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Entraide et Tradition

Mgr JM Faure: un nouvel interview à Rivarol

publié dans nouvelles de chrétienté le 30 mars 2015


 Mgr Jean-Michel Faure: «Menzingen n’est plus fidèle à la vérité»

SOURCE – Rivarol – propos recueillis par Jérome Bourbon – 2 avril 2015

Dans un long article paru dans RIVAROL du jeudi 26 mars, nous évoquions le sacre du prêtre français Jean-Michel Faure par Mgr Richard Williamson. La cérémonie eut lieu le 19 mars au monastère bénédictin Santa Cruz de Nova Friburgo au Brésil dans la région de Rio de Janeiro.
Mgr Faure, qui a par ailleurs ordonné prêtre un moine bénédictin le 28 mars, la veille des Rameaux, toujours dans le même monastère brésilien, a bien voulu répondre, quelques jours seulement après sa consécration épiscopale, aux questions que nous lui avons posées, ce dont nous le remercions.
Nous précisons comme nous le faisons régulièrement pour les interviews que les propos tenus par la personne interrogée qui s’exprime dans nos colonnes en toute liberté lui permettent de mieux faire connaître sa position mais n’engagent nullement la rédaction du journal.
RIVAROL : Pour quelles raisons avez-vous accepté d’être sacré évêque le 19 mars au Brésil par Mgr Richard Williamson ?
Monseigneur Jean-Michel FAURE : Pour servir l’Église, pour la gloire de Dieu, pour le salut des âmes. Un évêque est puissant pour tout cela, à condition de rester fidèle. Le but principal de cette transmission est de conférer la grâce de l’ordre sacerdotal et la grâce du sacrement de confirmation. Mgr Williamson ne pouvait voyager dans le monde entier.
R. : Etes-vous certain que la Fraternité Saint-Pie X va se rallier au Vatican?
Mgr FAURE : Là où il y va des deux mystères, de la grâce de Dieu et du libre arbitre des hommes, rien n’est certain. Mais humainement parlant, Mgr Fellay donne maintes indications de sa volonté ferme de rallier l’Église conciliaire, en particulier par la visite de prélats conciliaires auprès des séminaristes et d’après les récentes déclarations de Mgr Pozzo à la suite de la dernière consécration.
R. : Que répondez-vous à ceux qui vous reprochent de ne pas avoir au moins attendu un ralliement public en bonne et due forme de la FSSPX pour procéder à un acte aussi lourd de conséquences ?
Mgr FAURE :Menzingen fait glisser tout les jours un bon nombre de bons prêtres vers ce ralliement désastreux en obligeant, par exemple, les séminaires de la FSSPX à recevoir — et donc à accepter en principe — les visites de ces prélats conciliaires et œcuménistes.
R. : Menzingen a condamné avant même le Vatican votre sacre et beaucoup plus fermement. Qu’est-ce que cela vous inspire comme réaction ?
Mgr FAURE :Menzingen a peur. Elle perd sont autorité parce qu’elle n’est plus fidèle à la vérité.
R. :L’Institut Mater Boni Consilli (IMBC) a publié le 20 mars un communiqué dans lequel il dénonce votre sacre comme sacrilège, illicite et schismatique car réalisé en reconnaissant publiquement François Ier comme vicaire du Christ tout en lui désobéissant avec un sacre sans mandat pontifical et destiné à combattre son magistère. Que répondez-vous à cette argumentation ?
Mgr FAURE :Dans la vraie Église Catholique, la Foi prime sur l’autorité, parce que l’autorité n’est là, au fond, que pour servir la vérité. Or, le Pape François possède bien l’autorité papale, personne d’autre n’est, ni ne peut être pape tant qu’il est en vie et ne démissionne pas, mais il ne met pas son autorité au service de la vérité, de la vraie Foi et donc on n’est pas obligé devant Dieu de lui obéir plutôt qu’à Dieu.
R. : Que répondez-vous à l’accusation d’avoir eu recours à un « mandat romain apocryphe », ce qui est jugé comme une faute grave ?
Mgr FAURE :Un mandat romain “apocryphe” s’impose lorsque la Foi est en danger grave.
R. : La soumission au pape est un dogme de foi pour les catholiques. Boniface VIII dans la bulle infaillible Unamsanctamaffirme : « Nous déclarons et définissons qu’il est nécessaire pour toute créature humaine d’être soumise au Pontife romain pour faire son salut ». Dans ces conditions, comment pouvez-vous combattre fortement l’occupant du siège de Pierre et le reconnaître en même temps comme l’autorité légitime, le vicaire du Christ qui a le pouvoir des clés et l’infaillibilité doctrinale ?
Mgr FAURE :La soumission et l’obéissance au pape ne sont pas inconditionnelles, mais conditionnelles — à condition qu’elles servent Dieu en servant la Foi. Détacher l’obéissance de la Foi, c’est la faire servir les hommes plutôt que Dieu.
R. : Comment peut-on dire qu’un concile œcuménique (comme se prétend être Vatican II) est faillible et peut enseigner l’erreur et l’hérésie alors que vous dites qu’il a été promulgué par un vrai pape sachant qu’un concile œcuménique promulgué par le pape est nécessairement infaillible (magistère extraordinaire) ?
Mgr FAURE : Les papes conciliaires eux-mêmes ont proclamé qu’avec les Décrets du Concile Vatican II ils ne voulaient pas engager leur Magistère infaillible. Donc l’une des quatre conditions manque pour que celui-ci ait été engagé (la volonté du pape de lier – obliger – toute l’Église).
R. : Comment peut-on dire que la nouvelle messe et les nouveaux sacrements sont un poison pour la foi et affirmer parallèlement qu’ils ont été promulgués légalement par la Sainte Eglise et le Vicaire de Jésus-Christ ?
Mgr FAURE :Mgr Lefebvre affirmait tout simplement que la nouvelle messe ne remplit pas l’une des condition essentielles à une loi valide : elle est contre le bien commun. Le même argument radical de bon sens s’applique à toutes ces apparentes “lois” qui détruisent l’Église.
R. : Ne craignez-vous pas que cette énième division parmi les traditionalistes ne décourage beaucoup de baptisés et ne les éloigne totalement de la foi et de la pratique religieuse ?
Mgr FAURE :Je ne le crains pas du tout. Comme un ami l’a dit, « cette consécration a brisé l’étau de Menzingenet permet à de bons catholiques dans le monde entier de respirer ». Pourquoi ? Parce que l’on restaure une autorité catholique qui est unie à la vérité catholique.

R. : Pouvez-vous nous en dire davantage sur vos projets en France, sur l’ouverture d’un séminaire près du couvent d’Avrillé ?

Mgr FAURE :Ce projet avance.

R. : Que répondez-vous à ceux qui disent que vous êtes trop âgé (74 ans en août 2015) pour devenir évêque, les évêques (ou plutôt ce qui en tient lieu) partant aujourd’hui à la retraite à 75 ans ?

Mgr FAURE : Obliger les évêques à démissionner à 75 ans est une bêtise révolutionnaire, pour empêcher la vieillesse de faire valoir son expérience. Certainement la vérité catholique a besoin de nouveaux champions jeunes, mais en attendant, contentons-nous des vétérans de Mgr Lefebvre qui l’ont mieux compris qu’un grand nombre de jeunes.

R. : Une polémique est née à propos de l’enterrement de votre père en Argentine. Des sites Internet hispaniques vous accusent d’être marrane, des ecclésiastiques qui étaient à l’époque prêtres — comme Mgr Morello, directeur du séminaire de La Reja au moment des faits —, affirment, qu’à la mort de votre père en Argentine votre famille avait procédé à des rituels judaïques et que ce scandale serait l’une des principales raisons (mais non la seule) du départ ultérieur de 25 séminaristes et de 8 prêtres du séminaire de La Reja ?

Mgr FAURE : Le 3 mars 1986, le corps de mon père fut ramené chez moi pour être veillé. Il fut placé sur mon lit et non sur le sol comme le prétendent faussement les calomnies des sédévacantistes. Qu’ils donnent le nom de leurs témoins! Personnellement je peux nommer l’Abbé Canale (FSSPX) qui a célébré la messe de Requiem, l’Abbé Ricardo Olmedo (FSSPX), les professeurs du séminaire qui connaissent les faits, les séminaristes qui sont aujourd’hui prêtres, l’Abbé Schmidberger (FSSPX), qui se trouvait à la messe et au cimetière et aussi les membres de la famille Masuda, qui furent de grands bienfaiteurs du séminaire dès les débuts et qui veillèrent toute la nuit. Eux-mêmes, par la suite, accueillirent dans leur maison de campagne les vingt-cinq séminaristes qui s’enfuirent du séminaire à l’occasion de la rébellion sédévacantiste de 1989. Mon père est enterré dans le petit cimetière du séminaire où sa tombe est bien visible. Les séminaristes et de nombreux prêtres et fidèles assistèrent à la messe. Il n’y eut, dans cet épisode, rien de spécial et rien à cacher, sinon que l’on trouve en cela un exemple de la logique sédévacantiste pour pouvoir dire que Mgr Faure est juif : je suis né en Algérie: les juifs sont nombreux en Algérie; donc je dois être juif! Mais comme les musulmans sont beaucoup plus nombreux, ne serais-je pas un musulman marrane? Contre les calomnies et les inventions ridicules, je dispose en France d’un arbre généalogique bien fait que je rendrai public lors de mon retour.
Au sujet de la crise du séminaire de Buenos Aires, je dois dire que je suis arrivé à Mexico le 24 septembre 1985, cinq jours après le terrible tremblement de terre, après avoir été nommé supérieur du district du Mexique, mais cette crise eut lieu en 1989 dans le cadre de la rébellion sédévacantiste contre Mgr Lefebvre. Le directeur (NDLR : l’abbé Morello, aujourd’hui Mgr Morello), un professeur (NDLR : l’abbé Medina) et plusieurs prêtres de cette tendance, avaient influencé la moitié des séminaristes de La Reja, ceux qui, en 1989, attendirent la visite de l’Abbé Schmidberger pour quitter en masse le séminaire et s’en aller dans un “séminaire” construit par un groupe de laïcs mexicains. Échec total: un petit groupe d’entre eux se rendit dans un monastère abandonné près de Cordoba, en Argentine, et ensuite dans les environs de Lujan et finalement à El Boson (au sud de l’Argentine). Donc il est évidemment faux que le soi-disant scandale de l’enterrement de mon père, survenu trois ans avant, ait provoqué la sortie immédiate de ces vingt-cinq séminaristes. Mgr Tissier a relaté ces faits dans la biographie de Mgr Lefebvre (page 546, 2ème édition corrigée, Édit. Clovis, 2002).

R. : Ne craignez-vous pas d’être pris en sandwich, si vous me permettez, Monseigneur, cette expression familière, entre la Fraternité Saint-Pie X à “gauche” et les sédévacantistes à “droite”, les deux, pour des raisons certes différentes, vous accusant d’être schismatique et d’entrer dans une logique sectaire et non catholique ?

Mgr FAURE : Au nom du Ciel, existe-t-il une Vérité au-dessus de tous les hommes, oui ou non ? Si oui, zut aux libéraux, et zut aux sédévacantistes ! Pour cette vérité volontiers on jouera le rôle de sandwich. Le prêtre est un homme mangé, disait le Curé d’Ars !

R. : Vous vous réclamez de la Tradition. Mais qui est l’interprète authentique et le garant de la Tradition sinon le pape, sinon le magistère ? Comment donc pouvez-vous sortir de cette impasse ?

Mgr FAURE :Lisez l’Évangile de Saint Jean. On y trouve une vingtaine de citations selon lesquelles Jésus en tant qu’homme exprime sa soumission absolue à la volonté de son Père, qui est au-dessus de Lui, et qui est absolue. Cette vérité et cette volonté, il les a transmises (tradidit), et voilà l’origine et l’infaillibilité de la Tradition, qui est donc elle aussi au-dessus des papes, a fortiori, ayant été au-dessus de Jésus (en tant qu’homme). Voilà ce que perdent de vue tous les conciliaristes, mais ce que Mgr Lefebvre n’a jamais perdu de vue : bien comprise, la Tradition est la mesure des papes et non les papes la mesure de la Tradition. Elle reste ce qu’elle a toujours été, indépendamment de leurs éventuelles bêtises.
Toute la raison d’être et la force de cette consécration du 19 mars, c’est sa fidélité à cette Tradition. Que Dieu nous y garde fidèle, par la Très Sainte Vierge Marie.
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Propos recueillis par Jérôme BOURBON.
RIVAROL daté du jeudi 2 avril 2015.
Editions des Tuileries, 82 boulevard Masséna, 75 013 Paris.

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