Histoire de la messe interdite (5)
publié dans un disciple le 6 décembre 2017
Histoire de la Messe interdite (5)
Livre 2
La Nouvelle Messe de Paul VI
Chapitre 1
Publication du Novus Ordo Missae.
3 avril 1969
Bref examen critique.
Le rôle de Cristina Campo
Jusqu’à la publication du Novus Ordo Missae, (NOM) le 3 avril 1969, les réformes liturgiques touchant la sainte Messe n’étaient que des « retouches » provisoires. Mgr Lefebvre les accepta et les fit accepter par les prêtres de la Fraternité saint Pie X. Ainsi nous ne disions plus le Psaume « Judica me », nous disions les lectures à l’ambon, les oraisons, l’Épitre, l’Évangile. Nous avions même supprimé le dernier Évangile…Mais nous restions attachés à l’offertoire et au canon romain, à l’esprit sacrificiel de la sainte messe.
Mais ces quelques retouches ne suffisaient pas. Pour Mgr Bugnini et le Concilium, « il s’agissait de donner des structures nouvelles à des rites entiers (….) et pour certains points, d’une nouvelle création ».
En attendant celle-ci, (cette nouvelle création) les évêques devaient : « prendre des initiatives, proposer des adaptations et des expériences, etc », sous peine, par « immobilisme », d’être débordés par des expérimentations individuelles et arbitraires ». (Bugnini, conf. de presse, 4 janvier 1967). De cette subversion, nous en avons donné un aperçu dans le livre I.
Cet esprit « nouveau » commença à susciter des oppositions.
Section I: Les réactions
Contre cette « révolution permanente » dans la liturgie, encouragée « d’en haut » et stimulée par la « base », va s’élever Mgr Lefebvre soutenu par Ml’abbé Dulac dans le Courrier de Rome… et beaucoup d’autres encore: M l’abbé Coache, l’abbé de Nantes….et parmi les laïcs, M Jean Madiran…avec sa fameuse revue: Itinéraires.
(NB: Sur ce sujet, voir l’étude de M l’abbé Celier sur les figures sacerdotales de cette résistance en France. Faire également une présentation du Mgr de Castro Mayer. Voir ITEM).
§-1 La messe normative.
Le 21 octobre 1967 s’ouvre le synode des évêques : on y apprend que le père Bugnini, secrétaire du Concilium, va venir présenter sa « messe normative », ébauche « d’une nouvelle messe ».
Elle va appliquer, dans sa logique inexorable, Sacrosanctum concilium, qui prévoit des « rites d’une brièveté remarquable » (n° 34), une « lecture de l’Écriture sainte plus abondante » (n° 35), la prétendue remise en ordre logique de l’Ordo missae, la suppression des « doublets introduits au cours des âges » (n° 50) – l’offertoire sacrificiel en est un : ne fait-il pas double emploi avec la consécration qu’il anticipe illogiquement selon le Père Bugnini – « le rétablissement de certaines choses disparues » (n° 50), comme la prière universelle etc
En outre cette messe normative, ainsi nommée parce qu’elle doit devenir la norme des rites de toutes les célébrations de la messe rénovée, est conçue à dessein comme une « célébration avec assistance de peuple », dépréciant ainsi la valeur essentielle de la messe, indépendante du concours de fidèles, rappelée par le concile de Trente (DS 1747, 1758) et l’Encyclique de Pie XII : « Mediator Dei »
Mgr Lefebvre voit aussitôt le danger. De son collaborateur, le père Gérald Fitzgerald (CSSP), il obtient un article, «A propos de la messe normative » qui, retouché par l’archevêque, est à la hâte polycopié et distribué en sous-mains aux pères synodaux avant la séance du 24 octobre.
« La messe normative y conclut le prélat, ou ce qui sert de base à la réforme liturgique, ne peut pas être celle qui comporte la participation des fidèles, cette participation étant accidentelle et non essentielle à la messe »
L’effet Lefebvre fut appréciable. La majeure partie des Pères, reconnaît le Père Bugnini, se rendit à la Sixtine, le 24 octobre, « avec un esprit prévenu et mal disposé », pour assister à une messe de type « normatif » célébrée en italien par le « liturge » lui-même : rite d’accueil, brève cérémonie pénitentielle commune, Gloria, trois lectures, Credo, prière universelle, très brèves prières de « déposition des dons », canon entièrement nouveau, paroles de consécration modifiées, signes de Croix et génuflexions réduits, etc (DC 1506,2077)
Aussitôt en signe de protestation, plusieurs évêques, dont Mgr Slipyj, quittent la chapelle.
« L’expérience n’avait pas réussi, avoue Bugnini, elle produisait même l’effet contraire, pesant sur les votes en un sens négatif. »
Le 26 octobre, répondant à la question « La structure de la messe normative en ligne générale vous plaît-elle ? Sur 180 Pères, 71 répondirent oui, 43 non et 62 juxta modum. Paul VI demanda au Concilium de se remettre au travail pour réaliser une messe apparemment moins révolutionnaire, mais qui donnerait néanmoins comme le voulait Mgr Bugnini, « une image complètement différente de ce qu’elle était auparavant ».
En décembre 1967, lors d’une assemblée de l’Union mondiale des Supérieurs généraux à laquelle assistait Mgr Lefebvre, le père Bugnini fut invité à venir exposer sa messe normative. Il le fit avec beaucoup de tranquillité : « pour la participation des fidèles, dit-il, on allait changer toute la première partie de (l’ancienne) messe, supprimer l’offertoire qui faisait double emploi avec le Canon ainsi que les oraisons du prêtre avant la communion, changer et diversifier les prières eucharistiques, etc »
En entendant cette conférence qui dura une heure, raconte Mgr Lefebvre, il se disait : « Ce n’est pas possible que ce soit cet homme-là qui ait la confiance du Saint Père, que ce soit lui que le pape ait choisi pour faire la réforme de la liturgie » ! Nous avions devant nous un homme qui piétinait la liturgie ancienne avec mépris, une désinvolture inimaginable. J’étais effondré, et moi qui prends assez facilement la parole, comme je l’avais fait au Concile, je ne me suis pas senti le courage de me lever. Les mots s’étouffaient dans ma gorge ». « Cependant, deux Supérieurs généraux se levèrent. Le premier dit : « Mon Père, si je comprends bien, après avoir supprimé le Confiteor, l’offertoire, raccourci le Canon etc., une messe privée va durer dix à douze minutes » ! Le Père Bugnini répondit : « On pourra toujours ajouter quelque chose ! » On voyait le peu de cas qu’il faisait de la messe et de la manière de la dire, du peu de cas qu’il faisait de la Tradition, du respect qu’on lui doit…
« Le second, un abbé bénédictin intervint : « La participation active, est-ce une participation corporelle, ou bien spirituelle ? – la bonne question – « La messe normative est prévue pour une assistance de fidèles, mais nous bénédictins, qui disons nos messes sans fidèles, qu’allons-nous faire maintenant ? » Voici la réponse que fit Bugnini : «A vrai dire, on n’y a pas pensée ! » – cela dit bien l’ambiance de cette réforme ». (Fideliter n° 85 p. 13)
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NB: Excursus : du respect de la tradition liturgique. Pour la critique de cette « politique de réforme », il faut que vous lisiez absolument le chapitre 9 du livre « La réforme liturgique anglicane » de Michael Davies aux éditions Clovis. pp 129-146)
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§-2 Mais qui est donc ce Mgr Bugnini ?
Un Franc-Maçon?
Directeur des Éphemerides liturgicae, le père Bugnini(CM), avait été nommé membre de la commissio plana (1948-1960), puis secrétaire de la commission préconciliaire (1960-1962). Mais, en 1962, sur les instances du cardinal Larraona, président de la commission conciliaire de la liturgie, Jean XXIII avait relevé Bugnini de sa chaire d’enseignement de la liturgie au Latran -« On m’accusait d’iconoclastie » avoue Bugnini. Le même « bon pape Jean » ne l’avait pas confirmé dans ses fonctions de secrétaire à la commission conciliaire, nommant à sa place le père Ferdinando Antonelli. Paul VI avait voulu «rétablir la justice » en nommant Bugnini secrétaire du Concilium en 1964.(1)
(1) C’est le témoignage formel du Cardinal Stickler. Il en parle clairement dans la conférence qu’il donnait en Autriche et publié dans le petit livre du CIEL.
Voici son témoignage : Cf Mon livre « L’enjeu de l’Eglise : la messe. Livre 5 chapitre 1 le cardinal Stickler)
a- le témoignage du cardinal Stickler
Le Cardinal Stickler se présente
Ce n’est pas le dernier personnage de l’Église :
« J’ai été professeur de droit canonique et d’histoire du droit ecclésiastique à l’Université salésienne, fondée en 1940, puis pendant huit ans, de 1958 à 1966, recteur de cette université. En cette qualité, j’ai bientôt été nommé consulteur de la Congrégation Romaine pour les Séminaires et les Universités, puis, depuis les travaux anté-préparatoires jusqu’à la mise en oeuvre des décisions du Concile, membre de la commission dirigée par ce dicastère romain. En outre, j’ai été nommé expert de la Commission pour le clergé, et plus spécifiquement pour les problèmes relatifs aux droits patrimoniaux : il s’agissait surtout de débarrasser le Droit canon du système des bénéfices. «Peu avant le Concile, le Cardinal Laraona, dont j’avais été élève pendant mes études de droit canon et de droit ecclésiastique au Latran et qui avait été nommé président de la Commission conciliaire pour la liturgie, me fit venir chez lui et m’annonça qu’il m’avait proposé comme expert de cette commission. Je lui objectais que j’avais déjà beaucoup à faire en tant qu’expert de deux autres commissions, surtout celles des séminaires et universités. Pourtant il maintint sa proposition en me faisant remarquer que, considérant l’importance canonique des prescriptions relatives à la liturgie, il fallait également inclure des canonistes dans cette commission. C’est par cette fonction non recherchée que j’ai ensuite vécu le Concile Vatican II depuis ses débuts puisque, comme on le sait, la liturgie fut le premier sujet inscrit à l’ordre du jour. Je fus ensuite affecté à la sous commission qui devait rédiger les modifications apportées aux trois premiers chapitres et aussi préparer l’ultime formulation des textes qui devaient être soumis, pour discussion et approbation, à la commission réunie en plénière avant d’être présentés dans l’aula conciliaire. Cette sous-commission se composait de trois évêques : Mgr Callewaert, archevêque de Gand, qui en était le président, Mgr Enciso Viana, de Majorque et, si je ne me trompe, Mgr Pichler, de Banjaluka (Yougoslavie), ainsi que de trois experts, Mgr Martimort, le père Martinez de Antoniana, clarétin espagnol, et moi-même. Vous comprendrez aisément que, dans le cadre de ces travaux, on pouvait se faire une idée exacte de ce que souhaitaient les Pères conciliaires ainsi que du sens réel des textes votés et adoptés par le Concile ».
Puis il donne un témoignage personnel — fort intéressant — sur la réforme liturgique : son jugement sur « l’édition définitive » du nouveau Missel Romain : « Mais vous pourrez également comprendre ma stupéfaction lorsque, prenant connaissance de l’édition définitive du Nouveau Missel Romain, je fus bien obligé de constater que, sur bien des points, son contenu ne correspondait pas aux textes conciliaires qui m’étaient si familiers, que beaucoup de choses avaient été changées ou élargies, ou allaient même directement au rebours des instructions données par le Concile ».
N’y tenant plus — il doit avoir du caractère — il demande une audience au Cardinal Gut, alors préfet de la Congrégation des Rites :
« Comme j’avais précisément vécu tout le déroulement du Concile, les discussions souvent très vives et longues et toute l’évolution des modifications jusqu’aux votes répétés qui eurent lieu jusqu’à leur adoption définitive, et que je connaissais aussi très bien les textes contenant les prescriptions détaillées pour la réalisation de la réforme souhaitée, vous pouvez vous imaginer mon étonnement, mon malaise croissant et même ma fureur devant certaines contradictions particulières, surtout considérant les conséquences nécessairement graves que l’on pouvait en attendre. C’est ainsi que je décidais d’aller voir le Cardinal Gut qui, le 8 mai 1968, était devenu préfet de la Congrégation des Rites en remplacement du Cardinal Laraona, qui s’était retiré le 9 janvier précédent.
« Je lui demandais une audience dans son logement au monastère bénédictin de l’Aventin, audience qu’il m’accorda le 19 novembre 1969. Je ferai remarquer en passant que, dans ses mémoires parus en 1983, Mgr Bugnini fait erreur sur la date de la mort de Mgr Gut, l’avançant d’un an : Mgr Gut est mort le 8 décembre 1970 et non 1969. « Mgr Gut me reçut très aimablement, bien qu’il fût visiblement malade et, comme l’on dit, j’ai pu déverser tout ce que j’avais sur le coeur. Il me laissa parler une demi-heure sans m’interrompre, puis il me dit qu’il partageait entièrement mes inquiétudes. Mais, ajouta-t-il, la faute n’en incombait pas à la Congrégation des Rites : en effet, toute la réforme était l’oeuvre du « Consilium » constitué expressément à cette fin par le Pape, dont il avait nommé le Cardinal Lercaro, Président, et le père Bugnini, Secrétaire. Dans ses travaux, ce conseil n’avait eu de comptes à rendre qu’au Pape ».
C’est là qu’il donne son jugement sur Mgr Bugnini. Il faut le lire, ce n’est pas sans intérêt:
«A ce sujet, une précision s’impose: le Père Bugnini avait été Secrétaire de la Commission sur la liturgie pendant la période préparatoire du Concile. Comme son travail, effectué sous la direction du Cardinal Gaetano Cicognani, n’avait pas été jugé satisfaisant, il fut le seul à ne pas être promu Secrétaire de la Commission conciliaire correspondante: cette fonction fut attribuée au P. Antonelli, 0.F.M, ultérieurement nommé Cardinal. Le groupe des liturgistes, d’inspiration plutôt moderniste, fit valoir à Paul VI qu’il s’agissait là d’une injustice faite au Père Bugnini et obtint du nouveau Pape — qui était très sensible à ce genre de choses — qu’en compensation de cette injustice, le père Bugnini fut nommé Secrétaire du nouveau Consilium chargé d’opérer la réforme. Ces deux nominations — celle du Cardinal Lercaro et celle du P. Bugnini — aux postes clefs du Concilium offrirent la possibilité de se faire entendre, pour l’exécution de la reforme, à des gens qui jugeaient ne l’avoir pas suffisamment été pendant le Concile, et aussi d’en faire taire d’autres: en effet, les travaux du Concilium se déroulaient dans des zones de travail non accessibles aux non-membres. Et pourtant, bien qu’ils se soient consacrés corps et âme aux travaux énormes et délicats réalisés par le Concilium, notamment sur le coeur même de la reforme — à savoir le nouvel Ordo Missale Romanum qui fut réalisé dans les délais les plus brefs — seul l’avenir nous expliquera pourquoi les deux principaux acteurs sont visiblement tombés en disgrâce : le Cardinal dut renoncer à son siège épiscopal, et le Père Bugnini, nommé Archevêque dès 1968 et nouveau Secrétaire de la Congrégation des Rites, ne reçut pas la pourpre Cardinalice qui accompagne une telle fonction : il avait été nommé nonce à Téhéran lorsque, suite à une opération, la mort vint interrompre son activité terrestre, le 3 juillet 1982 ».
Voilà un témoignage impressionnant sur la personne de Mgr Bugnini.
b- témoignage du cardinal Antonelli
Mais il faut citer aussi le témoignage du cardinal Antonelli : cf la fin du chapitre 2 de mon livre : « le Combat de la messe » :
On savait que c’était Mgr Bugnini qui avait demandé la présence de six pasteurs protestants comme observateurs pendant les séances plénières du Concilium. Bugnini n’avait-il pas retouché, dès 1965, les oraisons solennelles du Vendredi Saint « en écartant, disait-il, toute prière qui pourrait constituer ne serait-ce que l’ombre d’un risque d’achoppement ou de déplaisir » pour les frères séparés.
Ferdinando Antonelli écrivait de même : (1) « Je pourrais en dire beaucoup sur cet homme. Je dois ajouter qu’il a toujours été soutenu par Paul VI. Sa faille la plus notable est le manque de formation et de sens théologique »
(1) : Le témoignage du cardinal Fernando Antonelli, membre du Concilium dans mon livre « le combat de la messe ».
Il est très utile de rappeler le témoignage du père Fernando Antonelli, futur cardinal de l’Eglise. Il fut membre du « Concilium », « Concilium » qui exista jusqu’à la publication du « Novus Ordo Missae ». Il fut présidé par le cardinal Lercaro. Son secrétaire fut Mgr Bugnini.
Comme membre de ce « Concilium », le cardinal Antonelli nota, au jour le jour, ses impressions. Le père Nicolas Giampietro, capucin, vient de réunir dans un livre tous ses écrits inédits.
Son jugement est terrible.
Le 23 juillet 1968, il notait : « Ce dont souffre le plus vivement tout le « Concilium », c’est le manque de théologiens. On dirait qu’ils ont été exclus. Et. c’est là un aspect dangereux (…) Ce qui est triste pourtant (…) c’est une donnée de fond, une attitude mentale, une position pré-établie, à savoir que beaucoup de ceux qui ont influé sur la réforme (…) et d’autres, n’ont aucun amour, aucune vénération pour ce qui a été transmis. Ils n’ont, au départ, aucune estime pour tout ce qui existe actuellement. Un esprit négatif, injuste et nuisible. Hélas le pape Paul VI lui-même, est un peu de ce côté. Ils ont peut-être les meilleures intentions mais avec cet esprit, ils sont poussés à démolir plus qu’à restaurer ».
Déjà le 20 juin 1964, il écrivait: « Il y a un esprit de critique et d’intolérance à l’égard du Saint Siège qui ne peut conduire à de bons résultats ».
Quel témoignage !
Il témoignera encore disant de cette réforme qu’elle est une « étude toute rationnelle de la liturgie et aucun souci de la vraie piété. Je crains qu’un jour, on ne doive dire de toute cette réforme ce qui a été dit de la réforme des hymnes au temps d’Urbain VIII : accepit latinitas reccessit pietas ; et ici, accepit liturgia recessit devotio. J’aimerais me tromper ».
On comprend alors le jugement que le cardinal s’est permis d’écrire dans ses mémoires sur le Père Bugnini: « A propos du Père Bugnini : j’aurais beaucoup à dire sur cet homme. Je dois ajouter qu’il a toujours été soutenu par Paul VI. Je ne voudrais pas me tromper, mais la lacune la plus notable chez le Père Bugnini, c’est le manque de formation et de sensibilité théologiques. Manque et lacune grave parce que dans la liturgie, chaque mot, chaque geste traduisent une idée qui est une idée théologique. J’ai l’impression qu’on a fait beaucoup de concession en matière de sacrements surtout, à l’esprit protestant ».
c- Mgr Cesario D’Amato, abbé de Saint Paul hors les Murs
Par ailleurs, Mgr Lefebvre avait entendu Mgr Cesario D’Amato, abbé de Saint Paul hors les Murs, à Rome, lui dire : « Mgr, ne me parlait pas du père Bugnini, j’en sais trop sur lui, ne me demandez pas ce qu’il est ! »
Et sur l’insistance du prélat, l’abbé reprit : « Je ne puis pas vous parler de Bugnini »
Alors, après l’exposé de tout cela, la conclusion du Bref Éxamen Critique ne peut surprendre, n’est peut-être pas si étrange que cela :
« Il est évident que le nouvel Ordo Missae renonce en fait à être l’expression de la doctrine que le concile de Trente a définie comme étant de foi divine catholique. Et cependant la conscience catholique demeure à jamais liée à cette doctrine. Il en résulte que la promulgation du nouvel Ordo Missae met chaque catholique dans la tragique nécessité de choisir ».
d- le cardinal Amleto Cicognani
Visitant, en février 1969, le cardinal Amleto Cicognani, encore Secrétaire d’Etat, pour lui présenter ses regrets sur les nouveaux Canons, Mgr Lefebvre demanda : « Éminence, vous n’allez pas laisser passer cela ! C’est une révolution dans la liturgie, dans l’Église ».
« Oh ! Mgr, répondit le cardinal en se prenant la tête entre les mains, je suis bien de votre avis. Mais que voulez-vous que je fasse ? Le père Bugnini peut se rendre dans le bureau du Saint-Père et lui faire signer tout ce qu’il veut ! »
« Je ne suis pas le seul à l’avoir entendu, précisait Mgr Lefebvre ; c’est à moi qu’il s’adressait, mais d’autres personnes, dans le bureau du Secrétaire d’État, l’ont entendu comme moi ».
Passant ensuite à la S.C. des Rites avec l’abbé Coache, Mgr Lefebvre en vint à parler de la communion dans la main (dont le décret de permission était en préparation au Concilium) au cardinal Gut, qui lui avoua, en présence de Mgr Antonelli, secrétaire de la Congrégation :
« Je suis le préfet de la S.C. des Rites, mais ce n’est pas moi qui commande, et vous devinez bien qui est celui qui commande ».
Et, se tournant vers Antonelli, il poursuit : « Si toutefois on me demande ce que je pense, j’irai me mettre à genoux aux pieds du Saint Père pour le supplier de ne pas permettre une chose pareille, mais si on me le demande » (1)
(1) Récent témoignage de Mgr Ranjith, secrétaire de la Congrégation des rites sur ce sujet de la communion dans la main, cité dans Flash-Info d’ITEM du 8 février 2008: On peut lire sur le site de « Notre Dame des Neiges » à la date du 3 février, cette information capitale : Dimanche 3 février 2008 « Hostie dans la main, moins de respect et risque d’abus »
(Mgr Ranjith) L’archevêque Albert Malcolm Ranjith, secrétaire de la Congrégation pour le Culte Divin, trouve que le moment est arrivé de « bien évaluer », « revoir » et « si nécessaire abandonner » la pratique qui consiste à recevoir l’hostie consacrée dans la main et non sur la langue. Il l’affirme dans la préface du livre consacré à l’Eucharistie par Monseigneur Athanasius Schneider et publié par la Librairie Editeur Vaticane…Selon Mgr Ranjith, une telle pratique a été « introduite abusivement et à toute vitesse dans certains milieux de l’Eglise tout de suite après le Concile » devenant ensuite « ordinaire dans toute l’Eglise ». Cette pratique « a contribué à favoriser un affaiblissement graduel et croissant de l’attitude de révérence envers les saintes espèces eucharistiques », particulièrement évident, selon lui, parmi les enfants et les adolescents. De surcroît, la possibilité de recevoir l’hostie dans la main, dénonce Mgr Ranjith, est à l’origine de « graves abus » que n’a jamais voulu la constitution conciliaire « Sacrosanctum Concilium » ! Il y a « ceux qui emportent les sacrées espèces pour les garder en souvenir », « ceux qui les vendent » et même « ceux qui les emportent pour les profaner lors de rites sataniques ».
L’influence de Bugnini sur Paul VI et le mode « dictatorial » de ses décisions, passant par-dessus les têtes des préfets de la Congrégation des Rites, étaient une énigme pour Mgr Lefebvre : « Il est certain, disait-il en 1974, que certaines choses inadmissibles se sont passées entre le Saint-Père et les organismes qui sont entre les mains de Mgr Bugnini. Tout cela se saura plus tard ».
L’archevêque crut le savoir lorsque Paul VI, à l’occasion de la fusion de la S.C. du culte divin dans celle des Sacrements, le 11 juillet 1975, fit cesser les activités de Mgr Bugnini, pour le nommer, seulement six mois plus tard, pro-nonce à Téhéran. Le bruit courut qu’une serviette compromettante, égarée par A Bugnini, avait révélé son appartenance à la Franc-Maçonnerie . Il affirma pourtant à Paul VI tout ignorer de la Maçonnerie, « de ce qu’elle est, de ce qu’on y fait, de ses buts » (La Riforma p. 104). En 1976, circulait une correspondance apocryphe de Bugnini avec un pré tendu grand-maître, et des listes d’affiliation de nombreux prélats de Curie et d’autres à une société secrète romaine de 1963 à 1971. Bugnini, « Buan » pour les initiés, y aurait été inscrit, le 23 avril 1963.
Mgr Lefebvre ajouta foi à la rumeur et à ces documents et publia : « On apprend à Rome que celui qui a été l’âme de la réforme liturgique est un franc-maçon ». (L. aux Amis et bienfaiteurs n° 10, du 27 mars 1976)
Le mystère ou la mystification demeure.
§-3- Le Novus ordo Missae.
a- les trois nouveaux canons
Annibale Bugnini était revenu six fois à la charge, faisant le siège de Paul VI pendant dix mois pour obtenir l’approbation de trois nouveaux Canons de la messe avec de nouvelles paroles de la consécration et le déplacement de l’expression « Mysterium fidei », qui devient l’invitation à une acclamation du mystère pascal et eschatologique de la part des fidèles. Le Saint-Office, présidé par le cardinal Ottaviani, n’avait pas fait d’objections majeures aux dires de Bugnini (La riforma, 2e ed., 182 et note 66 ; 456 et note 10). Paul VI avait accepté, et c’est à contrecœur, pour obéir au pape, que le cardinal Gut, préfet de la S.C. des Rites, avait signé, le 23 mai 1968, le décret permettant les trois Canons dès le 15 août.
Lorsque Mgr Lefebvre lui disait qu’en France le Canon II, le plus court, était le plus utilisé, le cardinal en était bouleversé : « Je l’avais bien dit »
Néanmoins la lettre du Concilium signée Gut, président, et Bugnini, secrétaire, datée du 2 juin 1968, envoie aux conférences épiscopales le texte des trois « anaphores » avec un commentaire louant leur « construction linéaire et structure claire », mais taisant le rôle du prêtre et le mot consécration et se réjouissant de l’enthousiasme des fidèles redevenus acteurs vivants et non plus muets spectateurs des actions sacrées » (Notitiae n° 40 (Mai Juin 1968, 147)
Una Voce réagit le 14 août par un communiqué dénonçant « un net déplacement d’accent » dans ces trois nouveaux canons, ce que dom Guillou, lui aussi, souligne dans Nouvelles de Chrétienté d’octobre 1968: « la « transsubstantiation » se trouve noyée dans le « mémorial » par la transformation des paroles « Mysterium fidei » de la consécration en acclamation des fidèles ».
b- « Mysterium fidei »
Le cardinal Stickler manifesta lui aussi son étonnement et son opposition au changement de place de l’expression « Mysterium fidei » dans les nouveaux Canons. Et le dit dans une conférence en Autriche en 1997. cf mon livre : « L’enjeu de l’Eglise : la messe » p. 503 et ss. Mais il le fit bien tardivement…
« Puis le Cardinal en arrive à la formule de la consécration du pain et du vin. Là, sur ce sujet, il est également très sévère. Jugez vous-même !
Il parle de la très grave atteinte à la formule de consécration du vin en le Sang du Christ en raison de la suppression des mots « Mysterium fidei ». « Les mots « Mysterium fidei », en ont été supprimés pour être ajoutés à l’appel du peuple à la prière, après la consécration, ce qui fut présenté comme un gain majeur du point de vue de la « participatio actuosa » » (p. 44 ).
Là, le Cardinal part en « guerre », il se déchaîne. C’est le Cardinal, recteur d’Université, archiviste, qui parle. Il enseigne. Il cite ses sources. Il démontre que « Mysterium fidei » – ces deux mots – sont d’origine apostolique. Il ne fallait en rien y toucher.
Saint Basile l’enseigne. Saint Augustin aussi. Le « Sacramentarium Gelasianum » également. « Le « Sacramentarium Gelasianum » qui est le livre de Messe le plus ancien de l’Église romaine, dans le Codex Vaticanus, Reg. Lat. 316, in folio 181v, dans le texte original (il ne s’agit donc pas d’une addition postérieure) inclut clairement le mysterium fidei » (p. 45).
Il poursuit — on sent le Cardinal en colère, sainte colère, il cite la lettre de Jean de Lyon, en 1202, au Pape Innocent III et donne la réponse du Pape avec les références. C’est argumenté : « En décembre de la même année, dans une longue lettre, le Pape répondait que ces paroles et d’autres encore du Canon que l’on ne trouvait pas dans les Évangiles, devaient être crues en tant que paroles transmises par le Christ aux Apôtres et par ceux-ci, à leurs successeurs » (p. 45).
Il donne les références historiques. C’est le professeur qui enseigne. Son affirmation est incontournable. Elle est scientifique. « Vous la trouverez là, dit-il : X, III, 41, 6; Friedberg III, p. 636, sq ».
C’est net.
Il continue : « Le fait que cette décrétale qui fait partie du recueil de décrétales d’Innocent III dans le grand recueil du liber X établi par Raymond de Pennafort à la demande de Grégoire IX n’ait pas été abandonnée comme dépassée, ce qui fut le cas de bien d’autres, mais ait continué à être transmise par la Tradition, prouve qu’une valeur durable était attribuée à cette déclaration de ce grand Pape » (p. 45).
Nul doute que l’on ne devait toucher à ces deux mots dans la forme de la consécration du vin, ni les supprimer, ni les déplacer en en changeant le sens. On ne le devait pas sans être infidèle à la Tradition catholique et, de toute évidence, en rupture avec elle.
C’est la pensée du Cardinal.
Il invoque aussi l’autorité de saint Thomas d’Aquin. II écrit: « Saint Thomas s’exprime clairement sur cette question dans sa « Somme théologique » (III, 78, 3 ad nonum) à propos des paroles de consécration du vin, rappelant la nécessaire discipline secrète de l’Église ancienne dont parle aussi Denys l’Aréopagite: « les paroles ajoutées éternelle et mystère de foi viennent de la tradition du Seigneur qui est parvenue à l’Église par l’intermédiaire des Apôtres »; il renvoie lui-même à 1 Cor., 10, 23 et 1 Tim, 3, 4.
En note de ce texte de saint Thomas, le commentateur, se référant à DD Gousset dans l’édition Marietti de 1939 (V. p. 155), ajoute « sarebbe un grandissimo errore sustituire un altra forma eucharistiea a quella del Missale Romano… Si sopprimere ad esempio la parola aeterni et quella mysterium fidei che abbiamo della tradizione » (p. 46).
Et puis, il invoque l’autorité du Concile de Florence — le XVIle Concile oecuménique — : « Dans la bulle d’union avec les Coptes, le Concile oecuménique de Florence complète expressément les formules de consécration de la Sainte Messe qui n’avaient pas été incluses en tant que telles dans la Bulle d’union avec les Arméniens et que l’Église romaine avait toujours utilisées sur la base de l’enseignement et de la doctrine des Apôtres Pierre et Paul (conc. oeucu. decreta, ed Herder, 1962, p. 557) » (p. 46).
Ayant le document, je suis allé vérifier. C’est bien exact.
Le Concile de Florence, dans le décret pour les Grecs — qui suit celui d’avec les Arméniens — cite bien expressément le mysterium fidei dans la formule de consécration. Il y est dit : « mais parce que dans le décret des Arméniens rapporté ci-dessus, n’a pas été expliquée la formule qu’a toujours eu coutume d’employer, dans la consécration du Corps et du Sang du Seigneur, la sacro-sainte Église romaine, affermie par la doctrine et l’autorité des apôtres Pierre et Paul, nous pensons qu’il faut l’introduire dans les présentes » – en latin – « illam praesentibus duximus inserendam ». « Duximus », c’est le parfait du verbe « ducere ». Il vaudrait mieux traduire : nous estimons, nous commandons. « Nous pensons » me paraît un peu faible. « Ducere », c’est le commandement, c’est le chef qui affirme. (D’où l’expression en italien : le « Duce »)
Mais ce n’est pas tout. Le Cardinal ne s’en tient pas pour satisfait… Il poursuit sa démonstration de théologie positive. Là, pour le coup, il est exhaustif. Il invoque, cette fois, le catéchisme – le catéchisme « de référence », dit-il, ce sont ses mots. Je m’attendais à voir citer le nouveau « catéchisme de l’Église catholique ». Mais pas du tout! Il cite le catéchisme du Concile de Trente. À la bonne heure! Il donne toutes les références. Manifestement, quand il préparait sa conférence, le Cardinal est allé chercher dans sa bibliothèque, ce catéchisme. Il vous dit qu’au chapitre IX, au n° 21, à propos de l’Éucharistie… « le catéchisme enseigne que « les mots « mysterium fidei » et « aeterna » viennent de la Sainte Tradition qui est l’interprète et la gardienne de la vérité catholique » (p. 46). Je regrette que le Cardinal n’ait pas poursuivi sa lecture du catéchisme car il aurait aussi rappelé qu’en changeant de place cette expression très traditionnelle, les auteurs de la réforme liturgique en changeaient le sens. Alors que le « mysterium fidei » placé dans la formule de la consécration porte sur la Présence réelle qui vient d’être réalisée par l’énonciation de la formule consécratoire, le « mysterium fidei » mis après la consécration –comme acclamation populaire – dirige l’attention du peuple, non plus sur le mystère de la Transsubstantiation réalisée « hic et nunc », mais bien sur le retour en gloire du Seigneur qui est aussi l’objet de notre foi : « donec veniat ». Il y a là, dans ce changement de place, une malice, une duplicité, une ruse, une équivoque. La foi ici affirmée ne porte plus sur la Transsubstantiation mais sur le retour en gloire du Seigneur. Ainsi, l’attention des fidèles, et leur « participatio actuosa » sont détournées de la présence réelle du Christ réalisée par la Transsubstantiation. Ils devraient adorer la Présence réelle de Notre Seigneur Jésus-Christ sur l’autel, on leur fait acclamer le retour en gloire du Seigneur. C’est même contradictoire.
Voyez l’enseignement du catéchisme du Concile de Trente, p. 216 de l’édition d’Itinéraires.
Fort de cet exposé très savant, le Cardinal ne mâche pas ses mots et ses critiques contre les réformateurs. Il parle de « légèreté souveraine » d’un Lercaro, d’un Bugnini et de leurs collaborateurs : « On peut à juste titre s’interroger sur la légèreté dont ont fait preuve, ici, les collaborateurs du Cardinal Lercaro et du Père Bugnini, avec nécessairement leur accord » (p. 46). « Ils ont purement et simplement « ignoré », non seulement ignoré mais aussi « méprisé », l’obligation de procéder à une recherche historique et théologique exacte » (p. 46). C’est ce que réclamait expressément le Concile Vatican II dans son article 23 de la Constitution liturgique (cf p. 36). Mais rien de tel n’a été fait, et le Cardinal de conclure et de lancer la suspicion sur l’ensemble de l’oeuvre reformée : « Si cela s’est produit dans ce cas qu’en aura-t-il été de cette importante obligation pour les autres modifications » (p. 46).
C’est terriblement grave ! Nous nous trouvons devant une réforme infidèle à la Tradition…et aux intentions même du Concile
Enfin, laissant la théologie positive, le Cardinal s’élève à une considération doctrinale et pastorale tout à la fois que je pourrais résumer ainsi : cet oubli du « mysterium fidei » de la forme eucharistique, loin de favoriser et de développer le sens de la piété et de la vie théologale chez le peuple fidèle, favorise, au contraire, la « démystification » constatée aujourd’hui ainsi que l’« anthropomorphisation ».
Que veut-il dire ? Cela. Rien ne vaut. Rien n’est vrai que ce qui est rationnel. L’Eucharistie n’est pas à la portée de la raison. Elle est peut-être un simple symbole. « Mais c’est aussi la raison pour laquelle l’exclusion du « mysterium fidei » de la formule eucharistique devient, elle aussi, le symbole de la démystification et donc de l’anthropomorphisation de ce qui constitue le centre du culte divin : la Sainte Messe » (p. 47).
Ce retrait du « mysterium fidei » est pour le moins « malheureux. », non seulement « malheureux », mais « gravissime »…
§-4- La publication du « Novus ordo Missae »
Cependant, le Concilium en arrive aux dernières coupes sombres dans l’ordinaire de la messe, avec « sa messe normative » : suppression de l’offertoire sacrificiel pour « ôter » l’équivoque du « petit canon », modification du Canon romain (paroles de la consécration) en harmonie avec les nouveaux Canons.
Paul VI annonce l’Ordo missae au consistoire du 28 avril 1969, et le 2 mai sont présentés à la salle de presse, la constitution apostolique Missale romanum était daté du 3 avril et le fascicule du Nouvel Ordo Missae introduit par une longue Institutio generalis.
§-5- Les premières réactions.
a- le frère Max Thurian.
Or certains protestants se déclarent très vite favorables au NOM ; ainsi le frère Max Thurian, de la communauté oecuménique de Taizé déclare dans la Croix du 30 mai : que l’ « un des fruits de ce nouvel Ordo Missae sera peut-être que les communautés non catholiques pourront célébrer la sainte Cène avec les mêmes prières que l’Église catholique. Théologiquement, c’est possible ».
b- M l’abbé Dulac
M l’abbé Dulac réagit, en sens contraire, dans le Courrier de Rome du 25 juin
: « Nous refusons de donner notre appoint, si petit soit-il, à une équivoque. (…) Nous refusons de suivre le nouvel Ordo missaee ».
Et le 10 juillet, précisant le sens de ce refus, il élève une supplique à Paul VI afin que le pape « révise radicalement » le NOM. « En attendant l’effet de cette supplique, dit-il, nous userons modestement, paisiblement, à ciel ouvert, de la liberté inscrite dans la constitution de saint Pie V, puisée dans une coutume universelle de quatre siècle ».
c-Une supplique au pape se précise. Le Bref examen critique
C’est dans cette idée d’une supplique à présenter à Paul VI, (afin qu’il retardât l’utilisation du NOM, prévue pour la fin novembre 1969 et le fit réviser), que l’inspiratrice d’ Una Voce Roma, Vittoria Guerrini, rencontra Mgr Lefebvre qui la connaissait bien.
Vittoria Guerrini était connue dans le monde des lettres sous le pseudonyme de Cristina Campo (1)
(1) Cristina Campo : – sa vie par Cristina De Stefano : « Belinda et le monstre » cf ch.9 Una Voce. Voir ausssi : « Histoire de la messe interdite de Jean Madiran, fascicule 1. Voir aussi : l’introduction de Claude Barthe dans la nouvelle publication du Bref Examen Critique de Maugendre. Lire le chapitre 9 de ce livre qui décrit bien l’activité débordante de Cristina Campo. Ch 9 p139-157. Lire aussi les précisions de Jean Madiran dans son fascicule I de son « Histoire de la messe interdite.
Accompagnée de son amie, une autre dame romaine, Emilia Pediconi, elles vinrent trouver Mgr Lefebvre. Ayant leurs entrées chez le cardinal Ottaviani, elles pouvaient servir d’intermédiaires. Il fut décidé qu’on préparerait un document qui serait présenté au cardinal, lequel accepta d’avance d’en réviser le texte et de le transmettre au pape.
Critina Campo réussit à rassembler cinq ou six ecclésiastiques dont Mgr Renato Pozzi, ancien expert conciliaire et membre de la S.C. des Etudes, Mgr Guerrino Milani de la même Congrégation et surtout Mgr Domenico Celada, liturgiste réputé et auteur d’articles combatifs. Mgr Lefebvre sollicita le P Guerrad des Lauriers OP qui collaborait à la Pensée catholique.
Mgr Lefebvre présida la première réunion et quelques autres parmi les séances nocturnes qui se tinrent à un « rythme frénétique » au local d’Una Voce Roma à Rome en mai juin 1969. Le Père Guerrad des Lauriers élabora le texte, qui, discuté en séance, était au fur et à mesure, dicté par lui et traduit immédiatement en italien par Cristina Campo, qui complétait elle-même et mettait minutieusement au point le document, notamment en ce qui concerne la liturgie. Sans avoir fait de théologie, ces dames romaines « avaient ça dans le sang » dit Mgr Tissier de Malerais, dans son livre « Mgr Lefebvre ».
Le texte italien fut remis aux cardinaux Ottaviani et Bacci. Mgr Lefebvre fit le siège d’autres cardinaux amis qui le reçurent mais craignirent d’apposer leur signature. L’archevêque espérait aussi obtenir la signature de nombreux évêques, dont soixante italiens.
En attendant, Mgr Lefebvre fit faire les traductions française, allemande, espagnole et anglaise et programma pour une date postérieure à sa remise au pape, sa publication par diverses revues ou organisations amies.
Cependant le temps passait. Le cardinal Ottaviani gardait le document « sous le coude » depuis plusieurs mois. Sans doute estimait-il devoir l’étudier à fond avant de le remettre au Saint-Père. Par ailleurs, était-il gêné du fait qu’il avait lui-même, deux ans auparavant, donné son Nihil obstat aux trois nouvelles anaphores.
C’est en vain qu’on chercha d’autres signatures : il n’y en eut aucune, pas même celle de Mgr Carli.
Entre temps, le 15 octobre, l’abbé de Nantes publia dans la Contre Réforme Catholique, de façon prématurée la lettre des cardinaux – avec la seule signature d’Ottaviani. Dès lors on ne pouvait plus attendre et la supplique, datée du 3 septembre, fête de saint Pie X, fut remise, avec le Bref examen critique, le 21 octobre, au Pape Paul VI.
Cette supplique exprime le jugement suivant : « Le Novus Ordo Missae s’éloigne d’une manière impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la Sainte Messe, telle qu’elle a été formulée à la XXIIe session du Concile de Trente, lequel, en fixant définitivement les « canons » du rite, éleva une barrière infranchissable contre toute hérésie qui pourrait atteindre à l’intégrité du Mystère. »
Et elle supplie le Saint Père, au nom du peuple fidèle, de bien vouloir « abroger » la nouvelle loi, (la Constitution Missale Romanum) et « de ne pas vouloir que soit enlevée, à la catholicité, la possibilité de continuer à recourir à l’intègre et fécond missel romain de Saint Pie V… si profondément vénéré et aimé du monde catholique tout entier. »
Recevant la supplique le 21 octobre 1969, Paul VI, ému par l’autorité des deux signataires, transmet dès le lendemain le document au cardinal Seper, demandant à la Sainte Congrégation de la doctrine de la foi un « sévère examen des critiques soulevées ». Le cardinal Seper, préoccupé, en parle au cardinal Gut ; tous deux sont profondément bouleversés et en entretiennent le père Bugnini (La Riforma 2 ed., 287-288). Seper demande à Bugnini de suspendre la publication définitive de l’Ordo Missae et fait examiner le Bref examen critique par trois théologiens de la Sainte Congrégation de la Foi (SCDF).
L’intervention des cardinaux, « nouvel effet Lefebvre » était en passe de réussir. Déjà le nom d‘Ottaviani, l’objet de sa supplique et la nature du document qu’elle accompagnait, étaient publiés dans la presse sans que le cardinal se dédit.
De son côté, Mgr de Castro Mayer, évêque de Campos (Brésil) en possession dès septembre du Bref Examen critique, en avait fait un résumé pour ses prêtres et l’avait envoyé à Paul VI, accompagné d’une lettre datée du 12 septembre demandant au pape l’autorisation de continuer à user de l’Ordo Missae de saint Pie V. Il lui en donne les raisons : « Le Novus Ordo Missae non seulement n’inspire pas la ferveur, mais encore exténue la foi dans les vérités centrales de la vie catholique, telle la présence réelle de Jésus dans le Très Saint Sacrement, la réalité du sacrifice propitiatoire, le sacerdoce hiérarchique. »
d- L’argumentaire canonique de l’abbé Dulac
Déjà, Mgr Lefebvre demandait à son ami canoniste, l’abbé Dulac de préparer un argumentaire « montrant que de nombreuses raisons permettent et encouragent de garder au moins l’offertoire et le canon romain ».
L’abbé Dulac produisait ses arguments le 24 décembre :
-d’une part « on » avait ajouté subrepticement à la première édition de sa constitution apostolique une phrase de vingt deux mots fixant au 30 novembre l’entrée en vigueur du Nouvel Ordo Missae (NOM) ;
-d’autre part, la volonté d’obliger, exprimée à la fin de la constitution : ne concernaient que les nouvelles formules de la consécration, dont l’introduction reposait sur des « raisons pastorales » et de « commodités », motifs, disait Dulac, « tellement douteux en soi que le doute en rejaillit sur la prescription, si c’en est une ».
-Enfin, la même clause finale n’avait ni la précision quant à l’objet, ni la fermeté quant à la volonté d’abroger ou d’obroger la constitution Quo Primum Tempore de Saint Pie V. On pouvait donc appliquer le canon 23 :
« Dans le doute, la révocation de la loi préexistante n’est pas présumée, mais les lois postérieures doivent être ramenées aux antérieures et si possible conciliées avec elles ».
La conclusion suivait : Paul VI n’avait certainement pas « voulu rendre obligatoire son missel d’une obligation vraiment juridique » (Itinéraires n° 140 février 1970 p 39-40)
L’abbé Dulac avait déjà amorcé deux autres arguments dans le Courrier de Rome du 19 juillet
-l’indult perpétuel, concédé par saint Pie V à tout prêtre d’utiliser le missel qu’il promulguait, ne semblait pas révoqué par la constitution de Paul VI, Missale Romanum
-et surtout la coutume millénaire que le saint Pape n’avait fait que codifier pouvait-elle jamais être abrogée ?
Enfin, le Père Dulac avait annoncé, dès 1967, un principe juridique très radical :
« Toute loi est ordonnée au bien commun : pour autant qu’elle y manque, elle n’a pas force d’obliger ».
Tout cela est bel et bon, mais c’est Jean Madiran qui opposait l’objection la plus fondamentale à la réforme de Paul VI :
« Systématiquement rejeter les rites transmis pour les remplacer par des rites qui n’avaient pas été transmis, c’est ruiner tout à fait le caractère traditionnel de la liturgie ». (Itinéraires n° 137, novembre 1969 p. 298)
§ 6 :Paul VI court au secours de la réforme
Pour étouffer dans l’œuf la campagne qui se développait et la résistance qui semblait s’organiser contre le NOM, Paul VI agit très vite : le 30 octobre, la Secrétairerie d’Etat, par Mgr Benelli, ordonne à Mgr Bugnini de publier aussitôt l’instruction -déjà envoyée le 20 octobre aux conférences épiscopales — annonçant une instauration progressive de la nouvelle messe et permettant l’usage de l’ancien Ordo jusqu’au 28 novembre 1971.
La conférence épiscopale italienne, au reçu de l’Instruction, décide d’attendre 1971. Or, vers le 3 novembre 1969, paraît dans l’Osservatore romano une note non signée affirmant que les évêques italiens ordonnent l’application du NOM dès le 30 novembre 1969. Le président de la conférence épiscopale italienne, le cardinal Poma, interrogé, ne paraît pas au courant. Indigné, Mgr Carli veut intenter au journal un procès canonique… soupçonnant le Concilium d’être l’auteur de cette manœuvre de pression.
Le 12 novembre par la Secrétairerie d’Etat, le cardinal Seper communique au Pape le résultat de l’examen du Bref Examen Critique par ses théologiens : « L’opuscule « Bref Éxamen Critique » contient beaucoup d’affirmations superficielles, exagérées, inexactes, passionnées et fausses ». (La Riforma, 2 ed., 288.)
Pour finir, Paul VI demanda au Concilium de corriger l’article 7 de l’Institutio Generalis, mais il ne corrigea pas le Novu Ordo Missae qui lui correspondait.
Il jugea nécessaire de prononcer deux discours justifiant sa réforme au nom de « l’obéissance à la volonté expresse du récent concile ».
Le premier, du 19 novembre, affirmait l’orthodoxie de la nouvelle messe et confirmait qu’elle serait « obligatoire » en Italie dix jours plus tard.
Le second justifiait, le 26 novembre, « le changement qui affecte une vénérable tradition multiséculaire et donc notre patrimoine religieux héréditaire, lequel semblait devoir demeurer intangible ». C’était, disait Paul VI, « un sacrifice très lourd », mais « la compréhension de la prière est plus précieuse que les vétustes vêtements de soie dont elle s’est royalement parée ; plus précieusement est la participation du peuple aujourd’hui qui veut qu’on lui parle clairement, d’une façon intelligible qu’il puisse traduire dans son langage profane »
Le pontife concluait :
« Si la noble langue latine nous coupait des enfants, des jeunes, du monde du travail et des affaires, si elle était un écran opaque au lieu d’être un cristal transparent, faisons-nous un bon calcul, nous autres pêcheurs d’âmes, en lui conservant l’exclusivité dans le langage de la prière et de la religion » ?
Mgr Lefebvre, qui avait dès 1963 réfuté ces arguments spécieux, fut scandalisé de l’obéissance au Concile qu’invoquait Paul VI, et plus encore de la louange inusitée que le pape Montini faisait de la messe romaine, « expression traditionnelle et tangible de notre culte religieux, de l’authenticité de notre foi », juste avant de l’immoler en sacrifice à la modernité. La contradiction interne et la faiblesse tyrannique d’un homme profondément libéral lui apparaissait au grand jour.
LES ANNEXES
ANNEXE I
LA BULLE « QUO PRIMUM »
de saint Pie V
promulguant le Missel romain restauré
(traduction et notes de l’abbé Raymond Dulac) [1]
NOTES :
1. — Afin de faciliter la lecture de notre traduction, nous mettrons des alinéas dans le texte. Aucun ne se trouve dans les copies de la Bulle imprimées en tête de tous nos modernes missels à usage liturgique, mais ils ressortent assez clairement de la teneur même du texte. En outre plusieurs sont indiqués dans la grande édition romaine du Bullaire (Bullarium.. Amplissima Collectio : Rome, 1746. Notre Bulle s’y trouve au t.IV, pars 3a, sous le n° 147, pp. 116-117). Le numéro d’ordre en chiffres romains, qui précède chaque alinéa, nous est personnel.
2. — Nous partagerons quelquefois en plusieurs membres certaines phrases dont l’extraordinaire longueur est cause d’obscurité.
3. — Nous ajouterons, au bas des pages, des notes qui nous seront strictement personnelles. Elles rapporteront le terme latin de l’original quand sa version en français risquerait d’être inadéquate ; d’autres fois elles donneront brièvement une explication ou un commentaire.
PIE ÉVÊQUE,
SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU,
POUR MÉMOIRE PERPÉTUELLE
I. Dès que Nous fûmes élevé au sommet de l’Apostolat, Nous Nous sommes plû à porter notre zèle et nos forces à conserver dans sa pureté tout ce qui peut toucher le culte de l’Eglise ; Nous y avons appliqué toutes Nos pensées ; Nous Nous sommes efforcé à le préparer et, Dieu aidant, à l’accomplir avec tout le soin possible.
II. Or, entre autres décrets du saint Concile de Trente, il Nous appartenait de statuer sur l’édition et la correction des Livres Saints, du Catéchisme, du Missel et du Bréviaire.
III. Déjà, avec la grâce de Dieu, a été publié le Catéchisme, qui est destiné à l’instruction du peuple, et amendé le Bréviaire qui acquitte le tribut des louanges que nous devons à Dieu.
Dès lors, afin qu’au Bréviaire répondît le Missel, comme il est juste et convenable, (étant souverainement opportun que, dans l’Eglise de Dieu, il n’y ait qu’une seule façon de dire les Psaumes, un seul rite pour célébrer la Messe), il Nous semblait là-dessus nécessaire de procurer au plus tôt le reste de cette tâche, savoir l’édition du Missel.
IV. C’est pourquoi Nous avons estimé devoir confier ce travail à des hommes distingués par leur érudition. Ils ont commencé par collationner soigneusement tous les textes, les anciens de Notre Bibliothèque Vaticane et d’autres, corrigés, sans altération, qu’on avait recherchés de tous côtés. Puis, s’étant instruits des écrits des Anciens et d’auteurs autorisés qui nous ont laissé des monuments sur les saintes institutions liturgiques, ils ont restitué le Missel lui-même à la règle et au rite des Saints Pères [2].
V. Ce Missel ainsi revu et corrigé, Nous avons, après une mûre réflexion, ordonné qu’il soit au plus tôt imprimé à Rome, puis publié, afin que tout le monde puisse retirer les fruits de cette institution [3] et de l’ouvrage entrepris : de telle sorte que les prêtres comprennent de quelles prières ils doivent à l’avenir se servir et quels rites, quelles cérémonies ils doivent observer dans la célébration des Messes.
VI [4]. Et, afin que tous et en tous lieux adoptent et observent les traditions de la sainte Église Romaine, Mère et Maîtresse de toutes les Églises, faisons [5], pour les temps à venir et à perpétuité, défense que, dans toutes les églises du monde chrétien, la Messe soit chantée ou récitée autrement que selon la forme du Missel publié par Nous :
C’est, à savoir : dans les églises Patriarcales, Cathédrales, Collégiales, Paroissiales tant séculières que régulières de quelque Ordre ou Monastère que ce soit, d’hommes ou de femmes, y compris celles des Milices régulières [6]; pareillement dans les Églises ou Chapelles sans charge d’âmes en lesquelles la Messe Conventuelle doit, selon le droit ou par coutume, être célébrée, à haute voix avec chœur ou à voix basse, selon le rite de l’Eglise Romaine [7] ;
(Et ce)lors même que ces mêmes Églises, exemptes en quelque façon que ce soit [8], seraient munies d’un indult du Siège Apostolique, d’une coutume, d’un privilège, même par serment, d’une confirmation Apostolique [9] ou de toutes autres espèces de facultés [10].
(Nous exceptons deux cas) [11] : celui où, à partir d’une institution approuvée dès l’origine [12] par le Siège Apostolique, ou bien en vertu d’une coutume, la célébration de ces messes dans ces mêmes Églises (selon un rite propre, distinct du romain commun) aurait (dans les deux cas) un usage ininterrompu supérieur à deux cents ans [13].
A ces Églises, Nous n’entendons aucunement ôter ni l’institution susdite de leur célébration ni leur coutume [14] ; mais, également, au cas où le Missel que Nous venons d’éditer leur serait plus agréable [15], et ce avec le consentement de l’Evêque ou du Prélat, joint [16] celui de tout le Chapitre, Nous leur accordons la permission, nonobstant toutes choses contraires, de célébrer les messes selon ce Missel [17].
VII [18]. Quant à toutes les autres susdites Églises [19], par Notre présente Constitution, qui doit rester valable à perpétuité, statuons et ordonnons ce qui suit, sous peine de Notre indignation [20] : leur ôtons l’usage de ces mêmes Missels [21]; les rejetons radicalement et totalement [22]; et, pour ce qui concerne Notre présent Missel récemment publié, décrétons : rien jamais ne devra lui être ajouté, ou retranché, rien ne devra y être modifié.
Enjoignons et, au nom de la sainte obéissance, faisons strict commandement [23] à tous et à chacun des Patriarches, Administrateurs [24] des susdites Églises, de même qu’à toutes autres personnes honorées d’une quelconque dignité ecclésiastique, fussent-ils cardinaux de la Sainte Église Romaine, et dotés de quelque dignité que ce soit ; à savoir :
Toutes autres pratiques [25], tous autres rites sans exception [26] d’autres Missels, aussi anciens soient-ils, accoutumés jusqu’à présent d’être observés, seront à l’avenir absolument abandonnés par eux et entièrement rejetés ; ils chanteront et liront la Messe selon le rite, la manière et la règle qui sont indiqués par Nous dans le présent Missel ;
Et que, dans la célébration de la Messe, ils n’aient l’audace d’ajouter ou réciter d’autres cérémonies ou prières que celles qui sont contenues dans ce Missel [27].
VIII [28]. En outre [29], en vertu de l’autorité Apostolique [30], par la teneur des présentes concédons et donnons l’indult suivant [31], et cela, même à perpétuité :
Que, désormais, pour chanter ou réciter la Messe en n’importe quelles Églises, on puisse, sans aucune réserve [32], suivre ce même Missel, avec permission (donnée ici) et pouvoir [33] d’en faire libre et licite usage, sans aucune espèce de scrupule ou sans qu’on puisse encourir aucunes peines, sentences et censures [34].
Voulant, ainsi, que les Prélats, Administrateurs, Chanoines, Chapelains et tous autres Prêtres, séculiers de quelque dénomination soient-ils désignés, ou Réguliers de tout Ordre, ne soient tenus de célébrer la Messe en tout autre forme que celle par Nous ordonnée ; et qu’ils ne puissent, par qui que ce soit, être contraints et forcés à modifier le présent Missel.
IX [35]. Statuons et déclarons que les présentes Lettres ne pourront jamais et en aucun temps être révoquées ni modifiées [36], mais qu’elles demeureront toujours fermes et valables dans leur portée [37].
X [38]. Nonobstant tous statuts et coutumes contraires, qui auraient précédé, de quelque espèce soient-ils : Constitutions et Ordonnances Apostoliques, ou Constitutions et Ordonnances, tant générales que spé-ciales, publiées dans des Conciles Provinciaux et Synodaux. Nonobstant, non plus, l’usage des susdites Églises, fût-il autorisé par une prescription très longue et immémoriale, sauf si elle est supérieure à 200 ans.
XI [39]. Voulons et, par la même autorité, décrétons qu’après la publication de Notre présente Constitution et de ce Missel, tous seront tenus de s’y conformer dans la célébration de la Messe, tant chantée que lue : les Prêtres qui sont en la Cour Romaine, après un mois ; ceux qui habitent en-deçà des monts, après trois mois ; ceux qui sont au-delà, après six mois, ou aussitôt qu’ils trouveront ce Missel en vente.
XII [40]. Et, afin qu’en tous lieux de la terre ce Missel soit conservé sans altération, pur d’incorrections et d’erreurs, faisons, par Notre Autorité Apostolique et en vertu des présentes, défense à tous d’oser, par téméraire audace, imprimer, débiter, recevoir, en aucune façon, ce Missel, (autrement que selon la règle suivante) ; savoir :
Licence aura été obtenue de Nous-même, ou spécialement d’un Commissaire Apostolique, qui devra être établi par Nous dans les pays (intéressés) ;
Ce Commissaire aura, au préalable, remis à l’imprimeur un exemplaire du Missel qui lui servira de norme pour imprimer les autres. De cet exemplaire, le Commissaire aura donné la pleine attestation qu’il a été collationné avec le Missel imprimé à Rome selon la grande impression [41], qu’il lui est conforme et n’en diffère absolument en rien ;
(Notre défense s’adresse) à tous imprimeurs demeurant dans des lieux soumis à Notre obéissance et à celle de la Sainte Église Romaine, médiatement ou immédiatement ; à ceux-là (elle est portée) sous peine de la perte des livres et d’une amende de 200 ducats d’or applicables ipso facto à la Chambre Apostolique ;
A tous autres, habitant en quelque autre partie du monde que ce soit, sous peine d’une excommunication encourue par le seul fait et sous autres peines arbitraires [42].
XIII. Et comme il serait difficile de transmettre les présentes Lettres à tous lieux du monde chrétien, et les porter d’abord à la connaissance de tous, Nous ordonnons que, suivant l’usage, elles soient publiées et affichées aux portes de la Basilique du Prince des Apôtres et de la Chancellerie Apostolique,ainsi qu’à l’extrémité du Champ-de-Flore [43] ;
Ordonnons pareillement : aux exemplaires, même imprimés, de ces Lettres, soussignés de la main d’un tabellion public et munis en outre du sceau d’une personne constituée en dignité ecclésiastique, la même foi parfaitement indubitable sera accordée dans le monde entier, qui serait donnée aux présentes, si celles-ci étaient montrées ou exhibées.
XIV. Ainsi donc, qu’il ne soit à personne, absolument, permis d’enfreindre ou, par téméraire entreprise, contrevenir à la présente charte de Notre permission, statut, ordonnance, mandat, précepte, concession, indult, déclaration, volonté, décret et défense [44].
Que s’il avait l’audace de l’attenter, qu’il sache qu’il encourra l’indignation du Dieu tout-puissant, et des bienheureux Apôtres Pierre et Paul.
– Donné à Rome, près S. Pierre, l’année de l’Incarnation du Seigneur mille cinq cent septante, la veille des Ides de juillet, de Notre Pontificat le cinquième.
L’an 1570 de la Nativité du Seigneur, Indict. 13, le 19 juillet, la cinquième année du Pontificat de notre très Saint Père dans le Christ Pie V, Pape par la Providence divine, les lettres ci-contre ont été publiées et affichées aux portes de la Basilique du Prince des Apôtres et de la Chancellerie Apostolique, de même à l’extrémité du Champ-de-Flore, comme de coutume, par nous Jean Roger et Philibert Cappuis, huissiers, Scipion de Ottaviani, Premier Huissier.
ANNEXE II
TRADUCTION DE LA CONSTITUTION APOSTOLIQUE MISSALE ROMANUM
DU 3 AVRIL 1969
Nous donnons ici la traduction du texte latin de cette cette Constitution figurant aux « Apostolicae Sedis » du 30 avril 1969, traduction reproduisant celle du n° 517 de la « Documentation catholique », sauf pour une phrase dont la traduction avait été falsifiée (Voir ci-dessus la note 25 du document principal p. 17) et pour l’expression « pro multis » de la formule de consécration.
*
CONSTITUTION APOSTOLIQUE
Le missel romain renouvelé par décret
du IIème Concile du Vatican est promulgué
Paul Évêque, serviteur des serviteurs de Dieu,
En perpétuelle mémoire de cet acte,
Le Missel romain, promulgué en 1570 par Notre prédécesseur saint Pie V en application d’un décret du Concile de Trente [45], a été reçu par tous comme l’un des fruits nombreux et admirables que ce saint concile a répandus dans toute l’Église du Christ. Durant quatre siècles, non seulement il a fourni aux prêtres du rite latin la norme de la célébration de l’Eucharistie, mais encore les missionnaires l’ont répandu dans presque tout l’univers. De nombreux saints ont nourri leur vie spirituelle de ses lectures bibliques et de ses prières, dont l’ordonnance remontait pour l’essentiel à saint Grégoire le Grand.
Mais, depuis lors, a grandi et s’est répandu dans le peuple chrétien le renouveau liturgique qui, selon Notre prédécesseur Pie XII, « est apparu comme un signe des dispositions providentielles de Dieu sur le temps présent, comme un passage du Saint Esprit dans son Église » [46]. Or ce renouveau a montré clairement que les formules du Missel romain devaient être révisées et enrichies. La rénovation a été entreprise par ce même Pie XII avec la restauration de la veillée pascale et de l’Ordo de la semaine sainte [47], qui constitua la première étape de l’adaptation du Missel romain aux besoins de notre époque.
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Le IIe Concile œcuménique du Vatican a établi dans la Constitution Sacrosanctum Concilium les bases de la révision générale du Missel romain : en déclarant que « les textes et les rites doivent être organisés de telle façon qu’ils expriment avec plus de clarté les réalités saintes qu’ils signifient » [48]; en ordonnant « que l’Ordo de la messe soit révisé de telle sorte que se manifestent plus clairement le rôle propre ainsi que la connexion mutuelle de chacune de ses parties, et que soit facilitée la participation pieuse et active des fidèles » [49]; en prescrivant » qu’on ouvre plus largement les trésors bibliques, pour présenter aux fidèles avec plus de richesse la table de la parole de Dieu » [50]; en prescrivant enfin « que soit composé un rite nouveau de la concélébration, qui devra être inséré dans le Pontifical et dans le Missel romain » [51].
Il ne faudrait pas croire que cette rénovation du Missel romain a pu être improvisée : les progrès que la science liturgique a effectués depuis quatre siècles lui ont, sans aucun doute, ouvert la voie. Si, au lendemain du Concile de Trente, la consultation « des vieux manuscrits de la Bibliothèque vaticane et d’autres rassemblés de partout » a beaucoup servi à la révision du Missel romain, comme l’atteste la Constitution Quo primum de saint Pie V, depuis lors les sources liturgiques les plus anciennes ont été découvertes et publiées, tandis que les liturgies orientales étaient mieux connues; et nombreux sont ceux qui ont souhaité que de telles richesses doctrinales et spirituelles ne demeurent pas dans l’ombre des bibliothèques, mais qu’elles soient mises en lumière pour éclairer et nourrir les chrétiens.
Présentons, maintenant, dans ses grandes lignes la nouvelle compo-sition du Missel romain. Tout d’abord, dans une Présentation générale (Institutio generalis), qui sert de préface au livre, on expose les règles nouvelles de la célébration de la messe, tant en ce qui concerne les rites et les fonctions de chacun des participants qu’en ce qui traite des objets nécessaires et de la disposition des lieux du culte.
L’innovation majeure porte sur la Prière eucharistique. Si le rite romain a toujours admis que la première partie de cette prière, la Préface, fût mobile, depuis les IV-Vème siècles la seconde partie, appelée « la règle de l’action sacrée », le Canon Actionis, est demeurée invariable, tandis que les liturgies orientales admettaient au contraire la diversité dans leurs anaphores. Sur ce point, outre que la Prière eucharistique s’est enrichie d’un grand nombre de Préfaces, puisées à l’antique tradition romaine ou nouvellement composées, ce qui mettra mieux en lumière les divers aspects du mystère du salut et procurera de plus amples motifs d’action de grâce, Nous avons décidé d’ajouter au Canon trois nouvelles Prières Eucharistiques.
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Toutefois, pour des raisons d’ordre pastoral et afin de rendre plus facile la concélébration, Nous avons ordonné que les paroles du Seigneur soient identiques dans chaque formulaire. Ainsi, en chaque Prière, on dira les paroles suivantes : Sur le pain : PRENEZ ET MANGEZ-EN TOUS : CECI EST MON CORPS LIVRÉ POUR VOUS. Sur le calice : PRENEZ, ET BUVEZ-EN TOUS, CAR CECI EST LA COUPE DE MON SANG, LE SANG DE L’ALLIANCE NOUVELLE ET ÉTERNELLE, QUI SERA VERSÉ POUR VOUS ET POUR BEAUCOUP EN RÉMISSION DES PÉCHÉS. VOUS FEREZ CELA, EN MÉMOIRE DE MOI. L’expression Le mystère de la foi, tirée du contexte des paroles du Christ, et dite par le prêtre, sert d’introduction à l’acclamation du peuple.
En ce qui concerne l’Ordo de la messe, » tout en gardant fidèlement la substance des rites, on les a simplifiés » [52]. On a fait disparaître « ceux qui, au cours des âges, ont été redoublés ou ajoutés sans grande utilité » [53], surtout dans les rites de l’offertoire, de la fraction du pain et de la communion.
On a aussi « rétabli, selon l’ancienne norme des saints Pères, certaines choses qui avaient disparu sous les atteintes du temps » [54], par exemple l’homélie [55], la Prière universelle [56]. On a enfin mis en valeur, au début de la messe, le rite pénitentiel de réconciliation avec Dieu et avec les frères.
Selon la prescription du IIème Concile du Vatican, qui ordonnait de lire au peuple « dans un nombre déterminé d’années la partie la plus importante des saintes Écritures » [57], l’ensemble des lectures du dimanche a été réparti sur un cycle de trois ans. De plus, les dimanches et fêtes, la lecture de l’épître et de l’évangile est précédée d’une lecture de l’Ancien Testament ou, au temps pascal, des Actes des apôtres. De cette façon, le dynamisme du mystère du salut est mis plus clairement en lumière, à partir du texte même de la Révélation divine. Ce très ample recueil de lectures bibliques, qui propose aux fidèles, les jours de fête, la partie la plus importante des saintes Écritures, est complété par l’accès aux autres parties des livres saints, qui sont lus les jours non festifs.
Tout cela a été ordonné de telle manière que s’intensifie chez les fidèles » la faim de la parole de Dieu » [58], par laquelle, sous la conduite de l’Esprit-Saint, le peuple de la Nouvelle Alliance semble être poussé vers l’unité parfaite de l’Église. Nous avons vivement confiance que, de la sorte, prêtres et fidèles se prépareront plus saintement au repas du Seigneur, et aussi que, méditant plus profondément les saintes Écritures, ils se nourriront chaque jour davantage des paroles du Seigneur. Il s’ensuivra que, selon la recommandation du IIème Concile du Vatican, les saintes Lettres seront pour tous et une source perpétuelle de vie spirituelle, et l’instrument principal de la catéchèse chrétienne, et enfin la moelle de tout enseignement de la théologie.
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Dans cette révision du Missel romain, on n’a pas seulement changé les trois parties, dont Nous venons de parler, à savoir la Prière eucharistique, l’Ordo de la messe et celui des lectures, mais d’autres ont aussi été revues et considérablement modifiées : le temporal, le sanctoral, le commun des saints, les messes rituelles et les messes votives. On a apporté un soin particulier aux oraisons. Leur nombre a été augmenté, soit à partir des sources liturgiques anciennes, soit pour répondre à des besoins nouveaux. C’est ainsi qu’une oraison propre a été attribuée à chacun des jours des temps liturgiques principaux, à savoir ceux de l’Avent, de la Nativité, du Carême et de Pâques.
Pour le reste, bien que le texte du Graduel romain – au moins en ce qui concerne le chant – n’ait pas subi de changement, on a restauré en vue de la participation du peuple l’usage du psaume responsorial, dont saint Augustin et saint Léon le Grand font souvent mention, et on a adapté les antiennes d’entrée et de communion à la fonction qui leur revient quand elles ne peuvent pas être chantées.
De tout ce que nous venons jusqu’ici d’exposer touchant le nouveau Missel romain, il nous est agréable de tirer maintenant, pour terminer, une conclusion ([59]). En promulguant l’édition officielle du Missel romain, Notre prédécesseur saint Pie V présentait celui-ci au peuple chrétien comme un instrument de l’unité liturgique et un témoin du culte authentique dans l’Église. Tout en laissant place dans le nouveau Missel « à des différences légitimes et à des adaptations », selon la prescription du IIème Concile du Vatican o, Nous espérons cependant que ce Missel sera reçu, lui aussi, par les chrétiens comme un signe et un instrument d’unité : dans la diversité des langues une même prière montera ainsi vers le Père par notre Grand Prêtre Jésus-Christ dans l’Esprit saint.
Nous ordonnons que les prescriptions de cette Constitution entrent en vigueur le 30 novembre prochain, premier dimanche de l’Avant (**).
Nous voulons que ce que Nous avons établi et prescrit soit tenu pour ferme et efficace, maintenant et à l’avenir, nonobstant, si c’est nécessaire, les Constitutions et Ordonnances apostoliques données par Nos prédécesseurs et toutes les autres prescriptions même dignes de mention spéciale et pouvant déroger à la loi.
Donnée à Rome, près de Saint-Pierre, au jour de la Cène du Seigneur, le 3 avril 1969, sixième année de Notre pontificat.
Paul VI, Pape
ANNEXE III
RAPPEL DE QUELQUES TEXTES SOUVENT PRÉSENTÉS COMME PREUVE DU CARACTÈRE OBLIGATOIRE
DE LA NOUVELLE MESSE.
Nous donnons ici, avec un bref commentaire, les références de quelques uns des textes mis en avant par ceux qui considèrent la messe nouvelle comme obligatoire.
1. Instruction sur l’application progressive de la Constitution « Missale Romanum » (20 octobre 1969)
Publiée par la Congrégation pour le culte divin, elle contient la phrase : « Chaque conférence épiscopale fixera la date à partir de laquelle on devra obligatoirement utiliser le nouvel ordo ».
La constitution « Missale Romanum » ne comportant aucune interdiction de la messe traditionnelle, il est évident que la Congrégation pour le culte divin, n’avait pas le pouvoir, au nom de cette constitution, d’inventer une telle interdiction et de la faire mettre en exécution par les conférences épiscopales.
2. Ordonnance de l’Épiscopat français (12 novembre 1969)
Elle a pour objet de rendre obligatoire, à partir du 1er janvier 1970, la célébration de la nouvelle messe.
L’ordonnance commence par cette phrase : » Les évêques de France, réunis en Assemblée plénière, le 12 novembre 1969, ont décidé ce qui suit … » ; elle ne se réfère pas à la loi du Saint-Siège (qui, répétons-le, ne prévoit aucune interdiction de la messe traditionnelle).
3. Décret promulguant l’édition définitive de la nouvelle messe (26 mars 1970)
Ce décret, émanant de la Congrégation pour le culte divin, comprend deux paragraphes. Le premier promulgue le nouveau Missel ; le second en fixe la date d’entrée en vigueur dans les termes suivants :
» En ce qui concerne l’usage du nouveau Missel romain en latin, il est permis – « permittitur » – de l’utiliser dès la publication du volume en librairie. En ce qui concerne son usage dans les langues vernaculaires (en français par exemple), ce sont les Conférences épiscopales qui fixeront la date d’entrée en vigueur, dès que leurs traductions auront été approuvées par le Siège apostolique »
Louis Salleron explique :
» Ces dispositions sont parfaitement claires. Elles n’ont pas à être interprétées. Elles signifient ( … ) qu’il y a désormais :
l° – La messe traditionnelle, dite de saint Pie V, qui est la messe normale, en latin ;
2° – La nouvelle messe, qu’il est permis de dire en latin, dès maintenant ;
3° – La nouvelle messe, qui pourra être dite en français (pour notre pays) quand la Conférence épiscopale en aura fixé la date d’entrée en vigueur, après que l’édition (c’est-à-dire la traduction et la présentation) en aura été dûment autorisée par le Saint-Siège »
4. Notification de la Congrégation du culte divin (14 juin 1971)
Elle concerne la mise en place de la nouvelle messe.
Il s’agit d’une sorte de décret d’application de la loi du 3 avril 1969. Les interdictions qu’il porte contre la messe traditionnelle n’ont aucune valeur juridique puisqu’elles sortent du cadre défini par la loi (constitution « Missale Romanum »).
5. Allocution consistoriale de Paul VI (24 mai 1976)
Dans cette allocution au Consistoire (assemblée des cardinaux), Paul VI fait état de l’obligation de célébrer « les rites de la liturgie rénovée ».
» C’est au nom de la Tradition elle-même que nous demandons à tous nos fils et à toutes les communautés catholiques de célébrer avec dignité et ferveur les rites de la liturgie rénovée. L’adoption du nouvel Ordo Missae n’est certainement pas laissée à la libre décision des prêtres ou des fidèles. L’instruction du 14 juin 1971 a prévu que la célébration de la messe selon le rite ancien serait permise, avec l’autorisation de l’Ordinaire, seulement aux prêtres âgés ou malades qui célèbrent sans assistance. Le nouvel Ordo a été promulgué pour prendre la place de l’ancien, après une mûre délibération et afin d’exécuter les décisions du concile. De la même manière, notre prédécesseur saint Pie V avait rendu obligatoire le Missel révisé sous son autorité après le concile de Trente.
Avec la même autorité suprême qui nous vient du Christ Jésus, nous exigeons la même prompte soumission à toutes les autres réformes liturgiques, disciplinaires, pastorales mûries ces dernières années en application des décrets conciliaires »
En présence de ce texte, trois interprétations peuvent être avancées :
1. Paul VI ferait allusion à une interdiction antérieure de la messe traditionnelle.
Interprétation cohérente avec la référence à l’instruction du 14 juin 1971, mais qui ne cadre pas avec les faits, puisque cette interdiction antérieure n’existe pas.
2. Par son allocution consistoriale, Paul VI aurait établi une interdiction de célébrer la messe traditionnelle qui n’existait pas auparavant.
Mais, dans ces conditions, pourquoi aurait-il fait référence à l’instruction du 14 juin 1971, dépourvue, dans l’hypothèse envisagée, de toute force contraignante ?
Autre remarque, plus importante : pour interdire la bulle Quo primum, pour interdire une coutume immémoriale comme celle que constitue la messe traditionnelle, il faut des instruments juridiques en rapport avec les objets qu’on veut interdire : une allocution, fut-elle consistoriale, ne peut suffire.
3. Troisième interprétation, celle que propose Louis Salleron dans son livre La Nouvelle messe, 2° édition, p.246 :
» Paul VI déclare : « Avec la même autorité suprême qui nous vient du Christ Jésus, Nous exigeons la même prompte soumission à toutes les autres réformes, etc… ». La formule est étrange. Le Pape, en effet, n’a pas engagé son autorité suprême dans l’alinéa précédent. Il n’a pas dit : « Avec l’autorité suprême qui nous vient du Christ Jésus, Nous exigeons que le nouvel Ordo soit seul utilisé et nous interdisons l’emploi de l’Ordo traditionnel ». Logique eût alors été la prescription qui suit : « Avec la même autorité suprême… Nous exigeons la même prompte soumission ». Pourquoi s’est-il exprimé comme il l’a fait ? Vraisemblablement parce qu’il n’a pas voulu, ou pas osé, engager son autorité suprême dans l’interdiction de la messe de saint Pie V. Avec la formule qu’il a employée, il est assuré de l’interprétation qu’il désire : une interdiction solennelle de la messe de saint Pie V « .
Conclusion: cette allocution consistoriale, pas plus que les textes précédemment cités, n’établit juridiquement l’interdiction de célébrer la messe traditionnelle.
NEXES[1] Ce texte figure dans la brochure portant le même titre, supplément au N°162 d’avril 1972 de la revue Itinéraires.
[2] Tels étaient donc le principe et le but que s’étaient fixés les « érudits » chargés par saint Pie V de répondre au décret du Concile de Trente concernant le Missel romain : en faire ce qu’on appellerait aujourd’hui une « édition critique »; ramener les variétés des missels en usage à l’unité et à la pureté de l’original.
Il ne s’agissait donc, en aucune manière, d’une réforme mais d’une restauration ; et point encore au sens d’une « reconstitution » archéologique : non ! une restitution, obtenue par la seule collation des manuscrits et par les témoignages (c’est le sens de monumenta) soit des Anciens soit des auteurs faisant vraiment autorité en matière liturgique.
C’est pourquoi nous avons préféré la traduction « restituer à », au lieu de « restituer selon »
[3] A savoir celle dont il est question dans la phrase précédente : l’ordre liturgique dela Messe
[4] Ici commence une phrase de trente lignes (dans le missel que j’ai sous les yeux) ; elle serait un vrai labyrinthe si l’on ne prenait le parti de la couper. Nous le ferons en observant, aussi respectueusement que possible, le mouvement de l’original, priant notre lecteur de comparer, mot à mot, notre version avec le texte latin, au fur et à mesure de la lecture.
[5] Nous ne lisons pas ce verbe dans le latin, mais uniquement la conjonction NE, à laquelle nous donnons son sens fort comme si elle était bien précédée du verbe exprimant la prohibition.
[6] Il s’agit d’ordres militaires, composés de chevaliers laïcs faisant profession de porter les armes (… et de s’en servir : on le vit à Lépante. Aujourd’hui, hélas…) – Ainsi l’Ordre de Malte.
[7] Ceci dit pour mettre à part toutes les églises orientales et les églises qui, quoique occidentales, suivent un rite différent du romain : ainsi celles de Milan et de Tolède. – Leur cas est différent, nous l’avons dit, de celles qui suivent le rite romain mais un romain modifié par des variantes secondaires : c’est de celles-ci uniquement qu’il va être question dans les lignes qui suivent.
[8] Il ne s’agit évidemment ici que d’exemption à l’égard du « droit commun », et non à l’égard de l’autorité pontificale, laquelle est souveraine!
[9] Il faut entendre par là un acte de l’autorité souveraine qui renouvelle ou complète ou « guérit » une faculté qui, à quelques égards, souffrirait d’une infirmité quelconque : cette « confirmation » la valide définitivement.
[10] L’énumération est vraiment exhaustive : on voit que la volonté du législateur se manifeste de façon aussi précise que ferme.
[11] Par cette périphrase, nous avons voulu traduire le NISI latin, lequel, traduit littéralement (à moins que; si ce n’est que…), aurait introduit une nouvelle proposition subordonnée à l’intérieur d’une phrase déjà passablement longue et enchevêtrée.
[12] Latin : ab ipsa prima institutione.
[13] Les deux phrases entre parenthèses ont été ajoutées par nous, afin d’aider à la clarté – on voit avec quel scrupule saint Pie V reconnaît et consacre les « droits acquis », même quand ils n’ont été acquis que par le fait : celui d’une coutume.
[14] Comme on pouvait douter si l’approbation par lui des deux exceptions précédentes relevait d’une simple interprétation, éventuellement discutable, du droit commun touchant les coutumes, le Pape les fait positivement entrer dans la législation de sa Bulle et il leur donne ainsi un droit propre. C’est un exemple de cette « confirmation » dont nous avons parlé note 8.
[15] « … iisdem magis placeret » – Peut-on joindre plus de gentillesse à un acte d’autorité ? Ainsi la considération du plaisir compte pour l’adoption d’une loi, spécialement d’une loi liturgique ? – Principe à retenir et, au besoin, à rappeler, de notre temps, aux modernes employés dela Congrégation des Rites mise à jour.
[16] Il faut donner un sens fort à la conjonction de coordination : Capitulique : ce consentement du Chapitre doit s’ajouter à celui de l’évêque ou du prélat quel qu’il soit et les deux consentements s’ajouter à la « permission » du Pape. Tellement saint Pie V veut rester respectueux des droits acquis et n’y apporter d’exception que moyennant des conditions rigoureuses.
[17] Cette « permission » est très différente de l' »indult » dont il sera question plus bas (au § VIII).
[18] Après avoir donné, en forme positive, ses ordres et ses permissions, le Pontife va les reprendre sous forme négative de prohibitIons, y ajoutant, quand il le faut, des réprobations expresses : ce qui a un sens précis en Droit canonique (voir le canon 27 de notre Code).
[19] Celles qui sont énumérées au § VI et qui n’entrent pas dans les cas exceptés.
[20] Il s’agit bien d’une peine, mais inférieure au refus de la communion catholique
[21] A savoir les Missels particuliers, propres à ces Églises.
[22] Voilà la réprobation formelle. Elle est répétée quelques lignes plus bas.
[23] Dans le texte latin, deux participes : Mandantes ac praecipientes.
[24] Il ne s’agit pas d’un épithète de Patriarches, mais d’un titre distinct.
[25] Latin : rationibus, qui désigne ici la méthode (cf. Ratio studiorum).
[26] Nous soulignons ainsi l’apparent pléonasme de « ceteris omnibus ».
[27] Nous traduisons par : « avoir l’audace » le verbe « praesumere » qui a un sens et une portée très précis en droit pénal ecclésiastique : à la simple infraction il ajoute une volonté très délibérée et un mépris de la loi.
[28] L’ouverture de cet alinéa est de notre cru, mais il est clairement autorisé par le texte : ici, en effet, commence l’énoncé d’un acte nouveau du Législateur : après le commandement, la permission, la prohibition développés jusqu’ici, saint Pie V va concéder une faveur, un « INDULT », un privilège.
[29] C’est le sens fort que nous pensons devoir donner à la particule : atque qui introduit la phrase.
[30] L’intervention manifestée du plus haut degré d’exercice de Son autorité veut manifester à la fois la fermeté de la volonté sur ce point du Législateur et l’importance de la chose qu’il va décider.
[31] Latin : Concedimus et indulgemus – C’est plus qu’une permission, c’est un privilège, avec les conséquences de droit qui s’ensuivent. Nous expliquerons cela dans le dernier chapitre de notre étude.
[32] Latin : Omnino- L’adverbe ne peut porter sur les parties du Missel mais sur son usage, qui est ainsi déclaré sans limite.
[33] Les deux verbes : « Possint et valeant » distinguent clairement une faculté simple d’un pouvoir stable, définitivement acquis : un droit.
[34] Énumération exhaustive qui touche successivement le « for interne « et l’externe.
[35] Cet alinéa introduit la « clause dérogatoire » dont la déclaration explicite donne, sans contestation possible, les cachets de solennité, de fermeté et de stabilité qui distinguent une LOI véritable fondant une OBLIGATION JURIDIQUE, d’une simple volonté du Supérieur.
[36] Latin : moderari – Nous entendons ce verbe comme signifiant une modification qui affecterait soit les dispositions de la loi, soit la portée formelle de sa force obligatoire intrinsèque.
[37] Latin : robore – Le robur, la force de la loi, soit dans son intensité, soit dans son extension.
[38] L’alinéa précédent visait le temps à venir. Le présent alinéa concerne le passé. Il révoque et abroge tous les droits antérieurs, soit écrits, soit coutumiers. Et comme la loi coutumière est revêtue d’une force particulière,la Bulle la mentionne explicitement ET selon la forme requise, à savoir en y incluant la coutume dite « immémoriale ».
Dans quelle mesure un Pape peut révoquer les actes de ses prédécesseurs et lier ses successeurs, nous le dirons au dernier chapitre de notre étude (non reproduite ici — cf Itinéraires, supplément au n°162)
[39] La détermination du temps d’entrée en vigueur dela Loi est une condition essentielle de validité de sa promulgation. C’est l’objet de ce nouvel alinéa.
[40] Cet alinéa règle les modalités d’impression et d’édition du Missel. Sa rédaction est, dans l’original, d’une telle complication, que nous avons dû couper la longue phrase de vingt deux lignes qui le compose, modifier son articulation et ajouter des chevilles de notre cru : les mots ou groupes de mots entre parenthèses et en caractères italiques.
[41] Latin : secundum magnam impressionem. Il faut entendre par là l’édition typique.
[42] Le Code de Droit canonique en vigueur aujourd’hui, renouvelle, au canon1390, l’obligation aux éditeurs des « livres liturgiques » et des extraits d’iceux, d’être munis d’un « constat » de conformité aux éditions approuvées, constat qui doit être délivré par l’Ordinaire du lieu soit de l’impression soit de l’édition – Mais la sanction de l’excommunication n’est point renouvelée dans notre Code.
[43] Cette pittoresque place porte toujours ce nom printanier. Elle est toute proche de la Chancellerie Apostolique – L’affichage en ces trois emplacements tenait lieu de promulgation dans un temps où n’existait pas encore le périodique officiel créé sous Pie X, et appelé aujourd’hui : ACTA APOSTOLICAE SEDIS.
[44] Ni redondance ni emphase dans cette énumération ; chaque mot a et doit garder sa valeur.
[45] Cf. Constitution apostolique Quo primum, du 14 juillet 1570.
[46] Cf. Pie XII, allocution aux participants du 1er Congrès international de pastorale liturgique d’Assise, 22 septembre 1956 : AAS 48 (1956), p. 712.
[47] Cf. S. Congrégation des Rites, décret Dominicae Resurrectionis, 9 février 1951 : AAS 43 (1951), p.128 et s.; décret Maxima Redemptionis nostra mysteria, 16 novembre 1955 : AAS 47 (1955), p.838 et s.
[48] Cf. IIè Concile œcuménique du Vatican. Constitution sur la Sainte Liturgie. Sacrosanctum Concilium, art. 21 : AAS 56 (1964), p. 106.
[49] Cf. ibid, art. 50.
[50] Cf. ibid, art. 51
[51] Cf. ibid, art. 57
[52] Cf. ibid, art.50
[53] ibid
[54] ibid.
[55] Cf. ibid, art. 52
[56] Cf. ibid, art. 53
[57] Cf. ibid, art.51
[58] Cf. Amos, 8,11
[59]* NDLRLa Documentation catholique donne de cette phrase la traduction erronée suivante : » Pour terminer, Nous voulons donner force de loi à tout ce que nous avons exposé plus haut sur le nouveau Missel « . (voir ci-dessus page 17)
o Const. lit., art. 38-40.
** NDLR: ce paragraphe figure bien dans l’édition des Acta du 30 avril 1969, mais pas dans le texte original du 3 avril 1969.