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Entraide et Tradition

VERS UNE MESSE ŒCUMENIQUE

publié dans regards sur le monde le 11 mars 2013


J’ai retrouvé avec bonheur cet article de M l’abbé Dulac sur la « nouvelle ordonnance de la Messe ». Je ne résiste pas à la joie de vous en donner le texte. Cette critique de l’abbé Dulac reste toujours actuelle. Il sera bien nécessaire que le nouveau pape revienne sur la « réforme de la Réforme », sujet qui tenait tant au cœur de Benoît XVI mais qu’il n’ a pas eu le temps, ni peut-être la possibilité de commencer tant les oppositions étaient fortes, ce qui a contribué grandement à son épuisement. C’est mon avis.

LA NOUVELLE ORDONNANCE DE LA MESSE

VERS UNE MESSE ŒCUMENIQUE

I – L’« EXPÉRIENCE » DU REFUS

Comment, selon la mesure de nos faibles forces et de nos pauvres moyens, pouvons-nous, dans ce Courrier, faire face à l’épouvantable « autodémolition » de l’Église, dénoncée par

Paul VI, le 7 décembre 1968? Non seulement la Cité de Dieu apparaît désormais comme investie de tous côtés, mais il n’est pas de semaine qui ne nous apporte l’annonce d’un nouvel éboulement du rempart. Il faudrait courir sans cesse d’une brèche à l’autre. Comme nous voudrions pouvoir faire lire à nos Évêques les appels que nous recevons de lecteurs, anciens ou nouveaux ! Ils nous demandent, avec un accent quelquefois bouleversant : « Parlez-nous de ceci, de cela ! Que faut-il penser ? – Que dois je faire ? ». … Il s’agit dans ces appels angoissés, du sacerdoce, de sa fonction véritable, de ses obligations (soumises, on le sait, à la plus folle, à la plus lâche, à la plus hypocrite des « consultations populaires »)…

Il s’agit de la perturbation de l’apostolat catholique, dissimulée sous le masque de la suppression des paroisses et des curés ou sous l’appellation fallacieuse de « la mission ». Il s’agit du réformisme liturgique… Il s’agit… Il s’agit…

Comment répondre à tout et par où commencer? Eh bien ! nous allons commencer par la MESSE. La foi catholique tout entière gravite autour de l’idée qu’on s’en fait. Et, d’abord, le

SACERDOCE. L’opinion de la populace baptisée « Peuple de Dieu », ne changera rien à cette donnée divine fondamentale : la Messe est un vrai Sacrifice : c’est-à-dire l’oblation réelle et actuelle par un homme consacré, le PRETRE, d’une victime rendue réellement présente sur l’autel, par la transsubstantiation du pain et du vin. Toutes les atténuations qu’on apportera à ce dogme, en pensée, en paroles ou en rites, ruineront, à la base, non seulement le caractère du sacerdoce mais aussi tout le Catholicisme. Notre propos, aujourd’hui, n’est pas de prouver cette vérité. Nous prions nos lecteurs de faire une réflexion personnelle sur ce sujet : qu’ils rapportent à ce dogme de la Messe-Sacrifice tous

les autres dogmes de leur foi ; ils verront qu’ils sont, un par un, ébranlés par la moindre fissure faite au premier.

Le système protestant tout entier s’est construit à partir de la négation de la « Messe romanisque », comme disaient ses premiers sectateurs. Leur idée, pourtant fondamentale, de « la justification par la seule Foi » est, en effet, suspendue elle-même à une autre, préalable : que l’œuvre de notre rédemption n’est point exercée, perpétuée, renouvelée, à la Messe, par l’ACTION personnelle du PRETRE.

D’un mot: le Protestantisme, autant que peuvent être réduites à l’unité ses formes innombrables, est une religion (?) LAÏQUE. Et, si nous voulons être objectifs, au risque de paraître cruels, nous devons ajouter : cette religion laïque a été, à l’origine, une religion de défroqués, conçue à la mesure de leur désertion, pour se donner à eux-mêmes et au monde, une justification honorable de leur apostasie. Ils changeaient la Messe pour ne point être forcés d’avouer qu’ils avaient changé eux-mêmes. Pénétrés de cette conviction, il est temps, désormais, de dire clairement, sur le réformisme liturgique, ce qu’on pouvait, depuis quatre ans, hésiter à dire, soit parce que, suivant la parabole évangélique, l’erreur-ivraie n’avait pas encore atteint ce point de croissance qui permet infailliblement de la reconnaître, soit parce qu’il fallait laisser au magistère hiérarchique, le temps d’exercer sa fonction. Nous avons donc attendu. Des milliers de prêtres, des centaines de milliers de fidèles ont attendu. Ils ont demandé, mendié le bon pain de la certitude. Nous ne dirons pas qu’on leur a donné, à sa place, une pierre. On leur a donné du vent. Car des PAROLES contredites sans cesse par des ACTES, ne sont pas autre chose qu’un flatus vocis, comme disaient le Nominalistes médiévaux.

Dans un précédent numéro, nous disions :

– Quand tous les recours à l’autorité légitime se sont avérés inutiles et vains, il ne reste plus qu’un moyen au fidèle de se manifester : un moyen extrême, grave, déplorable : le REFUS.

Puisque la règle de M. Annibal Bugnini et de ses carthaginois est de faire des « expériences », pourquoi ne pas leur offrir une expérience qu’ils n’ont jamais faite jusqu’ici : celle de la résistance des dociles ?

Ces messieurs veillaient soigneusement à se couvrir uniquement sur leur GAUCHE, persuadés que « les fidèles de la Tradition » n’oseraient jamais résister à une révolution, dès lors qu’elle était légalisée par l’AUTORITE. Et puis, qui donc oserait s’exposer aux épithètes d’intégriste, d’immobiliste ? Qui donc oserait refuser de paraître « jeune » (nous pensons, ici, au mot terrible du Cardinal Ottaviani à l’endroit des novateurs de son ordre : « Ils ont peur de paraître vieux »). Nous n’avions, quant à nous, jamais été impressionnés par ces épouvantails à moineaux ! Mais notre dévotion à l’Église de Rome nous tenait silencieux. Eh bien ! La même dévotion nous ordonne, aujourd’hui, de parler. Il est tard ; mais pas trop tard pour ceux qui veulent se placer au-dessus du temps.

II – VERS UNE MESSE POLYVALENTE

Ce qui nous décide, aujourd’hui, à parler, c’est la publication, ces jours-ci, du nouvel ORDO MISSAE : c’est-à-dire de la nouvelle ordonnance de la Messe romaine. Préparée (… c’est ainsi qu’on parle, aujourd’hui, à propos des prières les plus saintes !), préparée, disons-nous, par la Commission de Liturgie issue du Concile, cette ordonnance a été promulguée par le Pape Paul VI, le 3 avril de cette année, dans une Constitution Apostolique qui commence par ces mots : Missale Romanum.

C’est bien, en effet, un nouveau « missel » qui est ainsi promulgué, mais il faut savoir et dire que les nouveautés de ce missel ne touchent pas seulement un choix nouveau des « lectures », encore sur le chantier. Les nouveautés portent sur ce que nous appellerons pour aller vite : la partie fixe de la Messe : l’ordinaire : paroles, gestes, rites.

En la comparant à la précédente ordonnance, promulguée par le Pape saint Pie V, le 14 juillet 1570 (mais qui consacrait, en les unifiant, des textes ou des rites vieux de 400, 600, 1 000 ans), on constate que l’Ordo de Paul VI apporte, sur des points capitaux, les quatre nouveautés suivantes :

– des suppressions,

– des modifications,

– des additions,

– des rites laissés au choix du célébrant.

Nous décrirons en détail ces innovations dans quelques prochains courriers.

Aujourd’hui, nous nous bornerons à dire, respectueusement, les sentiments que ces innovations, prises dans leur généralité, nous inspirent. Ce faisant, nous ne nous hausserons pas au-dessus de notre rang dans l’Église. Nous parlerons comme peuvent parler les prêtres et les fidèles A L’INTENTION DE QUI, précisément, cette Nouvelle Messe a été fabriquée. Puisque nous devons prier sur ces prières, offrir selon ces rites, le Saint Sacrifice, il est naturel, n’est-ce pas, que nous fassions connaître notre… goût ? Ah ! Il eût été, certes, préférable de le manifester AVANT plutôt qu’APRÈS, mais on ne nous a pas consultés !… Bien plus, ce nouvel Ordo, tel qu’il arrive, CONTREDIT des vœux, des instances, presque des supplications, que des milliers de fidèles n’ont cessés de porter au Siège de Pierre, dès qu’ils ont eu le soupçon du BUT où on voulait les mener, en considérant les ÉTAPES qu’on les forçait, insensiblement, à parcourir. Ce BUT de la réforme du Missel, nous allons le laisser déclarer par un protestant. Un protestant « modéré », Monsieur Max Thurian, « frère de Taizé ». Dans un article (nous disons bien : un article) paru dans La Croix, du 30 mai 1969, sous le titre : « Le nouvel ordo de la Messe va dans un sens profondémentœcuménique », il écrit, en conclusion : « Le nouvel ordre de la Messe, quelles que soient ses imperfections relatives, dues au poids de la collégialité et de l’universalité, est un exemple de ce souci fécond d’unité ouverte et de fidélité dynamique, de véritable catholicité : un des fruits en sera peut-être que des communautés non catholiques pourront célébrer la Sainte Cène avec les mêmes prières que l’Église catholique. Théologiquement, c’est possible ». Entendons, maintenant l’un des motifs capitaux de l’adhésion de ce protestant à cette Nouvelle Messe. Motif qui nous paraît le plus caractéristique de tous : il s’agit de ce que l’on continuerait à appeler l’OFFERTOIRE, après qu’on l’ait anéanti : « Cet offertoire simplifié – dit Max Thurian – n’apparaît plus comme un doublet de la prière eucharistique (le Canon), ni comme un acte sacrificiel anticipé ; ainsi s’atténuent les difficultés que créait l’ancien offertoire, dans la recherche œcuménique ». Voilà qui est dit, assurément, avec la délicatesse d’un séparé qui veut rester un frère et d’un frère qui veut rester un séparé.

Mais nous avons, nous, le droit et le devoir de parler avec plus de clarté, sinon de franchise. Et d’abord, de poser des questions de grammaire, qui se prolongent dans des questions de philosophie, puis de théologie :

1°) Qu’est-ce qu’une unité ouverte ? Il n’est pas absolument nécessaire d’être thomiste et aristotélicien pour définir l’UN: ce qui est indivis en soi et qui est divisé de tout autre : car c’est le sens commun qui nous le dit. Mais nous aimerions ajouter à cette définition, la réponse que saint Thomas fait à la question : l’Unité ajoute-t-elle quelque chose à l’Être ? (Ia, XI, 1) : « L’Unité ne surajoute à l’être aucune réalité, mais uniquement la négation de la division. Car l’un ne signifie rien d’autre que l’être indivis. D’où il résulte avec évidence que l’un et l’être sont interchangeables (convertitur)… »

Et voici la conclusion qui s’applique directement à notre sujet : « De là vient que toute chose, comme elle défend son ÊTRE, défend aussi son UNITÉ ». Et réciproquement ! Donc, parler comme Max Thurian, d’une « unité OUVERTE », c’est, du même coup, parler d’un ÊTRE ouvert. Un être ouvert, qu’est-ce donc ? C’est ou bien un être en devenir, ou bien un être composé ; composé de parties hétérogènes, en voie de dissolutions et de transformations perpétuelles. Nous tenons ainsi, de la bouche d’un Protestant qui le proclame tranquillement dans La Croix(laquelle passe communément pour un journal catholique), nous tenons, disions-nous, un jugement que nous n’aurions osé prononcer nous-mêmes qu’avec d’immenses scrupules. Ce jugement, le voici en clair. Le nouvel Ordo Missae introduit ou favorise un nouveau concept de l’UNITÉ religieuse. Il permet, en effet, d’exprimer avec des MOTS identiques des IDEES différentes. Ce qui, évidemment, n’est devenu possible que parce que les mots sont équivoques ou les idées indécises.

Dans les deux cas, comment peut-on continuer à nommer la Messe « le Mystère de la Foi » ? Où est le Mystère et de quelle Foi ?

Et puis, que devient l’article du Symbole que « l’Unité » est le signe de reconnaissance (la nota) de l’Église véritable de Jésus- Christ, distinguée ainsi des fausses ?

Enfin, que devient la formule (attribuée au Pape Célestin I) et devenue un « lieu commun théologique » : « Que la règle de la PRIÈRE détermine la règle de la FOI » ? Quel dogme, le fidèle, quel approfondissement, le théologien pourront-ils désormais tirer d’une messe célébrée tranquillement par un Calviniste qui est décidé à rester Calviniste ?

L’acte le plus sublime de l’homme religieux n’apparaît-il pas ainsi, par le fait de cette indétermination, avilie au niveau d’une convention diplomatique, rendue assez vague pour que les deux parties contractantes puissent, à tout moment, se dégager ?

Mais alors, et c’est la question qui résume et domine toutes les autres : la Messe est-elle un acte du CULTE divin ou un geste de FRATERNITÉ humaine ? Ne posons pas la question puisque l’Instruction générale qui précède le nouveau Missel nous

donne la réponse (au numéro 7) : « La Cène du Seigneur, appelée aussi la Messe est la sainte assemblée ou le rassemblement du peuple de Dieu qui se réunit sous la présidence d’un prêtre (sacerdote praeside), afin de célébrer la mémoire du Seigneur. C’est pourquoi, à ce rassemblement de l’Église dans un même lieu (locali), s’applique éminemment la promesse du Christ : là ou deux ou trois sont rassemblés en mon Nom, Je suis au milieu d’eux ». Rien, on le voit, dans cette définition qu’on ne trouve également dans un réveillon de Noël, dans un feu de camp boyscout ou dans une réunion de famille pour célébrer les noces d’or du grand-père. Dieu n’y est ni plus, ni moins présent et il n’est pas question de demander aux invités s’ils sont d’extrême-droite ou d’extrême-gauche pourvu que chacun garde la politesse et la bonne humeur : ce qui est, nous semble- t-il, le résumé de toute la « théologie » de l’œcuménisme.

2°) Quant à la FIDÉLITÉ DYNAMIQUE dont Max Thurian découvre pareillement les signes heureux dans le Nouvel Ordo Missae, elle n’est que le prolongement de l’UNITE OUVERTE : car la fidélité est la forme sensible de l’Unité, nous dirions, son expression affectueuse. Une épouse est fidèle à son époux quand elle s’est donnée à lui et à lui seul. Il n’y a de cœur ouvert, de cœur dynamique que le cœur des artichauts : ils se donnent, mais feuille par feuille.

III – PAS DE MESSE CATHOLIQUE VERITABLE SANS UNE OFFRANDE PREALABLE DU PAIN ET DU VIN

Nous n’avançons cette proposition qu’à la manière d’une pierre d’attente. Nous la prouverons dans un autre courrier. Mais il convenait de poser, dès aujourd’hui, le principe.

Comme une borne : la borne qui marque la frontière irréductible du monde catholique et du protestant. On sait que, dès l’origine, les Protestants, quels qu’ils fussent, se sont acharnés contre les prières et les cérémonies de l’Offertoire. Pourquoi ? Parce qu’elles exprimaient, sans laisser de doute possible, le Sacrifice de l’Église : elles indiquaient un ACTE sacerdotal personnel, réel, actuel, et pas seulement la commémoraison purement NARRATIVE de la Cène du Jeudi-Saint.

Or, le Nouvel Ordo anéantit l’Offertoire et le fait expressément:

1° – Les nouvelles rubriques qui se rapportent à cet endroit (n° 49 à 53 de l’Institutio generalis) portent comme titre : « Préparation des dons ». Il n’y est dit, en aucune façon, que ces « dons » sont OFFERTS, offerts dans un acte d’OBLATION proprement sacerdotal ; ils sont apportés (afferuntur) ; présentés (praesentantur – quel latin !) ; puis ils sont déposés (deponuntur) sur l’autel (soit par le prêtre, soit par le diacre). On peut, ensuite, les encenser (au cours de ce qu’on appelait jusqu’ici la grand-messe), mais ce n’est pas obligatoire.

Suit le lavement des mains par le prêtre ; l’Orate fratres ; l’ex Secrète ; la Préface et la suite, que l’on n’appelle plus Canon mais « prière eucharistique ». Et, de fait, comment appelleraiton encore « Canon », comme saint Ambroise, comme saint Optat, comme Saint Grégoire, ce qui a cessé d’être une « règle » immuable ?

2° – Les trois prières qui exprimaient l’OBLATION, faite par le prêtre, du pain et du vin (Suscipe… hanc, immaculatam hostiam… Offerimus tibi calicem salutaris… veni, sanctificator…) sont supprimées. On leur substitue une formule ambiguë, qui peut exprimer à égalité, une OBLATION et une simple OFFRANDE : comme serait celle des premiers fruits de la saison ou un cierge. Exemple (pour le pain) : « Béni sois-tu, Seigneur, Dieu de l’Univers, parce que nous avons, de ta largesse, reçu le pain : nous te l’offrons, comme le fruit de la terre et de l’ouvrage des mains humaines. Il deviendra pour nous, un pain de vie ».

Et de même, pour le vin. Quel dévot de Cérès et de Bacchus ne serait prêt à souscrire à de pareilles formules ? Que dis-je ! Quel adepte du « Grand Architecte de l’Univers » ? Où donc se trouve exprimé, non seulement, le sacrifice « d’action de grâces », mais le sacrifice propitiatoire pour les péchés, qui renouvelle, mystiquement, mais réellement, sur l’autel de l’Église, le SACRIFICE de la Croix ?

Vous dites : on l’exprimera plus loin, avant la Consécration. Je vous réponds : d’abord, cela n’est exact que pour la « première » des « Prières eucharistiques ». Cela est faux des trois autres, que vous avez ajoutées au vieux Canon romain, et qui, presque partout, l’ont déjà supplanté.

Et puis, pourquoi ne dirait-on pas deux fois, et trois, et quatre, une vérité qui faisait fondre d’émotion l’âme des saints ? Parlant des Ave Maria du Rosaire, dits et redits des dizaines de fois, Lacordaire a cette parole : « L’amour n’a qu’un mot et, en le redisant toujours, il ne le répète jamais ». Allons ! Qu’on ne fasse pas les hypocrites ! On a volatilisé l’Offertoire pour faire plaisir aux Protestants ! On a fabriqué une liturgie comme la Secrétairerie d’État fignole un concordat avec une nouvelle république africaine. On a pris ainsi des hommes profondément sérieux pour des gobe-mouches. Voilà le fond de l’œcuménisme !

La réponse ? Le Pape l’a eue, l’autre jour, en traversant les rues de Genève : un silence glacé d’indifférence, comme s’il s’était agi du Négus ou du Grand Lama. Nous en avons rougi pour le Pape d’un jour, nous en avons pleuré pour la Rome éternelle. Cette Messe qui se cache, vous ne la ferez pas avaler par surprise aux Calvinistes, comme vous espérez l’ingurgiter de force aux Catholiques ! Si souples que vous ayez rendu ceux-ci par vos réformes successives, ou bien ils se seront fait, à la fin, Protestants, ou bien, après avoir trempé les lèvres dans votre calice laïcisé et mal offert, ils referont le geste de leur Seigneur en croix à qui les Juifs avaient présenté, eux aussi, « du vin mêlé de fiel » : « Quand il en eut goûté, il n’en voulut point boire » (Matt. XXVIII, 34).

Car, pour le vrai Catholique, « tout sacrifice est une oblation, mais ce n’est pas réciproque » ; pour que l’offrande devienne vraiment sacrificielle, il faut que « quelque chose soit fait sur les choses qui sont offertes » ; ainsi, dans les sacrifices antiques, l’animal offert devait être tué et brûlé ; le pain devait être béni, rompu, dévoré. C’est saint Thomas qui parle ainsi avec la tradition de l’humanité tout entière (2-2ae, 85, 3 ad 3). Mais, comme « le Christ ressuscité ne meurt plus », il ne peut l’être que « mystiquement », sous les espèces du pain et du vin. Ce pain et ce vin entrent DONC comme parties intégrantes dans le sacrifice. C’est là l’expression du Cardinal Bellarmin : « L’oblation du pain et du vin qui précède la consécration, appartient à l’INTEGRITE et à la plénitude du sacrifice, quoique non pas à son ESSENCE » (De sacrif. Missae, c. 27, Ed. Vivès 1872, p. 365).

L’essence de la Messe, elle est dans la consécration, par laquelle les éléments profanes du pain et du vin cessent, par leur « transsubstantiation », d’être profanes pour devenir l’objet sacré donné à Dieu : le Corps et le Sang de Son Fils immolé.

Mais comme d’autre, il n’y a de sacrifice véritable que SENSIBLE, l’oblation du Corps et du Sang de Jésus-Christ doit être exprimée dans une oblation visible préalable, claire et formelle, celle du pain et du vin. Nous n’ignorons pas les bavardages des « historiens » sur cet article. Mais nous tenons les historiens comme de simples manœuvres au service du Théologien. Celui-ci est instruit par une révélation qui est inscrite dans des livres sacrés, expliquée ensuite par une tradition séculaire qui ne peut plus changer dans ses énoncés essentiels. Sur l’ancienneté plus ou moins grande des prières de l’Offertoire, sur les « remaniements » du Canon et autres questions curieuses, nous laissons d’abord les « historiens » se mettre d’accord entre eux. Puis, nous interprèterons leurs « certitudes » d’après la certitude supérieure de la Théologie. Et la Théologie elle-même, nous la subjuguerons, comme dit Saint Paul, à Jésus-Christ. L’autel catholique n’est pas une « table ronde » de rabbins mais la table de famille des enfants.

IV – LA VOIE DROITE DE L’EVANGILE

Nous reprenons, dans le titre de ce paragraphe, l’expression de saint Paul dans son Épître aux Galates, que nous avions rapportée et commentée dans un précédent courrier.

Ce que Max Thurian déclare joyeusement, nous le redisons avec lui mais douloureusement et la mort dans l’âme : « Le Nouvel Ordo Missae va dans un sensœcuménique ». Et puisque le Frère de Taizé ajoute : « Des communautés non catholiques pourront célébrer la Sainte-Cène avec les mêmes prières que l’Église catholique », notre choix est aujourd’hui fixé, par cela même : Nous refusons de donner notre appoint, si petit soit-il, à une équivoque qui, hier encore, nous aurait fait taxer de « suspects d’hérésie ».

C’est d’abord l’honneur de Dieu qui nous le demande : le Dieu UN qui veut être servi dans l’Église UNE. C’est la fidélité à Jésus-Christ qui nous a commandé, la veille de Sa Passion, de faire, en souvenir de Lui, la même chose qu’Il avait faite : une OBLATION sacerdotale de Son Corps et de Son Sang sous les espèces sensibles du pain et du vin. C’est l’obéissance à la Tradition universelle, immuable, ininterrompue, des communautés catholiques d’Orient et d’Occident.

C’est la soumission aux engagements de notre baptême ou de notre sacerdoce.

C’est la charité envers nos frères que notre DUPLICITE scandaliserait.

(Vous avez bien lu…)

C’est notre dévotion envers le Pape actuellement régnant : car en approuvant ce « nouveau Missel » :

a) Paul VI n’a pas pu, il n’a pas voulu l’imposer sans conditions et enlever la LIBERTÉ que son prédécesseur canonisé saint Pie V avait eu le scrupule de laisser expressément à ceux qui désiraient continuer l’usage au moins deux fois séculaire d’un missel autre que celui qu’il ordonnait.

b) Paul VI a voulu servir l’intérêt de l’Église comme un chef le veut pour toute loi nouvelle. Or, il dépend désormais de notre réponse que le Pape soit objectivement instruit des effets de sa loi.

NOUS REFUSONS DE SUIVRE LE NOUVEL ORDO MISSAE.

Abbé DULAC

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