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Les Sacrements

publié dans la doctrine catholique le 13 septembre 2016


Les Sacrements

Le sacrement en général

 

Première leçon

 

Introduction.

Nous étudierons cette année, 2016-2017,  les sacrements. D’abord la notion de sacrement : le sacrement en général. Qu’appelle-t-on sacrement ? Puis les sacrements en particulier, les sept sacrements, puisque NSJC en a institués sept: le sacrement de Baptême, de Confirmation, de l’Eucharistie, le sacrement de Pénitence, le sacrement de l’Extrême Onction, le sacrement de l’Ordre et du Mariage.

Ces sacrements ont été confiés à l’Eglise pour qu’elle les garde jalousement, les conserve et les dispense fidèlement aux fidèles. Ce sont, d’une certaine manière, les richesses propres de l’Eglise. Ils sanctifient les fidèles, leur communiquent la grâce du Christ : la sanctification. C’est pourquoi, vous le comprendrez bien au fil de cette étude, ils sont des « choses saintes et excellentes » qu’il faut considérer avec beaucoup de respect et d’estime.

Cette étude des Sacrements vient très normalement à la suite de l’étude du mystère de l’Incarnation et du mystère de la Rédemption, après l’étude de l’Homme-Dieu, du Rédempteur, NSJC. C’est du moins la logique de la Somme Théologique de Saint Thomas d’Aquin. En effet après avoir étudié ce qui a trait au Sauveur, son Incarnation et sa Rédemption, dans la IIIa Pars de la question 1 à la question 59, (III 1-59), saint Thomas étudie les Sacrements, le sacrement en général et les sept sacrements. Pourquoi ? Parce qu’ils sont les « canaux de la grâce », et de la sanctification et que la sanctification nous est obtenue par l’Incarnation-Rédemptrice du Christ Jésus dont ils nous appliquent les mérites. Saint Thomas écrit en effet : « Après l’étude des mystères du Verbe incarné doit venir celle des sacrements de l’Église, car c’est du Verbe incarné qu’ils tiennent leur efficacité – quae ab ipso Verbo incarnato efficaciam habet – » Cette étude comprend premièrement le traité général des sacrements (Q. 60-65), deuxièmement les traités concernant chaque sacrement en particulier. » Il disait la même chose dans le prologue de la IIIa pars : « primo considerandum occurit de ipso Salvatore ; secundo de sacramentis eius quibus salutem consequimur ». « On doit considérer d’abord ce qui touche le Sauveur lui-même ; ensuite ce qui concerne les sacrements eux-mêmes par lesquels nous obtenons le salut ».

 

Il est très intéressant de constater que le catéchisme du Concile de Trente, qui sera cette année votre manuel et dont vous trouvez le texte intégral sur Internet, (Google+ Catéchisme du Concile de Trente), suit le même ordre, la même logique. En effet après avoir étudié le Credo et tout particulièrement le mystère du Sauveur qui constitue six articles sur les 12 articles du Credo de Nicée – les articles 2 à 8 – nous avons, comme dans la Somme, l’étude des Sacrements, du Sacrement en général et des Sacrements en particulier. Ceci montre – c’est du moins un premier petit indice – combien les auteurs du Catéchisme de Trente se sont inspirés de la Somme de saint Thomas. Nous le montrerons plus en long dans notre étude. On peut même dire que le Catéchisme du Concile de Trente est comme une magnifique synthèse de la Somme de Saint Thomas, une synthèse mise par l’Eglise d’abord à la disposition des Curés -ceux qui ont la charge des âmes- pour l’enseignement de la foi. Oui ! Avant d’être le manuel des fidèles, le catéchisme du Concile de Trente est celui du curé. Il contient tout ce que le curé doit enseigner et ce que les fidèles doivent croire. En connaissant ce catéchisme, vous aurez tous les arguments théologiques suffisants et nécessaires de la foi sur tous les mystères de notre foi. C’est ainsi le meilleur des catéchismes que vous puissiez avoir dans les mains puisque Saint Thomas d’Aquin est le théologien par excellence de l’Eglise. La Somme théologique fut, de fait, le livre consulté par les Pères du Concile de Trente. Il était ouvert sur l’autel.

 

Nous commencerons donc notre étude par le Sacrement en général comme le fait le catéchisme, comme le fait Saint Thomas dans la Somme. En effet il débute son étude des Sacrements par l’étude du Sacrement en général. Ce sont les questions 60-65 de la IIIa pars. Dans cette étude générale, il étudie la question de la définition du Sacrement : ce qu’est un Sacrement : III 60 ; puis il parle de la « nécessité des Sacrements » : III 61 ; ensuite des effets des Sacrements : III 62-63 ; puis des causes des Sacrements : III 64 et enfin du nombre des Sacrements : III 65 Ce sont les mêmes questions qui sont étudiées dans le Catéchisme du Concile de Trente et il en retient de nombreux arguments. Nous vous le montrerons au fil de cette étude.

 

Le sacrement en général

 

Saint Thomas commence donc par étudier la définition des Sacrements : « Quid sit sacramentum » (III 60 1). « Qu’est-ce qu’un sacrement » ? Le catéchisme du Concile de Trente fait de même. En deux articles, il répond à cette question de la définition. Il procède tout d’abord à une étude sémantique, une étude sommaire du « mot » ; puis, dans un deuxième article, il donne la définition du Sacrement.

 

§1 : Explication du mot « Sacrement ».

 

Pour donner la définition du Sacrement, le Catéchisme veut « en donner, d’abord le sens, la portée », et veut en « exposer clairement ses diverses acceptions ». Car ce mot « Sacrement » n’a pas été pris dans le même sens par tous les auteurs ecclésiastiques.

Et tout d’abord ce mot « Sacrement » a un sens profane.

 

a- Quel en est le sens profane ? Il a le sens de « serment » « Les auteurs profanes entendaient par là l’obligation que nous contractons, lorsque nous nous engageons au service d’un autre, sous la foi du serment. Ainsi le serment que faisaient les soldats de servir fidèlement l’Etat, s’appelait le sacrement militaire. C’est du moins le sens le plus ordinaire que ce mot avait pour eux ».

 

b- Quel est le sens sacré du mot ? « Les auteurs ecclésiastiques, et principalement les Pères latins, emploient ce mot pour exprimer « une chose sacrée et strictement cachée ». Chez les Grecs, il a la même signification que le mot mystère. Et c’est précisément le sens qu’il faut lui donner dans ces paroles de saint Paul aux Ephésiens : « Il a répandu sur nous la Grâce pour nous faire connaître le Sacrement de sa Volonté » i.e. le « mystère de sa volonté » (Ep 1 9), et dans celle-ci à Timothée : C’est un grand Sacrement de piété, ( 1 Tim 3 16) et enfin dans le Livre de la Sagesse: « Ils ont ignoré les Sacrements de Dieu » (Sap 2 22). Ces textes que nous venons de citer, et beaucoup d’autres, nous présentent, tous, le mot de Sacrement avec le même sens, de « mystère », c’est-à-dire une chose sacrée, mais inconnue et mystérieuse. « Aussi les Docteurs latins ont-ils pensé que certains signes sensibles, qui produisent la grâce, en même temps qu’ils la représentent et la mettent sous les yeux, pouvaient très bien s’appeler Sacrements. » Et c’est ainsi que saint Grégoire le Grand prétend que « ce nom de Sacrement leur (à ces signes sensibles) a été donné, parce qu’ils renferment, sous une enveloppe corporelle et sensible, une Vertu divine qui opère invisiblement le salut ». C’est également le sens que retiennent Saint Augustin et Saint Jérôme. Ils voient dans le sacrement un « signe mystique », ou un « signe sacré ». Ces explications suffisent.

 

§ 2 La définition du Sacrement.

 

L’usage et l’emploi du mot « Sacrement » dans l’Eglise, dans le sens de « signe sacré », nous mettent déjà sur le chemin de la définition. La définition que la théologie catholique retient est celle donnée par Saint Augustin : « Le Sacrement, dit-il, est le signe d’une chose sacrée, ou en d’autres termes: un Sacrement est le signe visible d’une Grâce invisible, institué pour notre sanctification. » Il faut retenir cette définition de saint Augustin : « Le Sacrement est le signe d’une chose sacrée » C’est la définition retenue aussi par Saint Thomas dans l’article 2 de la question 60. Il parle, lui aussi, de sacrement comme « signe de chose sainte » mais il précise « pour l’homme », i.e. qui sanctifie l’homme.

 

Expliquons les différentes parties de cette définition.

 

A- Le Sacrement est un signe.

 

a- l’argument théologique :

 

Le sacrement, dit saint Thomas, est du genre du signe : III 60 1 Qu’est-ce que cela veut dire ? Il faut comprendre que « les choses perçues par nos sens sont de deux sortes.

 

a- les unes n’ont été inventées que pour signifier quelque chose ;

b- les autres au contraire ont été faites uniquement pour elles-mêmes, et non pour en signifier d’autres. Presque toutes les choses que produit la nature appartiennent à cette deuxième catégorie. Donnons des exemples des choses de la première catégorie, i.e. des choses qui ont été inventées pour signifier des choses autres quelles mêmes. Les enseignes, par exemple, les enseignes de notaire : l’enseigne signifie que là dans cette maison distinguée par cette enseigne existe une étude de notaire. Ainsi des enseignes du « Mcdonald » ; ainsi des mots, des images, les trompettes et une foule d’autres objets du même genre. Les images : elles signifient autre chose quelle ; l’image de la Vierge Marie, au-delà de l’image, de sa forme, je vois Notre Dame, la Mère de Dieu. L’image en est le signe. Les mots : « Si l’on ôte aux mots par exemple leur signification, ne semble-t-il pas que l’on détruit du même coup la raison qui les avait fait inventer » ? Toutes ces choses ne sont donc que des signes. Alors quelle est la définition du « signe » : « le signe est quelque chose qui, outre l’objet qu’il offre à nos sens, nous fait penser à une chose différente de lui-même. » Saint Thomas a cette définition : « le signe est ce par quoi un sujet ( l’homme) parvient à la connaissance d’une autre chose » (III 60 4) Un autre exemple : « Ainsi lorsque nous trouvons des pas marqués sur le sol, nous concluons aussitôt que quelqu’un a passé par là, et qu’il y a laissé ces traces. ». Les « pas » sont des signes qui nous font connaître autre chose qu’eux mêmes. « Ceci posé, il est clair que les Sacrements se rapportent à ces choses qui ont été instituées pour en signifier d’autres. Ils représentent à nos yeux, par une image sensible et une sorte d’analogie, ce que Dieu opère dans nos âmes par sa Vertu invisible ». Un exemple fera toucher du doigt cette vérité. Lorsque, dans le Baptême, on verse l’eau sur la tête, comme pour la laver, et qu’on prononce en même temps les paroles prescrites et consacrées, c’est un signe sensible que la Vertu du Saint-Esprit lave intérieurement toutes les taches et les souillures du péché, et qu’elle enrichit et orne nos âmes du don précieux de la Justice céleste. Mais, comme nous l’expliquerons en temps et lieu, ce que cette ablution du corps signifie, elle le produit en même temps dans l’âme.

 

Et forts de ces premières explications, vous serez à même de comprendre la démonstration théologique de saint Thomas dans la Somme : « On ne donne des signes proprement dits qu’aux hommes, car c’est leur condition de parvenir à ce qu’ils ignorent au moyen de ce qu’ils connaissent. (L’intelligence humaine va du connu à l’inconnu) Aussi appelle-t-on sacrement, à proprement parler, ce qui est le signe d’une réalité sacrée intéressant les hommes; de telle sorte qu’à proprement parler on appelle sacrement, dans le sens où nous traitons ici des sacrements, ce qui est le signe d’une réalité sacrée, en tant qu’elle est sanctifiante pour les hommes » En latin : « dicendum quod signa dantur hominibus, quorum est per nota ad ignota pervenire. Et ideo proprie dicitur sacramentum quod est signum alicuius rei sacrae ad homines pertinentis, ut scilicet proprie dicatur sacramentum, secundum quod nunc de sacramentis loquimur, quod est signum rei sacrae inquantum est sanctificans homines..

 

b- l’argument scripturaire : Au surplus, « que les Sacrements doivent être regardés comme des signes, cela ressort clairement de l’Ecriture Sainte i.e. de l’enseignement révélé : Dans son épître aux Romains, l’Apôtre Saint Paul parlant de la circoncision prescrite à Abraham, le Père de tous les croyants, s’exprime ainsi: « il reçut la marque de la circoncision, comme signe de la justice qu’il avait acquise par la Foi. » (Rm 4 11) Et lorsque, dans un autre endroit, il dit que tous, tant que nous sommes qui avons été baptisés en Jésus-Christ, nous avons été baptisés dans sa mort, (Rm 6 3) il est facile de conclure qu’il regarde le Baptême comme un signe que « nous avons été ensevelis avec Jésus-Christ par le Baptême pour mourir au péché. » (Rm 6 4) Et dès lors que les fidèles croient que les Sacrements sont des signes, ils en comprennent mieux « la sainteté et l’excellence ». Ils ne s’arrêtent pas au simple signe, ils vont tout de suite au signifié : la grâce qu’ils renferment et produisent tout à la fois. Aussi sont-ils plus portés à « honorer et à reconnaître », comme elle le mérite, l’infinie Bonté de Dieu pour nous qui les a institué procédant ainsi à notre sanctification.

 

B- Le Sacrement est le signe d’une chose sacrée.

 

Il nous reste maintenant à expliquer ces mots: d’une chose sacrée, qui sont la seconde partie de notre définition. Et pour le bien faire, nous reprendrons les choses d’un peu plus haut, en rapportant ce que Saint Augustin a dit, avec autant de finesse que de vérité sur la diversité des signes.

 

a- Il y a des choses qui sont signes naturels et d’autres qui sont signes par convention. Il y a des signes naturels qui nous conduisent à la connaissance d’une chose, tout en se faisant connaître eux-mêmes. — et, en général, tous les signes ont cette propriété, comme nous l’avons déjà dit. — Ainsi, quand on voit de la fumée, on conclut aussitôt qu’il y a du feu. Ce signe est appelé naturel, parce que la fumée ne révèle point le feu par convention, mais parce que l’expérience fait qu’en apercevant seulement de la fumée, on conclut aussitôt qu’il y a au-dessous un feu réel et actif, quoiqu’on ne le voit pas encore.

 

b- Il est d’autres signes qui ne viennent pas de la nature. Ce sont les hommes qui les ont inventés et établis pour s’entretenir entre eux, pour communiquer aux autres leurs pensées, et pour connaître à leur tour les sentiments et les desseins des autres. Ces signes sont nombreux et variés. Pour en avoir une idée, il suffit de remarquer qu’il y en a beaucoup qui s’adressent aux yeux, un plus grand nombre encore à l’ouïe, et d’autres enfin aux autres sens. Ainsi lorsque voulant faire entendre quelque chose à quelqu’un, nous élevons un étendard, évidemment ce signe ne se rapporte qu’à la vue. L’étendard de Jeanne d’Arc, l’Etendard de la paix. Au contraire les sons de la trompette, de la flûte et de la guitare, qui servent non seulement à nous charmer, mais encore le plus souvent à signifier quelque chose, sont du ressort de l’ouïe. Pensez à la musique que le jésuite jouait de sa flûte et qui avait l’art de charmer les indiens, dans le beau film « Mission », sons qui ont servi à la conversion du peuple indiens. C’est en ce sens que les paroles sont aussi des signes, parce qu’elles expriment d’une manière admirable les pensées les plus intimes de l’âme.

 

c- les signes d’institution divine. Mais, outre ces signes naturels ou de convention purement humaine, il en est d’autres, et de plus d’un genre — tout le monde en convient — qui viennent de Dieu Lui-même.

 

1- Les uns ont été institués sous la loi mosaïque : Ils ont été institués pour signifier seulement ou rappeler quelque chose, comme les purifications de la Loi, le pain azyme, et la plupart des cérémonies du culte mosaïque, le repas de l’Agneau pascal, par exemple, signifiant, rappelant la libération des Hébreux de l’esclavage égyptien.

 

2- Les autres ont été institués sous la loi nouvelle : Ils ont été établis, non seulement pour représenter, mais encore pour produire quelque chose : la sanctification, tels sont évidemment les Sacrements de la Loi nouvelle. Nous le démontrerons bientôt. Et pour cette raison, ils sont des signes nécessairement d’institution divine. Vous devriez comprendre l’argument qu’en donne saint Thomas, dans III 60 5. Saint Thomas se pose la question : « Si le signe sacramentel requiert une chose sensible déterminée? Et si cette chose sensible déterminée relève de Dieu ou de l’homme ? Il répond : « On peut considérer deux aspects dans la pratique des sacrements: le culte divin et la sanctification de l’homme. Le premier point de vue regarde l’homme dans ses rapports avec Dieu. Le second, à l’inverse, regarde Dieu dans ses rapports avec l’homme. Personne n’est chargé de fixer des règles dans ce qui dépend du pouvoir d’un autre, mais seulement dans ce qui est en son pouvoir. Donc puisque la sanctification de l’homme est au pouvoir de Dieu, qui sanctifie, l’homme n’est pas juge de ce qu’il doit employer pour sa sanctification, et c’est à l’institution divine de le déterminer. C’est pourquoi, dans les sacrements de la nouvelle loi qui sanctifient les hommes, selon la parole de S. Paul (1 Co 6, 11): « Vous avez été lavés, vous avez été sanctifiés », les choses qu’on y emploie doivent être déterminées par l’institution divine ». Il en va de même pour les paroles. Elles sont aussi d’institution divine. Les sacrements parce que ils sont « signe d’une chose sacrée » : la sanctification de l’homme, chose qui relève de Dieu, sont donc vraiment des signes d’institution divine et non point d’invention humaine. Il en est ainsi parce que nous croyons fermement qu’ils possèdent en eux-mêmes la vertu d’opérer les effets sacrés qu’ils expriment. Nous le montrerons mieux, vous dis-je un peu plus loin

 

– En ce qui concerne notre définition du Sacrement en général, les auteurs ecclésiastiques entendent par les mots de chose sacrée, la Grâce de Dieu qui nous sanctifie et qui embellit notre âme, en l’ornant de toutes les vertus. Et ils ont eu grandement raison de donner cette dénomination de chose sacrée, à une grâce dont le propre est de consacrer et d’unir notre âme à Dieu. Pour conclure son exposé sur le sacrement, signe d’une chose sacrée, le catéchisme du Concile de Trente donne cette définition du sacrement : le sacrement c’est une chose sensible à laquelle Dieu a voulu attacher la vertu de signifier et en même temps de produire la justice et la sainteté. Il est aisé également de prouver la justesse de cette définition, en montrant que dans tous les Sacrements — et on peut le vérifier — il y a une chose sensible qui signifie, et qui en même temps produit la Grâce. C’est ce que nous avons dit en parlant, plus haut, du Baptême, lorsque nous avons vu que l’ablution extérieure est tout à la fois le signe et la cause formelle d’un effet sacré produit à l’intérieur, c’est-à-dire dans l’âme, par la Vertu du Saint-Esprit. Nous aurons l’occasion de bien développer cette idée au cours de notre étude. Telle est « la chose sainte » signifiée par le sacrement.

 

Enfin, une dernière remarque : distinguons bien entre « sacrement » et « image » Et parce que un Sacrement est une chose sensible à laquelle Dieu a voulu attacher la vertu de signifier et en même temps de produire la justice et la sainteté, il est facile de comprendre que les images des Saints, les croix et autres choses de ce genre, s’ils sont des signes de choses saintes, ne sont cependant point des Sacrements. Toutes ces choses ne produisent pas la justice et la sainteté. Elles peuvent être « signes » sans être pour autant « sacrements »

 

§3- Ce que est signifié par les sacrements.

 

Les sacrements – ces signes mystiques – sont donc « l’œuvre de Dieu » ; ils sont destinés, d’après leur institution même, à signifier et à produire la grâce de Dieu. Et s’il en est ainsi, si les sacrements sont signes de la grâce, – la sanctification – qui est la chose sainte et sacrée, sont-ils signes d’une seule chose seulement ou de plusieurs ?

a- Saint Thomas se pose cette question dans la Somme. C’est l’article 3 de la question 60 de la III pars :

« Le sacrement est-il signe d’une réalité unique ou de plusieurs » ?

Il répond : « Nous venons de le dire: on appelle sacrement à proprement parler ce qui est ordonné à signifier notre sanctification. (C’est la chose sacrée) Or on peut distinguer trois aspects de notre sanctification: sa cause proprement dite, qui est la passion du Christ; sa forme, qui consiste dans la grâce et les vertus; sa fin ultime, qui est la vie éternelle. Les sacrements signifient tout cela. Un sacrement est donc un signe qui remémore la cause passée, la passion du Christ; manifeste l’effet de cette Passion en nous, la grâce; et qui prédit la gloire future ».

 

b- Cet enseignement est repris substantiellement par le catéchisme du Concile de Trente. Lui aussi enseigne que les Sacrements sont destinés, d’après leur institution même, à signifier, non pas une, mais plusieurs choses à la fois. Il est facile de s’en rendre compte, écrit-il, en étudiant les Sacrements qui, outre la sainteté et la justification qu’ils expriment, figurent encore deux autres choses intimement liées à la Sainteté elle-même: la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui en est le principe, et la Vie éternelle, la Béatitude céleste, à laquelle la sainteté se rapporte comme à sa fin nécessaire. Voilà pourquoi les saints Docteurs ont enseigné avec raison que chacun des Sacrements possède trois significations différentes, l’une pour rappeler une chose passée, la Passion, l’autre pour indiquer et exprimer une chose présente, la grâce sanctifiante, et la troisième pour annoncer une chose future, la vie éternelle. Vous le voyez, le catéchisme du Concile de Trente reprend la totalité de l’enseignement de Saint Thomas. Cette propriété est commune à tous les Sacrements. Mais plus particulièrement à la Sainte Eucharistie. De la vient que Saint Thomas, composant l’office du Très Saint Sacrement a pu enchâsser dans l’une des plus belles antiennes, ces trois significations. C’est l’antienne des secondes Vêpres : « O sacrum convivium, in quo Christus sumitur ; recolitur memoria Passionis eius ; mens impletur gratia ; et futurae gloriae nobis pignus datur », « O Banquet sacré, dans lequel c’est le Christ qu’on prend : où l’on rappelle la mémoire de sa Passion ; où l’esprit s’emplit de grâce ; et où nous est donné le gage de la gloire future ». La liturgie est aussi un « lieu théologique ». C’est merveilleux !

 

c- C’est l’enseignement de l’Ecriture Sainte. Et il ne faut pas croire que cette doctrine de la triple signification des sacrements ne repose pas sur le témoignage des Saintes Ecritures. Lorsque l’Apôtre dit: « Nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, nous avons été baptisés en sa Mort, (Rm 6 3-6) n’enseigne-t-il pas clairement que l’on doit voir dans le Baptême un signe qui nous fait souvenir de la Passion et de la Mort de Notre-Seigneur ? Quand il ajoute: « Nous avons été ensevelis avec Jésus-Christ par le Baptême pour mourir, afin que, comme Jésus-Christ est ressuscité d’entre les morts par la Gloire du Père, nous marchions aussi nous-mêmes dans les voies d’une vie nouvelle » ( Rm 6 4) ces paroles ne disent-elles pas ouvertement que le Baptême est un signe de la Grâce céleste répandue dans nos âmes, et qui nous donne la force de commencer une vie nouvelle, et d’accomplir avec autant de facilité que de joie tous les devoirs de la piété ? Enfin lorsque le même Apôtre écrit encore : « Si nous avons été entés sur Lui, par la ressemblance de sa mort, nous le serons aussi un jour par la ressemblance de sa Résurrection, » (Rm 6 5), il nous apprend évidemment que le Baptême figure sans équivoque la Vie éternelle qu’il doit nous faire obtenir un jour. Mais outre ces trois sortes de significations générales, il arrive souvent qu’un Sacrement exprime et figure en même temps plusieurs choses actuelles et présentes. Ainsi, pour peu que l’on s’arrête à considérer le très saint Sacrement de l’Eucharistie, il est facile de s’en convaincre. En effet, ce Sacrement exprime tout à la fois la présence du vrai Corps et du vrai Sang de Jésus-Christ, et la Grâce que reçoivent ceux qui participent dignement à cet auguste Mystère.

 

Conclusion de cette première leçon : D’après ce que nous venons de dire, vous comprenez facilement « tout ce qu’il y a de Puissance divine et de merveilles cachées dans les Sacrements de la Loi nouvelle » C’est pourquoi, comme je vous le disais en introduction, « il faut les traiter et les recevoir avec la plus respectueuse et la plus sincère piété ». Ultime réflexion morale : de la connaissance théologale suit un agir, un mode d’être. Le sacrement est tel qu’il mérite de moi en justice « respect et piété ».

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