Apologie de la liturgie « grégorienne »
publié dans la doctrine catholique, regards sur le monde le 8 septembre 2016
Apologie de la liturgie « grégorienne »
Le pape saint Grégoire le Grand (540-604) fut l’un des principaux ordonnateurs et réformateurs de la liturgie romaine. C’est donc à bon droit qu’on peut nommer cette liturgie, dont le dernier Code des rubriques date de 1962, la liturgie « grégorienne ».
§-1 Un héritage a recevoir
Le contact avec les Pères dans la foi
Le contact avec les grands spirituels de chaque siècle
L’acquis d’une tradition
§-2 Une confrontation avec la Tradition
Et précisément parce qu’elle permet un réel contact avec les Pères de notre foi, la liturgie « grégorienne » devient le lieu où chaque chrétien est appelé à se confronter personnellement avec cette tradition reçue des Pères.
Une liturgie qui bouscule notre mentalité…
…dans le respect de notre liberté intérieure
Cette confrontation vitale avec la Tradition se réalise pourtant dans un climat de profonde liberté intérieure. La liturgie « grégorienne » n’entend nullement imposer une idéologie, un discours coercitif. Elle renvoie en réalité chacun à son parcours spirituel personnel, sans l’enfermer dans un cadre rigide et contraignant.
D’abord, cette liturgie est une réalité essentiellement vivante. Parce qu’elle est une œuvre collective de longue haleine (dans le temps comme dans l’espace), lentement forgée sous l’inspiration de l’Esprit-Saint, elle bénéficie de la richesse, de la variété, de l’inventivité constante de la vie, de son infinie souplesse qui donne à l’âme sa liberté essentielle. La liturgie « grégorienne » n’est jamais et en aucune manière l’application d’une théorie rationnelle, quelle qu’elle soit, qui enfermerait l’âme dans les limites étroites et rigides d’une conception unilatérale.
Ensuite, la liturgie « grégorienne » est profondément objective. Le Ritus servandus du missel « grégorien », en effet, est une suite de descriptions d’actions, sans aucune justification doctrinale : « Le prêtre fait ce geste… dit cette parole… va à tel endroit… est revêtu de tel ornement… ». On s’étonne parfois du fait que cette liturgie soit si rubricale, on rêve d’une liturgie plus personnaliste, plus subjective. Mais c’est précisément en raison même de cette objectivité que la liturgie « grégorienne » laisse aux participants une grande liberté, en les renvoyant à leur propre intériorité. Parce que la manière de la célébrer est liée aux choses à accomplir et non aux sentiments des personnes ou à leurs pensées, elle peut s’adapter avec souplesse à l’état spirituel de chaque assistant. Au célébrant n’est pas imposée une « idéologie » rituelle, aux fidèles ne sont pas imposées non plus les idées propres du célébrant.
Également, la liturgie « grégorienne » est très ritualisée : elle oblige de façon assez impérative le célébrant à réaliser les rites d’une façon déterminée. Cette stricte réglementation possède le grand avantage de « porter » le célébrant durant l’action liturgique, de l’élever au-dessus de lui-même, de le structurer par le rite même, en sorte que ses qualités ou ses déficiences personnelles s’effacent dans une large mesure devant l’action rituelle.
De plus, la liturgie « grégorienne » est profondément stable et cyclique, sur la durée si naturelle à l’homme d’une année solaire. Il y a un effet bénéfique dans le retour régulier des mêmes rites et des mêmes paroles, de repères précis et identifiables qui structurent et enracinent la vie chrétienne, de grands textes connus qu’on peut méditer sans fin. Un chamboulement continuel empêcherait d’acquérir un rythme intérieur, d’assimiler en profondeur les richesses de la prière liturgique : tout passe, tout coule si on ne dispose plus de repères familiers. L’esprit et le cœur s’emballeraient et s’épuiseraient s’ils étaient toujours invités à une gymnastique dont les mouvements changeraient à chaque exercice. Le retour des formules connues et des gestes familiers favorise au contraire la libre ouverture intérieure.
Le chrétien a besoin de cette liturgie construite autour de repères précis et identifiables, une liturgie qui se réfère à une origine qui structure et enracine sa foi, à un donné traditionnel qui permet de se confronter à une réalité solide. La fixité du rite est ainsi une force, un point d’appui pour la vie spirituelle, une marque d’éternité dans un monde changeant. Car le rite est le signe sensible de l’éternité, d’où son caractère répétitif et traditionnel. Plus le monde quotidien change, plus on s’appuie sur le retour permanent du rite qui manifeste que les choses ne changent en réalité qu’en surface.
Enfin, la liturgie « grégorienne », prise dans toute son ampleur, est multiforme : elle propose de nombreuses voies d’accès au sacré, qui peuvent s’adapter à l’âge, à la formation, à l’état d’esprit de chacun. Un chrétien même ordinaire connaît, au moins de temps en temps, le chapelet, l’Angelus, le chemin de croix, les processions, les saluts du Saint-Sacrement, les prières traditionnelles du matin et du soir, les neuvaines. Les fêtes traditionnelles, liées à des coutumes locales, à des habitudes diverses, sont nombreuses et variées. Cette variété offre à chacun un nouvel espace de liberté.
§-3 Une répétition d’amour
Un élan spontané de l’âme
Savourer la douceur de l’amour de Dieu