. Je crois que c’est une erreur de compromettre l’Évangile dans la politique. Le Christ n’est pas mort sur la croix pour servir d’enseigne à un parti politique et d’autre part, je ne conçois pas un État qui ne soit pas pluraliste sur ce plan-là, au nom justement de la dignité de la personne humaine. Je crois beaucoup plus à la force du témoignage. Je crois à la force des convictions lorsqu’elles sont vécues authentiquement. La foi en Dieu ne se commande pas par la loi des hommes.

Observations d’Hugues Kéraly :
LA DÉMOCRATIE SOUVERAINE CONTRE LES DROITS DE L’ENFANT. –Le secrétaire général du C.D.S. repousse avec force l’idée que les droits de chacun soient dépendants de la « volonté générale », mais il s’incline aussitôt devant les répercussions parlementaires d’une simple campagne, menée par les puissances fabricatrices d’opinion, quand il s’agit de la loi sur l’avortement… que sa conscience lui aurait interdit de voter ! Faut-il comprendre que les droits de l’enfant à naître, et le « mystère », et l’ « essence extraordinaire » de sa nature, ne font pas partie pour M. Diligent des grands principes humanitaires affirmés plus haut, supérieurs à tous les caprices de l’humaine volonté ? que les droits élémentaires de la nature et de la vie même innocente ne comptent plus pour rien, dès qu’on a prononcé le mot de Parlement ou de démocratie ?
L’ÉVANGILE DU C.D.S. – « Je crois que c’est une erreur de compromettre l’Évangile dans la politique. Le Christ n’est pas mort sur la croix pour servir d’enseigne à un parti politique. » Est-ce à dire que le Christ est mort sur la croix pour abolir la loi donnée par son Père à Moïse, et à travers lui à toute l’humanité ?
Observations de Jean Madiran :
Je rappelle que les réponses à cette enquête sont les réponses officielles des partis aux questions posées. La réponse officielle du C.D.S. sur le décalogue est d’une confusion fort peu ori­ginale, mais navrante pour tous ceux (nous n’en sommes pas) qui considèrent la personne ou le parti de M. Lecanuet comme animés par une inspiration chrétienne. Ils ne savent même pas ce qu’est le décalogue. Et ils ne se demandent apparemment pas quelle peut être la valeur d’un État sans loi morale.

Réponses de M. Jean Romanetti pour le C. N. I.
(Centre National des Indépendants et Paysans)

1. – Réponse de ce parti politique à la question sur l’ interdiction des trois formes principales d’incitation politique à la luxure (information sexuelle à l’école, propagande pour la contraception et liberté de l’avortement) :
J. R. –Je vous réponds par une seule phrase : hostilité totale. Hostilité totale à l’égard de ce que dénonce la question. Nous sommes hostiles, résolument hostiles, à tout cet étalage de pornographie. Hostiles à la propagande pour la contraception.
H. K. – Et à la liberté de l’avortement ?
J. R. – Nous étions contre l’avortement, tous nos députés ont voté contre la loi.
H. K. – L’information sexuelle à l’école ?
J. R. – Contre aussi, l’étude des sciences naturelles doit suffire à l’instruction des enfants dans ce domaine.
H. K. – Peut-on alors vous demander si votre parti aura une action en ce sens au cours de la prochaine législature ?
J. R. – Certainement. Et au cours de la campagne électorale, nos candidats diront quelles sont les idées que nous professons dans tous ces domaines.

2. – Réponse du même parti politique sur la restauration du Décalogue comme loi fondamentale de l’État :
J. R. – Vous voulez dire les dix commandements ?
H. K. – C’est cela.
J. R. – Les dix commandements donnés à Moïse ?
H. K. – Mais oui.
J. R. – Dans la loi constitutionnelle… non, franche­ment, je ne les vois pas. Je ne prétends pas que nos cons­titutions soient parfaites, mais il faut s’en tenir à la règle des lois écrites telles que nous les connaissons.

Observations d’Hugues Kéraly :
OUI MAIS… –Impossible de faire dire nettement au porte-parole du C.N.I. si les droits de l’homme sont fondés sur la « volonté générale », au sens de la Déclara­tion de 89. C’est tantôt non mais si : « non un suffrage qui viendrait des personnes mais une certaine conception de la liberté… (issue) des grands principes de 89 », tantôt si mais non : « Si, mais à partir des concepts qui sont du domaine public, etc. » La dialectique du oui mais giscardien atteint ici des proportions quasiment hégeliennes, qui pro­pulsent la réponse du C.N.I. au-delà des capacités ordinaires du jugement. Il est tout de même inquiétant que sur une question aussi grave – le droit est-il l’expression d’une nature des choses ou de la volonté des gens ? –, l’homme politique ne puisse apporter aucune réponse précise au simple citoyen.
UN POINT D’ACCORD TOTAL AVEC LE C.N.I. – L’hostilité totale du C.N.I. à l’égard des trois formes « d’incitation politique à la luxure », dans les termes mêmes où les dé­nonce notre question, constitue une position courageuse, unique, inattendue, à marquer d’une pierre blanche dans les résultats de cette enquête. Cet accord ne change rien aux réserves exprimées dans les cinq points précédents. Il est évident qu’il y ajoute beaucoup.

Réponses de M. Alfred Coste-Floret pour la Démocratie Chrétienne

1. – Réponse de ce parti politique à la question sur l’ interdiction des trois formes principales d’incitation politique à la luxure (information sexuelle à l’école, propagande pour la contraception et liberté de l’avortement) :
A. C.-F. – Nous sommes tout à fait contre l’incitation à la luxure qui consiste à accepter une propagande massive pour la contraception, et bien entendu – c’est en toutes lettres dans notre programme – contre la liberté de l’avortement ; la loi qui donne à la femme la possibilité d’avorter pendant les trois premiers mois de sa grossesse est contraire au respect de la vie, elle doit par conséquent être modifiée. Par contre, sur l’information sexuelle, je serai plus nuancé : il s’agit bien entendu de la faire d’une façon discrète et appropriée, et non comme à Vincennes où nous avons eu de véritables scandales ; mais je crois qu’une information sexuelle mesurée, à l’école, est né­cessaire. Naturellement, il faut que cette information sexuelle soit contrôlée, d’abord par l’État, et aussi par les associations de parents d’élèves, pour éviter les excès et les abus.

2. – Réponse du même parti politique sur la restauration du Décalogue comme loi fondamentale de l’État :
A. C.-F. – C’est tout à fait l’avis de notre mouvement de se référer aux principes moraux du Décalogue. Nous nous référons à la morale chrétienne, et donc aux principes qui sont inscrits dans le Décalogue. Il ne s’ait pas de faire de l’Église ni même du Décalogue un principe ou une religion d’État, mais la référence aux principes et à la morale affirmés dans la loi chrétienne nous paraît absolu­ment nécessaire en face de la société permissive où nous vivons

Observations d’Hugues Kéraly :
L’ACCORD TOTAL, PARTIEL OU NUANCÉ DE LA « DÉMO­CRATIE CHRÉTIENNE » sur trois de nos quatre points est naturellement à prendre en considération. De tous les hommes politiques que j’ai rencontrés, M. Alfred Coste-Floret est pratiquement le seul à y avoir répondu sur-le-champ sans aucun embarras : la formule d’incitation politique à la luxure a pour lui un sens, et l’irruption du DÉCALOGUE dans une interview politique ne le voit pas sursauter, comme s’il s’agissait là d’une inconvenance ca­ractérisée.
Observations de Jean Madiran :
A. – Pas de chance. Le parti qui déclare que la politique doit se référer à une philosophie morale est aussi celui qui se meut à l’intérieur d’un brouillard philo­sophique à couper au couteau. Il se réclame de la philosophie chrétienne, il se réclame simultanément de son contraire, la déclaration de 1789 qu’il « adopte intégralement ». Les catholiques, évêques socialistes et politiques démocrates chrétiens en tête, igno­rent que l’Église, pour des motifs impérieux de philosophie chrétienne, et même de théologie, a condamné la déclaration de 1789. Condamnation qui n’a pas été rapportée, et qui ne peut pas l’être.

Réponses de Mme Claire Lippus pour le Mouvement des Démocrates

1. – Réponse de ce parti politique à la question sur l’ interdiction des trois formes principales d’incitation politique à la luxure (information sexuelle à l’école, propagande pour la contraception et liberté de l’avortement) :
C. L. – J’aurais du mal à vous répondre pour le mou­vement. Je sais qu’il y a énormément de différence entre nous tous. Ma position, qui est celle de plusieurs personnes dans le mouvement, est là encore une affaire de liberté. C’est-à-dire que les gens ne seront soumis à ces propagan­des et à ces incitations que s’ils sont faibles. Donc le moyen de les empêcher d’y tomber est de leur donner le moyen d’être responsables. En ce qui concerne l’avorte­ment, mon point de vue personnel est que la loi qui a été abrogée récemment ne pouvait plus rester telle qu’elle était. Il fallait nécessairement la changer et il était inconcevable de continuer à traiter l’avortement comme un délit dans le monde actuel. C’est évidemment loin d’être une solution suffisante. Cette mesure doit être accompagnée d’une poli­tique familiale.

2. – Réponse du même parti politique sur la restauration du Décalogue comme loi fondamentale de l’État :
C. L. – Ce serait difficile à faire admettre dans l’état de la société actuelle. Cela me paraît d’un autre ordre que celui de l’État. En outre, il s’agit de valeurs relatives, pro­pres à la société judéo-chrétienne qui ne représente qu’une petite partie du monde.
(Sans commentaires)

Réponses de M. Roland Gaucher pour le P. F. N.
(Parti des Forces Nouvelles)

1. – Réponse de ce parti politique à la question sur l’ interdiction des trois formes principales d’incitation politique à la luxure (information sexuelle à l’école, propagande pour la contraception et liberté de l’avortement) :
R. G. – Ne soyons pas excessifs. On ne peut pas fon­der une propagande politique sur un thème comme celui-là. Jean Royer avait insisté là-dessus d’une manière quel­que peu exagérée, ce qui l’a finalement desservi. Bien sûr, nous devons nous opposer à l’invasion de la pornographie. Dans certains secteurs, à mon sens, une censure devient indispensable pour protéger les jeunes…
H. K. – Pardonnez-moi de vous interrompre, mais vous êtes en train de développer votre philosophie de la ques­tion, et nous attendons toujours de savoir la position de votre parti sur : l’information sexuelle à l’école, la propa­gande pour la contraception et la liberté de l’avortement.
R. G. – Notre parti n’a pas de position arrêtée sur chacun de ces points. En mon nom personnel, je puis vous dire que l’information sexuelle à l’école me paraît souvent nuisible. Celle-ci serait bien mieux faite au sein des famil­les : il y a là un droit fondamental qui me paraît souvent bafoué. – En ce qui concerne la contraception, l’Église en autorise certaines formes, et je ne vois pas pourquoi on ne ferait pas de propagande pour elles.
Quant à l’avortement, cette question a été discutée au premier con­grès du Parti des Forces Nouvelles, qui s’est prononcé contre la loi sur l’avortement votée par l’Assemblée, mais en faveur de l’interruption de grossesse dans un nombre limité de cas, comme celui d’une malformation probable du fœtus. Pour ma part, avec François Brigneau, j’ai voté contre cette résolution et nous nous battrons à l’intérieur du parti pour la faire supprimer.

2. – Réponse du même parti politique sur la restauration du Décalogue comme loi fondamentale de l’État :
R. G. – Cela me paraît difficile. Cette loi relève de la conscience individuelle propre à chaque individu. Et puis, comment revenir sur la séparation de l’Église et de l’État ?
Bien sûr, si nous regardons le premier commandement de la seconde table : « Honorez votre père et votre mère », on peut le concevoir comme une défense de la famille. Mais le second de la première table : « Vous ne prendrez point en vain le nom du Seigneur votre Dieu » ? Va-t-on infliger une amende à tous les chauffeurs de taxi qui jurent dans les embouteillages ?

Observations d’Hugues Kéraly :
« EN CE QUI CONCERNE LA CONTRACEPTION, l’Église en autorise certaines formes, et je ne vois pas pourquoi on ne ferait pas de propagande pour elles. » – Voilà sans doute une manière comme une autre d’esquiver la ques­tion. Mais qui n’abusera personne. Où Roland Gaucher a-t-il vu qu’un organisme quel qu’il soit, qu’une autorité pédagogique ou médicale quelconque fasse de la propa­gande aujourd’hui, si ce n’est en faveur précisément des méthodes artificielles de limitation des naissances condam­nées par le magistère de l’Église ?
Observations de Jean Madiran :
Les réponses officielles que nous avons ob­tenues ici sont particulièrement décevantes. Nous sommes tombés sur un mauvais jour. Et peut-être aussi avec les questions qu’il ne fallait pas poser à un parti philosophiquement miné, de l’intérieur, par une tendance carrément anti-chrétienne qui a également une sape au Front National. La philosophie politique du P.F.N., précisément, plus encore que courte, apparaît étrangement paralysée par cette conjoncture interne. Ce qui néanmoins n’excuse guère de pren­dre le décalogue pour une réalité confessionnelle ou cléricale qui serait écartée de la politique par la séparation de l’Église et de l’État.

Réponses de M. J.-Th Nordmann pour le Parti Radical

1. – Réponse de ce parti politique à la question sur l’ interdiction des trois formes principales d’incitation politique à la luxure (information sexuelle à l’école, propagande pour la contraception et liberté de l’avortement) :
J.-Th. N. – Propagande pour la contraception ? Je ne sais pas si le terme de « propagande » est celui qui con­viendrait. Nous sommes pour l’information sexuelle et pour l’information sur la contraception. Ce sont d’ailleurs des radicaux qui ont œuvré pour cette information. Et nous avons soutenu sans réserves la loi Veil.

2. – Réponse du même parti politique sur la restauration du Décalogue comme loi fondamentale de l’État :
J.-Th. N. – Non. Pas du tout. Nous sommes laïcs. L’idée d’établir le Décalogue comme loi fondamentale de l’État ne nous a jamais effleurés et apparaît très loin de nos préoccupations. Bien entendu, cela ne veut pas dire que nous soyons contre chacune des prescriptions de ce texte, mais le Décalogue n’est pas une référence à laquelle nous sommes sensibles en tant que telle.
(Sans commentaires)

Réponses de M. Dominique Bussereau pour le Parti Républicain

1. – Réponse de ce parti politique à la question sur l’ interdiction des trois formes principales d’incitation politique à la luxure (information sexuelle à l’école, propagande pour la contraception et liberté de l’avortement) :
D. B. – Information sexuelle à l’école, oui. Propagande pour la contraception, oui. Interruption de grossesse, oui. Le tout pour des raisons de justice sociale. Dans une société où l’information sexuelle n’est pas répandue, où la propa­gande en faveur de l’interruption de grossesse et en faveur de la limitation des naissances n’est pas faite, ce sont les classes les plus favorisées qui profitent et les moins favo­risées qui recourent à l’interruption de grossesse. Nous sommes pour l’interruption de grossesse comme dernier point mais nous ne le souhaitons pas pour des raisons religieuses, morales et philosophiques.

2. – Réponse du même parti politique sur la restauration du Décalogue comme loi fondamentale de l’État :
D. B. – Nous croyons que la politique consiste à se mettre au service des autres. Donc, je crois que ceux qui sont engagés dans l’action politique ont un sens altruiste et qu’ils sont décidés à mettre leurs convictions, leurs capacités personnelles au service de la société pour la faire progresser vers plus de justice et de liberté. Sans enfermer notre action dans des principes très précis, nous ne conce­vons l’action politique que placés dans une certaine morale avec une certaine conception de la société et de l’homme, ce qui signifie une certaine valeur religieuse et philoso­phique. Je voudrais simplement vous dire que pour nous, jeunes, engagés dans l’action politique, il ne s’agit pas d’un métier, d’une possibilité de carrière, il s’agit d’un engagement et donc d’une morale. Il y a un fondement moral à l’action politique. En ce qui me concerne je suis chrétien, catholique, pratiquant, militant et donc il est évident que ma foi catholique motive en particulier mon engagement politique.

Observations de Jean Madiran :
Un jeune catholique, qui se déclare (même quand on ne le lui demande pas) catholique pratiquant et militant, c’est très bien. Qu’il occupe sans aucun trouble de conscience (et même, semble-t-il, sans aucune perplexité intellectuelle) un poste diri­geant dans un parti qui croit et professe que la déclaration de 1789 est « la meilleure formulation possible d’un idéal de li­berté et de justice » ; qui se propose de « donner un contenu concret aux idéaux révolutionnaires de 1789 » ; que lui-même se déclare partisan de « la propagande en faveur de l’inter­ruption de grossesse et en faveur de la limitation des naissan­ces » ; voilà bien un exemple saisissant de confusion mentale, d’aveuglement moral, de désorientation ; voilà bien le giscar­disme.

Réponses de M. Jérôme Monod pour le R.P.R.
(Rassemblement pour la République)

1. – Réponse de ce parti politique à la question sur l’ interdiction des trois formes principales d’incitation politique à la luxure (information sexuelle à l’école, propagande pour la contraception et liberté de l’avortement) :
JÉRÔME MONOD. – Le R.P.R. regrette que la politique familiale ait commencé, depuis 1974, par des mesures qui mettent en suspicion la famille elle-même, des mesures qui attaquent la cellule familiale dans ce qu’elle a de forces vitales, affectives, morales. Nous estimons qu’il aurait fallu définir une politique familiale beaucoup plus positive, audacieuse, orientée en particulier vers la famille de trois en­fants.
2. – Réponse du même parti politique sur la restauration du Décalogue comme loi fondamentale de l’État :
JÉRÔME MONOD. – Une des expressions de la démocratie et de la République, c’est d’avoir rigoureusement séparé ce qui appartient à la religion et ce qui appartient à l’État. On ne peut revenir sur cette séparation ; c’est même l’un des apports décisifs du christianisme, de parachever la tradition d’Antigone – celle des lois non écrites de la conscience – sur la distinction du spirituel et du temporel. Mais le Décalogue est une affaire de conscience individuelle, de choix personnel, et l’organisation de notre société de liberté et de responsabilité est faite pour que rien ne mette obstacle aux convictions intimes et à la liberté de conscience de chaque individu. La phrase célèbre de l’Évangile (« Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ») signifie qu’en l’homme tout n’appartient pas à l’État, qu’il y a en lui une part irréductible qui échappe au fameux Léviathan de Hobbes, et que par ailleurs la politique est autonome dans son ordre.
 

Observations de Jean Madiran :

« RENDEZ À CÉSAR… » – Si l’Écriture sainte n’est qu’une fable, il faut faire à ceux qui la prennent au sérieux la simple justice de ne pas s’en mêler ; si on en cite ne fût-ce qu’une parole, avec le désir de convaincre ceux qui y croient, il faut prendre sur soi tout ce que dit cette parole, et dans le sens où cette parole le dit. Le Décalogue fait partie de l’Écriture sainte. Comme son nom l’indique, il n’est pas, il ne peut pas être une « affaire de conscience individuelle » et de « choix personnel ». Parmi toutes les vérités de foi ou d’expérience qui le confirment, nous trouvons justement cette phrase de Jésus-Christ que le R.P.R. allègue dans sa réponse à notre quatrième point : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. » La phrase est à l’impératif ; cela signifie qu’elle constitue elle-même un commandement du Seigneur ; et ce commandement n’a aucun sens, s’il n’implique pas aussi et d’abord pour chacun d’entre nous, César compris, l’ob­servation des Dix Commandements.
H. K.

Remarques générales de Jean Madiran

 

A. – Sur l’incitation officielle à la débauche
L’originalité politique la plus certaine de la présidence giscardienne est une invention qui, dans les États civilisés, est absolument sans précédent : la « permissivité » sexuelle officiellement établie et imposée par la loi.
C’est une véritable nouveauté ; la seule, sans doute, de ce règne funeste ; en tous cas la plus formidable. Partout et toujours, en effet, toutes les civilisations ont estimé que des règles et limites s’imposent obligatoirement à ce que l’on nomme aujourd’hui l’activité sexuelle. On s’est souvent trompé au cours de l’histoire sur l’exacte nature de ces limites et de ces règles ; souvent ces règles, ces limites ont été peu ou mal respectées en fait.
Mais l’idée inouïe, monstrueuse, pour la première fois officiellement établie, est qu’il ne doit plus y avoir en la matière ni limites sociales ni règles morales. Ce n’est pas que l’État giscardien tolère simplement cette permissivité, ou que seulement il y consente ; non ; il y travaille, il l’impose, et par exemple il interdit aux parents, par la loi, d’empê­cher la distribution de la pilule, de son mode d’emploi et de l’invitation à l’employer, à leurs fillettes mineures. La réalité de l’officielle information sexuelle, doublée de la non moins officielle propagande pour la contraception, consiste à inciter les enfants à la luxure et à leur en enseigner les moyens.
De tout temps il y a eu des gens pour pervertir à leur usage l’enfance et la jeunesse ; il y a eu aussi des souve­rains pour en donner l’affreux exemple. Mais c’était en passant outre à la loi morale, en tournant la loi civile. Aujourd’hui la loi civile prétend supprimer la loi morale et installer une universelle et méthodique excitation des enfants à la débauche. C’est la plus profonde (et la plus atroce) révolution politique et religieuse de notre temps.

B – Sur la loi naturelle comme fondement de la société
Le décalogue passe souvent aujourd’hui pour un objet de foi religieuse plutôt que pour une vérité morale ; pour une croyance confessionnelle plutôt que pour un principe politique. Même aux yeux de ceux qui ne le refusent pas. A cause des trois premiers commandements. Les sept der­niers sont assez généralement considérés comme coïncidant en gros avec la morale naturelle, celle de l’honnêteté courante, commune à toutes les convictions religieuses, phi­losophiques ou politiques, celui qui y manque est tenu pour malhonnête. Encore y a-t-il des exceptions. Sans parler du monde communiste, qui ne reconnaît aucune loi morale universelle, il faut bien constater que le monde occidental dans son ensemble, curés en tête, ne prend plus tellement au sérieux le 6e commandement (ni le 9e et le 10e). Par là, le décalogue en sa seconde table est entamé dans la conscience commune : non plus simplement par des trans­gressions, il y en a toujours eu ; mais ce n’est pas la même chose de transgresser par passion, par égarement, par faiblesse, une loi morale que l’on reconnaît comme devant être gardée, ou de méconnaître et nier son caractère de loi morale obligatoire. Tous les hommes de tous les temps ont plus ou moins transgressé le décalogue. Nous sommes en chemin de l’abolir, ce qui est bien différent. Mais quoi qu’il en soit de cette abolition qui est en cours (amorcée par le libéralisme, consommée par le marxisme), il survit encore un sentiment général favorable à une « honnêteté » qui coïncide à peu près avec la totalité ou la majorité des sept derniers commandements du décalogue. Ce qui n’est plus compris du tout, ce sont les trois premiers.
(…)
Le décalogue n’est rien d’autre que la nature humaine : la nature sans la grâce, la nature sans la révélation, la nature connaissable par la raison naturelle. Mais non point connaissable facilement ; non point connaissable rapide­ment ; non point connaissable sans grands risques d’erreur. Comme cette connaissance longue et difficile est néanmoins à tout instant une connaissance nécessaire au salut éternel, Dieu la révèle dans l’Ancien Testament, la confirme dans le Nouveau, charge son Église de la garder intacte et de l’en­seigner à tous. De soi, le décalogue n’est pas hors d’atteinte de la raison. Il n’est objet de foi que par accident, à cause des circonstances où se débat l’humanité depuis le péché originel. Les vérités du décalogue présentent donc cette particularité d’être également objet de foi et objet de connaissance naturelle, mais point en même temps et sous le même rapport. Elles sont objet de foi pour les enfants baptisés, avant qu’ils aient l’usage de la raison. Elles demeurent objet de foi pour les fidèles catéchisés qui n’ar­riveraient pas à en avoir par eux-mêmes une connaissance certaine. Cette particularité fournit un prétexte à ceux qui veulent enfermer le décalogue, ou du moins sa première table, dans le jardin privé de la conscience religieuse.
(…)
Le décalogue est la loi naturelle de l’homme. Mais l’homme, à la différence du minéral, du végétal et des autres animaux, est une créature douée d’intelligence et de volon­té, qui atteint sa fin naturelle en s’y déterminant par son propre consentement, ayant la redoutable faculté de pou­voir s’y refuser : pour cette raison, sa loi naturelle est une loi morale ; elle ne l’oblige pas physiquement ; elle l’oblige en conscience. Mais sa loi naturelle est le décalogue en entier. En omettre ou différer les trois premiers comman­dements, c’est défigurer la nature humaine.

© Hugues Kéraly et Jean Madiran / Revue Itinéraires,
N° 219 de janvier 1978
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H.K. (le 9 mars 2011 à 19 heures)

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