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Histoire de la Messe interdite (7)

publié dans un disciple le 8 décembre 2017


Histoire de la Messe interdite (7)

 

Livre 2

Le Novus Ordo Missae

 

 

Chapitre 3   

 

Les grands principes de la Nouvelle Messe

 

 

Comme nous l’avons dit, dans le livre précédent, au chapitre 1, avant même la publication du Novus Ordo Missae (NOM), un vent de désordre et de subversion systématique, curieusement mené « au nom de Concile » soufflait dans l’Eglise surtout dans le domaine liturgique.

 

« Subversion », « désordre » : nous l’avons vu en ce que concerne le latin ; nous l’avons vu  avec ce que nous avons appelé, avec Jean Madiran, le « processus de la communion dans la main », ainsi qu’avec le problème de la célébration de la messe « face au peuple », pratique absolument contraire à toute la tradition de l’Eglise.

 

Cette « subversion », c’est  également manifestée au niveau de tous les sacrements. Il fallait tout « modifier », ne rien laisser comme avant…

 

Mais cette subversion s’est surtout manifestée au niveau de la messe tridentine proprement dite. Nous l’avons vu au chapitre présent, le chapitre 2.

 

Nous assistons à un vrai  «  bouleversement de la messe ». C’est, du reste, plus qu’un «  bouleversement »… C’est une vraie « rupture » avec la Tradition en raison d’un désir effréné de nouveautés. On a assisté à une « fabrication liturgique ». C’est ce que nous avons démontré précédemment.

 

Le Pape Benoît XVI, alors cardinal Ratzinger et Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi le reconnaît formellement. Il l’écrit dans la Préface du livre de Mgr Gamber. Il écrit : Après le Concile, on a pu constater ceci : « A la place de la liturgie, fruit d’un développement continu, on a mis une liturgie fabriquée. On est sorti du processus vivant de croissance et de devenir pour entrer dans la fabrication .On n’a plus voulu continuer le devenir et la maturation organiques du vivant à travers les siècles, et on les a remplacés – à la manières de la production technique – par une fabrication, produit banal de l’instant ». (p. 8)

 

Cette critique du cardinal touche non pas seulement le « saccage » de la liturgie de la messe par « l’arbitraire des curés et de leurs équipes liturgiques » au niveau des paroisses, mais d’abord et essentiellement la réforme liturgique de la messe, celle qui est issue du Concilium, créé par Paul VI, institué le 26 février 1964 et confié, sous la présidence du cardinal Lercaro, au père Bugnini, pour mettre en œuvres les principes liturgiques de la Constitution liturgique : « Sacro sanctum concilium ».

 

Mais il est intéressant de chercher qu’elles furent les principes de ce « chambardement liturgique ». C’est ce que nous allons faire dans ce chapitre.

 

Les principes de cette « rupture »

 

Ils se résument à deux, « l’œcuménisme » et « la participation active des fidèles ».

 

§-1 L’œcuménisme : la norme de la Réforme

 

Nous savons que la liturgie et – son cœur – le saint sacrifice de la messe, a été « modifié » par les novateurs, dans une volonté œcuménique évidente, plus syncrétique que catholique. Les réformateurs n’ont pas caché cette intention, leur intention.

On peut parler à juste titre de « la dimension œcuménique de la réforme de la messe ».

 

A- Le Concile Vatican II et l’œcuménisme.

 

Le Concile Vatican II s’est voulu, de par son promoteur le pape Jean XXIII, continué sur ce point très fidèlement par le pape Paul VI, un concile « œcuménique » : « Promouvoir la restauration de l’unité entre les chrétiens, c’est l’un des buts principaux du Saint Concile oecuménique de Vatican II ».

 

C’est ainsi que s’exprime le Décret sur l’œcuménisme, Unitatis Redintegratio (UR). Ce sont les deux premiers mots du Décret.

U.R. 1§1 : « Promouvoir la restauration de l’unité entre tous les Chrétiens, c’est l’un des buts principaux du saint Concile œcuménique de Vatican II. Une seule et unique Église a été instituée par le Christ Seigneur. Et pourtant plusieurs Communions chrétiennes se présentent aux hommes comme les véritables héritières de Jésus-Christ. Tous, certes, confessent qu’ils sont les disciples du Seigneur; mais ils ont des attitudes différentes. Ils suivent des chemins divers, comme si le Christ lui-même était partagé (1). Il est certain qu’une telle division s’oppose ouvertement à la volonté du Christ. Elle est pour le monde un objet de scandale et elle fait obstacle à la plus sainte des causes: la prédication de l’Évangile à toute créature ».

Ou encore : U.R. 1§2 : « Or, le Maître des siècles qui poursuit son dessein de grâce avec sagesse et patience à l’égard des pécheurs que nous sommes, a commencé en ces derniers temps de répandre plus abondamment dans les Chrétiens divisés entre eux l’esprit de repentir et le désir de l’union. Très nombreux sont partout les hommes qui ont été touchés par cette grâce et, sous l’action de l’Esprit-Saint, est né un mouvement, qui s’amplifie également de jour en jour chez nos frères séparés, en vue de rétablir l’unité de tous les Chrétiens.

A ce mouvement vers l’unité, qu’on appelle le Mouvement œcuménique, prennent part ceux qui invoquent le Dieu Trinité et confessent Jésus pour Seigneur et Sauveur. Et il ne s’agit pas seulement de Chrétiens pris un à un, il s’agit encore de Chrétiens réunis en communautés dans lesquelles ils ont entendu l’Évangile et qu’ils appellent leur Église et l’Église de Dieu. Presque tous cependant bien que de façon diverse, aspirent à une Église de Dieu, une, visible, vraiment universelle, envoyée au monde entier pour qu’il se convertisse à l’Évangile et qu’il soit ainsi sauvé pour la gloire Dieu ».

Ou encore : U.R.1§4 :

« Voilà pourquoi le Concile, considérant avec joie tous ces faits, après avoir déclaré la doctrine relative à l’Église, pénétré du désir de rétablir l’unité entre les disciples du Christ, veut proposer à tous les catholiques les secours, les orientations et les moyens qui leur permettront à eux-mêmes de répondre à cet appel divin et à cette grâce ».

Constamment les deux papes Jean XXIII et Paul VI reviendront sur cet aspect oecuménique du Concile Vatican II.

Paul VI, deux ans avant de mourir, parlant au Secrétariat pour l’Unité des Chrétiens, disait :

« l’oecuménisme est l’entreprise la plus importante de notre pontificat ».

B- Jean-Paul II et l’oecuménisme

Dès les premiers jours de son Pontificat, le pape Jean-Paul II, recueillant « l’héritage singulier laissé à l’Eglise par Jean XXIII et Paul VI » affirmait : « la restauration de l’unité entre tous les chrétiens était l’un des buts principaux du deuxième Concile du Vatican, et, dès mon élection, je me suis engagé formellement à promouvoir l’exécution de ses normes et de ses orientations, considérant que c’était là pour moi un motif primordial » (All. au Secr. pour l’unité des Chrétiens », DC 1753 3 décembre 1978 p. 1017.

Lui-même ne cessera de dire que ce mouvement œcuménique est « irréversible » et il répétait cette pensée au cours de son voyage en Hollande en 1985 : « L’Eglise catholique est irrévocablement engagée dans la vocation œcuménique. Il ne peut y avoir le moindre doute à cet égard. Je veux vous assurer de la manière la plus formelle, comme je n’ai cessé de le faire depuis mon élection comme Pasteur suprême de l’Eglise catholique, que l’oecuménisme est et reste une priorité majeure dans la vie de notre Eglise »

 

Dans cet engagement œcuménique, le principal « ressort du mouvement vers l’unité » est « cet effort soutenu de rénovation et de réforme » (cf U.R. 6§1 ; U.R. 4§2)


C- La réforme liturgique, son but : l’œcuménisme.

Aussi il est facile de comprendre que la réforme liturgique doit aller dans ce sens. La réforme liturgique doit être, selon la définition de Paul VI, « presque le moteur central dans le grand mouvement » de rénovation de l’Eglise instauré par le Concile.

Cette réforme liturgique se devait donc, bien légitimement, d’inscrire parmi ses principaux objectifs la recherche de l’unité avec les frères encore séparés. Surtout si l’on considère avec soin que « c’est le mystère de la liturgie qui est la source de l’unité » puisque selon le mot de saint Augustin repris par le Concile et sa Constitution sur la liturgie, la liturgie, spécialement la liturgie eucharistique est « le sacrement de l’amour, le signe de l’unité, le lien de la charité » (In Joa. Tractatus XXVI, VI, 13)

 

Loin donc de négliger ce projet oecuménique, les ouvriers de la restauration liturgique ont eu soin de l’accueillir et ont voulu inscrire au cœur de la liturgie cette exigence structurelle et essentielle de l’œcuménisme pour la vie du Corps du Christ après Vatican II.

Nous allons essayer, dans ces lignes, de scruter plus en profondeur cette dimension œcuménique du renouveau cultuel entrepris depuis vingt ans, et de comprendre dans quelle mesure et avec quelle amplitude« la réforme liturgique catholique s’accomplit dans un sens profondément œcuménique ». Ce sont les paroles mêmes de Max Thurian. (La Croix 30 mai 1969 p. 10).

D- La Constitution sur la liturgie.

Dès le début de la discussion de la Constitution sur la liturgie qui fut, comme on le sait, le premier schéma étudié par les pères conciliaires, l’orientation œcuménique de la réforme liturgique à venir fut nettement posée, selon l’esprit du Concile Vatican II, comme un principe de base. « Les protestants eux-mêmes, écrivait H . Fesquet, le premier jour de la discussion, ont été frappés par la qualité de ce document, par son caractère christocentrique et par ses nombreuses références scripturaires. La portée œcuménique de la réforme liturgique est évidente » (le journal du Concile 1966 p. 52)

Le pasteur J. Rilliet employait presque les mêmes mots pour les lecteurs de la Tribune de Genève. (cf. D O de la R L . 15).

E- Les commentateurs du Concile

Après la promulgation de la Constitution sur la liturgie (4 décembre 1963) les commentateurs sont unanimes à évoquer et à louer ce souffle œcuménique qui la traverse : « Un souci missionnaire et oecuménique, note Th. Maertens, à propos du § 36, semble présider nettement à la rédaction de ce § ». « Cette primauté donnée à la Parole est une des caractéristiques les plus remarquables de toute la Constitution et une de celles qui ont la plus grande portée œcuménique » (Roquet, La liturgie au coeur de l’Eglise ). H Kung, commentant l’œuvre réalisée durant la première session du Concile, fait remarquer : « Les décisions les plus notables concernent la réforme liturgique elle-même. Elles ont une grande signification œcuménique ». (H Kung , Vatican II après la première session DC 1402 16 juin 1964 col. 829).

Et le pasteur Rilliet précise : « L’attention des protestants devant cet important document se concentrera surtout sur les principes cultuels définis. Le texte voté le 4 décembre 1963 rapproche certainement la messe catholique des cultes luthériens, réformés et anglicans. L’adoption de la langue vulgaire rejoint une exigence de Luther et des autres Réformateurs qui l’appliquèrent dès le XVI siècle. L’importance accrue de la Bible et de la prédication va dans le même sens ».

Le but œcuménique de la réforme à accomplir est d’ailleurs inscrit explicitement dans le préambule de la Constitution sur la liturgie. Dans l’introduction, le texte se définit lui-même comme pastoral et œcuménique.

 

Voici ce prologue : « 1. Puisque le saint Concile se propose de faire progresser la vie chrétienne de jour en jour chez les fidèles; de mieux adapter aux nécessités de notre époque celles des institutions qui sont sujettes à des changements; de favoriser tout ce qui peut contribuer à l’union de tous ceux qui croient au Christ, et de fortifier tout ce qui concourt à appeler tous les hommes dans le sein de l’Église, il estime qu’il lui revient à un titre particulier, de veiller aussi à la restauration et au progrès de la liturgie. »

Le P Roguet fait ressortir cet objectif œcuménique tracé dans la

phrase : « contribuer à l’union de ceux qui croient au Christ » : « Si le Concile s’occupe de liturgie, dit le préambule, c’est parce qu’il atteint déjà en ce domaine et ses objectifs immédiats et ses objectifs plus lointains. Les objectifs immédiats sont le renouveau de la vitalité chrétienne et l’adaptation des institutions aux nécessités actuelles (le fameux aggiornamento),  les objectifs plus lointains sont le retour à l’unité des chrétiens, non unis au Siège Apostolique et l’expansion missionnaire de l’Eglise ». (La liturgie au coeur de l’Eglise. P. 304).

 

Il est « intéressant de noter dans le préambule au § I, les buts qui justifient la promulgation de cette constitution par le Concile : faire progresser la vie chrétienne, adapter à notre temps ce qui est sujet à changer, favoriser l’unité, fortifier l’Eglise dans sa tâche missionnaire » (Bouyer La réforme liturgique la Constitution de V II). « Le but immédiat de la nouvelle Constitution est clairement affirmé dès le préambule : il s’agit de la restauration et du progrès de la liturgie. Mais cet effort de renouvellement s’inscrit dans une perspective plus large qui est celle de tous les travaux du Conciledont le souci pastoral et œcuménique s’est affirmé progressivement. Il s’agit bien en effet de faire croître la vie chrétienne, d’adapter aux nécessités de notre temps les institutions passibles de changements, d’amener à l’unité tous ceux qui croient dans le Christ et finalement d’œuvrer au rassemblement de tous les hommes dans le sein de la Mère  l’Eglise »(J. Bouoy : « Une liturgie pour le salut du monde, NRT 1 Janvier 1964, p, 17).

 

Ainsi la Constitution, qui fut l’aboutissement et la consécration du « mouvement liturgique », associait indissolublement réforme liturgique et œcuménisme. (Voir l’étude de M l’abbé Bonneterre: « Le mouvement liturgique » aux éditions de Clovis)

 

Ainsi il est facile de comprendre pourquoi la liturgie de la messe romaine devait être et fut entièrement bouleversée dans une optique œcuménique. Les réformateurs furent fidèles à la volonté du Concile.

 

F- Mais quelle devait être la norme à suivre pour les experts du « Concilium » dans cette réforme ?

 

Il ne s’agissait pas de partir à l’aventure, sans plan ni but précis ; l’écoute « des frères séparés » n’était pas suffisant à elle seule, il fallait avoir bien présent à l’esprit la méthode que l’on emploierait pour promouvoir avec efficacité et à propos une réforme œcuménique de la liturgie.

 

Cette norme de la réforme, Paul VI la donne dans sa première Encyclique Ecclesiam suam : « Sur de nombreux points qui nous différencient, en fait de tradition, de spiritualité, de lois canoniques, de culte, nous sommes prêts à étudier comment répondre aux légitimes désirs de nos frères chrétiens, encore séparés de nous». DC 1431, 6 spetembre 1964 col. 1090).

 

Et le Père Boyer du Secrétariat pour l’unité des chrétiens, commentant le Décret conciliaire sur l’œcuménisme à la lumière de Ecclesiam suam, parle ainsi : « le deuxième chapitre énumère les moyens de l’œcuménisme. Le premier consiste dans l’effort que fait l’Eglise pour se renouveler elle-même. Elle montre ainsi sa volonté d’accomplir tout ce qui est possible pour faciliter aux autresles sacrifices que demande l’unité. (On a vu, dans le chapitre précédent, jusqu’où purent aller et durent aller aller ces sacrifices). Elle n’attend pas orgueilleusement qu’on vienne à elle. Elle va à la rencontre des autres, se dépouillant, autant qu’elle le peut, de ce qui leur déplait, même si c’est défendable, et se revêtant de ce qu’ils aiment, surtout s’il s’agit de perfectionner ce qu’elle possède déjà. Le Concile a approuvé les mouvements que cet esprit a suscités : pour la liturgie, pour le culte de la Bible, pour le progrès social, pour la promotion du laïcat. » (Ch Boyer « oecuménisme chrétien »). Et voilà ce qui a justifié l’élimination des belles prières de l’offertoire et de bien d’autres choses dans la liturgie romaine de la messe…)

 

Mais cette norme reste encore un peu imprécise ; c’est pourquoi en 1965, à l’aube de la réforme liturgique, le secrétaire du Concilium de liturgie précisait la méthode qui serait employée pour accomplie et réussir une réforme pleinement œcuménique. On avait fait remarquer à propos des Orationes solemnes du Vendredi Saint que « certaines expressions… sonnent assez mal….dans le contexte œcuménique….d’aujourd’hui » (A Bugnini : « Modifications aux oraisons solennelles du Vendredi Saint DC 1445 4 avril 1965 C. 603).  Et de fait c’est ainsi que déjà Jean XXIII supprimait les qualificatifs «perfidi » et « perfidia » de ces oraisons et peu après, la Congrégation des rites réglementait ce nouvel usage. En août de la même année, Jean XXIII supprimait la référence aux juifs et aux musulmans de l’acte de consécration du genre humain au Christ-Roi. En août 1960, la Congrégation des rites supprimait du rituel du baptême les formules appliquées aux convertis d’origine juive, musulmane ou « hérétique ». Le 19 mars 1987, enfin la Congrégation des Rites publiait les nouvelles prières qui ont été dites le Vendredi Saint. (De nouveau modifiées par Benoit XVI)

 

Ces corrections œcuméniques furent donc pour Mgr A Bugnini l’occasion de préciser la méthode de la réforme liturgique à venir : « Il est toujours dur de devoir toucher à des textes vénérables qui pendant des siècles ont alimenté la piété chrétienne avec tant d’efficacité, et ont encore aujourd’hui le parfum spirituel des temps héroïques de l’Eglise primitive. Et surtout, il n’est pas facile de retoucher des chefs-d’œuvre littéraires dont la forme et l’expression peuvent difficilement être surpassées. On a malgré tout considéré qu’il était nécessaire d’affronter ce travail, afin que la prière de l’Eglise ne soit un motif de malaise spirituel pour personne….En faisant ces sacrifices pénibles, l’Eglise a été guidée par l’amour des âmes et le désir de tout faire pour faciliter à nos frères séparés le chemin de l’union, ( ?) en écartant toute pierre qui pourrait constituer ne serait-ce que l’ombre d’un risque d’achoppement ou de déplaisir ». (A.Bugnini : Modifications aux oraisons solennels du vendredi saint » DC 1445 4 avril 1965 Col 603-604). On reconnait ici le style et la pensée qui ont animé le pape Paul VI lorsqu’il a justifié, sur la place saint Pierre l’abandon du latin. C’est à croire que ce discours de Paul VI fut écrit par Mgr Bugnini… ?

 

Le reste du texte décrit le processus à employer, qui se réduit à ceci :analyser avec soin les éléments existants de la liturgie romaine et en ôter ou en modifier tout ce qui constitue ou risque de constituer un danger d’achoppement ou de déplaisir pour les frères séparés. Au cas où interviennent des considérations d’ancienneté, de perfections littéraires ou de sacralité du rite, il faut, si valables que soient celles-ci et si pénibles que puissent être les sacrifices à effectuer, privilégier l’exigence d’unité et de charité requise par le mouvement oecuménique de rapprochement.

 

Cette norme et cette méthode, véritablement conformes à l’esprit du Concile Vatican II, le Concilium les fit siennes et s’appliqua à réformer ainsi la liturgie romaine en profondeur dans un esprit vraiment œcuménique. C’est ainsi qu’on  a abouti à un vrai « bouleversement » de la messe tridentine. C’est ainsi qu’elle fut une « vraie rupture », une « véritable fabrication »…et « non plus le fruit d’un développement continu ». C’est ainsi et pas autrement qu’ « on est sorti du processus vivant de croissance et de devenir pour entrer dans la fabrication ».

 

Tristesse !

 

 

§-2 « La participation active des fidèles »

 

A-La participation active des fidèle et le Concile Vatican II

Mais une autre raison fut aussi invoquée pour procéder à la subversion liturgique que nous avons analysée plus haut.  C’est la notion de participation des fidèles. Cette notion se trouve dans la constitution conciliaire elle-même. Les pères conciliaires parlent  de « participation pleine, consciente et active ». C’est le n° 14 de la constitution conciliaire sur la liturgie intitulé: « Nécessité d’une bonne formation liturgique du clergé » :

« La Mère Église désire beaucoup que tous les fidèles soient amenés à cette participation pleine, consciente et active aux célébrations liturgiques, qui est demandée par la nature de la liturgie elle-même et qui est, en vertu de son baptême, un droit et un devoir pour le peuple chrétien, « race élue, sacerdoce royal, nation sainte, peuple racheté » » (I Pierre 2, 9; cf. 2, 4-5).

« Cette participation pleine et active de tout le peuple est ce qu’on doit viser de toutes ses forces dans la restauration et la mise en valeur de la liturgie. Elle est, en effet, la source première et indispensable à laquelle les fidèles doivent puiser un esprit vraiment chrétien; et c’est pourquoi elle doit être recherchée avec ardeur par les pasteurs d’âmes, dans toute l’action pastorale, avec la pédagogie nécessaire. »

« Mais il n’y a aucun espoir d’obtenir ce résultat, si d’abord les pasteurs eux-mêmes ne sont pas profondément imprégnés de l’esprit et de la force de la liturgie, et ne deviennent pas capables de l’enseigner; il est donc très nécessaire qu’on pourvoie en premier lieu à la formation liturgique du clergé. C’est pourquoi le saint Concile a décrété d’établir les points suivants ».

Ce principe n’est nullement explicité. Il reste très équivoque,

 

Dès mars 1963, Mgr Lefebvre s’était dressé contre ce principe équivoque :

 

« L’intelligence des textes n’est pas la fin ultime de la prière, qui est l’union à Dieu ; il est une attention aux textes qui y peut faire obstacles. L’âme trouve plutôt l’union à Dieu dans le chant religieux, la piété de l’action liturgique, le recueillement, la beauté architecturale, la noblesse et la piété du célébrant, la décoration symbolique, l’odeur de l’encens…. »

 

Or, le Concilium pour l’exécution de la réforme liturgique entreprit, aussitôt, animé, entre autre  de ce principes,  non pas la révision demandée par le Concile (n°5) mais une refonte radicale et systématique de la liturgie, de la messe en particulier, « une véritable création », disait Mgr Bugnini lui-même.

 

Ce faisant, il appliquait le principe directeur de Sacrosanctum concilium, déjà énoncé avant même le concile par le père Ferdinando Antonelli :

 

« Tout est ordonné à un but : faire en sorte que les fidèles

1)       comprennent facilement les rites

2)       puissent redevenir ce qu’ils doivent être : participants actifs et pas seulement spectateurs des actions liturgiques »

 

Ces deux choses, disaient en chœur Antonelli et Bugnini, étaient perdues depuis des siècles.

 

Trouvant plus tard cette assertion dans l’ œuvre d’Annibale Bugnini, « La riforma liturgia », Mgr Lefebvre s’indignait :

 

« C’est faux ! L’enseignement réel de l’histoire prouve le contraire Allez dire que tous les fidèles qui étaient là pendant des siècles — bien avant que Bugnini existât — ont participé à la messe d’une manière muette, en spectateurs, comme étrangers ! Rien n’est plus faux. La participation active des fidèles, n’est-ce pas leur participation spirituelle, qui est bien plus importante que la participation extérieure ? »

 

Mais à la lecture de La riforma, Mgr Lefebvre discernait, derrière ces principes équivoques, une erreur doctrinale, une hérésie sous-jacente :

 

« Il y a là-dessous – je dis dessous, pas formellement, – une hérésie : c’est que le sacerdoce des fidèles et le sacerdoce des prêtres, c’est le même; que tout le monde est prêtre, que le Peuple de Dieu doit offrir le saint sacrifice de la messe ».

Antonelli reprochait lui-même à Bugnini « d’avoir introduit dans le travail (du Concilium) des gens capables, mais de collaboration progressiste théologiquement, sans leur résister parce qu’on ne pouvait pas contrecarrer certaines tendances ». Il reconnaissait que les « théories courantes parmi les théologiens avancés retombent sur la formule et sur le rite ».

 

B- Ces théories étaient celles de la « nouvelle théologie »

 

Procédant par de subtils déplacements d’accent, elle mettait en valeur le « sacerdoce commun » des baptisés et ne voyait plus dans le prêtre le modèle réalisant à proprement parler le sacerdoce. Le prêtre à la messe était davantage celui qui « unit les suffrages des fidèles au sacrifice de leur Chef » que celui qui offre lui-même le sacrifice comme ministre du Christ-Prêtre. « Le mystère pascal » célébré à la messe, était davantage le Christ triomphant dans sa Résurrection que le Christ expiant par sa Passion ; le péché n’était plus considéré comme une injustice envers Dieu et ses droits, mais seulement comme un dommage pour l’homme et la solidarité humaine ; la Rédemption par la satisfaction du Christ et la propitiation du Père, était ainsi vidée de sa substance et la Croix du Christ évacuée. Une théologie sacramentaire symboliste faisait de la messe, le « mémorial » de l’œuvre salvatrice du Christ, mémorial qui re-présentait, c’est-à-dire rendait cette œuvre présente par le « vécu » de l’action liturgique communautaire ; en ce sens, la messe n’était un sacrifice que parce qu’elle était « mémoire ». La présence substantielle du Christ sous les espèces était noyée dans le mémorial. La transsubstantiation du pain et du vin devenait superfétatoire, une Trans-signification suffisait.

 

Ces influences délétères d’une gnose multiforme, mais cohérente et omniprésente, échappaient aux non-initiés.

 

Mgr Lefebvre en discernait certains traits, inscrits dans la logique des bouleversements liturgiques successifs et comme savamment gradués, – ce que nous avons analysé dans les chapitres précédents : retournement des autels, relégation du tabernacle, envahissement du vernaculaire, suppression des « prières individuelles » du prêtre (prières au bas de l’autel), des signes de croix, etc , Canon récité à haute voix et finalement la langue vernaculaire supplantant totalement le latin, toutes réformes approuvées par Paul VI de 1964 à 1967

 

Et c’est ainsi qu’avec ces deux principes ici analysés, nous sommes arrivés à la Nouvelle Messe.  Pour Bugnini et le Concilium, « il s’agissait de donner des structures nouvelles à des rites entiers (….) et pour certains points, d’une nouvelle création ».

 

La chose fut réalisée, le 3 avril 1969.

 

Nous nous sommes levés contre…

 

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