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Le trouble d’un prêtre de Versailles face au dialogue avec les musulmans

publié dans regards sur le monde le 28 avril 2016


 

islamochretien

Tribune – Le trouble d’un prêtre de Versailles face au dialogue avec les musulmans

26 AVRIL 2016 / 1803 VUES

 

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C’est l’inquiétude qu’exprime sur son blog  le P.  Michel Viot (diocèse de Versailles) face aux évolutions du catholicisme officiel relatives au dialogue interreligieux :

« Je ne trouve pas d’autre expression pour traduire mon état d’esprit devant certaines initiatives catholiques en matière de dialogue interreligieux avec les musulmans.

Oui, la célébration de la fête de l’Annonciation le 4 avril dernier dans un sanctuaire lyonnais m’inquiète et me trouble (tout comme les célébrations  du même genre dans d’autres églises). J’y vois deux risques majeurs:

Le premier concerne la piété mariale. Ce qui la fonde pour nous catholiques, c’est la christologie ! C’est l’affirmation par le Concile d’Ephèse en 431 que la Vierge Marie est « Theotokos » « Mère de Dieu » ! L’Annonciation n’est une fête chrétienne que parce qu’elle proclame la maternité divine de Marie. Or, si le Coran admet la naissance virginale, il refuse à Jésus le titre de Fils de Dieu ! C’est pour cette raison que les chrétiens sont considérés comme des égarés ! Ce sont donc eux qui sont désignés par la Fatiha, première sourate du Coran, récitée le 4 avril dernier à Lyon et ce juste après le Notre Père, authentique Parole de Dieu, ce Dieu incarné que l’Islam refuse et auquel finalement de plus en plus de chrétiens croient de moins en moins. Et cela aggrave mon désarroi ! Car on laisse croire par cette célébration interreligieuse, dans une église, qu’au fond la grande différence de croyance concernant Jésus et Marie n’est pas si grave, puisqu’elle n’empêche pas d’être ensemble pour prier. Et cela déjà poserait problème. Mais les personnes présentes, et surtout celles qui ne l’étaient pas, ne risquent-elles pas de croire qu’on était là pour prier ensemble ? Monsieur Bénévent Tosseri n’écrit-il pas dans La Croix à propos de cette manifestation : « A cette occasion, chrétiens et musulmans sont invités à prier ensemble Marie. » (Qu’on se reporte au N°83 et surtout au dernier paragraphe des instructions du Conseil Pontifical, données à la fin).

Qu’on me comprenne bien, je n’accuse personne, et encore moins les chrétiens de Lyon, laïcs et clercs qui ont organisé cela ! Je suis persuadé de leurs bonnes intentions. Mais je pense, en conscience, qu’ils ont commis une erreur. Au Liban, d’où nous vient cette fête, chacun connaît bien sa religion et celle des autres. Ce n’est pas du tout le cas en France. De plus organiser cette célébration dans un lieu consacré est plus que mal venu ! (Un confrère libanais maronite m’a précisé que c’est à l’initiative du gouvernement et du parlement libanais que la fête de l’Annonciation a été déclarée Fête Nationale au Liban. Mais elle ne donne aucunement lieu à des rencontres interreligieuses entre musulmans et chrétiens).

 

Le second risque est de l’ordre de la propagande. Ne voulant pas me prononcer sur la France, pour des raisons que chacun comprendra, j’affirme qu’à l’extérieur, là où il y a tout de même la guerre, ce que certains semblent oublier, de telles manifestations apparaissent comme des conquêtes de l’Islam sur le christianisme. Cela ne peut être que mal compris par nos frères chrétiens persécutés, comme par nos soldats qui combattent les terroristes islamistes. Avoir fait réciter à Lyon la Fatiha après le Notre Père, a hissé Mahomet au même rang que Jésus, pour beaucoup de musulmans, même si, je le répète, ce n’était pas le but des organisateurs chrétiens.

Je conclurai mon propos de ce jour, qui restera volontairement  grave, jusqu’au bout, une fois n’est pas coutume, par une citation d’une lettre du regretté professeur Roger Arnaldez[1], islamologue réputé, que j’ai eu l’honneur et le bonheur de connaître. Elle date du 7 septembre 1994 et est adressée au Père Maurice Borrmans très attaché au dialogue entre chrétiens et musulmans : « Est-ce à dire que je suis opposé au dialogue ? Non. Il faut il est vrai, reconnaître que les musulmans en tirent parti pour leur propagande, car ce dialogue les met en vedette. Mais c’est leur affaire. L’essentiel est de ne pas s’y laisser prendre. […] Ce n’est pas la crise islamiste avec son fondamentalisme qui est cause de mon scepticisme et de mes réserves. Mais elle les conforte. Je m’élève contre ceux qui veulent distinguer un « bon » et un « mauvais » islam. […] J’attends qu’on me dise quel est le principe, théorique et pratique, des terroristes musulmans, qui n’est pas fondé à la lettre sur un verset coranique. Trop de ceux, chrétiens ou non, qui veulent « sauver » l’islam en l’idéalisant, n’ont pas eu la patience de lire le Coran […]. Tout dépend, il est vrai, des commentaires, mais des commentaires, on fait ce qu’on veut. Il reste que le Coran est en soi un engin explosif, et le mieux qu’on puisse en dire, c’est qu’il n’explose que si quelqu’un le met à feu. »

« PS : Demeurant un ferme partisan du dialogue interreligieux, comme de toute rencontre permettant d’apporter la paix dans la Vérité, je crois qu’il faut suivre à la lettre les directives du Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux – orientations pastorales pour le dialogue interreligieux (14 mai 2014)

Pour les catholiques, « la prière est l’élévation de l’âme vers Dieu ou la demande à Dieu des biens convenables ». C’est le don de Dieu, une alliance, une communion et une réponse à l’autorévélation de Dieu. Chaque prière chrétienne se fait par le Christ, sous l’influence de l’Esprit qui « vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut. L’Esprit lui-même intercède pour nous par des gémissements inexprimables. Et Dieu qui scrute les cœurs, connaît les intentions de l’Esprit puisque c’est selon Dieu que l’Esprit intercède pour les fidèles » (Rm 8, 26-27).

Souvent, dans le contexte de relations interreligieuses, naît le besoin de prier ensemble à l’intention d’un besoin particulier de la société. Il est important toutefois de comprendre qu’être en mesure de prier ensemble doit correspondre à une compréhension commune de qui est Dieu, ce qui n’est pas le cas pour les diverses religions. À ce titre, la « prière interreligieuse », c’est-à-dire l’union dans la prière commune de membres de diverses religions doit être évitée.

À titre tout à fait exceptionnel, des personnes de différentes religions peuvent se réunir au cours d’un service de « prière multireligieuse » afin de prier pour des besoins particuliers. Concrètement, cela permet aux personnes d’être en présence les unes des autres pendant qu’elles prient, sans pour autant prier réellement en commun. Le pape Jean-Paul II a énoncé ce principe essentiel au terme de la première rencontre interreligieuse d’Assise en 1986 : « Certes, on ne peut pas “prier ensemble”, c’est-à-dire faire une prière commune, mais nous pouvons être présents quand les autres prient. De cette manière, nous manifestons notre respect pour la prière d’autrui et pour l’attitude des autres devant la Divinité ; en même temps, nous leur offrons le témoignage humble et sincère de notre foi dans le Christ, Seigneur de l’univers ». Par conséquent, un tel service devrait être assuré avec une certaine prudence, et les participants doivent être dotés d’un certain degré de maturité humaine et spirituelle. Il est utile de rappeler la conclusion de cette rencontre historique d’Assise, quand les prières des représentants de chaque religion ont été récitées, les unes après les autres, en des moments bien distincts, tandis que toutes les autres personnes présentes y assistaient dans l’attitude respectueuse, à la fois intérieure et extérieure, de celui qui est témoin de l’effort suprême d’autres hommes et femmes dans leur quête de Dieu. Lors de la préparation d’un service de prière « multireligieuse », au cours de cérémonies publiques, toute pratique risquant de donner une impression de relativisme ou de syncrétisme, comme l’invention de services « paraliturgiques » ou la préparation et l’utilisation de prières communes acceptables pour toutes les religions, ainsi que la compilation et la lecture d’extraits de soi-disant « livres sacrés » de différentes religions, sont à éviter. Au cours de tels rassemblements, la préférence devrait être accordée au silence et à la prière personnelle. Ainsi, tous les participants comprendront que ces moments sont l’occasion d’« être ensemble pour prier, mais pas de prier ensemble ». De même, lorsque des représentants d’autres religions sont invités à assister à des liturgies catholiques, ils ne devraient pas être invités à prier et encore moins à exercer un rituel propre à leur religion.

Il est donc nécessaire pour les pasteurs catholiques de comprendre et d’expliquer aux fidèles les implications de leurs gestes d’amitié, d’hospitalité et de coopération à l’égard des fidèles d’autres religions. En effet, le devoir d’hospitalité a ses limites : mettre à disposition une église pour qu’elle soit utilisée comme maison de prière par des personnes d’autres religions est inconvenant et doit être évité. Il est également important de décourager l’utilisation de bâtiments destinés à des activités pastorales catholiques comme lieux de prière et de culte par des personnes d’autres religions.

Dans ces moments difficiles et exceptionnels où il devient inévitable de vendre un bâtiment de l’Église, les pasteurs catholiques doivent veiller à ce que les conditions de vente prévoient notamment que l’édifice conserve son caractère sacré, et qu’il soit destiné, si possible, à un usage catholique ou chrétien. »

[1] Roger Arnaldez (1911-2006) : grand islamologue, élu à L’Académie des Sciences Morales et Politiques le 6 février 1986 et président de celle-ci en 1997.

Ref. « Avec une certaine inquiétude »

Source Belgicatho

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