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Le prêtre de Jésus-Christ face au Léviathan moderne

publié dans regards sur le monde le 15 mars 2014


 

Le prêtre de Jésus-Christ

face

au  Léviathan moderne.

 

Tel est le sujet que je me propose de développer dans ce livre.

 

Par « Leviathan » j’entends cette bête immonde que saint Jean décrit dans le chapitre 13 de son Apocalypse :

 

« Puis je vis monter de la mer une bête qui avait sept têtes et dix cornes, et sur ses cornes dix diadèmes, et sur ses têtes des noms de blasphème. La bête que je vis ressemblait à un léopard; ses pieds étaient comme ceux d’un ours, et sa gueule comme une gueule de lion. Le dragon lui donna sa puissance, son trône et une grande autorité.  Une de ses têtes paraissait blessée à mort ; mais sa plaie mortelle fût guérie, et toute la terre, saisie d’admiration, suivit la bête, et l’on adora le dragon, parce qu’il avait donné l’autorité à la bête, et l’on adora la bête, en disant :  » Qui est semblable à la bête, et qui peut combattre contre elle?  » Et il lui fut donné une bouche proférant des paroles arrogantes et blasphématoires, et il lui fût donné pouvoir d’agir pendant quarante-deux mois.

Et elle ouvrit sa bouche pour proférer des blasphèmes contre Dieu, pour blasphémer son nom, son tabernacle et ceux qui habitent dans le ciel.

Et il lui fut donné de faire la guerre aux saints et de les vaincre; et il lui fût donné autorité sur toute tribu, tout peuple, toute langue et toute nation.

Et tous les habitants de la terre l’adoreront, ceux dont le nom n’a pas été écrit dans le livre de vie de l’Agneau immolé, dès la fondation du monde.

Que celui qui a des oreilles entende ! »

 

Cette Bête de l’Apocalypse de Saint Jean est le symbole du monde moderne hostile à Dieu, à son Christ, à son Eglise et à ses prêtres. Nous le montrerons. L’Apocalypse guidera  notre analyse. Nous le montrerons en effet « arrogant  et blasphématoire »,  proférant des « blasphèmes contre Dieu », « blasphémant son nom, son tabernacle et ceux qui habitent dans le ciel », et dès lors  faisant « la guerre aux saints de Dieu ».

 

Par « prêtre de Jésus Christ », j’entends l’homme du sacrifice comme le définit saint Paul dans son Epître aux Hébreux (Hb 5 1).  Il a reçu ce pouvoir d’offrir le sacrifice du Christ « pour les vivants et pour les morts » par  ces paroles sublimes : « faites ceci en mémoire de moi ». L’offrande du sacrifice du Christ renouvelée sur les autels de l’Eglise est donc la grande mission du prêtre. Et ce  sacrifice rend à Dieu « tout honneur et toute gloire » parce qu’il confesse le souverain domaine de Dieu sur toutes choses. Il exprime  la sujétion que toute créature doit à son Créateur, tout fils à son père. Ainsi par ce sacrifice du Christ, renouvelé sur les autels, la justice divine est satisfaite. C’est un acte théandrique de soumission. L’ordre est ainsi rétabli. La paix règne de nouveau entre Dieu et les hommes. Le ciel ouvre ses portes. Si le monde moderne se caractérise par une  insubordination à Dieu et à sa loi, le sacrifice du Christ qui affirme au contraire  soumission à la volonté de Dieu, soumission totale, libre et volontaire, est tout à fait à l’opposé de ce monde.  Il est « Antimoderne ».

« Antimoderne » aussi est  la sainte messe, pour reprendre l’expression de Dom Guéranger, puisqu’elle reproduit le sacrifice rédempteur du Christ. Dès lors il faut dire que la messe qui rend à Dieu le culte qu’il lui est du, le culte de latrie, est donc le grand principe de la  chrétienté. Elle est au cœur de toute restauration chrétienne. Elle a seule le pouvoir de terrasser ce Léviathan moderne ou de  le convertir.

 

Ce monde moderne  a apostasié la foi et la doctrine chrétienne, a renié ses traditions plus que millénaires. Il vit dans « l’impiété». Saint Pie X l’enseigne dans sa première encyclique « E supremi apostolatus », écrite en 1903.  Face à cette apostasie, saint Pie X dresse l’étendard du Christ et déclare vouloir « tout restaurer dans le Christ ». Dès lors, on comprend que l’Eglise,  le prêtre et sa messe  soient au cœur de toute restauration.

 

« De cette apostasie des nations », la laïcité en est la cause. La « philosophie  des Lumières », le naturalisme, le rationalisme et l’Idéalisme en sont les principes. L’idéalisme  cartésien en  est certainement le grand inspirateur.

 

L’étude de ces principes au cœur du monde moderne face à l’Eglise sacerdotale  composera notre première partie. Nous pourrons ainsi à l’issue  de cette étude donner une définition du monde moderne.  Elle sera celle de l’Apocalypse de saint Jean.

 

L’Eglise s’est dressée contre ce monde moderne ; elle l’a défini et en a combattu les principes et ce, jusqu’à Pie XII. Nous étudierons plus particulièrement la pensée de Saint Pie X, celle du cardinal Freppel, du cardinal Pie. Saint Pie X  s’en est considérablement inspirée.  Nous découvrirons  une pensée contre-révolutionnaire, une pensée que l’on pourrait appeler, avec Jacques Maritain, là encore,  « antimoderne ». Ce sera notre deuxième partie.

 

Avec Jean XXIII, l’attitude de l’Eglise change.  D’une condamnation franche, elle passe à une attitude d’ouverture, de « dialogue », de « non condamnation ». Ce sera l’attitude essentielle de l’Eglise « conciliaire ». On parlera alors entre l’Eglise et la société humaine de « rencontre », de « connaissance » et « d’amour réciproque ». Ce sont les termes mêmes de Paul VI dans son Encyclique « Eccleiam suam ». C’est l’attitude de Jean XXIII, dans son discours d’ouverture du Concile Vatican II. C’est l’attitude de Jean-Paul II telle qu’il l’exprime dans son dernier ouvrage : « Mémoire et identité ». C’est le jugement du cardinal Ratzinger comme exposé dans son livre « Principes de la théologie catholique »  dans son ultime chapitre.. Ce sera notre 3ème partie C’est pourquoi il fallait que les couvents contemplatifs s’ouvrent au monde…et enlèvent  leurs grilles de clôture.

 

Mais ce mal moderne qu’est l’apostasie ne peut que croître si l’on ne revient pas à la saine doctrine du Magistère,  « Quand je reviendrai, trouverai-je encore la foi » ? Au milieu de ce mal croissant, la doctrine apostolique  nous demande de combattre et de garder l’espérance. « Confiance, petit troupeau, j’ai vaincu le monde ».Ce  sera la  conclusion

 

Voilà les idées que je voudrais aborder dans ce livre « le prêtre de Jésus-Christ face au Léviathan moderne ».

 

Mais tout d’abord rappelons quelques vérités sur le prêtre.

 

 

 

Chapitre 1

 

le prêtre de Jésus-Christ.

 

 

§-1 Le prêtre de Jésus-Christ  dans le plan du salut

 

Au fronton du séminaire saint Vincent de Paul à Courtalain, il devrait être marqué cette inscription : « Domus sacrificii » parce que le sacerdoce est ordonné à l’Eucharistie qui est, avant tout, « sacrifice » : « Faites ceci en mémoire de moi »
Le Christ prêtre, « souverain prêtre selon l’ordre de Melchisédech » est le principe du sacerdoce. Il en est la fin. Il en est le modèle. Or ce Christ est l’auteur du salut. Nous le disons dans le credo : « propter nostram salutem, descendit de caelis»

 

§-2 Le salut

 

Suite, ou mieux, en raison de la faute originelle, le Fils de Dieu, dans le Conseil trinitaire, a résolu de s’incarner et de s’offrir à son Père, en son sacrifice, pour racheter les hommes de ce péché et de leurs péchés personnels.  Il a voulu verser son sang, dans un acte libre de belle soumission,  pour nous rendre de nouveau la vie divine.

 

Il est vrai : une seule parole, un seul acte d’amour de NSJC incarné aurait suffi pour nous racheter tous.  Il est Dieu. Mais NSJC a voulu prouver son amour d’une manière plus sensible encore en versant son sang pour nous, tout son sang ! Et il n’a pas voulu le faire pour une seule génération, sa génération. Il est venu sauver l’humanité toute entière et toutes les générations, celles d’avant son Incarnation, comme celles d’après. Il est le seul Sauveur. Avant comme après l’Incarnation, il faut, il fallait se soumettre « à l’autorité du Christ » (Apoc 12), au  Christ à venir ou au Christ venu. Saint Thomas d’Aquin le dit clairement dans son traité sur les sacrements lorsqu’il parle de leur nécessité.  

 

Tel est le plan divin.

 

Et ce plan divin fut l’occasion d’un grand conflit dans le ciel. Il est aujourd’hui encore l’occasion d’une lutte profonde sur cette terre. L’Apocalypse nous le laisse entendre. C’est le combat de l’Eglise et de la Révolution.

Il faut savoir que  le sacerdoce se situe en plein cœur de ce combat. Ceux qui ne le comprennent pas, seront, nécessairement, un jour les membres de la « cinquième colonne », la colonne des traites, de ceux qui travaillent pour la Révolution qui s’oppose à « l’autorité du Christ », comme jadis, au Ciel, Lucifer s’opposa au plan du salut.

 

Souvenez-vous de la deuxième antienne des Vêpres de la fête de saint Michel : « Et tandis que l’archange Michel luttait contre le dragon, on entendit la voix de ceux qui disaient : «le  Salut est à notre Dieu ».

 

Saint Michel prit, si l’on peut dire,  le parti de Dieu. Dieu, après avoir créé les anges, leur révéla le mystère de l’Incarnation du Verbe dans le sein d’une femme sans égale, l’Immaculée. C’est l’opinion commune de tous les théologiens. Il leur donna l’ordre d’honorer le Verbe incarné comme leur Roi et de l’adorer comme leur Dieu : « Et que tous les anges l’adorent », lisons nous dans l’Epître aux Hébreux (Hb 1 6). Voilà l’ordre divin pour tous les siècles. Ils reçurent aussi l’ordre d’honorer et de vénérer la Mère, créature pourtant non angélique et seulement humaine, comme leur Reine et leur Souveraine : « Ave Regina Coelorum, Ave, Domina Angelorum ». « Salut, Reine des Cieux ! Salut, Souveraine des Anges » chantons nous à Complies du 2 février, au mercredi saint.

 

Le  salut par le Christ Jésus qui est le fruit de la Vierge Marie : tel est le plan de Dieu pour réparer la faute originelle.

 

Le plus grand nombre des anges se soumit au décret divin et fut confirmé en grâce, obtenant la béatitude parfaite de la vision de Dieu.

Mais Lucifer, le premier des Anges, pourtant l’ange de Lumière, refusa de se soumettre au décret divin. Il considéra comme un déshonneur de s’incliner devant une nature inférieure, la nature humaine et du Fils, en tant qu’Homme et de la Mère, malgré son Immaculée Conception et sa maternité divine.  C’est alors qu’Il prit la tête d’une redoutable rébellion, entraînant à sa suite « un tiers des anges ». Michel prit l’étendard de la fidélité et lui cria : « Quis ut Deus », pour se permettre de contester ses décrets.

Ecoutez ! C’est le fameux chapitre 12 de l’Apocalypse :

« Puis il parut dans le ciel un grand signe : une femme revêtue du soleil, la lune sous ses pieds, et une couronne de douze étoiles sur sa tête. Elle était enceinte, et elle criait, dans le travail et les douleurs de l’enfantement.

Un autre signe parut encore dans le ciel : tout à coup on vit un grand dragon rouge ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses têtes, sept diadèmes; de sa queue, il entraînait le tiers des étoiles du ciel, et il les jeta sur la terre. Puis le dragon se dressa devant la femme qui allait enfanter afin de dévorer son enfant, dès qu’elle l’aurait mis au monde. »

 

Voilà le combat des mauvais anges au Ciel. Voilà le combat, sur la terre, en la politique, des suppôts des mauvais anges. Nous allons le montrer.

 

« Or, elle donna le jour à un enfant mâle, qui doit gouverner toutes les nations avec un sceptre de fer; et son enfant fût enlevé auprès de Dieu et auprès de son trône, et la femme s’enfuit au désert, où Dieu lui avait préparé une retraite, afin qu’elle y fût nourrie pendant mille deux cent soixante jours.

« Et il y eut un combat dans le ciel.  Michel et ses anges combattaient contre le dragon; et le dragon et ses anges combattaient; mais ils ne purent vaincre, et leur place même ne se trouva plus dans le ciel. Et il fût précipité, le grand dragon, le serpent ancien, celui qui est appelé le diable et Satan, le séducteur de toute la terre, il fût précipité sur la terre, et ses anges furent précipités avec lui. Et j’entendis dans le ciel une voix forte qui disait :

« Maintenant le salut, la puissance et l’empire sont à notre Dieu, et l’autorité à son Christ ; car il a été précipité, l’accusateur de nos frères, celui qui les accuse jour et nuit devant notre Dieu.  Eux aussi l’ont vaincu par le sang de l’Agneau et par la parole à laquelle ils ont rendu témoignage, et ils ont méprisé leur vie jusqu’à mourir.».

« Et j’entendis dans le ciel une voix forte qui disait : « Maintenant le salut, la puissance et l’empire sont à notre Dieu, et l’autorité à son Christ »

 

Voilà la voix de saint Michel, son témoignage, voilà son testament, la vérité qu’il crie du haut du ciel : « Maintenant le salut, la puissance et l’empire sont à notre Dieu, et l’autorité à son Christ ».

 

Voilà le cri de Saint Michel.

Voilà le cri de l’Eglise.

Voilà le cri du sacerdoce, sa raison d’être. Voilà ce que nous avons recueilli de Saint Jean et de son Apocalypse.

Voilà le sacerdoce : « confesser que « le salut, la puissance et l’empire sont à notre Dieu et l’autorité à son Christ ».

Le prêtre alors,  comme sain t Michel et ses anges,  veut se soumettre à l’autorité de ce Christ. Qui est aussi l’autorité de l’Eglise. Le prêtre veut s’abreuver du « sang de l’Agneau ». C’est pourquoi  le prêtre aime  tout particulièrement l’ Eucharistie.  C’est pourquoi le prêtre aime tout particulièrement le Golgotha, le sacrifice rédempteur du Golgotha, car, là, se trouve  aussi « le sang de l’Agneau » qui rend le prêtre  vainqueur du Dragon et du monde, par la contemplation de la charité débordante  de ce Christ, au cœur du plan divin et de cette sainte soumission.

 

§-3  Le prêtre

 

Et de fait, pour la réalisation de ce plan de salut dans le temps, dont son sacrifice de la Croix est le cœur, NSJC a pensé se choisir parmi les hommes des élus qu’il ferait semblables à Lui, auxquels il donnerait ce pouvoir extraordinaire d’être d’autres Christs, « Alter Christus » i.e. de continuer son Calvaire, de continuer son sacrifice, de répandre son sang et sa grâce, de donner Son Corps en nourriture aux fidèles. Ce sont là, de fait, des éléments constitutifs du plan du salut. La charité, le sacrifice, le sacerdoce, l’Eglise : voilà  ce salut en acte.

 

C’est ainsi qu’il a pensé aux prêtres.

 

Voilà le grand mystère de l’amour de Dieu, de NSJC : « Vouloir s’associer des créatures, pécheresses, mais rachetées par son Sang, en les marquant du caractère sacerdotal et leur permettant de prononcer les paroles qui continueront sa Rédemption » (Mgr Lefebvre. La sainteté sacerdotale. p 22).

 

Ce fut la grande idée de  Mgr Lefebvre dans la création de la FSSPX.

 

Quelle merveille !

 

Voilà l’essence du sacerdoce.

 

Le mystère du sacerdoce – qui est aussi le mystère de l’Eglise – est l’œuvre de la charité de Dieu. Comment cela ? La charité se définit comme cette disposition habituelle et constante de se donner elle-même. « Bonum diffusivum sui ». Si Dieu « fait » le prêtre, institue l’Eglise, – l’Eglise est essentiellement sacerdotale, elle est sacerdotale ou elle n’est rien…-  c’est pour  se donner lui-même, pour se continuer «  lui-même », pour continuer ce « don » à travers les siècles. C’est par ce « don » du Christ que le monde est sauvé. Il est le seul « Sauveur ». Il s’est donné au prêtre, « faites ceci en mémoire de moi », pour continuer cette œuvre de Rédemption, son Calvaire, son sacrifice, pour communiquer sa Vie, la Vie éternelle.

 

Ecoutez et méditez ces paroles formidables de saint Jean, tout un programme :

« Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu,
ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et ce que nos mains ont touché, du Verbe de vie,  – car la Vie a été manifestée, et nous l’avons vue, et nous lui rendons témoignage, et nous vous annonçons la Vie éternelle,  qui était dans le sein du Père et qui nous a été manifestée – ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons, afin que vous aussi vous soyez en communion avec nous, et que notre communion soit avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ.  Et nous vous écrivons ces choses, afin que votre joie soit complète. ….et le sang de Jésus-Christ, son Fils, nous purifie de tout péché ».

 

Ce sont les premières paroles de saint Jean dans sa première épître.
Son « sacrifice » est « purificateur : « et le sang de Jésus-Christ, son Fils, nous purifie de tout péché » 

 

Et ce sacrifice, il le donne à son Eglise, à son prêtre,  pour qu’elle poursuive, pour qu’il poursuive  son œuvre purificatrice, son œuvre de sainteté qui est une œuvre de soumission: « Faites ceci en mémoire de moi » (Lc 22 19) a.v.  « Continuez mon sacrifice ».

 

Tel est le plan divin.

 

Voilà ce que NSJC a dit à la Cène à ses disciples. A ce moment-là, les Apôtres sont devenus prêtres, participants du sacerdoce de NSJC. Ainsi le sacerdoce est le grand héritage, le don de NSJC. NSJC a remis son sacerdoce entre les mains de l’Eglise afin qu’il continue jusqu’à la fin des temps, l’œuvre essentielle de sa charité : son sacrifice qui est le cœur – le formel –  du plan divin.

 

Le prêtre est le don de NSJC  fait à son Eglise, à l’humanité. Si nous n’avions pas de prêtres, nous n’aurions pas la sainte communion, nous ne pourrions pas communier à NSJC, nous ne pourrions pas recevoir la grâce de l’Esprit Saint par les sacrements, nous n’aurions pas ni communication du plan de salut, ni la foi, ni la doctrine.

 

Le prêtre est ainsi au cœur du salut et de son plan.

 

Vous connaissez tous ce si beau texte de Saint Paul aux Romains :

« Si tu confesses de ta bouche Jésus comme Seigneur, et si tu crois dans ton
cœur que Dieu l’a ressuscité des morts tu seras sauvé. Car c’est en croyant de cœur qu’on parvient à la justice, et c’est en  confessant de bouche qu’on parvient au salut, selon ce que dit l’Ecriture : « Quiconque croit en lui ne sera pas confondu ». Il n’y a pas de différence entre le Juif et le Gentil, parce que le même  Christ est le Seigneur de tous, étant riche envers tous ceux qui l’invoquent. Car  » quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. « Comment donc invoquera-t-on celui en qui on n’a pas encore cru? Et  comment croira-t-on en celui dont on n’a pas entendu parler? Et comment en  entendra-t-on parler s’il n’y a pas de prédicateur?  Et comment seront-ils prédicateurs, s’ils ne sont pas envoyés? selon qu’il  est écrit :  » Qu’ils sont beaux les pieds de ceux qui annoncent le bonheur ! »  Mais tous n’ont pas obéi à l’Evangile; car Isaïe dit :  » Seigneur, qui a cru à  notre prédication? » Ainsi la foi vient de la prédication entendue, et la prédication se fait par la parole de Dieu. Mais je demande : n’ont-ils pas entendu? Au contraire :  » Leur voix est  allée vers toute la terre, et leurs paroles jusqu’aux extrémités du monde. « . Je demande encore : Israël n’en a-t-il pas eu connaissance? Moïse le premier a dit : J’exciterai votre jalousie contre une nation qui n’en est pas une; j’exciterai votre colère contre une nation sans intelligence.  » Et Isaïe pousse la hardiesse jusqu’à dire :  » J’ai été trouvé par ceux qui ne me cherchaient pas, je me suis manifesté à ceux qui ne me demandaient pas.  » Mais au sujet d’Israël il dit :  » J’ai tendu mes mains tout le jour vers un peuple incroyant et rebelle. »

 

Ainsi le sacerdoce est bien au cœur du plan salvifique. Il doit le faire connaître.

Le prêtre est comme le « canal » de la grâce divine pour la  sanctification.

 

Alors le  sacerdoce, sacrum dare,  étant chose si sainte par la sainte Eucharistie, qui est « la Vie » combien grande doit être la soif de sainteté dans le cœur de tout prêtre. Le prêtre par sa fonction sainte est aussi  une personne sacrée, vouée à la sainteté.

« Domus sanctitatis » : tel est le séminaire, tel doit être le séminaire parce que le plan divin est substantiellement « sain t », « sanctificateur ». Le prêtre doit donc se soumettre à l’autorité du Christ qui est saint.

 

Il faut avoir grande estime du sacerdoce, pour avoir grand souci de sainteté. Cette estime du sacerdoce est le meilleur garant pour la recherche de la sainteté. Estime du sacerdoce, sainteté : voilà deux choses qui sont profondément liées…comme les deux piliers  d’une  nouvelle vie.

Voilà, me semble-t-il, la grande pensée de Mgr Lefebvre, ce grand réformateur du sacerdoce au XXème siècle :

 

La médiation de Notre Dame.

« Si le Verbe Incarné, qui n’avait nullement besoin d’une mère pour venir parmi nous afin d’accomplir sa tâche de Rédempteur, a voulu que sa personne divine reçût son corps et son âme dans le sein de Marie et, que pendant trente année sur trente trois, il demeurât soumis à sa Mère et fut en quelque sorte formé par Marie, comment, pourrions nous imaginer que nous, pauvres créatures pécheresses, nous n’ayons pas besoin de l’aide efficace de Marie pour former en nous le prêtre » (Mgr Lefebvre ib. p. 25)

 

Première partie

 

A la recherche d’une définition du monde moderne

 

Chapitre 1

 

le monde moderne

 

 

§-1 Le monde moderne et son apostasie.

  

 

 Dans sa  Ière Encyclique, « E Supremi Apostalatus » de 1903, Saint Pie X parle de la « maladie » du monde moderne. Il écrit : « Peut-on ignorer la maladie si profonde et si grave qui travaille, en ce moment bien plus que par le passé, la société humaine et qui, s’aggravant de jour en jour et la rongeant jusqu’aux moelles, l’entraîne à sa ruine ? Cette maladie, Vénérables Frères, vous la connaissez, c’est à l’égard de Dieu l’abandon et l’apostasie ; et rien sans nul doute qui mène plus sûrement à la ruine, selon cette parole du prophète : « Voici que ceux qui s’éloignent de vous périront » »

Pour saint Pie X, la grande maladie de notre époque, du début du 20ème siècle « c’est à l’égard de Dieu, l’abandon et l’apostasie ». C’est plus vrai aujourd’hui que jamais. Plus vrai dans les pays de la vielle Europe que du Nouveau Continent. Mais vrai aussi ici de ce continent de l’Amérique du Sud, rongé qu’il est  par les sectes « maçonniques ».

§-2 Mais qu’est-ce que l’apostasie ? 

Ce nom (apostasia) vient du grec. Il dérive du verbe aphistêmi, qui signifie littéralement « s’éloigner de » ; il a le sens de « désertion », « d’abandon » (Act 21, 21). En grec classique, on l’employait pour parler des défections politiques, et c’est vraisemblablement dans ce sens que le verbe est employé dans les Actes des Apôtres (5:37) à propos de Judas le Galiléen qui « a entraîné » (apéstêsé, une forme d’aphistêmi) des partisans à sa suite. Dans les Septantes, ce mot se retrouve dans la  Genèse 14 4 au sujet d’un autre cas de rébellion. Toutefois, dans les Écritures grecques chrétiennes, il est utilisé essentiellement à propos de défections religieuses, pour parler de quelqu’un qui cesse d’adorer et de servir Dieu, et qui, par conséquent, renie ce qu’il professait auparavant et abandonne totalement ses principes ou sa foi. Un exemple fameux : les chefs religieux de Jérusalem accusèrent Paul d’une telle apostasie envers la Loi de Moïse.

Retenons : Apostat : celui qui abandonne Dieu, qui renonce aux principes de sa foi

§-3 : Abandon de Dieu. Apostasie.

Voilà ce que constate Saint Pie X, en 1903.

Voilà ce que constate aussi avec effroi Jean-Paul II, quelques années plus tard, dans son exhortation apostolique « Ecclesia in Europa ». Il parle lui aussi d’apostasie, il ajoute le mot «  silencieux », il parlait d’« apostasie silencieuse ».

Si le remède que ces deux papes  apportent à la guérison du mal moderne est différent, nous le verrons,  l’analyse qu’ils en font, est  identique.

Jean Paul II développe en effet son idée dans les § 7 et 9 de son Exhortation :

Il parle d’une « époque d’égarement » : « Le temps que nous vivons, avec les défis qui lui sont propres, apparaît comme une époque d’égarement ». Il mentionne «  la perte de la mémoire et de l’héritage chrétien, accompagnés d’une sorte d’agnosticisme pratique et d’indifférentisme religieux, qui fait que beaucoup d’Européens donnent l’impression de vivre sans terreau spirituel et comme des héritiers qui ont dilapidé le patrimoine qui leur a été légué par l’Histoire ». Cette Europe, jadis chrétienne, « exclut son héritage religieux, en particulier son âme profondément chrétienne, fondant les droits des peuples qui la composent sans les greffer sur le tronc irrigué par la sève vitale du Christianisme ». C’est bien parler d’apostasie !

Dans le contexte religieux (le plus courant), l’apostasie signifie le renoncement par un individu adulte et responsable, à faire partie d’une organisation religieuse.

« Les prestigieux symboles de la présence chrétienne » ne manquent pas dans le continent européen, poursuit-il,  « mais avec l’expansion lente et progressive de la sécularisation », ils risquent de devenir un pur vestige du passé. Beaucoup n’arrivent plus à intégrer le message évangélique dans l’expérience quotidienne ; il est de plus en plus difficile de vivre la foi en Jésus dans un contexte social et culturel où le projet chrétien de vie est continuellement mis au défi et menacé ; dans de nombreux milieux de vie, il est plus facile de se dire athée que croyant ; on a l’impression que la non-croyance va de soi tandis que la croyance a besoin d’une légitimation sociale qui n’est ni évidente, ni escomptée »

Le Pape dresse donc le constat pour l’Europe « d’une  perte de la mémoire chrétienne » qui va aussi avec « une  perte du sens de la vie » et avec le développement de «  l’attitude égocentrique qui enferme les personnes et les groupes sur eux-mêmes, la croissance d’une indifférence éthique générale et de la crispation excessive sur ses propres intérêts et privilèges. »

C’est ainsi que se développe «  une anthropologie sans Dieu et sans le Christ. Cette manière de penser a conduit à considérer l’homme comme « le centre absolu de la réalité, lui faisant occuper faussement la place de Dieu. On oublie alors que ce n’est pas l’homme qui fait Dieu, mais Dieu qui fait l’homme. L’oubli de Dieu a conduit à l’abandon de l’homme », et c’est pourquoi, « dans ce contexte, il n’est pas surprenant que se soient largement développés le nihilisme en philosophie, le relativisme en gnoséologie et en morale, et le pragmatisme, voire un hédonisme cynique, dans la manière d’aborder la vie quotidienne ». La culture européenne donne l’impression, conclut-il, d’une « apostasie silencieuse » de la part de l’homme comblé qui vit comme si Dieu n’existait pas.

Et cette apostasie entraîne «  l’apparition d’une nouvelle culture » caractérisée par  « un agnosticisme religieux toujours plus répandu », «  lié à un relativisme moral et juridique plus profond, qui prend racine dans la perte de la vérité de l’homme comme fondement des droits inaliénables de chacun », prélude «  de ce que l’on peut appeler une « culture de mort ».

 

Apostasie des Nations ! Certes. Mais quelles en sont les causes ?

Chapitre 2

le « laïcisme républicain »

Le « laïcisme républicain »  en est certainement une première cause. Il en sera du moins le fer de lance.

§-1  « De la laïcité républicaine ».

Je parle de la « laïcité républicaine » pour la distinguer de la laïcité tout court qui peut être une bonne chose dans le gouvernement des hommes puisqu’il consiste à distinguer les pouvoirs, le pouvoir temporel du pouvoir spirituel selon l’axiome évangélique : rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Cela est juste et bon, dira Pie XII. Cela est une bonne laïcité. Rien n’est plus périlleux pour l’homme que la confusion des pouvoirs. Cela entraîne au totalitarisme comme dans l’Islam.

Mais je connais un courant de pensée, très actuel, très influent sur beaucoup, courant de pensée qui a pris résolument le parti de mépriser Dieu et qui le hait très franchement et qui a accéléré cette apostasie moderne. Je veux parler du « laïcisme » ou, si vous préférez, de la « laïcité républicaine ». Cette « laïcité » a choisi. Elle le dit. Elle l’affirme. Elle a choisi la haine de Dieu. « Nul ne peut choisir deux maîtres, ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre ».

La laïcité républicaine, durant tout le cours du XXe siècle, et avant même au 19ème siècle,  s’est dressée, s’est attaquée, avec tout son cortège de lois contre les Congrégations religieuses et les écoles catholiques, s’est attaquée à la religion de Notre-Seigneur Jésus-Christ parce qu’elle aspirait à en être une autre, « supérieure », « meilleure ». Ce fut l’enjeu des grandes batailles, de 1880 à 1905-1906, qui ont tellement secoué notre pays de France et qui aujourd’hui encore, avec l’argent de l’UNESCO, s’active à déchristianiser les nations chrétiennes en contribuant au développement d’un enseignement laïc, raison de l’apostasie des générations. Forte de ses victoires, la Laïcité républicaine s’établissait en notre pays comme une sorte de religion d’Etat, excluant le Christianisme de tout l’espace public et réduisant le culte catholique à une affaire privée, à « une croyance subjective et muette », comme le dit très justement Jean Madiran dans son livre La laïcité dans l’Eglise (p. 3). C’est de l’ordre divin qu’elle s’est détachée. C’est cette vérité divine qu’elle a laissée, en revendiquant l’indépendance absolue, en rompant avec Dieu et en rompant avec l’être. C’est bien l’apostasie de la  Nation.

C’est bien cela.

La laïcité républicaine, c’est bien le dogme d’une religion d’Etat qui, non seulement s’oppose à l’Eglise par haine de Dieu, mais a même réussi à intégrer l’Eglise pour essayer de la corrompre. Jean Madiran parlera alors d’« un entrisme de la laïcité républicaine dans l’Eglise ». J’en donnerai la preuve un peu plus loin.

Mais au préalable, permettez-moi de rappeler ce qu’est le laïcisme ou la laïcité républicaine. Littré et Renan nous en donneront les principes. Je m’inspire là de Jean Madiran.

§-2 Littré, d’abord.

Il nous dit : « « La laïcité), c’est la conception politique et sociale impliquant la séparation de la religion et de la société civile ». « …impliquant la séparation de la religion et de la société civile ». Pour l’Eglise, ces deux pouvoirs, le spirituel et le temporel, sont distincts, l’un n’est pas l’autre, ce qui ressort clairement de l’enseignement de Notre-Seigneur Jésus-Christ : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». Mais s’ils sont « distincts », ils ne sont pas « séparés », ni « opposés ». Ils doivent être invités, au contraire, à « coopérer ». C’est tout ce qu’on appelle le « Constantinisme » qui fut le régime des pays d’Europe depuis la conversion de Constantin jusqu’à la Réforme.

Mais Littré, lui, lorsqu’il parle de la laïcité, de la « laïcité républicaine », parle d’une conception politique et sociale qui implique « la séparation de la religion et de la société civile ».

Vous remarquerez que Littré parle non pas de la séparation d’avec le « pouvoir temporel ». Mais il utilise l’expression « société civile ». Ce terme est très large. Il ne se limite pas au seul pouvoir politique. Il s’étend à tout ce qui n’est pas la société ecclésiastique. Et donc pour Littré, « séparer la religion de la société civile », c’est séparer l’Eglise de l’Etat, mais plus encore, c’est séparer la religion de toute l’étendue de la vie publique, la réduire à rester enfermée dans la vie privée. Dieu ne peut plus posséder la moindre parcelle de son propre domaine. Rien ne relève plus de Lui. Le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif, le pouvoir administratif, le pouvoir éducatif, ne relèvent plus de Dieu. Ils ne relèvent que de l’Etat qui ne relève que de sa propre raison, raison qui, par principe, refuse Dieu et sa Lumière, refuse tout « absolu », « toutes certitudes ». Le laïcisme, c’est, pour s’exprimer comme Jacques Chirac, alors qu’il recevait à l’Elysée, les Francs-Maçons de tous horizons, à l’occasion du 275ème  anniversaire de sa fondation,  «  le refus des certitudes… ».

Le laïcisme ne relève que de l’idéologie rationaliste, que « du libre débat » et du « consensus social ». Le seul dogme que reconnaît la laïcité républicaine, c’est qu’il n’y a rien d’antérieur et de supérieur à l’humain et à sa propre pensée. (C’est le naturalisme rationaliste dans son expression la plus parfaite). Dieu n’a pas son mot à dire. Tout relève de l’homme. « Il n’y a pas de loi morale antérieure à la loi civile », disait Jacques Chirac, alors Président de la République Française.  La vie publique, les mœurs publiques ou privées ne relèvent plus en rien du domaine divin. Ils sont autonomes et propres. C’est donc l’affirmation du « refus de quoi que ce soit qui soit supérieur à l’arbitraire humain ». Le laïcisme ne vous demande pas d’abjurer publiquement la foi en Dieu, comme au temps du pouvoir romain impérial. Il vous demande et vous impose de la garder en silence. « Dieu est interdit en public », il est interdit en politique. Il est interdit dans les problèmes de société. Il est interdit dans « la démocratie des mœurs ».

« Démocratie des mœurs », qu’est-ce à dire ? Autrefois, la démocratie, c’était le régime politique où le suffrage universel permettait la nomination du personnel politique. Aujourd’hui, ce n’est plus seulement cela. La « démocratie des mœurs », c’est la démocratie dans laquelle la « règle ne peut naître que du libre débat » et qui veut que « toute référence à un principe soit elle-même soumise à la discussion », au seul consensus populaire. C’est donc, par principe, l’exclusion de toute référence aux lois éternelles du Décalogue divin et de l’Evangile. Ce n’est pas nécessairement son exclusion, mais c’est la libre discussion des principes divins. Aucune autorité supérieure à l’humain n’est admissible, Dieu compris. La laïcité républicaine, c’est le refus laïque ou la libre discussion jusqu’à l’exclusion de toute loi religieuse ou naturelle supérieure à l’homme. La haine de Dieu et de l’Eglise est totale. C’est un anthropocentrisme absolu qui refuse toute lumière divine. C’est pourquoi ce régime ne peut qu’engendrer, in fine, l’anarchie mentale et sociale et le nihilisme intellectuel puisque sa philosophie, la seule qu’il admette, c’est de se libérer de tout dogme et du Décalogue et de l’Evangile. Le laïcisme est l’anti-dogmatisme absolu. Jacques Chirac le disait en s’adressant toujours aux mêmes groupes maçonniques qui ont tant fait pour l’extension du laïcisme : «  l’idéal maçonnique, celui d’Isaac Newton, rêvait de substituer aux dogmatismes le débat sur le progrès scientifique, de desserrer l’étreinte, de casser les rigidités, pour instaurer un espace de liberté, hors des tabous et des index de l’époque… »  Se substituer aux « dogmatismes », c’est-à-dire aux dogmes catholiques, « desserrer les étreintes », « casser les rigidités », « instaurer un espace de libertés, hors des tabous et des index de l’époque »… c’est affirmer vouloir se « dégager » de tout surnaturel, de toute « Révélation », de toutes affirmations révélées, qui sont autant de « rigidités », de  « tabous », autant « d’index » inspirés de la Révélation chrétienne. Et c’est pourquoi le laïcisme  est capable de faire la promotion, par exemple, de choses tellement contre nature : l’avortement, par exemple, l’homosexualité, autre exemple… ce qui est le signe d’une rupture totale avec le Dieu créateur et les lois de sa Création. Il engendre, de soi,  l’anarchie le plus absolu.

NB : Cet esprit s’est manifesté d’une manière particulièrement vive lors des révolutions de mai 68 en France et il inspire aujourd’hui toute la « politique » du gouvernement de François Hollande….

§-3 Et Renan,

Dans son discours pour la réception de Pasteur à l’Académie, le 27 avril 1882, Renan parlait bien lui aussi au sujet de la laïcité républicaine de « neutralité » et de « tolérance » envers les religions, mais il ajoutait un point fondamental : C’est le régime qui force l’Eglise à lui obéir sur ce point capital. Ce point est capital, en effet. Avec la laïcité, il ne peut y avoir un pouvoir « confessionnel ». Nous l’avons vu plus haut. Mais la laïcité veut plus. Elle ne se contente pas d’avoir un Etat séparé de l’Eglise, neutre et tolérant. Elle veut que cet Etat, au nom de la tolérance et de la neutralité « force l’Eglise à lui obéir » et donc, l’oblige à reconnaître cette séparation du temporel d’avec Dieu, qu’elle le confesse même en doctrine, qu’elle reconnaisse que le pouvoir temporel est autonome, qu’il n’a pas à être soumis à une loi morale qui lui soit supérieure. Et parce que la laïcité républicaine veut que l’Eglise se taise et lui obéisse sur ce point, elle exige de l’Eglise qu’elle accepte et reconnaisse la supériorité de la loi civile sur l’ordre moral chrétien.

Le temps passa… Et le Président de l’Episcopat français, le 30 janvier 2004, c’était alors le Cardinal Ricard, donna un grand entretien au Figaro, et dans cette entretien, déclara : « Toutes les composantes religieuses doivent avoir droit de cité (dans l’Etat), publiquement, à condition de savoir aussi donner leur place aux autres et de ne pas se mettre en contradiction avec les grands principes de la République ».

On croit rêver ! Et voilà que Mgr Ricard se met à reconnaître la légitimité « des composantes religieuses », y compris l’Eglise catholique, dans la fidèle docilité « aux grands principes de la République ». Relisons, dit finement Jean Madiran. Conditions pour qu’une religion ait droit à l’existence dans la République française : qu’elle ne se mettre pas en contradiction avec « les grands principes de la République ». Mais ces grands principes… ce sont les droits de l’homme sans Dieu et parmi eux, c’est le droit à l’avortement, c’est l’éducation morale des enfants arrachés aux familles. Demain, peut-être parmi ces grands principes, on verra figurer le droit de l’euthanasie. La République  vient de légiférer sur le mariage homosexuel et Dieu sait quoi encore ! Plus fondamentalement encore, quelles que soient les suites de l’évolution fantaisiste des « grands principes de la République », le droit de cité de l’Eglise catholique ne peut dépendre de la conformité à une loi politique, fut-elle constitutionnelle. La seule légitimité de l’Eglise, c’est la mission qu’elle reçut de son Maître Jésus : « Allez enseigner toutes les nations ».

Et Jean Madiran de conclure dans son livre La laïcité dans l’Eglise : « Et ce fut un jour sombre, annonciateur de grands malheurs, ce jour du 30 janvier 2004 où le Président de l’Episcopat français situa la légitimité de l’Eglise ailleurs que dans sa mission divine » (p. 80).

Après cet exposé, il est clair que l’apostasie des Nations est le fruit de la laïcité républicaine. Elle refuse Dieu et ses lois, lois naturelles et lois surnaturelles. Elle veut soumettre l’Eglise à ses propres valeurs républicaines …

Mais « cela » vient de loin. « Cela », c’est-à-dire, cet esprit, cette insubordination de l’esprit humain d’avec Dieu, « cela » vient de loin. Cela vient de la Révolution dite française. Cela vient de la « Déclaration de droits de l’homme » sans Dieu, de 1789.

 

Chapitre 3

La Révolution de 1789

« Déclaration de droits de l’homme » sans Dieu »

(Sur ce sujet voir le livre de Jean Ousset, Pour qu’il règne (PQR), surtout son chapitre 2, les pages 119 à 173) 

§-1 Mgr Gaume et la Révolution

Mgr Gaume est celui qui définit le mieux, me semble-t-il,  la Révolution, son esprit :

PQR p. 122 : « Si arrachant son masque, vous lui demandez qui es-tu ? Elle vous dira : je ne suis pas ce que l’on croit. Beaucoup parlent de moi et bien peu me connaissent. Je ne suis ni le carbonarisme… ni l’émeute… ni le changement de la monarchie en république, ni la substitution d’une dynastie en une autre, ni le trouble momentané de l’ordre public. Je ne suis ni les hurlements des Jacobins, ni les fureurs de la Montagne, ni le combat des barricades, ni le pillage, ni l’incendie, ni la loi agraire, ni la guillotine, ni les noyades. Je ne suis ni Marat, ni Robespierre, ni Babeuf, ni Mazzini, ni Kossuth. Ces hommes sont mes fils, ils ne sont pas moi. Ces choses sont mes œuvres, elles ne sont pas moi. Ces hommes et ces choses sont des faits passagers et moi je suis un état permanent. Je suis la haine de tout ordre que l’homme n’a pas établi et dans lequel il n’est pas roi et Dieu tout ensemble. Je suis la proclamation des droits de l’homme sans souci des droits de Dieu. Je suis la fondation de l’état religieux et social sur la volonté de l’homme au lieu de la volonté de Dieu. Je suis Dieu détrôné et l’homme a sa place (l’homme devenant à lui-même sa fin). Voilà pourquoi je m’appelle Révolution, c’est-à-dire renversement ».

(N.B. : Je vous conseille de lire également et d’étudier le livre de Mgr Freppel sur la Révolution qu’il écrivit à l’occasion du centenaire de l’anniversaire de la Révolution de 1789. Je vous conseille aussi de lire l’étude du Père de Clorivière sur la Révolution). Mais nous allons le faire ici.

§-2 : la liberté conçue come « libre de toute contrainte »

 

Ainsi pour la Révolution,  la volonté humaine, libre de toute contrainte, de toute norme, sinon celles qu’elle a librement choisies, est au principe de tout. Elle est maîtresse de tout, elle est la règle ultime de toutes choses. Elle a seule des droits. Il n’existe d’autorité que celle qui naît de la seule volonté ou du « suffrage universel », expression de mon bon vouloir. Loin de fonder les droits de l’homme sur la volonté divine, et la nature humaine créée par Dieu, la philosophie des « Droits de l’homme » les fonde sur « l’arbitraire humain », sur la seule « liberté humaine ». La liberté est alors « le principe suprême et même unique de la vie individuelle et collective ».

 

Mais qui ne voit que l’apostasie est au bout de ce  chemin… ?

 

Le prêtre qui dans son cœur ne veut que Dieu et son Christ, ne peut accepter de tels principes, une telle liberté.

 

Il faut y insister.

 

Le principe de « la philosophie des Lumières » et de la « Déclaration des droits » se trouve dans la liberté de pensée: tout dérive de cette liberté essentielle et fondamentale. Voilà le principe de la civilisation moderne, depuis trois siècles. Voilà pourquoi elle est dite « libérale ». On parle en ce sens de « Libéralisme », de « civilisation libérale » qu’il est faux d’opposer à une civilisation ou pensée « socialiste ». Civilisation libérale, civilisation socialiste, « sunt idem ». Si différence il y a, elle est seulement de l’ordre du « quantum » et non du « qualitatif », et non de « l’être ».

 

L’homme trouvera son bonheur et sa perfection en se « libérant » de tout ce qui prétend  s’imposer à sa pensée et à sa conscience et en devenant le maître absolu de sa pensée, de sa conscience, de sa religion. Nous avons dit plus haut que le dogmatisme est regardé comme l’obstacle majeur au bonheur et à la perfection. Il trouvera cette perfection dès qu’il sera libre. Le premier principe de la doctrine des « Droits de l’homme » est la liberté de pensée : l’homme est maître d’affirmer ou de nier à sa guise, d’adhérer à toute doctrine qui lui convient sans que s’impose à ses jugements aucune vérité qui ne serait pas l’œuvre et la création de son esprit. C’est donc qu’il n’existe pas de vérité antérieure à l’esprit humain qui domine celui-ci.

 

Le prêtre n’est pas de cet univers !

 

C’est la raison humaine qui, maîtresse souveraine de ses jugements, est la source de toute vérité. Le prêtre catholique ne peut accepter ce principe.

 

Pour le prêtre de l’Eglise, c’est Dieu et Dieu seul qui est      au principe de tout.

 

§-3 : Divinisation de la raison humaine.

 

Il est en effet  facile de comprendre qu’il s’agit d’une véritable divinisation de la raison humaine. Si la raison humaine n’est plus  faite pour reconnaître ce qui est et adhérer à une vérité qui s’impose à elle et dont elle n’a pas le choix, si la raison humaine crée à sa guise le vrai et le faux, si elle possède ainsi cette indépendance souveraine du Créateur dont tout dépend et qui ne dépend de rien, elle est pourvue d’attributs véritablement divins.

L’homme peut s’adorer lui-même dans le Temple de sa raison divinisée.

 

Le prêtre catholique ne peut adorer que Dieu seul et son Christ.

 

S’il en est ainsi, si l’homme peut s’adorer lui-même dans le Temple de sa raison, il n’y a plus d’obligation  morale. Il n’y a plus de loi morale qui vienne de plus haut que l’homme et le domine. Mais la conscience humaine devient ainsi  la seule source de toute loi et de toute morale. Elle devient législatrice et juge souveraine indépendante de toute autorité supérieure à elle-même.

 

Mais que fait-on du Décalogue !

 

 L’homme est ainsi son propre maître et s’il embrasse une religion, c’est en considérant Dieu comme un  idéal qu’il peut se donner librement ou rejeter selon qu’il lui plaît. L’homme est libre d’être  à sa guise croyant ou athée, d’avoir telle religion ou de n’en point avoir. Dieu n’est plus la Réalité suprême dont tout dépend. Mais un idéal librement choisi par ceux que leur conscience y porte, Dieu devient ainsi la propre création de l’esprit humain, esprit humain qui, lui seul, a les attributs créateurs et est le véritable Dieu. Cette liberté absolue engendre donc une véritable religion nouvelle : la religion et l’adoration de la Raison humaine. La raison, dans ce système, se substitue à Dieu, le supplante et le domine.  La raison est le seul absolu accepté et exclusif de tout autre, le principe et le centre de tout.

 

Comme est vrai ce jugement de Jean Madiran, écrivant dans son livre « Les droits de l’homme » : « La déclaration maçonnique de 1789 était donc directement dirigée contre la religion catholique. Michelet eut tout à fait raison de la désigner comme le « credo du nouvel âge » : c’est-à-dire destiné à prendre la place du « Je crois en Dieu ». La liberté de 1789 est celle du « ni Dieu ni maître ». La seule morale, la seule religion éventuellement admissible désormais est celle dont chaque conscience, dans sa créativité souveraine, se forge une idée subjective, valable seulement pour elle-même. On nomme aussi cela l’anti-dogmatisme ». (p. 102-103)

 

Le prêtre est au antipode de ce monde. Il est essentiellement l’homme du « Credo ».

 

 

Chapitre 4 

 

«L’esprit des Lumières ».

 

La pensée du Père de Clorivière

 

Mais approfondissons notre étude sur la Révolution et cherchons à en bien comprendre l’esprit. On sait que la « Déclaration des droits de l’homme » est l’œuvre par excellence de la Révolution. On sait qu’elle est devenue la charte des temps modernes,  comme l’Evangile le fut, en son temps, lors de la chrétienté.

 

On sait également qu’elle est au cœur de toute la pensée moderne. Se permettre de critiquer cette Déclaration, c’est faire preuve d’un esprit « réactionnaire » insoutenable, être « retro » comme diraient les jeunes. Et qui veut paraître « rétrograde » ou « réactionnaire » aujourd’hui?

 

Et pourtant  est-elle compatible avec la doctrine catholique ?

 

Des autorités les plus hautes de l’Eglise ont voulu trouver des fondements évangéliques à la trilogie révolutionnaire, « liberté, égalité fraternité », fondements des Droits de l’homme.

 

C’est ainsi que Jean-Paul II, dans son livre « Mémoire et Identité », a cru pouvoir écrire : « « Les Lumières européennes n’ont pas seulement produit les atrocités de la Révolution françaises : elles ont eu des fruits positifs comme les idées de liberté, d’égalité et de fraternité, qui sont aussi des valeurs enracinées dans l’Evangile. Même si elles ont été proclamées indépendamment de lui, ces idées révélaient à elles seules leurs origines. De cette façon, les Lumières françaises ont préparé le terrain à une meilleure compréhension des droits de l’homme. En vérité, la Révolution a violé de fait, et de bien des manières, ces droits. Toutefois, la reconnaissance effective des droits de l’homme commença à partir de là à être mise en œuvre avec une plus grande détermination, dépassant les traditions féodales »  Le pape, toutefois, veut corriger ce que ces quelques phrases peuvent avoir d’excessives. « . Il faut cependant relever que ces droits étaient déjà reconnus comme fondés dans la nature de l’homme créé par Dieu à son image et proclamés comme tels dans la Sainte Ecriture dès les premières pages du livre de la Genèse. Le Christ lui-même y fait référence à plusieurs reprises, lui qui dans  l’Evangile affirme, entre autres, que « le sabbat a été fait  pour l’homme, et non pas l’homme pour le sabbat (Mc 2 27). Par ces paroles il explique avec autorité la dignité supérieure de l’homme, indiquant, en définitive, le fondement divin de ses droits ». (Chapitre 18 « Des bons fruits sur le terrain des Lumières » p. 131).

 

 Le pape Jean Paul II donne, ici,  son jugement sur ce que l’on pourrait appeler « l’esprit de la Révolution », « l’esprit des Lumières », jugement d’une importance formidable.

 

Peut-on contester et exprimer des réserves ?

 

Quelle sera ma critique ?

 

Je voudrais montrer que la trilogie  révolutionnaire : « liberté, égalité, fraternité » telle que conçue par la philosophie des Lumières n’est nullement conçue dans l’esprit évangélique, dans l’esprit de la Révélation. Bien au contraire. Les mots y sont certes contenus. Pour le mot « liberté », voyez l’épître de Saint Paul aux Galates : Gal 5 13 : « Mes frères, vous avez été appelés à la liberté ; seulement ne faites pas de cette liberté un prétexte pour vivre selon la chair, mais rendez-vous, par la charité, serviteurs les uns des autres ». Pour « l’égalité », voyez encore l’épître aux Galates.  Pour la « Fraternité », voyez l’épître de saint Paul aux Romains : Rm 12 10 : « Quant à l’amour fraternel soyez pleins d’affection les uns pour les autres ».  Mais des Epîtres de Saint Paul à la « Déclaration des droits de l’homme », il y a un monde. L’esprit en est radicalement différent.

 

Ici,  je fonderai ma critique d’abord sur la doctrine du  Père de Clorivière S.J.,  sur  son commentaire de la  « Déclaration des droits de l’homme ». Ce sera l’objet de ce chapitre.

 

Nous verrons clairement que la liberté invoquée par la « Déclaration des droit de l’homme », et comme fondamentale à la pensée moderne, nous l’avons vu, n’a rien à voir avec la liberté chrétienne, don  surnaturel, obtenu par grâce divine.qui me permet de confesser le Christ.  Cette « déclaration des droits de l’homme et du citoyen» a été élaborée dans une hostilité claire à Dieu et à son Christ à tel point que l’on peut légitimement parler de la déclaration des « Droits de l’homme » sans Dieu qui a détruit la civilisation chrétienne. C’était sa raison d’être.

 

C’est, du reste, la pensée d’un pape, la pensée de Benoît XV

 

Il écrivait  le 7 mars 1917 : « Depuis les trois premiers siècles et les origines de l’Eglise,  au cours desquels le sang des chrétiens féconda la terre entière, on peut dire que jamais l’Eglise ne  connut un tel danger que celui qui se manifesta à la fin du XVIII siècle. C’est alors, en effet, qu’une philosophie en délire, prolongement de l’hérésie et de l’apostasie des Novateurs, acquit sur les esprits une puissance universelle de séduction et provoqua un bouleversement total, avec le propos déterminé de ruiner les fondements chrétiens de la société, non seulement en France, mais, peu à peu, dans toutes les nations ».  « Ainsi, comme on faisait profession de rejeter publiquement l’autorité de l’Eglise, et qu’on avait cessé de tenir la Religion pour la gardienne et la sauvegarde du droit, du devoir et de l’ordre dans la cité, on se plut à placer dans le peuple, et non en Dieu, l’origine du pouvoir, à prétendre qu’entre les hommes, l’égalité de nature entraîne l’égalité des droits, que l’argument du bon plaisir définit ce qui est permis, en exceptant ce qu’interdirait la loi, que rien n’a force de loi s’il n’émane d’une décision de la multitude ».

 

L’homme est libre et vis-à-vis de l’autorité de Dieu et vis-à-vis de son Eglise !

 

La pensée de Benoît XV est claire ! De la philosophie des Lumières  à la doctrine sociale de l’Eglise, il y a un monde : celui de la vérité à l’erreur ! Deux pensées s’affrontent ainsi que deux mondes.

 

§-1 Le jugement du Père de Clorivière S.J.

 

Mais voyons le jugement du Père Pierre de Clorivière, S.J. qui a vécu en pleine période révolutionnaire  (1736-1820)

 

Lorsque l’on parle de cette Révolution française, on ne peut pas ne pas parler de « ces principes et de ces maximes que les maîtres de la Révolution ont répandus partout, et en particulier de ce qu’ils ont appelé « la Déclaration des droits de l’homme ». Cette déclaration, nous dit Le Père de Clorivière «  contient tous les  principes sur lesquels repose la révolution antichrétienne ». Il est donc « nécessaire d’en dévoiler la fausseté, de montrer au grand jour ce que les législateurs ont entendu par la liberté et l’égalité dont ils ont fait la base  de ces droits, mais sans jamais préciser le sens de ces mots. Il faut faire remarquer les contradictions que ces droits renferment et constater les suites funestes qui en résultent. … » (Etudes sur la Révolutions Ed.  Fideliter. p. 58 :

 

Jugement du Père de Clorivière sur la « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen).

 

« En conséquence, l’Assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Etre suprême, les droits suivants de l’homme et du citoyen…

 

Art. 2.- « Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté » Dans la Déclaration de 1793, on ajoutera « l’égalité »

 

Le père de Clorivière conteste l’énumération  de ces « droits ». Les vrais droits de l’homme sont tout autres. Pour les connaître, il faut prendre en considération « les biens de la nature humaine sur lesquels ces (vrais) droits sont fondés. Il écrit, en effet : « Pour connaître quels sont  les droits naturels et imprescriptibles de l’homme, il faut considérer les biens de la nature sur lesquels ces droits sont  fondés ».

Or ces biens « sont  d’abord l’être, et cet être est composé d’une âme spirituelle et d’un corps matériel ; les facultés de l’âme sont le jugement, dont l’objet est le Vrai, et la volonté dont l’objet est le Bien ; les facultés du corps sont l’usage des sens et le pouvoir d’agir extérieurement. Et parce que l’homme est libre, il peut se servir librement de ses facultés tant de l’âme que du corps ».

 

« C’est, donc,  de ces biens de la nature que dérivent les droits naturels de l’homme ».

On peut, dès lors, les énumérer.

 

Parce qu’il a une  intelligence et donc un jugement, son premier droit est « de connaître la vérité et de s’y attacher ».

 

« Parce que qu’il est doué d’une volonté ou d’une capacité d’aimer, dont l’objet est le bien, il a droit d’en poursuivre la possession et de s’y attacher ». Et cela tant dans l’ordre naturel que dans l’ordre surnaturel.

 

« Parce qu’il a un corps et qu’il est libre, il peut faire tout ce qui n’est pas contraire à son devoir ».

« Parce qu’il a l’être, il a le droit de pourvoir à sa conservation personnelle et à son bien-être ».

 

« Voici quels sont les droits naturels et imprescriptibles de l’homme :

-la connaissance de la Vérité,

-la poursuite du Bien nécessaire à son bonheur et à sa fin,

-la liberté ou le pouvoir de faire tout ce qui n’est pas contraire à son devoir,

-la conservation de sa personne et de ses biens. »

 

Ces droits sont naturels puisqu’ils proviennent de la nature, et que sans eux les biens que l’homme a reçus de la nature seraient inutiles.

 

Les deux premiers sont tout à fait imprescriptibles. C’est-à-dire que « l’homme ne peut jamais les ôter à un autre homme, Dieu lui-même ne les ôte jamais dans cette vie »

 

«  Les deux derniers ne sont imprescriptibles qu’autant qu’on ne mérite pas d’en perdre la jouissance par quelque crime ».

 

Tel est le langage  vrai sur les droits de l’homme. « La nature et le bon sens ne nous montrent point dans l’homme  d’autres droits naturels et imprescriptibles. Ce sont ceux dont tout gouvernement doit essentiellement garantir la jouissance à chaque citoyen soit en lui procurant les biens  – si la chose est en son pouvoir  – soit en ne souffrant point qu’on y mette obstacle ».

 

Ces droits, comme on le voit, « sont fort différents de ceux qui sont exposés dans la Déclaration ».

 

On n’insistera pas sur les droits de « sûreté » et  de «  propriété » dont parle la Déclaration. Ils ne sont pas nouveaux : « On ne les a jamais contestés à l’homme dans quelque gouvernement que ce fût, lors même que les citoyens y étaient le plus opprimés par l’abus du pouvoir. Ils appartiennent entièrement à l’ordre civil »

 

Par contre il faut réfléchir sur l’ « égalité » et la «  liberté ». Cette « égalité » et cette « liberté » qu’on nous présente comme des droits naturels et imprescriptibles méritent de notre part une attention particulière. Car  ils  sont la base de toute la constitution nouvelle du monde « révolutionnaire ». Nous l’avons vu plus haut.

 

La déclaration dit formellement : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». (Article 3)

C’est dire «  qu’il y a  parmi les hommes l’égalité la plus entière et la plus parfaite ; et cette égalité nous est présentée comme un droit naturel et imprescriptible ».

 

C’est dire que « la nature a placé tous les hommes au même rang, qu’elle  ne connaît entre eux aucune distinction, qu’elle ne soumet point un  homme à un autre, et qu’un homme ne peut, sans violer les droits de la nature, s’arroger quelque supériorité sur un autre homme ».

 

C’est dire encore  que  « la loi, quelle qu’elle soit, naturelle, divine, humaine, n’admet et ne reconnaît aucune distinction, aucune supériorité dans un  homme sur un autre homme ».

 

Or l’une et l’autre proposition énoncée de cette manière sont d’une fausseté manifeste.

 

§-2 : Examinons d’abord l’égalité par rapport à la nature.

 

Certes « les hommes ont tous reçu de la nature, les mêmes biens naturels et généraux, les mêmes droits naturels, ils sont assujettis aux mêmes lois générales, sujets aux mêmes peines, etc… En cela ils sont tous égaux ».

 

Cette égalité  de l’homme n’a jamais été contestée ; mais elle n’exclut en aucune manière la diversité des rangs et des conditions. Car, reconnaît le Père de Clorivière : « La même nature qui rend les hommes égaux dans les choses essentielles à la nature de l’homme, a en même temps établi entre eux une grande inégalité », ne serait-ce que celles entre les parents et les enfants, « les uns donnent, les autres reçoivent ; ceux-ci dépendent nécessairement de ceux-là ». Et combien d’autres inégalités se rattachent à cette inégalité première !

 

Sur ce sujet, il est bon de se rappeler l’exposé fameux que Maurras écrivait dans son livre : « Mes idées politiques ». Dans un chapitre intitulé : « La politique naturelle » il parlait de l’enfant et là il parlait de l’ « inégalité protectrice » ; l’enfant est l’objet, s’il veut seulement survivre d’ « inégalité sans mesure et de nécessité sans réserve » et concluait que « ce sont les deux lois tutélaires dont l’enfant doit subir le génie, la puissance pour son salut…ce n’est que moyennant cet Ordre (différencié comme tous les ordres) que le petit homme pourra réaliser ce type idéal du Progrès : la croissance de son corps et de son esprit. Il grandira par la vertu de ces deux inégalités nécessaires…Et Maurras  en concluait qu’ « on ne saurait prendre acte en termes trop formels, ni assez admirer ce spectacle d’autorité pure, ce paysage de hiérarchie absolument net… Ainsi, et non pas autrement, se configure au premier trait le rudiment de la société des hommes. La nature de ce début est si lumineusement définie qu’il en résulte tout de suite cette grave conséquence, irrésistible, – il ne faut pas craindre de le répéter – que personne ne s’est trompé autant que la philosophie des « immortels principes », quand elle a décrit les commencements de la société humaine comme le fruit de conventions entre des gaillards tout formés, plein de vie consciente et libre, agissant sur le pied d’une espèce d’égalité, quasi pairs sinon pairs, et quasi contractants, pour conclure tel ou tel abandon d’une partie de leurs « droits » dans le dessein exprès de garantir le respect des autres » (op. XVI-XVII).  Voilà une pensée réaliste que Maurras, lui-même appelle : « une Physique, mystérieuse,  archique et hiérarchique ».Nous sommes loin, il est vrai, de la pensée « révolutionnaire » et « moderniste ». Nous sommes dans le réel.

 

Or c’est dans ce réel que le prêtre doit nécessairement se mouvoir.

 

§-3 Mais que dire maintenant de cette fameuse liberté qui serait un droit imprescriptible ?

 

Nos « révolutionnaires » nous la présentent comme étant un  « pouvoir (de) faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi ».(Art 4)

 

On voit qu’il ne s’agit pas ici de la liberté essentielle à l’homme, qui est le libre arbitre, « le pouvoir naturel de vouloir ou de ne pas vouloir ».

 

Il ne s’agit pas non plus de la simple exemption de l’esclavage. Il y a  longtemps que l’esclavage est aboli en France.

 

 Quelle est donc la vraie pensée des « révolutionnaires » sur la liberté. Ils disent : « La liberté est le pouvoir qui appartient à tout homme de faire  tout ce qui ne  nuit pas aux droits d’autrui ».

 

Cette notion est fausse dans son principe et désastreuse dans ses conséquences. Elle est pourtant la notion prise en compte par « Gaudium et Spes »

 

Quelle est-elle ?

 

Il s’agirait du «  pouvoir moral qui rend nos actions licites. On pourrait licitement faire tout ce qui ne nuit pas  aux droit d’autrui ». Voilà leur « liberté ». Il s’agirait donc d’ «  un  droit naturel et imprescriptible de l’homme, d’un droit inhérent à sa nature », qu’on ne pourrait  lui ravir ni lui en empêcher la jouissance.

 

Il faut en conclure que  « toutes les lois divines, ecclésiastiques, civiles, qui lui interdiraient quelque chose que ce soit qui ne blesse pas les droits d’autrui, seraient des lois injustes et tyranniques ». L’homme  en serait  affranchi par le droit naturel, imprescriptible. Une seule limite est mise à sa liberté « tout ce qui pourrait  nuire aux droits d’autrui ».

 

Dès lors, tout ce qui n’est  pernicieux qu’à son auteur, tout ce qui n’est contraire qu’à l’honnêteté naturelle, tout ce qui n’outrage que Dieu, mais « ne nuit point aux droits d’autrui », l’homme a  le droit de se les permettre. Sa liberté n’a pas de limite, sa seule limite, c’est le droit d’autrui à ne pas léser. Il peut dire, imprimer, contre Dieu, contre Jésus-Christ, contre la religion, les blasphèmes les plus impies ; – on retrouve la bête du Léviathan de Saint Jean – les erreurs les plus évidentes ; adorer les idoles, les animaux, les démons ; adopter et exercer tel culte qu’il voudra sans que personne puisse s’y opposer. Il est libre ! Il pourrait se nuire à lui-même en toute liberté, s’il le veut. Rien ne peut l’en empêcher. Il est libre.

 

C’est bien la pensée de nos « révolutionnaires ». Ils le disent clairement dans l’article 10 de leur « Déclaration » : « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».

 

Ce droit est illimité quant à son objet. On ne peut y mettre aucune restriction parce que la loi n’en met aucune, sauf de ne pas nuire à autrui.  On pourrait croire, il est vrai, que ce droit est nécessairement renfermé dans les limites que la saine raison et la loi naturelle ont tracées à l’homme ; que par conséquent, il serait interdit à tout homme de publier rien qui soit injurieux à Dieu et préjudiciable aux bonnes mœurs. Mais ce serait s’abuser. Il faut dire, au contraire, que cette liberté est un pouvoir illimité pour le mal, et que ce pouvoir est nul pour le bien.

 

Dès lors cette  liberté, qu’on nous représente comme un  droit naturel et imprescriptible de l’homme, serait  une liberté qui nous affranchirait de tout devoir envers Dieu et envers nous-mêmes, et qui ne laisserait  subsister qu’une partie de nos devoirs envers les autres hommes : ne pas leur nuire.

 

Sans doute, la justice défend ce qui peut nuire aux autres hommes. Sans doute, il est juste de dire que  « la limite morale de cette liberté est dans cette maxime : « ne fais pas à un autre ce que tu ne veux pas qu’il te soit fait ». C’est là une des limites essentielles et nécessaires à l’exercice de la liberté humaine.

 

 Mais il faut faire remarquer tout de suite que ce n’est pas l’unique limite. 

 

La maxime qui exprime entièrement la limite absolument nécessaire à l’usage que l’homme peut faire de sa liberté, c’est « ne fais rien de ce qui est contraire à la loi naturelle et à la loi divine » ; et plus clairement encore : « Ne fais rien d’injurieux à Dieu, de nuisible au prochain et de funeste à toi-même ».

 

On voit par là que la maxime révolutionnaire, qu’on a citée plus haut : « ne fais rien qui puisse nuire à autrui », n’exprime qu’en partie la limite morale de la liberté. Il fallait qu’ils incluent aussi le respect de la loi naturelle et de la loi de Dieu.  Mais nos « révolutionnaires » ne pouvaient pas aller jusque là, puisqu’ils prétendaient «  affranchir l’homme du joug de la loi naturelle et de la loi divine » telle que leur définition de la liberté le laisse clairement entendre.  C’est dans tout affranchissement qu’ils font consister la liberté.

 

Mais c’est contraire à l’enseignement du Christ, à son exemple, à son enseignement.

 

§-4 : Définition révolutionnaire de la loi.

 

Et pour se convaincre que c’est  bien la pensée des « philosophes des Lumières », il suffit de voir leur définition de « la loi ». Ils la définissent, dans l’article 6, comme « expression  de la volonté générale. »

 

La définition qu’on donne ici de la loi est générale. Elle doit donc convenir à toute espèce de loi, car telle est la nature de la définition.

 

Or il est évident que cette définition ne convient ni à la loi naturelle, ni à la loi divine, ni à la plupart des lois humaines.

 

Elle ne convient point à la loi naturelle, puisque celle-ci est essentiellement l’expression de la Volonté immuable, éternelle de Dieu, de sa souveraine Sagesse inscrite dans le cœur humain. La loi ne peut être dite d’abord et essentiellement l’œuvre de l’opinion générale. Et si elle est déclarée telle, c’est pour prendre ses distances, son indépendance par rapport à l’ordre divin. Et de son Décalogue.

 

Quel blasphème !

 

Elle ne convient pas non plus  à la loi divine qui dépend uniquement de la Volonté souveraine de Dieu et ne dépend nullement de la volonté générale de ceux à qui la loi est donnée. Mais de cette loi divine, ils voulaient s’en affranchir de nouveau.

 

Quel blasphème !

 

Elle ne convient point à la plupart des lois humaines parce qu’elles émanent de la volonté de celui ou de ceux qui ont la souveraine autorité sur la communauté, et qu’elle doit être conforme à l’ordre raisonnable sans qu’il soit nécessaire que ceux qui composent la communauté aient été consultés.

 

Ainsi par leur définition, nos législateurs rejettent la loi naturelle, la loi divine et la plupart des lois humaines parce qu’ils veulent s’affranchir de l’ordre naturel, du bien, du vrai et ne faire que ce que bon leur semble sans référence au moindre principe. L’immanentisme est la seule règle qu’ils acceptent. L’esprit des « philosophes des Lumières » est le règne du subjectivisme absolu. C’est le règne du seul « ego ». Voilà le véritable esprit révolutionnaire. Ce règne du seul « ego »,

 

C’est blasphémer contre Dieu.

 

Mais la loi perd ainsi toute contrainte puisqu’il est essentiel à toute loi humaine d’être appuyée sur la loi naturelle et divine. Sans cet appui, elle ne peut obliger, elle ne peut être loi. La Révolution est essentiellement anarchie. Mais comme la société ne peut vivre en perpétuelle anarchie. Le « mai 68 » n’a duré que quelques mois…il était donc  nécessaire d’ajouter cette clause à la définition de la liberté : pourvu qu’elle ne nuise pas au bien d’autrui. La limite n’est pas la loi naturelle et divine. La limite de la loi est un bien seulement « extrinsèque ».

 

Notre  pensée, ici, n’a pas pour objet de « censurer la conduite des révolutionnaires », mais d’abord et essentiellement de censurer leurs principes, leur doctrine et de montrer combien cette « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » est contraire à la vérité, à l’ordre et au bon sens.

 

Il est toujours important d’éclairer. Voilà le travail du prêtre.

 

Ces réflexions, je pense,  ont rempli suffisamment cet objet. Nous ne voyons pas qu’on puisse les lire avec quelque soin, sans reconnaître que cette Déclaration couvre la vérité d’un voile ténébreux ; qu’elle tend au renversement total de la religion de Jésus-Christ ; qu’elle est dans ses points principaux tout à fait opposée au Saint Evangile ; qu’elle affranchit l’homme de tous ses devoirs que la loi, même naturelle, lui impose par rapport à Dieu ; qu’elle est un véritable amas d’impiété et d’immoralités.

 

Mais c’est cela le blasphème !

 

Car elle affirme que seule la raison ou l’opinion générale est la mesure de toutes choses ; que la volonté est autonome de tout ordre et de tout principe ; que l’homme se suffit à lui-même; que sa liberté est essentiellement indépendante ; que cette indépendance est exigée par sa dignité même ; que sa liberté est licence de faire ce qui lui plait en toute indépendance ; que la souveraineté du nombre fait seule la loi ; et que l’individualisme peut aller jusqu’à l’anarchie pourvu qu’il ne gène pas autrui.

 

Voilà,  c’est cela qui est le formel de la pensée moderne et c’est cela précisément qui est blasphématoire.

 

Alors que le catholicisme et l’évangile confesseront que l’intelligence est dépendante du vrai ; la volonté du bien et de la loi : que dans cette dépendance se trouve la source de la perfection ; que la liberté est réglée par ce principe nécessaire : faire ce qui est bon.

 

§-5 : deux mondes contraires face à face

 

Nous nous trouvons devant des principes radicalement opposés  qui ont engendrés deux mondes radicalement inconciliables : l’un dominé par « l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu » ; l’autre dominé par « l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi ».

 

C’est dans ce sens que le Syllabus a conclu, dans sa dernière proposition, la proposition 80, de l’impossibilité pour le pape de se « réconcilier » avec le monde moderne. Pie IX en effet condamne cette proposition : «  Le Pontife romain peut et doit se réconcilier et faire un compromis avec le progrès, le libéralisme et la civilisation moderne”. C’est le contraire qui est donc vrai.

 

Alors comment le pape Jean-Paul II a-t-il pu écrire : « Les Lumières européennes …ont eu des fruits positifs comme les idées de liberté, d’égalité et de fraternité, qui sont aussi des valeurs enracinées dans l’Evangile. Même si elles ont été proclamées indépendamment de lui, ces idées révélaient à elles seules leurs origines. De cette façon, les Lumières françaises ont préparé le terrain à une meilleure compréhension des droits de l’homme ».

 

Ce jugement est faux. Il  n’est pas acceptable! La liberté évangélique n’est pas la liberté « révolutionnaire » qui est licence. La loi évangélique n’est pas cette « indépendance » rationaliste. Elle est soumission et dépendance à Dieu et à son Christ. L’égalité évangélique est celle des « enfants de Dieu ». Elle est hiérarchie. Elle n’est pas « égalitariste ».

 

Je me trouve là devant un « mystère ».  Car le Pape s’est lui-même  dressé ailleurs contre cette fameuse « Déclaration des droits de l’homme ». Nous étions en 1987, le 3 mai, à Munich. Il déclarait « On entend beaucoup parler, aujourd’hui, des droits de l’homme. Mais on ne parle pas des droits de Dieu ».

C’est une critique, comme le fait remarquer justement Jean Madiran. « Droits de l’homme et droits de Dieu sont étroitement liés » « Là où Dieu et sa loi ne sont pas respectée, l’homme non plus ne peut faire prévaloir ses droits (…) Les droits de Dieu et les droits de l’homme sont respectés ensemble ou sont violés ensemble (…) Il s’agit de donner à Dieu ce qui appartient à Dieu. Ce n’est qu’alors que sera donné à l’homme ce qui appartient à l’homme »

 

Mais déjà, en décembre 1980 en écrivant aux évêques du Brésil, Jean Paul II avait dit : « Les droits de l’homme n’ont de vigueur que là où sont respectés les droits imprescriptibles de Dieu, et l’engagement à l’égard des premiers est illusoire, inefficace et peu durable s’ils se réalisent en marge ou au mépris des seconds »

 

La condamnation, ici, est sévère puisque les droits de l’homme sont ainsi déclarés illusoires si l’on entend les « réaliser » non seulement « au mépris » mais même simplement « en marge » des droits de Dieu. Le pape  poursuivait : « Là où Dieu et sa loi ne sont pas respectés, l’homme non plus ne peut faire prévaloir ses droits. Nous l’avons constaté en toute clarté à la lumière du comportement des dirigeants nationaux-socialistes. Ils ne se sont pas intéressés à Dieu et ont poursuivi ses serviteurs ; et c’est ainsi qu’ils ont aussi, traité inhumainement les hommes : à Dachau, aux portes de Munich, tout comme à Auschwitz, aux portes de mon ancienne résidence épiscopale de Cracovie ».

 

Comment concilier tout cela ?

 

Chapitre 5

 

Le formel de la Révolution

 

La doctrine de Mgr Freppel.

 
Dans le chapitre précédent,  je montrais que la « trilogie révolutionnaire : « liberté, égalité, fraternité » telle que conçue par la philosophie des « Lumières » ne prenait nullement ses fondements dans l’esprit évangélique, dans l’esprit de la Révélation ; qu’elle était fausse.

 

Nous l’avons démontré clairement  en nous inspirant de la critique que,  déjà en 1793, le Père de Clorivière faisait de la « Déclaration des droits de l’homme » de 1789. Nous avons vu combien grande est la différence entre cette pensée et la pensée catholique.

 

Je voudrais le montrer dans ce nouveau chapitre en m’attardant sur la pensée de Mgr Freppel et plus précisément sur son étude de la « Révolution Française », publiée à l’occasion du centenaire de 1789. Un chapitre, c’est le chapitre 2 du livre, intitulé la  « Révolution et la liberté » est fort intéressant sur ce sujet.

 

Lui aussi affirme que  la Révolution française n’a pas tiré ses principes de l’Evangile. Elle ne le peut, elle qui a pour principe fondamentale  le « rationalisme athée » qui est contradictoire à la Révélation.

 

 

« La Révolution française, dit-il,  est l’application du rationalisme à l’ordre civil, politique et social : voilà son caractère doctrinal, le trait qui la distingue de tous les autres changements survenus dans l’histoire des Etats.

 

La révolution française n’est pas  une simple question de dynastie, ou de forme de gouvernement, de droits à étendre ou à restreindre pour telle ou telle catégorie de citoyens.  Il ne serait même pas exact de (la) vouloir  réduire à une attaque fondamentale contre l’Eglise  catholique.

 

« Non, ce n’est pas seulement  l’Eglise catholique, sa hiérarchie et ses institutions, que la Révolution française entend bannir de l’ordre civil politique et social. Son principe comme son but, c’est d’en éliminer le christianisme tout entier, la révélation divine et l’ordre  surnaturel, pour s’en tenir  uniquement à ce que ses théoriciens appellent les données de la nature et de la raison ».

 

Voilà le naturalisme et le rationalisme affirmés de la Révolution.

 

« Lisez la « Déclaration des droits de l’homme » soit de 89, soit de 93, voyez quelle idée l’on se forme, à ce moment là, des pouvoirs publics, de la famille, du mariage, de l’enseignement, de la justice et des lois : à lire tous ces documents, à voir toutes ces institutions nouvelles, on dirait que pour cette nation chrétienne depuis quatorze siècles, le christianisme n’a jamais existé et qu’il n’y a pas lieu d’en tenir le moindre compte. Attributions du clergé en tant que corps politique, privilèges  à restreindre ou à supprimer, tout cela est d’intérêt secondaire. C’est  le règne social de Jésus-Christ qu’il s’agit de détruire et d’effacer jusqu’au moindre vestige. La Révolution, c’est la société déchristianisée ; c’est  le Christ refoulé au fond de la conscience individuelle, banni de tout  ce qui est public, de tout ce qui est social ; banni de l’Etat, qui ne cherche plus dans son autorité la consécration de la sienne propre ; banni des lois , dont sa loi n’est plus la règle souveraine ; banni de la famille, constituée en dehors de sa bénédiction ; banni de l’école, où son enseignement n’est plus l’âme de l’éducation ; banni de la science, où il n’obtient plus pour tout hommage qu’une sorte de neutralité non moins injurieuse que la contradiction ; banni de partout , si ce n’est peut-être d’un coin de l’âme où l’on consent à lui laisser un reste  de domination. La révolution, c’est la nation chrétienne débaptisée, répudiant sa foi historique, traditionnelle, et cherchant à se reconstruire en dehors de l’Evangile, sur les bases de la raison pure, devenue la source unique du droit et la seule règle du devoir. Une société n’ayant plus d’autre guide que les lumières naturelles de l’intelligence, isolées de la Révélation, ni d’autre fin que le bien-être de l’homme en ce monde, abstraction faite de ses fins supérieures, divines, voilà dans son idée essentielle, fondamentale, la doctrine de la Révolution ».

 

Comment ce monde nouveau, animé de tels principes rationalistes exclusivement, pourrait-il s’accorder avec le prêtre catholique ? La seule volonté  de la Révolution est de vouloir le détruire, le supprimer comme le Dragon de l’Apocalypse voulut «dévorer » l’enfant de la femme, comme nous le dit le chapitre 12 de l’Apocalypse : « une femme revêtue du soleil, la lune sous ses pieds, et une couronne de douze étoiles sur sa tête. Elle était enceinte, et elle criait, dans le travail et les douleurs de l’enfantement.  Un autre signe parut encore dans le ciel : tout à coup on vit un grand dragon rouge ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses têtes, sept diadèmes; ….(il) se dressa devant la femme qui allait enfanter afin de dévorer son enfant, dès qu’elle l’aurait mis au monde. Or, elle donna le jour à un enfant mâle, qui doit gouverner toutes les nations avec un sceptre de fer; et son enfant fût enlevé auprès de Dieu et auprès de son trône,  et la femme s’enfuit au désert, où Dieu lui avait préparé une retraite, afin qu’elle y fût nourrie pendant mille deux cent soixante jours ».

 

Ainsi donc la Révolution,  c’est «  le rationalisme appliqué à l’ordre social, rationalisme déiste ou athée » Dès lors, la haine du surnaturel reste  son trait caractéristique. Certes, « c’est bien en présence de l’Etre suprême que les constituants de 1789 font leur déclaration de principes. Fort bien ! Mais cette mention de Dieu en tête de leur profession de foi est-elle autre chose qu’un hors d’œuvre ? A-t-elle la moindre influence sur l’ensemble de leurs doctrines politiques et sociales ? Est-ce en Dieu qu’ils cherchent le principe et la source de l’autorité ? – C’est pourtant la doctrine de l’Eglise que doit rappeler le prêtre de Jésus-Christ –  Nullement : c’est dans l’homme, et dans l’homme seul. La loi est-elle pour eux l’expression de la raison et de la volonté divines déterminant et ordonnant ce qu’il faut faire et ce que l’on doit éviter ? Pas le moins du monde. La loi est pour eux l’expression de la volonté générale, d’une collectivité d’hommes qui décident en dernier ressort et sans recours possible  à aucune autre autorité, de ce qui est juste ou injuste ».

 

On retrouve la pensée du Père de Clorivière.

 

On touche là l’essentiel de la pensée révolutionnaire. Qui le comprend,  a tout compris. Qui ne comprend pas cela, passe à côté et ne sera jamais de « l’école contre-révolutuionnaire », comme le souhaitait  Jean Madiran  pour le clergé catholique.

 

« Existe-t-il, pour le révolutionnaire,  des vérités souveraines, des droits antérieurs et supérieurs à toute convention positive, de telle sorte que tout ce qui se ferait à l’encontre serait nul de plein droit  et non avenu ? Ils n’ont même pas l’air de  soupçonner l’existence de ce principe  en dehors duquel tout est livré à l’arbitraire et au caprice d’une majorité ». 

 

« Si le peuple est souverain, y a-t-il au moins des limites à cette souveraineté dans des lois que Dieu, législateur suprême, impose à la société » ?

 

Pas un mot indiquant qu’une déclaration des droits de l’homme implique nécessairement une déclaration corrélative de ses devoirs. Dans le système  philosophique des constituants de 1789, qui est la vraie  doctrine de la Révolution française, tout part de l’homme et revient à l’homme, sans aucun égard à une loi divine quelconque. « La nature  et la raison humaine sont l’unique source et la seule mesure du pouvoir, du droit  et de la justice. »

Voilà qui est clair

 

« C’est par suite et en vertu d’un contrat d’intérêts, poursuit Mgr Freppel,  que les hommes se réunissent en société, font des lois, s’obligent  envers eux-mêmes, sans chercher en dehors ni au-dessus d’eux le principe d’autorité et le lien de l’obligation. Plus de droit divin d’aucune sorte ; la justice est humaine, toute humaine, rien qu’humaine. Peu importe, par conséquent, qu’on laisse le nom de l’Etre suprême au frontispice de l’œuvre comme un décor ou un trompe l’œil : en réalité, l’homme a pris la place de Dieu, et la conséquence logique de tout le système est l’athéisme politique et social ».

 

§-3 de l’athéisme.

 

« Il ne s’agira donc plus seulement pour la Révolution française de détruire l’Etat chrétien, la famille chrétienne, le mariage  chrétien, la justice chrétienne, l’enseignement chrétien. Non, ce qu’elle se verra conduite  à vouloir établir, par la logique de son principe, c’est l’Etat sans Dieu, l’école sans Dieu le prétoire sans Dieu, l’armée sans Dieu, c’est-à-dire l’idée même de Dieu bannie de toutes les lois et de toutes les institutions ».

 

N’est-ce pas aujourd’hui la victoire de l’athéisme ?

 

« Est-ce que j’exagère le moins du monde ? Est-ce que, à cent ans de 1789, nous ne retrouvons pas exactement les mêmes formules dans la bouche et sous la plume de tous ceux qui  se réclament des plus pures traditions de la Révolution ?  Ne sont-elles pas près de passer, si ce n’est déjà fait, dans le droit public  et dans la pratique quotidienne des choses ?  On s’étonne parfois que des hommes de gouvernement cherchent à les appliquer avec tant d’opiniâtreté, au risque de nuire à leurs  propres intérêts et de soulever contre eux une bonne partie de l’opinion publique. Mais c’est qu’il est difficile de se soustraire aux conséquences, tant qu’on retient le principe. Substituer l’homme à Dieu comme principe de la souveraineté, c’était proclamer l’athéisme légal ; dès lors, par une suite naturelle,  cet athéisme officiel ne pouvait manquer d’imprimer sa marque à toutes les manifestations de la vie publique. C’est le triste spectacle que nous avons sous les yeux ; et, pour en être surpris, il faudrait ne pas se rendre  un compte exact de ce qu’il y a au fond du mouvement révolutionnaire de 1789 ».

 

« Car, on voudra bien le remarquer, ce n’est pas dans les excès ni dans les crimes de 1793 que nous cherchons le caractère doctrinal de la Révolution française. Certes, ces épouvantables forfaits ont une relation directe avec les vœux que formait Diderot : « Et ses mains, ourdissant les entrailles du prêtre, en feraient un cordon pour le dernier des rois ».

 

« Sous l’excitation d’un demi-siècle de diatribes furieuses et de calomnies atroces, on vit surgir  en France une bande de scélérats tels qu’il ne s’en était jamais vu sur la scène du monde. Auprès des forcenés dont je ne veux même pas citer les noms, les Césars païens les plus cruels pouvaient passer pour des hommes modérés ; et c’est avec raison que  Macaulay a pu appeler ces massacres à froid « le plus horrible  événement que raconte l’histoire ». Tant il est vrai que l’idée de Dieu une fois disparue, il fait nuit dans l’âme humaine, et qu’on peut y prendre au hasard le vice pour la vertu, et le crime pour la légalité !  Mais laissons là ces pages sanglantes pour aller au fond des doctrines ».

 

« Ce n’est pas en 1793, mais bien en 1789 que la France a reçu la blessure profonde dont elle souffre  depuis lors et qui pourra causer sa mort si une réaction forte et vigoureuse ne parvient pas à la ramener dans les voies d’une guérison complète ».

 

« C’est en 1789 qu’en renonçant à la notion de peuple chrétien pour appliquer à l’ordre social le rationalisme déiste ou athée, ses représentants  ont donné au monde le lamentable  spectacle d’une apostasie nationale  jusqu’alors sans exemple dans les pays catholiques. C’est en 1789 qu’a été accompli, dans l’ordre social, un véritable déicide, analogue à celui qu’avait commis, sur la personne de l’Homme-Dieu, dix-sept siècles auparavant, le peuple juif, dont la mission historique offre plus d’un trait de ressemblance avec celle du peuple français. A cent ans de distance le cri « Ecrasons l’infâme » a trouvé un écho  dans cet autre cri, expression plus dissimulée, mais non moins fidèle de la même idée : « Le cléricalisme , voilà l’ennemi ! »

 

( Mgr Freppel. La Révolution Française et le christianisme ».

Ch 2. Ed. du Trident. p. 20-30).

 

 

La  Révolution française n’a pas pu tirer ses principes « Liberté, Egalité et Fraternité » et sa « philosophie »  de –« ex »- l’Evangile. Elle ne le peut, elle qui est essentiellement antichrétienne. Elle ne le peut, elle qui a pour principe fondamental : le « rationalisme athée » qui est contradictoire à la Révélation.

 

Aussi sommes-nous très étonné d’entendre  le Cardinal Tauran, ancien « ministre des affaires étrangères » du Vatican, hier « archiviste et bibliothécaire » et aujourd’hui  président de la commission pour le dialogue avec le monde musulman, dire au sujet du « Traité de Constitution de l’Union Européenne », pour en recommander étonnamment l’acceptation,  le 19 mai 2005 dans un entretien à l’agence italienne  I.MEDIA, reprise, le 24 mai, par APIC :

 

 « Il est à remarquer également que la dignité humaine et d’autres valeurs comme la liberté et l’égalité, qui trouvent d’ailleurs leur fondement dans le christianisme, y sont explicitement reconnues comme le socle sur lequel repose l’Union ».

 

Comment pouvoir dire cela sans manifester une méconnaissance totale de la « Philosophie des Lumières » ?

 

Jean Madiran, du reste, dans Présent du 24 mai 2005, ne put s’empêcher de lui faire remarquer : « Faudrait-il donc instruire un cardinal de la sainte Eglise romaine du fait que la dignité moderne est une « fausse idée de la dignité humaine », comme l’indiquait saint Pie X dans la lettre sur le Sillon : fausse idée en ce qu’elle consiste à refuser toute loi extérieure et supérieure à la conscience individuelle. Faudrait-il donc expliquer au diplomate cardinal Tauran que la liberté chrétienne, l’égalité chrétienne sont le contraire de la liberté-égalité inventée par la Révolution française pour détruire l’Eglise ? Les mots de dignité, de liberté, d’égalité n’ont pas la même « valeur » ni le même sens pour la pensée chrétienne d’une part et d’autre part pour le langage courant de l’idéologie de la société civile. Il n’est pas convenable de jouer indéfiniment sur une telle ambiguïté ». (Présent du 24 mai 2005)

 

Insistons sur le formel de la critique.

 

 

La critique fondamentale que nous adressons à la « Déclaration des Droits de l’homme » est celle-là. « La Déclaration française des « Droits de l’homme » fonde les droits de l’homme sur la volonté humaine, elle ne reconnaît la souveraineté d’aucun Dieu…Dieu n’est plus qu’une opinion facultative » (p. 25-26)  Voilà ce qu’écrit Jean Madiran dans son livre « Les  droits de l’homme » publié aux éditions de « Présent » en 1988.

 

Voilà notre critique. Critique essentielle.

 

Les droits de l’homme ont-ils leur principe « dans la nature humaine créée par  Dieu » ou seulement en l’homme et dans sa seule  volonté libre ? Telle la question fondamentale.

 

Jean Madiran l’écrit très nettement : « La  contestation sur le fondement des « droits de l’homme » est une contestation capitale. Elle est trop facilement endormie ». (p.43)

 

Ainsi pour la doctrine révolutionnaire,  la volonté humaine, libre de toute contrainte, de toute norme, sinon celles qu’elle a librement choisies, est au principe de tout. Elle est maîtresse de tout, elle est la règle ultime de toutes choses. Elle a seule des droits. Il n’existe d’autorité que celle qui naît de la seule volonté ou du « suffrage universel », expression de mon bon vouloir. Loin de fonder les droits de l’homme sur la volonté divine, et la nature humaine créée par Dieu, la philosophie des « Droits de l’homme » les fonde sur « l’arbitraire humain », sur la seule « liberté humaine ». La liberté est alors « le principe suprême et même unique de la vie individuelle et collective » (p. 92)…Cette philosophie « commet l’erreur de ne pas reconnaître leur juste place à d’autres principes, entre autres le principe national qui est mis en avant par le nationalisme et qui place le bien commun national au-dessus des intérêts particuliers » (p.93). Il faut ajouter ici le principe de l’autorité divine, le principe de la loi naturelle.

 

Il faut y insister. Ce sera l’enseignement du prêtre de Jésus-Christ fidèle à sa grâce sacerdotale.

 

Comme est vrai ce jugement de Jean Madiran, écrivant dans son livre « Les droits de l’homme » : « La déclaration maçonnique de 1789 était donc directement dirigée contre la religion catholique. Michelet eut tout à fait raison de la désigner comme le « credo du nouvel âge » : c’est-à-dire destiné à prendre la place du Je crois en Dieu. La liberté de 1789 est celle du « ni Dieu ni maître ». La seule morale, la seule religion éventuellement admissible désormais est celle dont chaque conscience, dans sa créativité souveraine, se forge une idée subjective, valable seulement pour elle-même. On nomme aussi cela l’anti-dogmatisme ». (p. 102-103)

 

 

C’est ainsi que « sont corrodées, nous dit Madiran, les autorités morales et religieuses : l’autorité du Créateursur ses créatures, d’une loi morale universelle et irréformable, d’une Eglise divinement instituée…. La loi morale peut survivre pareillement, si elle ne prétend pas davantage à l’objectivité et à l’universalité, si elle renonce à son caractère d’obligation reçue, et si elle n’est plus que l’expression d’une conscience ne légiférant que pour elle-même. Plus rien ne s’impose à l’homme, plus rien ne lui est imposé d’en haut ; ce qui lui est imposé désormais, et cette fois sans conditions ni rémission, ce sont les décrets qui se présentent comme l’émanation du suffrage universel : contre eux, aucun recours » (p. 62)

 

Avec la liberté affirmée comme une idéologie, sont exclues radicalement toutes les légitimités qui prétendent se fonder sur autre chose que le suffrage universel ou la volonté générale. La déclaration des droits de l’homme, comme l’écrit encore et toujours Jean Madiran « c’est la confiscation de toute légitimité par le suffrage universel » (p.67)

 

Conclusion

 

Jean Madiran a raison de conclure « Sans une réflexion critique sur la déclaration de « Droits de l’homme » sans Dieu, ceux de 1789 et ceux de 1948, et sans une sévère rectification de leur énoncé, on n’arrivera ni à interrompre ni encore moins à inverser la décadence, la décomposition, le pourrissement du monde moderne. Vaste programme, bien sûr » (p. 142)

 

« Vaste programme ». Mais, c’est celui de tout prêtre catholique. C’est celui du prêtre de l’Institut du Bon Pasteur.

 

 

 

Chapitre 5

Une conséquence de cet esprit révolutionnaire

sur le monde moderne

 

La victoire de l’athéisme.

 

Comme nous venons de l’expliquer avec Mgr Freppel, avec la  Révolution  nous assistons à la victoire  de l’athéisme. « La victoire de l’athéisme », c’est le titre d’un chapitre  du  merveilleux livre de Jean Madiran : « Une civilisation blessée au cœur ».

 

Je ne sais pas si nous sommes arrivés à la fin des temps…mais ce que je sais c’est que nous arrivons  à la fin d’un temps, de  ce temps qui s’appelait « chrétienté ». Nous sommes arrivés à la fin de ce temps, à la fin de  cette chrétienté qui vit le jour avec la conversion de Constantin, avec la conversion du pouvoir temporel épousant  – enfin –  la loi évangélique  et l’instaurant, la faisant rayonner dans les mœurs et les institutions et la défendant dans la juste et libre autonomie de son pouvoir temporel vis-à-vis de l’Eglise.

 

En effet à partir de Constantin Ier le grand, l’empereur romain,  de l’an 306 à l’an 337 de notre ère, la religion chrétienne est devenue « religion d’Etat ». Et depuis les Pays de l’Europe étaient ceux où régnait un Prince chrétien, un pouvoir chrétien. Cette période qui dura plus d’un millénaire,  jusqu’au I8ème siècle, est connue dans l’histoire sous le nom du « Constantinisme ». Le Constantinisme est la doctrine et la situation où le prince chrétien assure chrétiennement l’ordre temporel et porte l’Evangile dans le monde entier.

 

Comment ne pas appeler cette situation de nos vœux ?

 

Car ce fut une très riche période,

         d’abord pour l’honneur et la gloire de Dieu qu’il faut toujours avoir en vue. La mission du prêtre de Jésus Christ est d’abord théocentrique ;

         ensuite pour l’Eglise, pour ses fidèles

         enfin pour les Nations, pour les Arts, l’architecture et les Lettres…

L’Eglise a besoin du bras temporel chrétien pour rayonner. Partout où elle n’a plus  la collaboration sincère d’un pouvoir politique indépendant d’elle, mais s’inspirant de l’Evangile du Christ, conformément à l’axiome : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu », l’Eglise  ne peut plus survivre. Elle redevient physiquement une « Eglise du silence », une Eglise des martyrs, ce qu’elle fut  jusqu’à la victoire de Constantin dressant  son « labarum » face à Maxence  au pont de Milvius.

 

N’est ce pas ce qu’elle redevient, aujourd’hui, une Eglise du silence,  à l’occasion de ce temps nouveau qui nous vient de la Révolution et de ses principes… « N’assistons nous pas à  l’agonie et à  la mort de la chrétienté » ? En ce sens que l’esprit d’indépendance absolue triomphe partout, dans tous les partis politiques, dans toutes les instances étatiques. C’est le fruit nécessaire de la Révolution, nous l’avons expliqué plus haut.. Désormais, aucun pouvoir ne prend comme  pierre d’angle :   le Christ, l’enseignement de l’Eglise. L’homme politique revendique « l’indépendance absolue à l’égard du Christ et de son Eglise ». Il revendique pour lui-même « l’aséité ». Il est par lui-même, indépendant du Créateur ; il est à lui-même sa propre loi.  Il soustrait à l’ordre chrétien, ici,  la sensibilité esthétique, là,  la spiritualité religieuse et, partout, il vise à remplacer le « culte des Trois Personnes divines », comme le dit Jacques Maritain,  par le « culte du moi humain ». Dieu, par suite de ce combat acharné des instances révolutionnaires et maçonniques  est écarté de tout pouvoir. La pensée politique aujourd’hui se nourrit d’ « antithéologisme » et d’ « idéalisme ». Ce temps est donc un temps nouveau, un temps, diront les papes, saint Pie X, Jean Paul II, un temps d’ « apostasie », d’ « apostasie silencieuse » et donc pour nous, l’Europe, un temps d’athéisme profond. C’est la victoire de l’athéisme.

 

Oui l’athéisme l’a emporté en Occident. Il l’a emporté dans tout l’espace social des institutions, du droit en vigueur, de l’idéologie dominante dans les medias et dans l’école publique. Hier, l’Empire soviétique était l’empire de l’athéisme. Aujourd’hui,  c’est l’Occident qui souffle ce vent de folie.

 

Grâce à Dieu, partout des familles, des chapelles,  des paroisses,  des écoles, des communautés et des associations, des séminaires, le séminaire saint Vincent de Paul… se rencontrent où la foi chrétienne est ardente et fidèle. L’athéisme contemporain, n’arrive pas à arrêter leur extension…mais, toutefois,  il leur retire l’accès à tout ce qui a une décisive dimension sociale. Il leur interdit d’avoir réellement voix au chapitre :

 

-pour la définition des droits qui sont désormais ceux de l’homme sans Dieu, sans foi ni loi, sans obligation ni sanction,

 

-pour la doctrine et les mœurs de l’école publique,

 

-pour l’idéologie dominante dans l’information et les spectacles,

 

-pour la soi-disant « éthique » qui prétend se substituer à tout ordre moral dans la politique, dans la bioéthique.

 

La voix chrétienne en faveur de l’institution familiale et la protection de l’enfance dès sa conception  se fait entendre avec bien du mal…

Oui l’athéisme tient l’Etat et ses institutions. Il est victorieux.

 

Et pourtant, hier, cette Europe fut façonnée par Charlemagne. Il a établi  une « synthèse grandiose entre la culture de l’antiquité classique, principalement romaine et les cultures des peuples germaniques et celtes, une synthèse réalisée sur la base de l’Evangile de Jésus-Christ. Voilà ce que fut le continent européen. Contre lequel s’est dressé la Révolution. L’Europe s’est constituée sur l’acceptation de la foi chrétienne. Elle est cela ou elle n’est rien. Et c’est  pour cela qu’elle ne peut avoir  en son sein  une puissance islamique, la Turquie. Ce sera la mort de l’Europe.

On veut s’affranchir maintenant «  du terreau chrétien » comme le disait Jean-Paul  II. L’Occident  est entré dans une ère nouvelle où « ses lumières » ne l’entrainent plus vers le bien : « En raison de leur forte connotation scientifique et technique, les modèles culturels de l’Occident apparaissent séduisants et fascinants, mais malheureusement, ils se révèlent, avec une évidence toujours plus grande, un appauvrissement progressif dans les domaines humanistes, spirituels et morals. La culture qui les engendre est marquée par la prétention dramatique de vouloir réaliser le bien de l’homme en se passant de Dieu, le Souverain Bien. Mais la créature sans son Créateur s’évanouit. – C’est l’héritage de la Révolution- . Une culture qui refuse de se référer à Dieu perd son âme en même temps que son orientation, devenant une culture de mort, comme en témoignent les tragiques événements du vingtième siècle et comme le montrent les conséquences nihilistes que l’on constate actuellement dans de larges sphères du monde occidental »

 

La  cause  de cette catastrophe occidentale, « c’est la prétention dramatique de vouloir réaliser  le bien de l’homme en se passant de Dieu ».  C’est cela l’athéisme. C’est cela la Révolution.

 

Et cet athéisme révolutionnaire  faisait dire à Soljénitsyne, le 8 juin 1978, dans son discours d’Harvard, aux  USA : « Non, je ne peux pas recommander votre société comme un idéal pour la transformation de la notre », i.e. pour la transformation de la société soviétique qui était encore sous la domination communiste.

 

Aux émissaires parisiens qui étaient venus  à Moscou, le 13 décembre 2000, lui porter le « prix charlemagne », il parlait encore aussi clairement, il leur parlait, il nous parlait de « la crise prof onde qui s’annonce ». Il en indiquait la cause : « Il y a cinq siècles, l’humanisme s’est laissé entrainer par un projet séduisant : emprunter au christianisme ses lumineuses idées, son sens du bien, sa sympathie à l’égard des opprimés et des miséreux, son affirmation de la libre volonté de chaque être humain, mais en essayant de se passer du Créateur de l’univers ».

« Il y a cinq siècle », nous dit Soljénistsine, ce projet « de se passer du Créateur de l’univers » commençait à se façonner, s’esquissait, se mitonnait, se vivait parmi les philosophes et les artistes. C’était la Renaissance. La philosophie tournait le dos à ce qui avait fait sa grandeur au Moyen Age, d’être « ancilla theologiae », servante de la théologie. «  Les arts perdaient leur inspiration surnaturelle pour se faire l’ornement d’un humanisme sans Dieu ».

 

Victoire de l’athéisme révolutionnaire. Il n’y a donc plus d’Etat chrétien en Europe. Et pourtant il y a des Etats  islamiques, oh Combien. ! Et pourtant il y a des Etats protestants, officiellement. Islamisme. Protestantisme…Ne sont-ce pas là des  religions d’Etat ?

Voilà l’Eglise ramenée à la situation que tant de théologiens et d’évêques ont tellement souhaitée depuis le Concile Vatican II : une situation antérieure à l’empereur Constantin et au « constantinisme ». Le pouvoir n’apporte plus à l’Eglise  aucune espèce de soutien temporel. Bien au contraire. Il la combat. Voilà ce qu’ont demandé les Pères conciliaires tout au long du Concile : une indépendance nécessaire du pouvoir temporel pour une soit disant authentique liberté. « Une Eglise libre dans un Etat libre ».

J’ai entendu cela de mes oreilles à la clôture du Concile. C’était dans le discours que Paul VI adressait au monde. Véritable aberration !

L’athéisme. Voilà le fruit certain de la Révolution.

 

 

Chapitre 6

 

 Essai d’une définition  du « monde » moderne

 

Fort de toutes ses différentes analyses, nous pouvons maintenant essayer de donner une définition du monde moderne.

 

§-1 Le jugement de Marcel de Corte

 

Après avoir exposé tout cela, si on me demandait de définir « le monde » tel qu’il est après 1789, je dirais volontiers, utilisant l’expression de Marcel de Corte dans son texte fameux « les deux démocraties » : le monde actuel c’est le « régime nouveau où rien ne dépend de la nature et de Dieu, où tout est suspendu à la seule volonté de l’homme » et à sa raison. C’est donc l’esprit d’indépendance absolue, qui, en définitive, porte l’homme à revendiquer pour lui-même, nous l’avons dit plus haut, « l’aséité ». C’est l’esprit de la Révolution anti chrétienne. Cet esprit nie l’ordre chrétien et vise à remplacer partout et en tout le culte des Trois Personnes Divines  par le culte du Moi humain. C’est ainsi que s’exprime Jacques Maritain dans son livre « Antimoderne » (p. 198). Le monde moderne, parce que dominé par cet esprit révolutionnaire – il est triomphant au Parlement français –  veut écarter Dieu de tout ce qui est centre de pouvoir ou d’autorité dans les peuples.

 

N’est-ce pas là une attitude essentiellement blasphématoire ? C’est bien          ainsi que Saint Jean contemplait cette bête immonde dans son Apocalypse.

 

§-2 : Le jugement de jacques Maritain.

 

Et puisqu’il est question ici de définir le monde moderne, on ne peut pas ne pas citer ce magnifique passage de Jacques Maritain dans « Antimoderne » : « Pendant trois siècles, nous avons assisté à une progressive et universelle dépossession de l’Eglise. Au terme, un monde naturaliste, dédié à une science  matérielle, mécanique et violente au service de l’orgueil et du luxe humain, parfaitement configuré dans sa vie économique et politique à la volonté haineuse d’un Maître qui n’est pas Dieu, tellement plein de chair que Jésus, comme jadis dans les hôtelleries de Bethléem, n’y trouve pas la plus petite place pour lui. Sans doute le monde peut descendre plus bas encore. Il semble pourtant que nous puissions marquer ici un point de chute….Dans l’ordre de l’esprit la courbe de l’histoire des trois dernières siècles a une forme semblable. En trois grandes étapes – Luther, Descartes, Kant – l’homme s’isole de la vie surnaturelle et devient sourd à l’enseignement révélé,il se soustrait à Dieu par anti-théologisme et à l’être par idéalisme  – il se replie sur soi, s’enferme comme un tout puissant dans sa propre immanence, fait tourner l’univers autour de sa cervelle, s’adore enfin comme étant l’auteur de la vérité par sa pensée et l’auteur de la loi par sa volonté. La « Science » qu’il construit pour se soumettre l’univers matériel interdit à sa raison l’accès des réalités supérieures » (p.199)

 

Comme c’est vrai !

 

Le pouvoir, la législation, l’ « ordre politique » ne viennent plus de Dieu, ils viennent de l’Homme : Omnis Potestas ab Homine. Et  Dieu est proscrit de la vie sociale et de la vie intellectuelle, c’est-à-dire de ce qui est proprement humain dans l’homme. C’est l’ère de l’athéisme.

 

Et l’on comprend alors pourquoi,  la Constitution « sur l’Église dans le monde de ce temps », « Gaudium et Spes », formula de façon lapidaire la revendication de l’homo democraticus moderne : « Tout sur terre doit être ordonné à l’homme comme à son centre et à son sommet ». (Ch 1 12) Or on sait, nous dit Marcel de Corte, toujours dans le même texte, « Les deux démocraties » que la majorité des Pères repoussa la proposition faite par la minorité d’ajouter à ce texte pour le moins ahurissant, la clausule suivante : « et, par l’homme, à Dieu ». C’est exactement la position de la démocratie moderne – le monde moderne –  qui sépare les « Droits de d’Homme » de ses devoirs envers Dieu. C’est exactement le contraire de la Parole inspirée du Psalmiste : « C’est Dieu qui nous a faits et nous lui appartenons ». C’est exactement le contraire du propos définitif que Saint Paul nous adresse : « Vous n’êtes pas à vous-mêmes », mais à Dieu.

 

§-3 Jugement de Jean Madiran

 

C’est alors que « sont corrodées, nous dit Madiran, les autorités morales et religieuses : l’autorité du Créateur sur ses créatures, d’une loi morale universelle et irréformable, d’une Eglise divinement instituée…Comprenons même que  la loi morale peut survivre pareillement, si elle ne prétend pas davantage à l’objectivité et à l’universalité, si elle renonce à son caractère d’obligation reçue, et si elle n’est plus que l’expression d’une conscience ne légiférant que pour elle-même. Plus rien ne s’impose à l’homme, plus rien ne lui est imposé d’en haut ; ce qui lui est imposé désormais, et cette fois sans conditions ni rémission, ce sont les décrets qui se présentent comme l’émanation du suffrage universel : contre eux, aucun recours » (p. 62)

 

Le « suffrage universel » est le seul « Dieu » accepté et cultivé du monde moderne. Le drame, c’est que  les décisions de ce « suffrage universel » vont, aujourd’hui,  jusqu’à la destruction de l’œuvre de Dieu, Créateur et Rédempteur. C’est ce qu’affirme encore Jean Madiran dans la conclusion de son dernier livre : « Dialogues du Pavillon bleu » : « Nous vivons quelque chose de beaucoup plus profond qu’une crise politique, intellectuelle ou morale ; de plus profond  qu’une crise de civilisation. Nous vivons ce que Péguy voyait naître et qu’il nommait une « décréation ». Dans l’évolution actuelle du monde, on aperçoit la domination à demi souterraine d’une haine atroce et générale, une haine de la nation, une haine de la famille, une haine du mariage, une haine de l’homme racheté, une haine de la nature créée. La signature devient  plus lisible que jamais. Il appartient aux autorités temporelles et aux autorités spirituelles de la dénoncer. Leur carence empêche les peuples de la voir » (p. 149).

 

Dénonçons-la : c’est la puissance de la bête qui a reçu la puissance du dragon – Satan –  dont nous parle saint Jean dans son Apocalypse au chapitre 13. Cette bête à la puissance démoniaque ne fait que proférer des blasphèmes contre Dieu et son œuvre créatrice et rédemptrice. Il veut sa destruction.

 

Au terme de notre démonstration sur le monde moderne, relisons ce texte,  Il prend tout son sens. C’est la situation actuelle :

 

« Puis je vis monter de la mer une bête qui avait sept têtes et dix cornes, et sur ses cornes dix diadèmes, et sur ses têtes des noms de blasphème. La bête que je vis ressemblait à un léopard; ses pieds étaient comme ceux d’un ours, et sa gueule comme une gueule de lion. Le dragon lui donna sa puissance, son trône et une grande autorité.  Une de ses têtes paraissait blessée à mort ; mais sa plaie mortelle fût guérie, et toute la terre, saisie d’admiration, suivit la bête, et l’on adora le dragon, parce qu’il avait donné l’autorité à la bête, et l’on adora la bête, en disant :  » Qui est semblable à la bête, et qui peut combattre contre elle?  » Et il lui fut donné une bouche proférant des paroles arrogantes et blasphématoires, et il lui fût donné pouvoir d’agir pendant quarante-deux mois.

Et elle ouvrit sa bouche pour proférer des blasphèmes contre Dieu, pour blasphémer son nom, son tabernacle et ceux qui habitent dans le ciel.

Et il lui fut donné de faire la guerre aux saints et de les vaincre; et il lui fût donné autorité sur toute tribu, tout peuple, toute langue et toute nation.

Et tous les habitants de la terre l’adoreront, ceux dont le nom n’a pas été écrit dans le livre de vie de l’Agneau immolé, dès la fondation du monde.

Que celui qui a des oreilles entende ! »

 

Nous avons bien entendu et  bien compris que « l’homme, avec une témérité sans nom, comme le dit saint Pie X, dans « E supremi apostolatus » a usurpé la place du Créateur en s’élevant « au-dessus de tout ce qui porte le nom de Dieu. C’est à tel point que, impuissant à éteindre complètement en soi la notion de Dieu, il secoue cependant le joug de sa majesté, et se dédie à lui-même le monde visible en guise de temple, où il prétend recevoir les adorations de ses semblables. Il siège dans le temple de Dieu, où il se montre comme s’il était Dieu lui-même » (II Thess. II, 2).

 

 

3ème partie

 

L’Eglise et le monde

 

De Saint Pie X à Vatican II

 

 

Chapitre 1 : « Instaurare omnia in Christo »

 

Malgré ce combat acharné de la laïcité, de la Révolution des « Lumières » contre Dieu et son ordre, Dieu aura, c’est certain, la victoire.

 

« Quelle sera l’issue de ce combat livré à Dieu par de faibles mortels, se demande saint Pie X dans sa première encyclique, nul esprit sensé ne le peut mettre en doute. Il est loisible assurément, à l’homme qui veut abuser de sa liberté, de violer les droits et l’autorité suprême du Créateur ; mais au Créateur reste toujours la victoire. Et ce n’est pas encore assez dire : la ruine plane de plus près sur l’homme justement quand il se dresse plus audacieux dans l’espoir du triomphe. C’est de quoi Dieu lui-même nous avertit dans les Saintes Ecritures : « Il ferme les yeux », disent-elles, « sur les péchés des hommes », comme oublieux de sa puissance et de sa majesté; mais bientôt, après ce semblant de recul, « se réveillant ainsi qu’un homme dont l’ivresse a grandi la force » « il brise la tête de ses ennemis » afin que tous sachent que « le roi de toute la terre, c’est Dieu » « et que les peuples comprennent qu’ils ne sont que des hommes »».

 

 

§-1 : Le triomphe de Dieu.

 

.

Ce triomphe de Dieu est certain, la foi nous en donne la certitude : « Tout cela, Vénérables Frères, nous le tenons d’une foi certaine et nous l’attendons ».

 

Mais nous devons travailler pour hâter ce triomphe, non seulement par la prière, mais aussi par l’action des œuvres : « Mais cette confiance ne nous dispense pas, pour ce qui dépend de nous, de hâter l’œuvre divine, non seulement par une prière persévérante : « Levez-vous, Seigneur, et ne permettez pas que l’homme se prévale de sa force » (15), mais encore, et c’est ce qui importe le plus, par la parole et par les œuvres, au grand jour, en affirmant et en revendiquant pour Dieu la plénitude de son domaine sur les hommes et sur toute créature, de sorte que ses droits et son pouvoir de commander soient reconnus par tous avec vénération et pratiquement respectés ».

 

§-2 : Le salut par la reconnaissance des droits de Dieu et de son Christ.

 

Voilà affirmée la ferme résolution du Pape X, son programme : face à « l’agonie et à la mort de la chrétienté », à « l’apostasie », Saint Pie X veut travailler au règne de Dieu par la reconnaissance des droits de  Notre-Seigneur Jésus-Christ, par la confession de sa Royauté.

 

Pour saint Pie X, il n’est pas question de parler des « droits de l’homme », de parler de « nouvel humanisme », comme le fit Paul VI à la clôture du Concile Vatican II et comme le renouvela Jean-Paul  II dans son discours à l’UNESCO, en 1980. Nous allons le voir.  Non, il s’agit de prêcher Dieu, Notre-Seigneur Jésus-Christ. La mission de l’Eglise est de rappeler à la terre le respect du droit chrétien. C’est par ce droit que viendront le salut et la paix. Redonner à Dieu la plénitude de son domaine sur toutes créatures. Que son souverain domaine, son dominium, soit reconnu et confessé par tous, alors la paix règnera.

 

« Redonner à Dieu son dominium » et le « faire reconnaître par tous » : voilà le devoir qu’il faut accomplir. Et c’est ainsi que l’on contribuera à l’établissement de l’ordre et de la paix : « Chasser Dieu, c’est bannir la justice, et la justice écartée, toute espérance de paix devient une chimère ; la paix, c’est l’œuvre de la justice. Pax opus justitiae ». La paix est l’œuvre de la justice. Et la justice c’est rendre à Dieu son dû. Or son dû, c’est reconnaître son dominium sur toutes choses. C’est donc par la justice que règnera la paix. Rétablissez les droits de Dieu, le Droit chrétien et la paix règnera. Il faut donc travailler à fomenter le parti de l’ordre, c’est-à-dire le parti de la paix, c’est-à-dire le parti de Dieu. Il y a comme une trilogie dans la pensée du pape : Dieu, sa justice, la paix sociale.

 

Mais qui ne comprend que la messe est au cœur de ce programme !

 

« Sans doute, le désir de la paix est dans tous les cœurs, et il n’est personne qui ne l’appelle de tous ses vœux. Mais cette paix, insensé qui la cherche en dehors de Dieu ; car chasser Dieu, c’est bannir la justice ; et la justice écartée, toute espérance de paix devient une chimère. « La paix est l’œuvre de la justice » (16). Il en est, et en grand nombre, Nous ne l’ignorons pas, qui, poussés par l’amour de la paix, c’est-à-dire de la tranquillité de l’ordre, s’associent et se groupent pour former ce qu’ils appellent le parti de l’ordre. Hélas ! Vaines espérances, peines perdues ! De partis d’ordre capables de rétablir la tranquillité au milieu de la perturbation des choses, il n’y en a qu’un : le parti de Dieu. C’est donc celui-là qu’il nous faut promouvoir ; c’est à lui qu’il nous faut amener le plus d’adhérents possible, pour peu que nous ayons à cœur la sécurité publique ».

 

§-3 : La confession du Christ.

 

Parce que l’homme moderne s’appuie sur lui-même, parce que « la pierre d’angle » n’est   plus le Christ, le  remède à cette apostasie « galopante », c’est : nous dit Saint Pie X, de faire le contraire, c’est de « Tout restaurer dans le Christ ». Il écrit : « Nous déclarons que Notre but unique dans l’exercice du suprême Pontificat est de « tout restaurer dans le Christ » afin que « le Christ soit tout et en tout. (Declaramus propositum esse NobisInstaurare omnia in Christo (Eph 1 10) ut…sit omnia et in omnibus Christus (Col 3 11)

Tel est le programme de saint Pie X. : « Tout restaurer dans le Christ ».

C’est une chose admirable que cette devise !

C’est le programme, la devise même de saint Paul, ni plus ni moins. Ce fut l’objet de sa prédication. C’est le but principal de son apostolat: Il a été choisi pour annoncer ce grand mystère du Christ, un mystère qui était caché depuis le début du monde, un mystère extraordinaire : le plan, salvifique du Père : sauver tous les hommes, ce salut étant réalisé en son Fils, le Fils devenant ainsi la pierre angulaire de tout l’édifice : Omnia instaurare in Christo (du mot grec cephalos, tête) Notre-Seigneur Jésus-Christ, de par la volonté de Dieu le Père, est la tête et tout descend de la tête. C’est le grand mystère annoncé par saint Paul aux Gentils. Il est l’objet central de toutes les Epîtres de saint Paul (Col 1 25-27 ;1 Cor 2 7-10 ; Eph 1 8-10)Citons seulementl’Epître aux Ephésiens: C’est à moi, le moindre de tous les saints, qu’a été accordée cette grâce d’annoncer parmi les Gentils la richesse incompréhensible du Christ, et de mettre en lumière, aux yeux de tous, l’économie du mystère qui avait été caché depuis le commencement en Dieu, le Créateur de toutes choses, afin que les principautés et les puissances dans les cieux connaissent aujourd’hui, à la vue de l’Eglise, la sagesse infiniment variée de Dieu,  selon le dessein éternel qu’il a réalisé par Jésus-Christ Notre-Seigneur,  en qui nous avons, par la foi en lui, la hardiesse de nous approcher de Dieu avec confiance ». (Eph 3 9-11) 

Le Christ est incontournable. Face à l’apostasie des Nations chrétiennes, saint Pie X ne veut prêcher que le Christ comme le fit saint Paul. La devise paulinienne est la devise du pape : « Instaurare omnia in Christo » parce qu’il n’y a qu’un Sauveur, qu’une « pierre angulaire », le Christ Jésus.

C’est l’enseignement de saint Pierre dès la Pentecôte.

C’est là une déclaration formelle du Pape Pie X. Il n’a pas d’autre but. Son but n’est nullement temporel. Il le dit et le répète : « Il s’en trouvera sans doute qui, appliquant aux choses divines la courte mesure des choses humaines, chercheront à scruter Nos pensées intimes et à les tourner à leurs vues terrestres et à leurs intérêts de parti. Pour couper court à ces vaines tentatives, Nous affirmons en toute vérité que Nous ne voulons être et que, avec le secours divin, Nous ne serons rien autre, au milieu des sociétés humaines, que le ministre du Dieu qui Nous a revêtu de son autorité.

Ses intérêts sont Nos intérêts ; leur consacrer Nos forces et Notre vie, telle est Notre résolution inébranlable. C’est pourquoi, si l’on Nous demande une devise traduisant le fond même de Notre âme, Nous ne donnerons jamais que celle-ci : Restaurer toutes choses dans le Christ ».

« C’est donc clair, dit Mgr Lefebvre, de la clarté des idées, de la limpidité de la parole. Ici tout est simple ».

On connaît le mal : l’apostasie, l’oubli de Dieu par le naturalisme et le rationalisme.

On connaît le remède : le Christ Jésus dans sa gloire de Rédempteur.

Et ce remède est le seul qui permettra  le retour à l’ordre :

Ce retour n’adviendra que par Jésus-Christ : « Ce  retour des nations au respect de la majesté et de la souveraineté divine, quelques efforts que nous fassions d’ailleurs pour le réaliser, n’adviendra que par Jésus-Christ. L’Apôtre, en effet, nous avertit que « personne ne peut poser d’autre fondement que celui qui a été posé et qui est le Christ Jésus » (17). C’est lui seul « que le Père a sanctifié et envoyé dans ce monde » (18), « splendeur du Père et figure de sa substance » (19), vrai Dieu et vrai homme, sans lequel nul ne peut connaître Dieu comme il faut, car « personne n’a connu le Père si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils aura voulu le révéler » (20).

 

Jésus-Christ est le seul fondement, nous dit l’Apôtre, nous dit saint Pie X, donné aux hommes pour aller à Dieu. L’Apôtre, cité par saint Pie X, nous avertit : personne ne peut poser d’autre fondement que celui qui a été posé et qui est le Christ Jésus. C’est lui seul que le Père a sanctifié et a envoyé en ce monde, splendeur du Père et figure de sa substance, vrai Dieu et vrai homme, sans lequel nul ne peut connaître Dieu « car personne n’a connu le Père si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils aura voulu le révéler » (Mt 11 27).

 

Dès lors, pour saint Pie X, « tout restaurer dans le Christ » et « ramener les hommes à l’obéissance divine sont une seule et même chose ». Car le Christ est Dieu : « Et Verbum caro factum est ».

 

« D’où il suit que tout restaurer dans le Christ et ramener les hommes à l’obéissance divine sont une seule et même chose. Et c’est pourquoi le but vers lequel doivent converger tous nos efforts, c’est de ramener le genre humain à l’empire du Christ. Cela fait, l’homme se trouvera, par là même, ramené à Dieu».

 

C’est là le merveilleux programme sacerdotal. Ce programme est par nature « antimoderne ». Il se dresse contre le monde.

 

§-4 : Aller à Jésus par l’Eglise.

 

Alors surgit la question : Mais quel est le moyen pour aller à Jésus-Christ ?

 

« Or, où est la voie qui nous donne accès auprès de Jésus-Christ ? Elle est sous nos yeux : c’est l’Eglise. Saint Jean Chrysostome nous le dit avec raison : « L’Eglise est ton espérance, l’Eglise est ton salut, l’Eglise est ton refuge » (21).

 

C’est pour cela que le Christ l’a établie, après l’avoir acquise au prix de son sang, pour cela qu’il lui a confié sa doctrine et les préceptes de sa loi, lui prodiguant en même temps les trésors de la grâce divine pour la sanctification et le salut des hommes ».

 

Ainsi donc, la paix se réalisera par l’extension de l’Eglise catholique. Il n’y a pas d’autre moyen, et c’est précisément pour cela que nous luttons : nous voulons garder l’Eglise telle qu’elle a toujours été pour donner Notre-Seigneur Jésus-Christ aux âmes.

 

§-5 : Notre devoir est clair :

 

Si donc le monde moderne est construit sur la Désobéissance, sur le refus de l’autorité de Dieu et du Christ sur le refus de l’autorité de l’Eglise, vous comprenez le devoir du chrétien : Il convient de tout ramener à l’obéissance de l’Eglise : « Vous voyez donc, Vénérables Frères, quelle œuvre nous est confiée à Nous et à vous. Il s’agit de ramener les sociétés humaines, égarées loin de la sagesse du Christ, à l’obéissance de l’Eglise ; l’Eglise, à son tour, les soumettra au Christ, et le Christ à Dieu. Que s’il Nous est donné, par la grâce divine, d’accomplir cette œuvre, Nous aurons la joie de voir l’iniquité faire place à la justice, et Nous serons heureux d’entendre « une grande voix disant du haut des Cieux : Maintenant, c’est le salut et la vertu, et le royaume de notre Dieu et la puissance de son Christ » (22).

 

§-6 : Le combat chrétien.

 

Et si l’on veut obtenir cet heureux résultat, il ne va pas falloir craindre de combattre et de s’opposer à ce « nouvel humanisme » par lequel « l’homme s’est substitué à Dieu », et rappeler les vérités de l’Eglise sur le mariage, sur l’éducation, sur la propriété, sur le pouvoir public, sur la hiérarchie sociale. En un mot, il va falloir nécessairement s’opposer au rationalisme révolutionnaire où l’homme se substitue à Dieu.

 

« Toutefois, pour que le résultat réponde à Nos vœux, il faut, par tous les moyens et au prix de tous les efforts, déraciner entièrement cette monstrueuse et détestable iniquité propre au temps où nous vivons, et par laquelle l’homme se substitue à Dieu ; rétablir dans leur ancienne dignité les lois très saintes et les conseils de l’Evangile ; proclamer hautement les vérités enseignées par l’Eglise sur la sainteté du mariage, sur l’éducation de l’enfance, sur la possession et l’usage des biens temporels, sur les devoirs de ceux qui administrent la chose publique ; rétablir enfin le juste équilibre entre les diverses classes de la société selon les lois et les institutions chrétiennes.

 

Tels sont les principes que, pour obéir à la divine Volonté, Nous Nous proposons d’appliquer durant tout le cours de Notre Pontificat et avec toute l’énergie de Notre âme.

 

Votre rôle, à vous, Vénérables Frères, sera de Nous seconder par votre sainteté, votre science, votre expérience, et surtout votre zèle pour la gloire de Dieu, « ne visant à rien autre qu’à former en tous Jésus-Christ » (23).

 

Tel est le programme de saint Pie X : Face à cette volonté de « l’homme de se substituer à Dieu », il faut lui opposer cette volonté de « tout instaurer dans le Christ », c’est-à-dire remettre Dieu dans la société par l’Eglise, remettre de l’ordre dans la société par les institutions chrétiennes que l’Eglise a toujours défendues et enseignées et tout particulièrement par les sacrements et la sainte messe..

 

§-7 : Former des prêtres

 

S’il en est ainsi, si telle est la « politique » qu’il faut mener, quel est le devoir qui incombe aux évêques ? Il est tout surnaturel : il faut former de saints prêtres.

 

« Quels moyens convient-il d’employer pour atteindre un but si élevé ? Il semble superflu de les indiquer, tant ils se présentent d’eux-mêmes à l’esprit. Que vos premiers soins soient de former le Christ dans ceux qui, par le devoir de leur vocation, sont destinés à le former dans les autres. Nous voulons parler des prêtres, Vénérables Frères. Car tous ceux qui sont honorés du sacerdoce doivent savoir qu’ils ont, parmi les peuples avec lesquels ils vivent, la même mission que Paul attestait avoir reçue quand il prononçait ces tendres paroles : « Mes petits enfants, que j’engendre de nouveau jusqu’à ce que le Christ se forme en vous » (24). Or, comment pourront-ils accomplir un tel devoir, s’ils ne sont d’abord eux-mêmes revêtus du Christ ? Et revêtus jusqu’à pouvoir dire avec l’Apôtre : « Je vis, non plus moi, mais le Christ vit en moi » (25). « Pour moi, le Christ est ma vie » (26). Aussi, quoique tous les fidèles doivent aspirer à « l’état d’homme parfait à la mesure de l’âge de la plénitude du Christ » (27), cette obligation appartient principalement à celui qui exerce le ministère sacerdotal. Il est appelé pour cela un autre Christ ; non seulement parce qu’il participe au pouvoir de Jésus-Christ, mais parce qu’il doit imiter ses œuvres et, par là, reproduire en soi son image ».

 

Ainsi le premier devoir des évêques est de former de saints prêtres.

 

Voilà ce que fit Mgr Lefebvre dans la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X.

 

Il faut multiplier les séminaires. Il faut des prêtres. Mais de bons prêtres formés à la scolastique, à l’Ecriture Sainte, aux dogmes, à la morale, avec l’amour de l’Eglise, de la Tradition, refusant clairement les principes révolutionnaires, des prêtres antimodernes.

 

§-8 : Former de saints prêtres.

 

« S’il en est ainsi, Vénérables Frères, combien grande ne doit pas être votre sollicitude pour former le clergé à la sainteté ! II n’est affaire qui ne doive céder le pas à celle-ci. Et la conséquence, c’est que le meilleur et le principal de votre zèle doit se porter sur vos Séminaires, pour y introduire un tel ordre et leur assurer un tel gouvernement, qu’on y voie fleurir, côte à côte l’intégrité de l’enseignement et la sainteté des mœurs. Faîtes du Séminaire les délices de votre cœur, et ne négligez rien de tout ce que le Concile de Trente a prescrit dans sa haute sagesse pour garantir la prospérité de cette institution. Quand le temps sera venu de promouvoir les jeunes candidats aux saints Ordres, ah ! N’oubliez pas ce qu’écrivait saint Paul à Timothée : « N’impose précipitamment les mains à personne » (28) ; vous persuadant bien que, le plus souvent, tels seront ceux que vous admettrez au sacerdoce, et tels seront aussi dans la suite les fidèles confiés à leur sollicitude. Ne regardez donc aucun intérêt particulier, de quelque nature qu’il soit ; mais ayez uniquement en vue Dieu, l’Eglise, le bonheur éternel des âmes, afin d’éviter, comme nous en avertit l’Apôtre, de participer aux péchés d’autrui » ».

 

Et pour former ce clergé à la sainteté, il n’est rien de plus important que de rappeler la nature même du sacerdoce et sa dignité.

 

Voilà qui est clair !

 

Chapitre 2

 

Un changement de « politique »

Avec Vatican II

 

 

Avec le Concile Vatican II, l’Eglise va changer d’attitude vis-à-vis du monde moderne. Ce changement est manifeste.

Nous allons le voir en analysant le discours inaugural de Jean XXIII au Concile Vatican II, en analysant le texte de « Gaudium et Spes », le discours de clôture du Concile prononcé par Paul VI, en analysant le discours de Jean-Paul  II à l’UNESCO et son jugement exprimé dans « Mémoire et Identité », son livre posthume que j’ai appelé, son « testament politique », (cf. La doctrine politique de Jean Paul II)

Section 1

Le discours inaugural de Jean XXIII

Certes, Jean XXIII, au début de son discours, rappelle bien la nécessité de confesser le Christ. Il rappelle bien l’opposition dont l’Eglise sera l’objet, puisque le Christ sera un « signe de contradiction » (Luc 2 34). Il rappelle bien aussi le texte où le Christ lui-même dit que : « Celui qui n’est pas avec moi est contre moi » (Lc 11 23). Mais, outre que ces deux textes ne seront plus jamais cités dans les documents conciliaires, comme le fait remarquer Romano Amério, dans son livre Iota Unum, (p. 68), –  c’est là tout un symbole – Jean XXIII condamnera dans ce discours très sévèrement et d’une manière très claire, les « prophètes de malheur » qui « dans la situation actuelle de la société ne voient que « ruines et calamités ». Mais plus encore et surtout,  l’Eglise, nous dit le pape, sans abandonner son opposition aux erreurs, « préfère recourir au remède de la miséricorde plutôt que de brandir les armes de la sévérité ». Elle met certes « en valeur les richesses de sa doctrine », mais ne veut plus « condamner ». On parlera alors entre l’Eglise et la société humaine de « rencontre », de « connaissance » et « d’amour réciproques ». Ce sont les trois mots utilisés par Paul VI, dans son Encyclique « Ecclesiam suam ».  Cette annonce du principe de la « miséricorde », comme le fait encore remarquer  Romano Amerio,  opposée à celui de la « sévérité » néglige le fait que, dans l’Eglise, la condamnation de l’erreur est, elle-même, œuvre de miséricorde, puisqu’en frappant l’erreur, on corrige celui qui errait et on préserve d’erreur les autres » (p. 74). La miséricorde ne peut toucher « l’erreur » mais seulement « l’errant » que l’on secourt en lui présentant la vérité et en réfutant l’erreur.

Enfin, Jean XXIII laisse entendre que l’erreur se reconnaîtrait par elle-même et se corrigerait d’elle-même. Ce  principe est clairement démenti par les faits de l’histoire. Les hommes ne se ravisent pas des erreurs mais, bien au contraire, les confirment et vont même jusqu’à leur donner force de loi. Ainsi du divorce, ainsi de l’avortement. Ainsi de toutes les nouvelles unions contre natures. « Comme le dit encore  Amerio, « voilà un point où la clairvoyance du pape a été irréfutablement prise à défaut » (p.75)

Voilà une variation importante dans l’attitude de l’Eglise catholique face au monde moderne.

Section 2

Gaudium et Spes

Cette « variation » est celle aussi du document  conciliaire « Gaudium et Spes » Le cardinal Ratzinger nous a  présenté ce document dans son livre « Les principes de la théologie catholique ». Pour lui, ce texte est comme le « véritable testament » du Concile Vatican II, il est comme « une somme consacrée à l’anthropologie chrétienne et aux problèmes centraux de l’éthique chrétienne ». Et là,  nous avons un essai de définition du « monde ». Et c’est ainsi, nous dit le cardinal,  que la constitution (n° 2) comprend par « monde » « un vis-à-vis de l’Eglise ». Le texte doit les amener tous les deux dans un rapport positif de coopération dont le but est la construction du « monde ». L’Eglise « coopère » avec le « monde » pour « construire le monde » – Voilà, dit le cardinal,  la vision déterminante du texte. Comme on est loin de la pensée de Saint Pie X étudiée plus haut.

Il faut noter un deuxième élément de base caractéristique du texte conciliaire : « le concept de dialogue comme étant son caractère formel fondamental ». Le Concile, lit-on sous la plume du cardinal, « ne saurait donner une preuve plus parlante de solidarité, de respect et d’amour à l’ensemble de la famille humaine… qu’en dialoguant avec elle… ». Le rapport entre l’Eglise et le monde est donc vu comme un « colloque », comme « un parler ensemble » et comme la recherche en commun de la solution des problèmes, l’Eglise apportant dans le dialogue ses propres possibilités et attendant un progrès grâce à l’échange de ses propres possibilités avec celles des autres. Ainsi serait finie l’attitude de réserve critique à l’égard des forces déterminantes du monde moderne. Cette attitude de réserve devait être effacée par une insertion résolue dans leur  mouvement. « L’acquiescement au présent » est désormais  de rigueur. Et la pensée du cardinal se termine par ces mots : « Si l’on veut un diagnostic global du texte, on pourrait dire qu’il est (en liaison avec les textes sur la liberté religieuse et sur les religions du monde) une révision du Syllabus de Pie IX, une sorte de contre Syllabus…Ce texte  fut considéré comme « un défi à son siècle. Il a tracé une ligne  de séparation devant les forces déterminantes du XIXème siècle : les conceptions scientifiques et politiques du libéralisme »… « Contentons nous ici de constater que le texte (Gaudium et Spes) joue le rôle d’un contre syllabus dans la mesure où il représente une tentative pour une réconciliation officielle de l’Eglise avec le monde tel qu’il était devenu depuis 1789 ».

S’il n’y a pas ici de « rupture » dans la pensée d’avec la position de toujours de l’Eglise, c’est que les mots n’ont plus de sens. Il est clair qu’après l’analyse que nous avons faite du monde moderne issu de la Révolution dans les chapitres précédents , nous ne pouvons pas partager un tel discours.

Cette nouvelle attitude face au monde est également celle de Jean-Paul II.

 

Section 3

 

JP II et   « Mémoire et identité ».

 

Jean-Paul II, après avoir analysé très justement le monde moderne, ce  qui le rapproche tout à fait de Pie X,  parle de « dialogue », il propose iterum et iterum l’Evangile, la concertation et « l’aide fraternelle » avec le monde moderne. Il l’exprime très bien  au chapitre 18 de son livre « Mémoire et Identité »: « Le souci d’aider l’homme est incomparablement plus important que les polémiques et que les accusations concernant, par exemple, le fond illuministe des grandes catastrophes historiques du XXe siècle. En effet, l’esprit de l’Evangile s’exprime avant tout dans la disponibilité à offrir au prochain une aide fraternelle » (p. 135).

 

Là, Jean-Paul II nous livre, entre autres choses, son jugement sur l’attitude qu’il convient d’avoir envers le monde moderne. Il s’inspire de « Gaudium et Spes ».

 

Face au monde actuel issu de la Révolution française, le Concile avait le choix entre deux attitudes pastorales, écrit Jean Madiran, dans un article de Présent,   que Jean-Paul II tient pour également légitimes :

 

–     soit une attitude de contestation polémique et de condamnation doctrinale, ce fut celle de l’Eglise depuis (et contre) la Révolution française. Nous l’avons vu en analysant l’attitude de Saint Pie X

 

–     soit une attitude refusant désormais, à la suite de Jean XXIII, de prononcer des condamnations doctrinales, préférant aller « à la rencontre du monde contemporain » et engager avec lui un « dialogue constructif ».

 

Selon Jean-Paul II, le Concile a volontairement et clairement choisi son camp, il a adopté la seconde attitude, nous venons de le voir, décrétée plus conforme à « l’esprit de l’Evangile », car l’esprit de l’Evangile s’exprime avant tout dans « la disponibilité à offrir au prochain une aide fraternelle ».

 

Sur ce point, dit Jean Madiran à qui j’emprunte cette synthèse, il n’y a pas eu continuité, il y a eu rupture délibérée.  Amério le disait déjà au sujet de l’attitude de Jean XXIII, nous l’avons vu.

 

« Je laisserai aux théologiens le soin d’examiner s’il est vrai en théorie que la seconde attitude soit plus « évangélique » que la première et si elle doit obligatoirement l’exclure (comme si l’on ne pouvait admettre que la première concerne les doctrines, les institutions, les lois et que, simultanément, la seconde concerne les personnes ». (C’est la position d’Amerio dans Iota Unum, nous venons de le voir).

 

Mais il y a aussi les faits : le monde issu de la Révolution française refuse, lui,  le « dialogue constructif » ou plutôt, c’est encore plus grave, il ne feint de l’accepter que par tromperie.

 

A l’offre d’une « aide fraternelle », ce monde contemporain répond en imposant l’avortement, la promotion de l’homosexualité, le métissage des religions, l’égalitarisme suppresseur de toutes les discriminations, la supériorité de la loi politique sur la loi religieuse et, par-dessus tout, le diabolique enseignement obligatoire, dans les écoles, des dépravations sexuelles aux plus jeunes enfants.

 

Ainsi le Concile Vatican II, par un aveuglement sur les « signes des temps », a commis une capitale erreur pastorale. Au nom d’une attitude supposée « plus évangélique », mais radicalement inappropriée aux circonstances, il a exclu la contestation des erreurs, la dénonciation des lois injustes, la condamnation des abominations subversives, il a intellectuellement désarmé les fidèles, le clergé, et sa hiérarchie.

 

Dans le regard personnel que Jean-Paul II portait à la fin de sa vie sur le Concile, il apparaît donc que l’erreur décisive sur l’appréciation des « signes des temps » n’a pas été une dérive post-conciliaire, elle n’a pas été seulement le fait d’un faux « esprit du Concile », elle a bien été une faute du Concile lui-même. Jean XXIII l’avait convoqué pour cela : exclure désormais toute condamnation des lois et des mœurs contre nature, disqualifier comme « prophètes de malheur » ceux qui restaient réfractaires à une telle rupture. Et le malheur s’est aggravé.

 

Les tactiques pastorales, par définition, sont discutables et elles n’ont qu’un temps. Quelquefois un temps insupportablement long, quand la réactivité intellectuelle est endormie par l’abrutissement médiatique. (Jean Madiran  Article extrait du n° 7314 de Présentdu Vendredi 25 mars 2011)

 

Section 4

 

Jean-Paul II et son discours à l’UNESCO

 

Cette rupture se constate également dans son   discours à l’Unesco prononcé le 2 juin 1980

 

Ce discours a été prononcé à l’occasion de son voyage apostolique en France à Paris-Lisieux, en 1980. Quelle  différence avec la parole de saint Pie X.

 

Dans le  paragraphe 4 du discours, il ne craint pas de dire :

 

« 4. Il y a quand même – et je l’ai souligné dans mon discours à l’ONU en me référant à la Déclaration Universelle des Droits de l’homme – une dimension fondamentale, qui est capable de bouleverser jusque dans leurs fondements, les systèmes qui structurent l’ensemble de l’humanité et de libérer l’existence humaine, individuelle et collective, des menaces qui pèsent sur elle. Cette dimension fondamentale, c’est l’homme, l’homme dans son intégralité, l’homme qui vit en même temps dans la sphère des valeurs matérielles et dans celle des valeurs spirituelles. Le respect des droits inaliénables de la personne humaine est à la base de tout »

 

Saint Pie X, au sujet des menaces qui pèsent sur l’humanité, disait qu’il faut revenir à Dieu ; Jean-Paul II, lui, dit qu’il faut revenir à l’homme et il invoque la « déclaration des droits de l’homme » sans la référer au seul vrai fondement des droits : Dieu et la nature humaine. Quels sont ses droits inaliénables de la personne humaine ? Le droit à l’euthanasie, est-ce un droit inaliénable de l’homme ? Des pa     rlements européens le soutiennent aujourd’hui invoquant eux aussi la déclaration des droits de l’homme…

 

On voit la différence qui existe dans la pensée de ces deux papes. Pour l’un, pour Jean-Paul II, c’est l’homme et l’humanisme qui est à la base de tout. Pour l’autre, le pape saint Pie X,  c’est Dieu, revenir à Dieu et au respect des droits de Dieu.

 

Jean-Paul  II en appelle à « la conscience humaine ». Il dit que le grand moyen pour réaliser la paix dans le monde, c’est de donner sa place à la conscience, de « faire prendre conscience » aux gens du danger que court le monde si on n’agit pas dans ce sens:

 

« 5. A l’origine de l’UNESCO, comme aussi à la base de la Déclaration Universelle des Droits de l’homme, se trouvent donc ces premières nobles impulsions de la conscience humaine, de l’intelligence et de la volonté. J’en appelle à cette origine, à ce commencement, à ces prémisses et à ces premiers principes. C’est en leur nom que je viens aujourd’hui à Paris, au siège de votre Organisation – dans sa première encyclique, saint Pie X, lui,  invoquait expressément le nom de Dieu, voulait développer le parti de Dieu – et avec une prière : qu’au terme d’une étape de plus de trente ans de vos activités, vous vouliez vous unir encore davantage autour de ces idéaux et des principes qui se trouvèrent au commencement. C’est en leur nom aussi que je me permettrai maintenant de vous proposer quelques considérations vraiment fondamentales, car c’est seulement à leur lumière que resplendit pleinement la signification de cette institution qui a pour nom UNESCO, Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture ».

 

Comment affirmer de telles choses, alors qu’on sait quels principes animent la déclaration des droits de l’homme : le naturalisme, le rationalisme. Principes tout à l’opposé de la pensée chrétienne. Cette pensée exprimée par le pape fait frémir d’horreur et hurler de douleur.

 

Et dans les considérations qui suivent, sur plus de vingt paragraphes, Jean-Paul II ne parlera  pas une seule fois de Dieu et de son Christ.

 

Et en conclusion,  il en appelle de nouveau à la « conscience humaine » comme moyen de sauver la paix. C’est vraiment son leit-motif. Saint Pie X, lui, en appelait à Dieu, au Christ Jésus, à l’Eglise. La différence est nette, elle est abyssale :

 

« 22. Mesdames et Messieurs, le monde ne pourra pas poursuivre longtemps sur cette voie. A l’homme qui a pris conscience de la situation et de l’enjeu, qui s’inspire aussi du sens élémentaire des responsabilités qui incombent à chacun, une conviction s’impose, qui est en même temps un impératif moral : il faut mobiliser les consciences ! Il faut augmenter les efforts des consciences humaines à la mesure de la tension entre le bien et le mal à laquelle sont soumis les hommes à la fin du vingtième siècle. Il faut se convaincre de la priorité de l’éthique sur la technique, du primat de la personne sur les choses, de la supériorité de l’esprit sur la matière. La cause de l’homme sera servie si la science s’allie à la conscience ».

 

C’est  vraiment désolant. Ce ne peut être des paroles prononcées par un saint !

 

Il rappellera une seule  fois « le sens de la transcendance de l’homme sur le monde et de Dieu sur l’homme »

 

Ainsi, saisissant l’occasion de ma présence aujourd’hui au siège de l’UNESCO, moi, fils de l’humanité et Évêque de Rome, je m’adresse directement à vous, hommes de science, à vous qui êtes réunis ici… Tous ensembles, vous êtes une puissance énorme : la puissance des intelligences et des consciences !

 

Montrez-vous plus puissants que les plus puissants de notre monde contemporain ! Décidez-vous à faire preuve de la plus noble solidarité avec l’humanité : celle qui est fondée sur la dignité de la personne humaine. Construisez la paix en commençant par le fondement : le respect de tous les droits de l’homme, ceux qui sont liés à sa dimension matérielle et économique, comme ceux qui sont liés à la dimension spirituelle et intérieure de son existence en ce monde.

 

23. Il m’a été donné de réaliser aujourd’hui un des désirs les plus vifs de mon cœur … Il m’a été donné de vous dire à tous, à vous…: Oui ! L’avenir de l’homme dépend de la culture ! Oui ! La paix du monde dépend de la primauté de l’Esprit ! Oui ! L’avenir pacifique de l’humanité dépend de l’amour.Ma parole finale est celle-ci : Ne cessez pas. Continuez. Continuez toujours ».

 

Vous le constatez, Jean-Paul II en appelle à la « conscience humaine » comme moyen de sauver la paix. Saint Pie X, lui, en appelait à Dieu. La différence est nette. Saint Pie X parlait, lui, du « retour des nations au respect de la majesté et de la souveraineté divine ».

 

O quel abîme ! Quelle variation !Un discours complètement aux antipodes du cri de l’Apôtre des Gentils et de saint Pie X. Pie X, lui, avait le culte de Dieu et, au monde moderne, prêchait le Christ et son mystère sauveur.

Jean-Paul  II, dans ce discours  exprime  le culte de l’homme.

 

N.B. –     Sur l’UNESCO et sa « philosophie », il faut lire le chapitre XXII du livre, Epiphanius : Maçonnerie et sectes secrètes : Le côté caché de l’histoire » (pp. 305-313).

 

Section 5 

 

Déclaration de Paul VI à la clôture du concile

 

Jean-Paul II retrouve la pensée que  Paul VI exprimait  dans son discours de clôture, le 7 décembre 1965. Il parlait lui aussi du « culte de l’homme ».

 

« Un conflit du monde avec l’Eglise eut pu  avoir lieu. Une condamnation eut pu être portée par l’Eglise comme jadis. Rien de tout cela n’eut lieu car l’Eglise s’est ouvert au culte de l’homme. « Nous avons, nous aussi, le culte de l’homme » :« L’humanisme laïque profane – s’exclama Paul VI – est enfin apparu dans sa terrible stature et a, en un certain sens, défié le Concile. La religion du Dieu qui s’est fait homme s’est rencontrée avec la religion (car c’en est une) de l’homme qui se fait Dieu. »

 

L’analyse est juste. Nous l’avons vu. Paul VI poursuit :

 

« Qu’est-il arrivé ? Un choc, une lutte, un anathème ? Cela pouvait arriver, mais cela n’a pas eu lieu…(…). Reconnaissez-lui au moins ce mérite, vous, humanistes modernes, qui renoncez à la transcendance des choses suprêmes, et sachez reconnaître notre nouvel humanisme : nous aussi, nous plus que quiconque, nous avons le culte de l’homme ».

 

Quant à nous ! Fuyons ce culte de l’homme, établi sur des bases fausses, sur le naturalisme et le rationalisme qui font reposer la loi sur l’unique « volonté générale » qui ne connaît pas Dieu. Gardons le culte de Dieu et par conséquent l’esprit contre-révolutionnaire. Sous ce rapport, soyons « antimoderne.

 

Conclusion

de l’espérance au milieu de l’apostasie

Malgré ce « dialogue » imaginé  et voulu par  l’Eglise, pure utopie, malheureuse utopie !  le mal du monde moderne que nous avons analysé ne peut aller qu’en croissant.

Relisons ici les Ecritures. Elles prophétisent l’apostasie générale :

Et d’abord saint Paul :

« En ce qui concerne l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ et notre réunion avec lui,  nous vous prions, frères,  de ne pas vous laisser ébranler facilement dans vos sentiments, ni alarmer, soit par  quelque esprit, soit par quelque parole ou lettre supposées venir de nous, comme si le jour
du Seigneur était imminent.  Que personne ne vous égare d’aucune manière; car auparavant viendra l’apostasie, et se manifestera l’homme de péché, le fils de la perdition, l’adversaire qui s’élève contre tout ce qui est appelé Dieu ou honoré d’un culte, jusqu’à s’asseoir dans le sanctuaire de Dieu, et à se présenter comme s’il était Dieu.  Ne vous souvenez-vous pas que je vous disais ces choses, lorsque j’étais encore chez  vous?

 

Et maintenant vous savez ce qui le retient, pour qu’il se manifeste en son temps. Car le mystère d’iniquité s’opère déjà, mais seulement jusqu’à ce que celui qui le retient encore paraisse au grand jour.

 

Et alors se découvrira l’impie, que le Seigneur (Jésus) exterminera par le souffle de sa bouche, et anéantira par l’éclat de son avènement.

 

Dans son apparition cet impie sera, par la puissance de Satan, accompagné de toutes sortes de miracles, de signes et de prodiges mensongers, avec toutes les séductions de l’iniquité, pour ceux qui se perdent, parce qu’ils n’ont pas
ouvert leur cœur à l’amour de la vérité qui les eût sauvés.
C’est pourquoi Dieu leur envoie des illusions puissantes qui les feront croire au mensonge, en sorte qu’ils tombent sous son jugement tous ceux qui ont refusé leur foi à la vérité,
et ont au contraire pris plaisir à l’injustice 
» (2 Th 1-12).

Saint Mathieu avait déjà tracé des derniers jours un tableau aussi dramatique, quoique moins explicite sur certains points :

 

« Comme Jésus, sorti du temple s’en allait, ses disciples s’approchèrent pour lui  faire remarquer les constructions du temple. Prenant la parole, il leur dit :  » Vous voyez tout cela, n’est-ce pas? Je vous le dis en vérité, il n’y sera pas laissé pierre sur pierre qui ne soit renversée.

Lorsqu’il se fut assis sur la montagne des Oliviers, ses disciples s’approchèrent
de lui, à part, et dirent :  » Dites-nous quand ces choses arriveront, et quel sera le
signe de votre avènement et de la fin du monde?  »
Jésus leur répondit :  » Prenez garde que nul ne vous induise en erreur. Car beaucoup viendront sous mon nom, disant :  » C’est moi qui suis le Christ, et
ils en induiront un grand nombre en erreur. Vous aurez à entendre parler de guerres et de bruits de guerre : voyez ! n’en soyez pas troublés, car il faut que tout arrive; mais ce n’est pas encore la fin.  En effet on se dressera nation contre nation, royaume contre royaume, et il y aura des pestes, des famines et des tremblements de terre par endroits : tout cela est le commencement des douleurs. Alors on vous livrera à la torture et on vous fera mourir, et vous serez en haine
à toutes les nations, à cause de mon nom. Alors aussi beaucoup failliront; ils se trahiront les uns les autres et se haïront les uns les autres. Et il s’élèvera plusieurs faux prophètes qui en induiront un grand nombre en erreur.

 

Et à cause des progrès croissants de l’iniquité, la charité d’un grand nombre
se refroidira.

Mais qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé.

Et cet évangile du royaume sera proclamé dans le monde entier, en témoignage pour toutes les nations; et alors viendra la fin.

Quand donc vous verrez l’abomination de la désolation, dont a parlé le prophète Daniel, dressée en un lieu saint, — que celui qui lit comprenne ! — alors, que ceux (qui seront) dans la Judée s’enfuient dans les montagnes; que celui (qui sera) sur la terrasse ne descende pas prendre ce qu’il y a dans sa maison; et que celui (qui sera) dans les champs ne revienne pas en arrière pour prendre son manteau. Malheur aux femmes qui seront enceintes et à celles qui allaiteront en ces jours-là ! Priez pour que votre fuite n’arrive pas en hiver, ni un jour de sabbat; car il y aura alors une grande tribulation, telle qu’il n’y en a point eu depuis le commencement du monde jusqu’à maintenant, et qu’il n’y en aura plus. Et si ces jours n’avaient été abrégés, nul vivant n’échapperait; mais, à cause des élus, ces jours seront abrégés.

Alors, si quelqu’un vous dit :  » Voici le Christ ici !  » ou  » là !  » ne le croyez point. Car il s’élèvera de faux Christs et de faux prophètes, et ils feront de grands
miracles et des prodiges jusqu’à induire en erreur, s’il se pouvait, les élus mêmes. Voilà que je vous l’ai prédit. Si donc on vous dit :  » Voici qu’il est dans le désert !  » ne partez point;  » Voici qu’il est dans le cellier ! « , ne le croyez point.
Car, comme l’éclair part de l’orient et apparaît jusqu’à l’occident, ainsi sera
l’avènement du Fils de l’homme. Où que soit le cadavre, là se rassembleront les aigles.

Aussitôt après la tribulation de ces jours, le soleil s’obscurcira, la lune ne
donnera pas sa clarté, les astres tomberont du ciel, et les puissances des cieux
seront ébranlées.
Alors apparaîtra dans le ciel le signe du Fils de l’homme, et alors toutes les
tribus de la terre se lamenteront, et elles verront le Fils de l’homme venant sur
les nuées du ciel avec grande puissance et gloire.
Et il enverra ses anges avec la trompette retentissante, et ils rassembleront
ses élus des quatre vents, depuis une extrémité des cieux jusqu’à l’autre » Mt 24 4-28).

Gardons l’espérance !

Car, même dans ces années qui nous sont difficilement imaginables, le Seigneur tiendra toutes choses en ses mains. Une des preuves les plus palpables, c’est qu’il ne permettra pas que les ténèbres de la grande  apostasie couvrent le monde avant que la lumière de l’Evangile n’ait brillé sur tous les peuples (Mt 24 14).

D’autre part la grande apostasie ne l’empêchera pas  de délivrer le peuple juif de son aveuglement millénaire et de la ramener à l’unité de l’Eglise : Rm 11.

La démesure du scandale dans les derniers jours du monde ne diminuera pas la puissance du Seigneur de sorte que pour les chrétiens qui vivront alors il n’y aura pas de vrai motif de perdre courage.

Il faut garder en mémoire ces textes de l’Ecriture : Mt 10 28-31 « Ne craignez point ceux qui tuent le corps et ne peuvent tuer l’âme ; mais craignez plutôt celui qui peut perdre l’âme et le corps dans l’enfer… », et de Luc 21 17-19 « Vous serez haïs de tout le monde à cause de mon nom. Cependant il ne se perdra pas un cheveu de votre tête. C’est par votre patience que vous posséderez vos âmes ».

Le Père Calmel a, sur ce sujet de la croissance du mal, un  très beau passage dans sa petite œuvre intitulée « les derniers jours du monde » :

 

« Nous trouverons force et consolation dans la foi et les paroles de la foi. Consolamnini invicem in verbis istis (1 Th 4 18)

 

C’est dans les paroles de Dieu lui-même que nous puiserons le réconfort.

 

Quant aux paroles seulement humaines, elles nous irriteraient plutôt, surtout lorsqu’on veut nous persuader que notre siècle n’est pas plus mauvais que d’autres.

 

Cela est faux.

 

Il existe une nouveauté dans le mal et un progrès. Les forces de l’enfer ne furent pas toujours déchaînées avec une puissance aussi étendues, aussi féroces.

 

Ce n’est pas de tout temps, par exemple, c’est seulement de notre temps que l’athéisme a été imposé à des pays catholiques et peuplés en majeure partie de baptisés.

 

C’est seulement de notre temps que l’absence de Dieu et de son Christ, cette absence qui est pire que l’idolâtrie, a été le signe satanique imprimant sa marque sur les institutions et le mode de vivre.

 

Si vous voulez nous dire des paroles de réconfort et d’espérance, rappelez-nous plutôt que ce monde organisé pour rendre Dieu absent ne peut quand même pas empêcher que des messes ne soient célébrées et que la doctrine de vérité ne soit toujours enseignée par des docteurs fidèles ;

 

montrez nous les signes certains que les portes de l’enfer n’arrivent pas à pré valoir et que le Seigneur ne cesse de venir, mais n’essayer pas de nous faire voir rose ou gris ce qui est noir comme de l’encre.

 

Nous ne pouvons soutenir contre l’évidence des faits que les deux bêtes n’ont pas augmenté leur pouvoir depuis Celse ou Marc-Aurèle, depuis Calvin ou la grande Elisabeth.

 

Ce qui est vrai, c’est que leur force, certainement accrue, est en définitive comme rien par comparaison avec la toute puissance de l’Agneau, en face des remparts de la sainte Cité » ( p277 Le sel de la Terre n° 12 bis)

 

On ne peut faire que les paroles de l’Apôtre annonçant les derniers temps ne se réalisent. Ces textes de saint Paul ne sont pas des figures de style ni seulement des allégories. Ils annoncent des événements tout à fait réels et déterminés : apostasie générale et venue de l’Antéchrist.

 

Mais pourquoi les choses doivent-elles en venir à cette extrémité et pourquoi nous l’avoir fait savoir ? N’avait-il pas un danger de nous exposer à des vaines inquiétudes ?

 

Non point Et même cette révélation nous est fort salutaire.

 

Ces révélations arrêtent net les rêveries du messianisme « charnel ».

 

Comme le dit le Père Calmel : 

 

 « Ayant lu ces textes dans la foi, il nous devient impossible

d’imaginer que l’extension de l’Evangile aboutirait peu à peu à supprimer les persécutions de l’Eglise venues de l’extérieur et les trahisons machinées du dedans. Les deux bêtes ne désarmeront jamais ici-bas ; bien au contraire elles perfectionnent leurs armes et développent leur tactique à mesure que l’histoire s’écoule et se rapproche du terme. Dès lors nous ne pouvons plus regarder du côté des siècles (ou peut être seulement des années) qui doivent encore venir, pour y trouver repos et consolation. Bien plutôt la pensée du futur, si du moins nous prenons garde à ce qui nous est prédit, nous amène naturellement à nous souvenir de l’éternel, à tourner notre espérance vers la patrie céleste et le roi immortel des siècles, à redire avec une fermeté plus grande le dernier article du Credo de la Messe : Exspecto resurrectionem mortuorum et vitam venuri saeculi » (Id. p. 279)

 

Ainsi donc valait-il mieux, pour nous amener à vivre au niveau du ciel, que le Seigneur nous instruisit sur la manière dont le monde devait finir et à quel point il serait possédé du diable.

 

Mais attention !

 

Le monde sera possédé du diable :

         parce que le diable disposera d’une puissance d’égarement jamais obtenue jusque là, mais nullement parce qu’il sera capable d’annuler les effets de la rédemption et de supprimer l’action de l’Eglise.

         parce qu’il aura réussi à pervertir dans l’esprit de nombreux fidèles les vérités de foi,  mais non parce qu’il aura renversé le siège de Pierre, aboli toute prédication orthodoxe.

         parce qu’il aura permission de nuire jusqu’à l’extrême, non parce qu’il cessera d’être enchaîné par le Christ vainqueur

 

Il demeure impuissant à jamais sur « ceux qui ont renoncé à l’amour de la vie, jusqu’à souffrir la mort » (Ap 12 11)

 

Les derniers jours du monde pour dangereux qu’ils soient sont encore des jours de rédemption. Ces jours demeurent inclus dans « la plénitude des temps ». Or « cette plénitude des temps » est au Christ qui règne dans sa charité et sa lumière dans la toute puissance de son gouvernement ; Jésus-Christ ne cessera jamais plus de faire sentir sa souveraineté plénière pour le bien des élus, même en ces jours d’apostasie. Les termes mêmes utilisés dans l’Ecriture nous le laissent entrevoir :

Par exemple, il est écrit : « L’affliction de ce temps là sera si grande qu’il n’y en a point eu de pareille depuis le commencement du monde jusqu’à présent et qu’il n’y en aura jamais. Et si ces jours n’avaient pas été abrégés, nul home ne sera sauvé ; mais ces jours seront abrégés en faveur des élus » (Mt 24 21-22)

Ou encore : « Vous serez hais de tout le monde à cause de mon nom. Cependant il ne se perdra pas un cheveu de votre tête. C’est par votre patience que vous posséderez vos âmes » (Lc 21 17-19)

 

Remarquons ainsi l’extrême sollicitude avec laquelle Dieu entoure ces élus en ces périodes dures. Aussi c’est bien en ces périodes que se vérifieront les paroles de saint Paul : « Qui donc nous séparera de la charité du Christ….Car je suis persuadé que ni la mort ni la vie, ni les anges, ni les principautés, ni les puissances…ne pourra jamais nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus-Christ Notre Seigneur (Rm 8 35-49)

 

De plus, ces périodes terribles seront pour la foi, l’espérance et la charité des élus des stimulants : en effet la foi est obligée de devenir plus forte lorsqu’elle doit s’exercer dans la nuit et malgré toutes sortes d’apparences contraires. De même notre attachement au Christ est obligé de devenir plus aimant et plus vigoureux lorsque la puissance divine n’est pas éclatante, lorsque les deux bêtes paraissent dominer le présent et tenir en main le futur. Ainsi donc il convient mieux pour la pureté de la foi, de l’espérance et de la charité que les éléments négatifs ne soient pas éliminés de notre longue histoire, de sorte que dans la conduite de l’humanité comme dans la sanctification de chacun de nous, notre Dieu mérite vraiment le nom de Dieu caché Et le fait qu’il se cache est le signe d’un plus grand amour puisqu’il nous invite par là à le chercher avec plus d’empressement, d’humilité et de confiance.

 

 

 

 

 

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