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Entraide et Tradition

Histoire de la messe interdite (12)

publié dans un disciple le 26 janvier 2018


Histoire de la messe interdite (12)

Livre 3

La bataille de la messe

 

Chapitre 1

Les années 1969-1977

 

Section I : L’année 1969

Malgré les raisons graves, exposées dans le Bref examen critique des Cardinaux Ottaviani et Bacci sur la Nouvelle Messe, malgré leurs suppliques largement motivées auprès du Souverain Pontife Paul VI, malgré les prises de positions de théologiens de talents, malgré l’opposition organisée de nombreux fidèles, la réforme liturgique de la messe, le Nouvelle Ordo Missae,  est imposée  et appliquée  urbi et orbi,  avec une énergie implacable.

Pour la France, ce fut le 12 novembre 1969 : « Par son ordonnance du 12 novembre, l’épiscopat instituait qu’à partir du Ier janvier 1970, la seule messe licite serait celle du rite nouveau en français ».

Ainsi, le 12 novembre 1969, une ordonnance signée par le cardinal Marty, président de la Conférence épiscopale française, décide que l’usage d’un nouvel Ordo Missae (i.e. une nouvelle messe) sera obligatoire à partir du Ier janvier 1970 et qu’on devra y utiliser uniquement la langue française.

Il en résulte que la messe  catholique jusqu’alors en usage depuis des siècles sera interdite à partir du 31 décembre 1969.

Par sa soudaineté, par sa brutalité, par son impérieux exclusivisme, c’était un événement sans précédent. Le cardinal Ratzinger le dira, un jour, solennellement, à Rome…Mais c’était en 1998. C’était bien tard. Nous le verrons plus loin. Les catholiques pratiquants subissaient un choc dont tout d’abord ils mesuraient mal la portée. La messe en usage quasiment depuis toujours, la messe « traditionnelle » nommée aussi « messe de saint Pie V », « messe tridentine », ou « messe ancienne » et inadéquatement, « la messe en latin »,  il s’agit de la Messe catholique, traditionnelle, latine et grégorienne selon le missel romain de saint Pie V, ou la messe officielle de l’Eglise latine, codifiée par saint Pie V en 1570, mais non pas inventée car elle repose sur une coutume immémoriale, devenait  la messe interdite à partir du Ier janvier 1970. Chose absolument étonnante, invraisemblable. C’était se dresser contre le passé de l’Eglise, son histoire, son être historique. Comment cela était-il seulement possible ? Et pourtant cela eut lieu !

C’est l’histoire de cette interdiction que nous entreprenons de raconter dans ce livre 3 et dans ce premier chapitre.

Il faut tout d’abord faire remarquer que l’interdiction de novembre 1969 n’est pas sortie d’un seul coup du concile Vatican II. Elle est issue d’une longue fermentation, d’un grand désordre dans les esprits et d’un bouleversement liturgique déjà profondément installé quand le concile s’est ouvert en octobre 1962. Nous l’avons démontré dans le livre 1.

La subversion en matière liturgique étaient allé si loin que le début de l’année 1966 avait été marqué par une retentissante démarche publique, la première réaction de grande dimension en face de ce que le Père Congar, futur cardinal, appelait avec jubilation « la révolution d’octobre dans l’Eglise » par référence à la révolution d’octobre 1917 fomentée en Russie par Lénine. Cette première grande réaction publique fut une réaction de laïcs, – c’est un trait que l’on retrouvera plusieurs fois. Pour le moment, c’est sur un point, limité mais grave, qu’ils dénoncent l’élimination du latin dans la liturgie : ils adressent au pape Paul VI une lettre-manifeste le suppliant de sauver le latin et le grégorien en voie de disparition.

La lettre a été rédigée par Cristina Campo dont nous avons vu le rôle dans la rédaction du Bref Examen Critique. Elle a obtenu la signature d’artistes, d’intellectuels ayant une notoriété internationale, pour la France Etienne Gilson, jacques Maritain, Julien Green, François Mauriac.

La chasse au latin et au grégorien avait en effet partout commencé dès l’ouverture du Concile et c’était amplifié à partir de l’adoption de la Constitution conciliaire sur la liturgie (4 décembre 1963). Pourtant cette constitution ordonnait en son article 36 : « l’usage de la langue latine doit être conservé dans les rites latins » et en son article 116 ; « l’Eglise reconnait dans le chant grégorien le chant propre de la liturgie romaine ». Mais chaque fois la règle ainsi énoncée était suivie d’un « toutefois » ou d’un « on pourra » qui entrouvrait la porte aux exceptions : « On pourra accorder une plus large place à l’emploi de la langue du pays, surtout dans les lectures et les monitions ».

Fort de cette plus large place autorisée officiellement, la plupart des évêques français donne aussitôt toute la place à la langue du pays. Ceux des prêtres et des fidèles qui manifestent quelque attachement au latin sont traités d’attardés ne comprenant rien à l’esprit nouveau, à « l’esprit du Concile ». Une défaveur générale frappe les doctrines et les usages « antérieurs au Concile » et donc présumés obsolètes. Au même moment, et pour le même motif, les petits livres de catéchismes existant antérieurement sont disqualifiés et en pratique tous interdits.

La disparition du latin entraine celle du grégorien. D’ailleurs le pape Paul VI tient pour acquise cette disparition. Dès le 7 mars 1965, il a déclaré :

« C’est un sacrifice que l’église accomplit en renonçant au latin ».

Il  a cependant pris acte de la supplique internationale des laïcs organisée par Cristina Campo. Elle lui avait été remise le 5 février 1966. Le 15 août suivant, il envoyait la lettre apostolique Sacrificium laudis aux supérieurs généraux des instituts religieux de clercs tenus au chœur, où il se prononçait pour le maintien du latin et du grégorien dans l’office choral et dans la messe conventuelle. Cependant l’idée de réserver le maintien du latin et du grégorien aux seuls instituts religieux tenus au chœur venait en quelque sorte confirmer leur abandon général dans les paroisses.

Le principal opérateur de la révolution liturgique, nous le savons, (Cf Livre 2) est le P. Hannibal Bugnini. Il est l’animateur du Concilium institué dès 1964 par le pape Paul VI pour mettre en œuvre les changements dans la liturgie

Avec toute l’autorité qu’on lui reconnait – elle est immense auprès du Pape -, il incite verbalement les évêques  à faire pratiquer librement dans leurs diocèses des expériences liturgiques. En janvier 1967, il avait annoncé que « la messe nouvelle devra donner « une image complément différente de ce qu’elle était auparavant ». Tout au long de l’année 1967, se multiplient les décrets sur le passage du latin à la langue locale, sur l’autorisation de prononcer à haute voix le canon de la messe, sur la suppression d’un grand nombre de signes de croix et de génuflexions du célébrant, sur la permission d’anticiper, le samedi, la messe dominicale.

Avec cette avalanche de petites ou grandes transformations, la liturgie se trouve plongée dans un climat d’incertitudes et de précarité.

En octobre 1967, H Bugnini, devant le synode épiscopal à la chapelle Sixtine, célèbre « une messe normative » donnant, comme il l’avait annoncé en Janvier, « une image complétement différente » de la messe. La  plupart des évêques s’y montrent réservés ou même hostiles. Il n’y en a que 71 pour l’approuver. Cet insuccès n’arrête rien.

En mai 1968, un décret du Saint Siège institue trois nouveaux canons de la messe. En avril 1969, Paul VI promulgue la nouvelle messe par sa constitution Missale Romanaum qui reprend en les accentuant les caractéristiques de la « messe normative » de Bugnini, ce qui aggrave les réticences et les inquiétudes. La « présentation » (Institution generalis) et le texte lui-même de cette nouvelle messe sont surprenants.

A l’automne ils font l’objet d’un « bref examen critique » adressé au pape par les cardinaux Ottaviani et Bacci puis aussitôt rendu public. Le cardinal Ottaviani le signe. Son autorité est grande. Il fut à la tête du Saint Office sous trois pontificats : Pie XII, Jean XXIII et Paul VI.
Il affirme que la nouvelle messe de Paul VI s’éloigne d’une manière impressionnante de la théologie catholique du Concile de Trente. C’est un événement considérable. Le retentissement est énorme

De toute façon l’incertitude est grande car nulle part dans Missale romanum il n’est dit ouvertement que cette nouvelle messe va devenir strictement obligatoire au point d’exclure la messe traditionnelle ; nulle part n’est explicitement annoncée l’intention de considérer comme abolie la bulle Quo primuim par laquelle Pie V avait en 1570 codifié et déclaré irrévocable la messe traditionnelle.

Sur ce sujet, les études de M l’abbé Dulac, publiées dans Le « Courrier de Rome » et dans « Itinéraires » forment l’intelligence de nombreux catholiques, et retiennent leur attention. Mgr Lefebvre les recommande avec beaucoup d’instance. Il m’écrit qu’il veut que toutes ses études soient dans les mains des séminaristes et prêtres de la Fraternité Saint Pie X, pour fonder leur « résistance » à cet « aggiornamento » liturgique. Résistance que M l’abbé Dulac appelle la « résistance des dociles ». Il y insistait énormément.

Autrement dit, pour les fidèles il va y avoir une messe nouvelle qui commencera sa carrière plus ou moins vite ; elle est applaudie avec une ferveur rénovatrice par tous ceux qui aspirent au changement et voient dans toute innovation un progrès ; elle soulève aussi des critiques. Mais la messe traditionnelle garde, semble-t-il, son entière légitimité juridique et morale. Jusque au 12 novembre 1969 où, par l’ordonnance de l’épiscopat français, elle devient d’un seul coup « la messe interdite ».

Ainsi l’année 1969, riche en événements liturgiques, commencée avec la promulgation pontificale d’une messe nouvelle, et se terminant par l’interdiction épiscopale de la messe traditionnelle, a bien mérité le surnom, qui lui a été donné à l’époque, d’année « climatérique ». C’est Jean Madiran qui s’exprimait ainsi.

Section 2 : L’année 1970.

Quand s’ouvre l’année 1970, elle reçoit en héritage deux contestations majeures.

D’une part la nouvelle messe de Paul VI suscite une controverse et se heurte à quelques refus très résolus.

D’autre part, l’interdiction brutale de la messe traditionnelle est radicalement contestée et plus ou moins ouvertement transgressée

§-1 Refus de la nouvelle Messe et transgression de l’interdiction.

Contre la messe nouvelle argumentent publiquement :

-le Père Calmel, OP, de M l’abbé Dulac, de Dom Guillou, OSB, du Père Guérard des lauriers OP, de M l’abbé Coache, du Père Barbara, du Père André…du Père Berto, les plus connus, sans parler de Mgr Lefebvre et de Mgr de Castro Mayer. Nous sommes leurs héritiers. Du côté des laïcs, il faut nommer Jean Madiran, les Charlier, Luce Quenette, Louis Saleron et son livre « La messe nouvelle »… et la foule des Associations saint Pie V ou saint Pie X, qui, sur le terrain,  s’organisaient pour garder le trésor de l’Eglise, son joyau : la messe tridentine. (1)

(1) : il faut lire le bel article de M l’Abbé Celier sur les grandes figures de cette résistance. Il faut lire également son tout récent livre sur M l’abbé Dulac.

Ces réfractaires sont universellement désignés, à l’époque, comme des vieillards, nostalgiques d’un passé révolu alors que l’opinion dominante dans le clergé et dans les puissants médias profanes tendait à un chambardement général au nom du Concile et de son renouveau.

A-  La déclaration du Père Calmel fit sensation, à l’époque :

Nous vous avons déjà parlé de la déclaration du RP Calmel.

« Je m’en tiens à la Messe traditionnelle, celle qui fut codifiée, mais non fabriquée, par saint Pie V, au XVIe siècle, conformément à une coutume plusieurs fois séculaire. Je refuse donc l’Ordo Missae de Paul VI.

Pourquoi ? Parce que, en réalité, cet Ordo Missae n’existe pas. Ce qui existe c’est une Révolution liturgique universelle et permanente, prise à son compte ou voulue par le Pape actuel, et qui revêt, pour le quart d’heure, le masque de l’Ordo Missae du 3 avril 1969. C’est le droit de tout prêtre de refuser de porter le masque de cette Révolution liturgique. Et j’estime de mon devoir de prêtre de refuser de célébrer la Messe dans un rite équivoque.

Si nous acceptons ce rite nouveau, qui favorise la confusion entre la Messe catholique et la Cène protestante – comme le disent équivalement deux Cardinaux et comme le démontrent de solides analyses théologiques – alors nous tomberons sans tarder d’une Messe interchangeable (comme le reconnaît du reste un pasteur protestant) dans une Messe carrément hérétique et donc nulle. Commencée par le Pape, puis abandonnée par lui aux églises nationales, la réforme révolutionnaire de la messe ira son train d’Enfer. Com­ment accepter de nous rendre complices ?

Vous me demanderez : en maintenant, envers et contre tout, la Messe de toujours, avez-vous réfléchi à quoi vous vous exposez ? Certes. Je m’expose, si je peux dire, à persévérer dans la voie de la fidélité à mon sacerdoce, et donc à rendre au Souverain Prêtre, qui est notre Juge Suprême, l’humble témoignage de mon office de prêtre. Je m’expose encore à rassurer des fidèles désemparés, tentés de scepticisme ou de désespoir. Tout prêtre en effet qui s’en tient au rite de la Messe co­difié par saint Pie V, le grand Pape dominicain de la Contre-Réforme, permet aux fidèles de participer au Saint Sacrifice sans équivoque possible ; de communier, sans risque d’être dupe, au Verbe de Dieu incarné et immolé, rendu réellement présent sous les saintes es­pèces. En revanche, le prêtre qui se plie au nouveau rite, forgé de toutes pièces par Paul VI, collabore pour sa part à instaurer progressivement une Messe menson­gère où la présence du Christ ne sera plus véritable, mais sera transformée en un mémorial vide ; par le fait même le Sacrifice de la Croix ne sera plus réellement et sacramentellement offert à Dieu ; enfin la communion ne sera plus qu’un repas religieux où l’on mangera un peu de pain et boira un peu de vin ; rien d’autre comme chez les protestants. – Ne pas consentir à collaborer à l’instauration révolutionnaire d’une Messe équivoque, orientée vers la destruction de la Messe, ce sera se vouer à quelles mésaventures temporelles, à quels malheurs en ce monde ? Le Seigneur le sait dont la grâce suffit. En vérité la grâce du Coeur de Jésus, dérivée jusqu’à nous par le Saint Sacrifice et par les sacrements, suffit toujours. C’est pourquoi le Seigneur nous dit si tranquillement : celui qui perd sa vie en ce monde à cause de moi la sauve pour la vie éternelle.

Je reconnais sans hésiter l’autorité du Saint Père. J’affirme cependant que tout Pape, dans l’exercice de son autorité, peut commettre des abus d’autorité. Je soutiens que le Pape Paul VI commet un abus d’auto­rité d’une gravité exceptionnelle lorsqu’il bâtit un rite nouveau de la Messe sur une définition de la Messe qui a cessé d’être catholique. « La Messe, écrit-il dans son Ordo Missae, est le rassemblement du peuple de Dieu, présidé par un prêtre, pour célébrer le mémorial du Seigneur. » Cette définition insidieuse omet de parti ­pris ce qui fait catholique la Messe catholique, à jamais irréductible à la Cène protestante. Car dans la Messe catholique il ne s’agit pas de n’importe quel mémorial; le mémorial est de telle nature qu’il contient réellement le Sacrifice de la Croix, parce que le corps et le sang du Christ sont rendus réellement présents par la vertu de la double consécration. Cela apparaît à ne pouvoir s’y méprendre dans le rite codifié par saint Pie V, mais cela reste flottant et équivoque dans le rite fabriqué par Paul VI . De même, dans la Messe catholique, le prêtre n’exerce pas une présidence quelconque ; marqué d’un caractère divin qui le met à part pour l’éternité, il est le ministre du Christ qui fait la Messe par lui ; il s’en faut de tout que le prêtre soit assimilable à quel­que pasteur, délégué des fidèles pour la bonne tenue de leur assemblée. Cela, qui est tout à fait évident dans le rite de la Messe ordonné par saint Pie V, est dissimulé sinon escamoté dans le rite nouveau.

La simple honnêteté donc, mais infiniment plus l’honneur sacerdotal, me demandent de ne pas avoir l’impudence de trafiquer la Messe catholique, reçue au jour de l’Ordination. Puisqu’il s’agit d’être loyal, et surtout en une matière d’une gravité divine, il n’y a pas d’autorité au monde, serait-ce une autorité ponti­ficale, qui puisse m’arrêter. Par ailleurs la première preuve de fidélité et d’amour que le prêtre ait à donner à Dieu et aux hommes c’est de garder intact le dépôt infiniment précieux qui lui fut confié lorsque l’évêque lui imposa les mains. C’est d’abord sur cette preuve de fidélité et d’amour que je serai jugé par le Juge Su­prême. J’attends en toute confiance de la Vierge Marie, la Mère du Souverain Prêtre, qu’elle m’obtienne de res­ter fidèle jusqu’à la mort à la Messe catholique, véritable et sans équivoque.

TUUS SUM EGO, SALVUM ME FAC.

Quarante ans après, on voit combien ces paroles sont prophétiques !

B-  La résistance en Europe

a-Mgr Lefebvre et la Fraternité saint Pie X

En Europe, le « combat doctrinal de la messe » tourne vite autour de Mgr Lefebvre. Pourquoi ? Parce qu’il créa, au même moment, la même année, 1969-1970,  son séminaire à Fribourg, puis à Ecône et sa Fraternité Sacerdotale saint Pie X (FSSPX) (1er novembre 1970). Il se donna pour but de former des prêtres pour la célébration de la messe de « toujours » comme il aimait à le dire. Il nous formait en ce sens. Il fit cette fondation dans une grande discrétion. Ce sont les évêques français qui vont le faire connaître en lançant l’accusation tonitruante et parlant d’ « un séminaire sauvage ». On n’avait rien de « sauvage »

Au même moment, Dom Gérard, pour rester fidèle aux observances que comportent ses vœux monastiques et son ordination sacerdotale et avec l’autorisation de son Père Abbé de Tournay, s’établit en ermite à Bédoin (Vaucluse) ; très vite il y sera rejoint par de jeunes vocations

A Ecône, se trouve l’obstacle, le vrai, à la réforme liturgique sur le plan doctrinal et pratique. Le conflit éclata très vite. Le séminaire est déclaré « séminaire sauvage ». C’est la déclaration publique de Mgr Etchégaray, archevêque de Marseille. Il donne le ton.

Une inimité existait déjà depuis longtemps entre Mgr Lefebvre et la majorité de l’épiscopat français. On peut la faire remonter à 1956, alors qu’il venait au secours de Jean Ousset qui craignait, pour son œuvre, toute centrée sur la Royauté sociale de NSJC, la Cité Catholique, une sanction des Evêques de France. Il préfaçait son livre majeur Pour qu’IL règne. Cette préface, de l’archevêque de Dakar, retarda pour quelques temps leur « mise à l’index ». Les évêques de France ne le lui pardonneront pas, de même que de nombreux prêtres de sa congrégation des Pères du Saint Esprit. L’épiscopat français ne lui pardonna pas, non plus, son attitude au Concile du Vatican II, toujours en opposition avec lui. Mgr Lefebvre était en effet le responsable du « Cetus internationalis patrum » réunissant l’ensemble des évêques résistant au « libéralisme conciliaire ».

b- la résistance du courant contre révolutionnaire

Mais plus profondément encore, il faut dire que cette opposition à la messe nouvelle est, il faut bien le reconnaître, le propre du « courant contre révolutionnaire » dominant dans l’Eglise jusqu’à Jean XXIII et particulièrement encouragé par le Pape Pie XII. C’est une remarque fondamentale de Jean Madiran qu’il explique dans ses éditoriaux d’Itinéraires.  Ce courant fut quasiment réduit à néant par Vatican II et par le règne de Paul VI qui l’ont rendu marginal et très minoritaire. Ce courant est tout de même, au moment de la publication de la Nouvelle Messe, qualitativement présent. C’est lui qui s’opposa à cette révolution liturgique  – et surtout  parce qu’il a pour lui une tradition deux fois millénaire de l’enseignement doctrinal, liturgique et social de l’Eglise. En effet c’est l’Eglise elle-même et en tant que telle qui s’est trouvé spontanément réfractaire au nouvel univers mental et social issu de Descartes et de Kant et de la révolution française et de sa philosophie démocratique et subjectiviste. (Cf mon livre : « la politique de Jean Paul II » commentaire du livre du pape : « Mémoire et identité »)  Et c’est ainsi qu’elle s’est sentie étrangère au monde politique et moral contre-nature institué par les vainqueurs de la seconde Guerre mondiale. Ainsi dans les domaines religieux, politique, politico-religieux, l’école intellectuelle se déclarant contre-révolutionnaire était étroitement homogène au Magistère de l’Eglise. C’est pourquoi il est juste de dire que le problème spécifique de la messe traditionnelle se situe inévitablement dans la perspective générale de cette homogénéité estompée à partir de 1958. Hélas ! C’est ce que je démontre abondamment dans mon cours sur le Magistère de l’Eglise (qui paraitra plus tard).

Quand en 1959, l’action militante de Jean Ousset et de la Cité Catholique recevait les félicitations publiques de Mgr Lefebvre, (Cf Sa préface du livre de Jean Ousset : Pour qu’IL règne), celui-ci était – tout de même – délégué apostolique, i.e. représentant l’autorité du pape Pie XII pour toute l’Afrique française et pour Madagascar. Etre fondamentalement réfractaire aux Déclarations des Droits de l’homme de 1789 et de 1948 n’avait rien de catholiquement scandaleux, bien au contraire. C’était la démocratie chrétienne, les modernistes et le monde profane qui s’en scandalisaient.

c- Un courant fidèle à la messe tridentine : le courant  « contre révolutionnaire».

La « démocratie chrétienne », le « modernisme », le « laïcisme maçonnique et marxiste », sont distinctes les uns des autres mais tous sont pratiquement réunis dans une active solidarité politico-religieuse face à l’école et au courant contre-révolutionnaire, dont la plus éminente figure aura été le pape saint Pie X.

C’est contre ce pape, contre son gouvernement, contre son influence, contre sa mémoire qu’a été forgé le qualificatif infamant d’intégriste. Le concile Vatican II – au moins là et peut-être déjà bien avant –  réclama une rupture avec l’héritage de saint Pie X. A partir de là, essentiellement, l’usage s’installe, la qualification d’intégriste est revêtue d’une portée immédiatement disqualifiant, sans appel et sans autre argument.

(Cf le livre du cardinal Ratzinger : « les principes de la théologie catholique », l’ultime chapitre qui montre la cassure dans l’Eglise conciliaire avec le courant traditionnaliste, anti-révolutionnaire. Ce chapitre avait particulièrement ulcéré Mgr Lefebvre. J’y reviendrai)

Ce courant contre révolutionnaire catholique, pourtant,  est fondé sur les grands principes de la philosophie chrétienne, de la théologie morale traditionnelle et des documents pontificaux de Pie IX à Pie XII. Spécialement sur la lettre de saint Pie X sur la démocratie chrétienne de Marc Sangnier et son encyclique sur le modernisme. En consonance, bien sûr, avec l’œuvre de Charles Mauras (Mes idées politiques), l’enseignement professoral du premier Maritain (Antimoderne), le réalisme philosophique d’Etienne Gilson et le saint aristotélisme de Marcel de Corte. Pie XII soutient ce courant : il lève l’excommunication de l’Action Français en 1954, et canonise saint Pie X.

Tout au contraire, un demi-siècle après sa mort en 1958, l’historien Emile Poulat constate sans être contredit que désormais les intellectuels catholiques, exégètes, théologiens, enseignants, évêques sont tous, le sachant ou  non, « modernistes » ou « spontanément kantien ».

Il faut reconnaître que cette interdiction de la messe porta un coup terrible à ce courant contre révolutionnaire. Elle le divisa. C’est la première grave division. (L’autre aura lieu en 1988, avec les sacres de Juillet 1988).  Une telle interdiction aurait pu mobiliser contre elle, dans l’unité les forces vives des « traditionnalistes », « contre-révolutionnaires ». Grace à l’action de Jean Ousset les laïcs contrerévolutionnaires étaient, parmi les catholiques, les seuls à pourvoir rassembler autant de monde. (Cf Les nombreux congrès de Lauzanne en Suisse qui se tenaient chaque année au temps de Pâques).  Et c’est alors que d’une manière inattendue, Jean Ousset refuse d’engager son mouvement en faveur de la messe traditionnelle. Il veut y voir une affaire uniquement ecclésiastique, « une affaire de curés » dans laquelle les laïcs ne sauraient prendre la parole, ce serait prétendre abusivement à « porter  le surplis ».

La division créée dans l’école et l’action contre-révolutionnaire fut  profonde et durable.

d- Une résistance au milieu de la docilité du plus grand nombre.

La quasi-totalité des paroisses et la plupart des fidèles ont, comme il est normal en règle général, accueilli ou subi sans grandes protestations les nouveautés liturgiques tolérées ou même imposées par l’évêque diocésain. A cela on reconnait les catholiques : sauf exceptions, ils acceptent sans chercher midi à quatorze heures la doctrine de leur curé dès lors qu’il a l’accord de l’évêque, lui-même en communion avec le pape. La grande majorité des fidèles ne voient aucun problème dans les innovations. Ils ne voient pas les problèmes théologiques. Ils constatent que la messe est maintenant en français et que le célébrant n’y est plus tourné vers Dieu, pour éviter de « tourner le dos au peuple ». Cela est bien visible et cela est plus démocratique. L’opinion dominante, entretenue ou suscitée par la hiérarchie ecclésiastique et par les médias profanes, est qu’il s’agit là d’une amélioration, émanant d’un irrésistible mouvement vers le progrès et la modernité.

La hiérarchie ecclésiastique ne s’inquiète guère des contestations et des indisciplines. Elle en est à coup sûr agacée. Mais elle est tranquillisée par la croyance que les choses vont spontanément se tasser ; elle imagine que les jeunes générations enthousiasmées par la dynamique conciliaire vont les convertir en masse et militer dans les rangs de l’Eglise nouvelle.

En réaliste deux camps se sont formés. Malgré l’énorme disproportion numérique, tous les facteurs d’une confrontation frontale sont désormais en place. La réclamation, la contestation des réfractaires, loin de s’anémier va grandir tandis que l’élan conciliaire va peu à peu s’essouffler. Les églises se vident…ainsi que les séminaires.

Section 3 : Le cheminement de l’interdiction

Durant les années 1971-1975 et jusqu’au 24 mai 1976, on ne rencontre aucune mention explicite, précise et datée d’un acte du pape promulguant une interdiction de la messe traditionnelle.

L’interdiction a d’abord été implicite, comme une conséquence silencieuse mais impérative du caractère obligatoire dont se trouve revêtue la messe nouvelle. Mais une telle obligation a-t-elle été véritablement décrétée par la constitution apostolique Missale romanum de 1969 ? C’est là un point contesté, car les traductions et interprétations sont divergentes, la contestation est publique.

Certes la messe de Paul VI quelles que soient ses équivoques et ses omissions a une indiscutable existence juridique. On ne peut pas lui reprocher d’être illicite. D’autre part elle a été adoptée d’emblée par la quasi-totalité des diocèses et des paroisses. Plusieurs décrets, notifications ou communiqués des congrégations romaines déclarent ou présupposent l’obligation par référence explicite ou implicite à Missale romanum. Et sur ce point l’interprétation de Missale romanum demeure incertaine

Il arrivera plus tard que l’on considère le débat tranché par l’autorité de la Notification dite du 14 juin 1971. C’est une notification de la congrégation pour le culte divin. Mais elle n’est datée ni signée. C’est seulement plusieurs semaines après coup qu’elle recevra une signature et une date. Une telle anomalie la rend suspecte ; elle diminue ou annule l’autorité des « normes » sévères qu’elle prétend énumérer. Parue sans signature ni date dans l’Osservatore romno du 16 juin, elle demeure sans date ni signature dans La documentation catholique du 4 juillet.

Certes cette notification romaine déclare le nouveau rite obligatoire. Mais presque aussitôt, elle parait contredite par un acte du Pape : au mois de novembre 1971 est officiellement annoncée l’autorisation donnée par Paul VI aux anglais de célébrer occasionnellement le rite traditionnel. Cette autorisation est une réponse aux insistantes demandes de la Latin Mass Sociéty, « association pour le rite tridentin » adhérente à la Fédération international d’Una Voce que préside Erice de Saventhem. Un tel privilège prouve manifestement que la messe traditionnelle n’est pas abolie et suggère même que l’interdiction n’est pas absolue. L’espérance d’une extension ultérieure de l’autorisation apparait donc permise. Les argumentations en faveur de la messe tridentine y trouvent une note supplémentaire de vraisemblance. Et une troublante incertitude grandit sur les sentiments réels de Paul VI.

En 1962, pour le neuvième anniversaire de son couronnement, il exprime une profonde déception devant l’évolution de l’Eglise ; au lieu d’un renouveau conciliaire, on a les « les nuages, la tempête, les ténèbres » et même « par quelque fissure, la fumée de Satan entrée dans le peuple de Dieu ». Ce n’est pas une image rhétorique. Le Pape précise : « une puissance perverse est intervenue dont le nom est le Diable ». Intervenue où et en quoi ? Entre autres, dans le cours désastreux de la révolution liturgique ?

Contre une telle incertitude, on voit apparaître pour la première fois en 1973, venant de Suisse, un vocabulaire officiel parlant explicitement d’interdiction et même d’abrogation.
Au mois d’Avril, Mgr Adam, évêque de Sion, proclame qu’il est interdit de célébrer selon le rite de saint Pie V qui a été aboli par la constitution Missale romanum du 3 avril 1969.
Il précise : «  La présente déclaration est faite sur renseignement authentique et indication formelle de l’Autorité ».

Et en juillet, c’est un communiqué de l’Assemblée plénière des évêques suisses : « En vertu des décisions de Rome, il n’est plus permis de célébrer la messe selon le rite de saint Pie V »

L’épiscopat suisse aurait donc mis quatre années pour obtenir de l’autorité (anonyme) un « renseignement authentique » et une « indication formelle » concernant la réalité radicale de l’abrogation résultant de Missale romanum !

Au mois d’octobre 1975, la France va suivre l’exemple suisse, d’une manière d’abord plus indirecte encore et impersonnelle.

Au nom de Mgr Badré, évêque de Bayeux et Lisieux, le doyen d’Orbec publie un communiqué affirmant que le « souci d’obéissance à l’Eglise interdit de célébrer la messe selon le rite de saint Pie V dans quelques circonstances que ce soit ». Et cet énoncé est reproduit dans la plupart des diocèses.

Puis l’année suivante, l’épiscopat français, pour la première fois depuis 1969 publie une nouvelle ordonnance sur la messe et un communiqué expliquant son ordonnance.

Pour écarter la messe traditionnelle, le communiqué invoque cette fois « les règles édictées par l’autorité romaine » en y ajoutant « la volonté des évêques de France ». Comme l’épiscopat suisse, la version française parle donc d’une « autorité »  anonyme, « de décisions romaines » et « du souci d’obéissance à l’Eglise » sans aucune explication et références précises qui seraient nécessaires.

Ainsi transparait chez les uns et chez les autres une incertitude sur la possibilité d’invoquer l’autorité personnelle du pape. On voit aussi que demeure en général une certaine réticence à parler ouvertement « d’interdiction ». On recule devant le mot. On fait une périphrase. La formule qui s’installe peu à peu consiste à énoncer, comme une simple constatation administrative, que le missel de Paul VI est pour « remplacer » le missel de  saint Pie V.

Sed contra, les réfractaires les plus résolus, prêtres et laïcs, continuent à opposer avec assurance à la révolution liturgique leur conviction raisonnée que la messe traditionnelle n’a besoin d’aucune autorisation.

Ainsi s’exprime Mgr Lefebvre le 2 juin 1971 : « la conception de cette réforme, la manière dont elle a été publiée, avec des éditions successives indûment modifiées, la façon dont elle a été rendue obligatoire, parfois tyranniquement, la modification de la définition de la messe de l’article 7 (de l’Institutio generalis) sans aucune conséquence pour le rite lui-même sont autant de faits sans précédents dans la tradition de l’Eglise romaine (…) Tous ces faits nous permettent de mettre en doute la validité de cette législation (…)Pour juger de la valeur dogmatique, morale, spirituelle de cette réforme liturgique il faut se rappeler les principes de la foi catholique sur ce qui constitue essentiellement notre sainte messe ».

 

La visite canonique à Ecône : novembre 1974

Le séminaire d’Ecône fait partie des réfractaires.  Aussi à la demande de l’épiscopat français, Rome décida alors une visite canonique au séminaire et dans les œuvres de la FSSPX en France.
Elle eut lieu en novembre 1974. La deuxième semaine de novembre, Mgr Onclin et Mgr Deschamps, légats pontificaux, réalisèrent cette visite. En quelques jours, ils questionnent le corps professoral, conversent avec quelques séminaristes, n’assistent même pas à la messe de communauté, enfin, s’entretiennent avec Mgr Lefebvre. Avec lui, ils expriment des propos théologiques qui le surprennent, des idées « hétérodoxes » sur le sacerdoce, le célibat ecclésiastique, sur le mystère de la Résurrection, sur la virginité perpétuelle de Notre Dame. Eux ! Légats du Pape !

Déclaration du 21 novembre 1974

Mgr Lefebvre n’en revient pas. Il est comme tout ému. C’est dans ces sentiments et cette disposition d’âme qu’il écrit sa fameuse Déclaration du 21 novembre 1974 :

« Nous adhérons de tout cœur, de toute notre âme à la Rome catholique, gardienne de la foi catholique et des traditions nécessaires au maintien de cette foi, à la Rome éternelle, maîtresse de sagesse et de vérité.

Nous refusons par contre et avons toujours refusé de suivre la Rome de tendance néo-moderniste et néo-protestante qui s’est manifestée clairement dans le concile Vatican II et après le concile dans toutes les réformes qui en sont issues.

Toutes ces réformes, en effet, ont contribué et contribuent encore à la démolition de l’Église, à la ruine du Sacerdoce, à l’anéantissement du Sacrifice et des Sacrements, à la disparition de la vie religieuse, à un enseignement naturaliste et teilhardien dans les Universités, les Séminaires, la catéchèse, enseignement issu du libéralisme et du protestantisme condamnés maintes fois par le magistère solennel de l’Église.

Aucune autorité, même la plus élevée dans la hiérarchie, ne peut nous contraindre à abandonner ou à diminuer notre foi catholique clairement exprimée et professée par le Magistère de l’Église depuis dix-neuf siècles.

« S’il arrivait, dit saint Paul, que NOUS-MÊME ou un Ange venu du ciel vous enseigne autre chose que ce que je vous ai enseigné, qu’il soit anathème. » (Gal. 1, 8.)

N’est-ce pas ce que nous répète le Saint-Père aujourd’hui? Et si une certaine contradiction se manifestait dans ses paroles et ses actes ainsi que dans les actes des dicastères, alors nous choisissons ce qui a toujours été enseigné et nous faisons la sourde oreille aux nouveautés destructrices de l’Église.

On ne peut modifier profondément la « lex orandi » sans modifier la « lex credendi ». A messe nouvelle correspond catéchisme nouveau, sacerdoce nouveau, séminaires nouveaux, universités nouvelles, Église charismatique, pentecôtiste, toutes choses opposées à l’orthodoxie et au magistère de toujours.

Cette Réforme étant issue du libéralisme, du modernisme, est tout entière empoisonnée ; elle sort de l’hérésie et aboutit à l’hérésie, même si tous ses actes ne sont pas formellement hérétiques. Il est donc impossible à tout catholique conscient et fidèle d’adopter cette Réforme et de s’y soumettre de quelque manière que ce soit.

La seule attitude de fidélité à l’Église et à la doctrine catholique, pour notre salut, est le refus catégorique d’acceptation de la Réforme.

C’est pourquoi sans aucune rébellion, aucune amertume, aucun ressentiment nous poursuivons notre œuvre de formation sacerdotale sous l’étoile du magistère de toujours, persuadés que nous ne pouvons rendre un service plus grand à la Sainte Église Catholique, au Souverain Pontife et aux générations futures.

C’est pourquoi nous nous en tenons fermement à tout ce qui a été cru et pratiqué dans la foi, les mœurs, le culte, l’enseignement du catéchisme, la formation du prêtre, l’institution de l’Église, par l’Église de toujours et codifié dans les livres parus avant l’influence moderniste du concile en attendant que la vraie lumière de la Tradition dissipe les ténèbres qui obscurcissent le ciel de la Rome éternelle.

Ce faisant, avec la grâce de Dieu, le secours de la Vierge Marie, de saint Joseph, de saint Pie X, nous sommes convaincus de demeurer fidèles à l’Église Catholique et Romaine, à tous les successeurs de Pierre, et d’être les « fideles dispensatores mysteriorum Domini Nostri Jesu Christi in Spiritu Sancto ». Amen.

Mgr Marcel Lefebvre

 

Cette déclaration fait sensation

Dès lors, il fallait vraiment sa disparition et de lui et de son œuvre sacerdotale. Quelques prélats mènent l’affaire rondement.

Tout sera accompli le 6 mai 1975 : le séminaire d’Ecône est déclaré fermé, la FSSPX supprimée par décision d’une commission cardinalice qui agit par mandat expresse de Paul VI

« C’est avec l’entière approbation de sa sainteté que nous vous faisons part des décisions suivantes :

-Une lettre sera envoyée à Mgr Mamie lui reconnaissant le droit de retirer l’approbation donnée par son prédécesseur à la Fraternité et à ses statuts. C’est chose faite par Lettre de son Eminence le Cardinal Tabera, préfet de la sainte Congrégation pour les religieux

-Une fois supprimée, la Fraternité n’ayant plus d’appui juridique, ses fondations et notamment le séminaire d’Ecône perdent du même coup, le droit à l’existence

-Il est évident qu’aucun appui ne pourra être donné à Mgr Lefebvre tant que les idées contenues dans le manifeste du 21 novembre 1974 resteront la loi de son action »

Contre cette décision, Mgr Lefebvre déposa, le 21 mai 1975, un recours dans les mains du Cardinal Stafa, prêfet de la Signature Apostolique. En vain ! Le cardinal Villot, alors Secrétaire d’Etat, intervient personnellement pour faire retirer le recours.

A l’automne de l’année 1975

C’est alors qu’à l’automne de l’année  1975, une lettre du cardinal Villot, secrétaire d’Etat, ouvre la voie à un nouvel état de la question sur l’interdiction de la messe de saint Pie V.

Cette lettre officielle est adressée le 11 octobre 1975 au président de la commission épiscopale française pour la liturgie. Sa nouveauté est d’affirmer que par la constitution apostolique Missale romanum de 1969, le pape a « prescrit que le nouveau missel doit remplacer l’ancien non obstant les constitutions et ordonnances de ses prédécesseurs ». Pour la première fois une autorité romaine et pas la moindre énonce explicitement une telle interprétation : Paul VI aurait donc, par sa constitution apostolique, promulgué la  disparition de la messe traditionnelle. Jusqu’alors cette interprétation n’avait été soutenue qu’à titre d’indication administrative (les multiples notifications des congrégations romaine) ou bien à titre d’opinion. Et d’ailleurs cette interprétation va être modifiée à son tour, moins d’une année plus tard par Paul VI en personne.

Interdiction des ordinations de 1976

Après la destruction des œuvres de Mgr Lefebvre, du moins du cadre juridique, il fallait attaquer les sujets et surtout empêcher les ordinations sacerdotales qui, seules, permettaient de « pérenniser » la messe dite de saint Pie V.

Le cardinal Villot écrit aux conférences épiscopales – l’oeuvre avait déjà une dimension internationale – afin de les inviter « à ne pas accorder d’incardination dans leur diocèse aux prêtres qui déclareraient s’engager au service de la FSSPX »

Mgr Lefebvre ne recevant plus de dimissoriales , ne pouvant plus incardiner lui-même dans la Fraternité saint Pie X qui n’existait plus ( !) , devait cesser toute ordination. Elles devaient pourtant avoir lieu à Ecône, le 29 juin 1976. Elles s’annonçaient cette année particulièrement nombreuses.

Les pressions alors se multiplient.

On parle de sanctions canoniques en cas d’ordinations par le prélat. C’est Mgr Baggio qui reçoit l’ordre de l’en prévenir. C’est une prémonition. On le supplie, en même temps de se  soumettre, d’accepter les décisions prises  à son encontre et à manifester sa docilité au Concile Vatican II en acceptant la réforme liturgique dans toutes ses maisons.

L’intervention de Mgr Bennelli, substitut de la Secrétairerie d’Etat

Mgr Bennelli, le 21 avril 1976, substitut de la Secrétairerie d’Etat, le lui notifie par lettre clairement :

Monseigneur,

Il y a maintenant un mois que nous nous sommes rencontrés. En vous présentant mes vœux à l’occasion des fêtes pascales, je voudrais vous redire combien je suis heureux de ce que notre rencontre se soit déroulée dans la clarté, et aussi combien se fait chaque jour plus vive l’attente de votre retour à cette communion effective avec le Pape Paul VI, que la célébration de la Résurrection demande et que cet entretien avait laissé espérer.

Vous vous souvenez certainement, en effet, de la démarche envisagée comme la plus propre pour parvenir à cet heureux résultat. Après avoir réfléchi, seul devant Dieu, vous écrivez au Saint-Père pour lui dire votre acceptation du concile Vatican II et de tous ses documents, affirmer votre plein attachement à la personne de Sa Sainteté Paul VI et à la totalité de son enseignement, en vous engageant, comme preuve concrète de votre soumission au successeur de Pierre, à adopter et à faire adopter dans les maisons qui dépendent de vous, le missel qu’il a lui-même promulgué en vertu de sa suprême autorité apostolique.

Comment ne comprendrais-je pas ce qu’une telle démarche peut avoir de coûteux ? Peut-être cela explique-t-il que vous hésitiez encore à franchir le pas. Peut-il cependant exister une autre voie ? Je m’adresse à vous comme un frère, avec espoir et confiance : ce pas est possible ; il faut le faire pour le bien de toute l’Église et de ceux qui nous regardent de l’extérieur, et je désire tout faire pour vous y aider.

Nous avons fêté Pâques il y a quelques jours. Le Christ Sauveur indique la route. Pour s’unir à Lui, il n’y a pas d’autre chemin que de tout remettre entre ses mains. Je prie de tout cœur afin que vous y parveniez, et que vous procuriez ainsi, à son vicaire sur la terre, la joie profonde qu’il attend avec impatience.

Croyez, Monseigneur, à mes sentiments fraternellement dévoués.

Mgr Benelli, substitut à la secrétairerie d’Etat du Vatican

L’acceptation du missel nouveau est l’ordre conciliaire, la volonté du Pape. C’est clair.

Le consistoire du 24 mai 1976

Le pape lui-même entre en lice en cette affaire, lors du consistoire du 24 mai 1976. Une partie non négligeable de son allocution aux cardinaux est consacrée à Mgr Lefebvre. Il lui demande publiquement, solennellement, soumission, obéissance à la réforme liturgique « qui engage le Concile », qui engage surtout « l’autorité pontificale elle-même »

« C’est au nom de la Tradition que nous demandons à tous nos fils, à toutes les communautés catholiques, de célébrer, dans la dignité et la ferveur, la liturgie rénovée. L’adoption du nouvel Ordo Missae n’est pas du tout laissée au libre arbitre des prêtres ou des fidèles. L’instruction du 14 juin 1971 a prévu la célébration de la messe selon l’ancien rite, avec l’autorisation de l’Ordinaire, uniquement pour des prêtres âgés ou malades, qui offrent le sacrifice divin sine populo (5). Le nouvel Ordo a été promulgué pour être substitué à l’ancien, après une mûre réflexion, et à la suite des instances du Concile Vatican II. Ce n’est pas autrement que notre saint prédécesseur Pie V avait rendu obligatoire le missel réformé sous son autorité, à la suite du Concile de Trente.
Avec la même autorité suprême qui nous vient du Christ Jésus, nous exigeons la même disponibilité à toutes les autres réformes liturgiques, disciplinaires, pastorales, mûries ces dernières années en application des décrets conciliaires. Aucune initiative qui vise à s’y opposer ne peut s’arroger la prérogative de rendre un service à l’Eglise: en réalité, elle lui cause un grave dommage.
Plusieurs fois, directement ou par l’intermédiaire de nos collaborateurs et d’autres personnes amies, nous avons appelé l’attention de Mgr Lefebvre sur la gravité de ses attitudes, l’irrégularité de ses principales initiatives actuelles, l’inconsistance et souvent la fausseté des positions doctrinales sur lesquelles il fonde ces attitudes et ces initiatives, et le dommage qui en résulte pour l’Eglise entière.
C’est donc avec une profonde amertume, mais aussi avec une paternelle espérance, que nous nous adressons une fois de plus à ce confrère, à ses collaborateurs et à ceux qui se sont laissé entraîner par eux. Oh! certes, nous croyons que beaucoup de ces fidèles, au moins dans un premier temps, étaient de bonne foi: nous comprenons aussi leur attachement sentimental à des formes de culte et de discipline auxquelles ils étaient habitués, qui pendant longtemps ont été pour eux un soutien spirituel et dans lesquelles ils avaient trouvé une nourriture spirituelle. Mais nous avons le ferme espoir qu’ils sauront réfléchir avec sérénité, sans parti pris, et qu’ils voudront bien admettre qu’ils peuvent trouver aujourd’hui le soutien et la nourriture auxquels ils aspirent, dans les formes renouvelées que le Concile oecuménique Vatican II et nous-même avons décrétées comme nécessaires pour le bien de l’Eglise, pour son progrès dans le monde contemporain, pour son unité. Nous exhortons donc, encore une fois, tous ces frères et fils, nous les supplions de prendre conscience des profondes blessures que, autrement, ils causent à l’Eglise. De nouveau, nous les invitons à penser aux graves avertissements du Christ sur l’unité de l’Eglise (cf. Jn 17, 21 s.) et sur l’obéissance due au pasteur légitime qu’il a mis à la tête du troupeau universel, comme signe de l’obéissance due au Père et au Fils (cf. Lc 10, 16). Nous les attendons le coeur grand ouvert, les bras prêts à les étreindre: puissent-ils retrouver, dans l’humilité et l’édification, pour la joie du peuple de Dieu, la voie de l’unité et de l’amour!… »

Paul VI invoque là, pour la première fois, expressément, contre la messe « traditionnelle », l’obéissance à son autorité suprême. La messe nouvelle est obligatoire. La messe ancienne, elle, interdite. Voilà un engagement formel et clair du saint Père lui-même en faveur de la nouvelle messe. Elle seule doit être célébrée. Elle seule est la loi. La loi nouvelle est en faveur exclusive de la nouvelle messe.

Le Vatican – le Pape et son entourage – veut l’instauration dans l’Eglise de la nouvelle messe. Le Pape le dit clairement. Rome rejette de son sein la coutume immémoriale de la messe de saint Pie V. Elle n’en veut plus. Elle n’est plus agrée.

Chose étonnante. Chose stupéfiante. Sans doute. Mais c’est ainsi et encore une fois, c’est dit clairement. Les formes canoniques n’ont peut-être pas été respectées. C’est la thèse brillante d’un abbé Dulac. Peu importe. Les « intentions pontificales » ne peuvent pas être exprimées d’une manière plus claire. La messe traditionnelle a vécu. Elle n’est plus.

Cet ordre reçoit l’explicite et redoutable confirmation d’être déclaré par Paul VI « au nom de la Tradition » et « avec l’autorité suprême qui nous vient du Christ Jésus ».

L’interdiction de la messe traditionnelle qui a cheminé plus ou moins ouvertement pendant sept années atteint donc maintenant son plus haut sommet. Elle fait enfin l’objet pour la première fois et unique fois, d’un acte personnel du Souverain Pontife : l’allocution consistoriale du 24 mai 1976.

Cela aurait dû être comme un coup de tonnerre. Une situation radicalement nouvelle semblait en être créée. Il y a théoriquement de quoi ébranler la résolution des réfractaires, qui ont un grand respect, doctrinal et surnaturel, pour l’autorité du Pape. L’invocation de « son autorité suprême qui lui vient du Christ Jésus » n’engage-t-elle pas son infaillibilité, qui est justement le degré suprême de son autorité ? Les réfractaires devraient se sentir réduits au silence ou paralysés par un doute majeur.
S’il en est rien c’est que l’autorité morale de Paul VI s’est trouvée gravement et durablement atteinte depuis l’épisode incroyable de l’article 7 de l’Institutio generalis.
On sait en effet que, depuis sa promulgation de 1969, le NO était accompagné par un recueil de normes générales intitulé Institutio generalis. Son article 7 donnait de la messe catholique une définition inacceptable :

« La Cène du Seigneur, appelée aussi la messe, est la synaxe sacrée ou le rassemblement du people de Dieu se réunissant sous la présidence du prêtre pour célébrer le mémorial du Seigneur. C’est pourquoi vaut éminemment pour l’assemblée de l’Eglise locale la promesse du Christ : là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Mt 18 20)

Une telle définition faisait de la messe une simple réunion de prière et une assemblée du souvenir. C’est ainsi que l’entendit aussitôt l’épiscopat français : dès la première édition fabriquée en 1969 de son Nouveau Missel des dimanches, il y inséra un rappel précisant qu’à la messe il s’agit simplement de faire mémoire de l’unique sacrifice accompli. Cette doctrine fut épiscopalement maintenue et réitérée en France pendant plusieurs années. A Rome, ce n’était pas possible. Dès 1970 a eu lieu une furtive correction de l’article 7.

Cette correction  discrète ne supprime cependant point le fait inquiétant que Paul VI avait signé et promulgué la première version : elle exprimait donc la pensée du pape, ou du moins ne l’avait pas heurtée. Ou bien alors il fallait admettre soit que Paul VI avait signé sans lire, soit qu’il avait lu sans comprendre. Comment pouvait-il signer sans avoir lu ce qui est le plus grand bouleversement que la messe n’ait jamais connu, et qu’il avait voulu comme tel ? Et comment pouvait-on avoir lu sans comprendre, quand on est pape ? C’étaient les réflexions de Jean Madiran dans Itinéraires.

Il s’agissait donc d’un accident phénoménal, resté inexpliqué, mais qui ébranlaient l’intelligence de la résistance.

A quoi s’ajoute, dans l’allocution consistoriale du 24 mai 1976 une manifeste contre vérité historique. Paul VI y prétend avoir procédé avec la messe de la même manière (haud dissimuili ratione) que l’avait fait saint Pie V. Or saint Pie V n’avait pas substitué une messe à une autre, il n’avait pas aboli la messe existante, il avait au contraire confirmé, en matière de rite, toutes les coutumes légitimes ayant plus deux cents ans d’existence. Depuis six ou sept ans en 1976, les réfractaires ont abondamment diffusé tout ce qui est bon de savoir sur la Bulle Quo ,primum tempore de Saint Pie V Ils ne sont pas désarmés à ce sujet au point de pouvoir s’en laisser compter.

NB C’est seulement vers la fin des années quatre-vingt que l’on commencera à entendre des déclarations cardinalices, privées puis publiques, assurant que la messe tridentine n’a jamais été interdite. Elles passeront au début pour des paradoxes marginaux. Mais ce n’est pas le cas en 1976. Du collège des cardinaux, rien ne vient démentir ou nuancer l’invocation de l’autorité suprême « qui nous vient de Jésus-Christ ». Quoi qu’il en soit du problème canonique, non résolu, l’autorité de Paul VI a été psychologiquement ravagée par la mésaventure de l’article 7.

Ainsi l’allocution consistoriale du 24 mai 1976  tombe dans le vide et bientôt dans l’oubli ? Par la suite les successeurs de Paul VI ne la mentionneront jamais. Sur le moment, elle est pour les réfractaire comme n’existant pas.

Interventions du  Révérend Père Dhanis

Après le consistoire, pour  bien faire comprendre à Mgr Lefebvre la pensée du Pape, on lui envoie même, in extremis, à quelques jours des ordinations, alors que les ordinands sont en retraite à Flavigny, un émissaire particulier, le RP Dhanis, Recteur Magnifique de la Grégorienne, à Rome, pour qu’il veuille bien enfin concélébrer avec lui dans le nouveau rite…pour montrer ainsi ses bonnes et nouvelles dispositions. Dans ces conditions, alors, tout serait aplani entre Rome et la FSSPX.

Mais Mgr Lefebvre avait déjà dit la messe…nous disait-il.

Malgré tout, le 29 juin 1976, les ordinations eurent lieu, comme de coutume devant une grande foule. C’est dire la force d’âme de notre prélat.

Dans son homélie, une homélie pathétique, Mgr  Lefebvre fait allusions à ces différentes pressions et expose lui aussi, clairement le problème en question :

L’homélie du prélat : le 29 juin 1976

« Mes bien chers amis, mes bien chers confrères, mes bien chers frères,

[Vous] qui êtes venus de tous les pays, de tous les horizons, c’est une joie pour nous de vous accueillir et de vous sentir si près de nous en ce moment, si important pour notre Fraternité et aussi pour l’Eglise. Je pense, en effet, que si des pèlerins se sont permis de faire le sacrifice de voyager nuit et jour, de venir de régions très éloignées pour participer à cette cérémonie, c’est qu’ils avaient la conviction qu’ils venaient assister à une cérémonie d’Eglise, participer à une cérémonie qui réjouira leur cœur, parce qu’ils auront ainsi la certitude, en rentrant chez eux, que l’Eglise catholique continue.

Oh! je le sais bien, les difficultés sont nombreuses dans cette entreprise que l’on nous dit être téméraire. On nous dit que nous sommes dans une impasse. Pourquoi? Parce que de Rome nous sont venus, surtout depuis trois mois, en particulier depuis le 19 mars, fête de saint Joseph, des objurgations, des supplications, des ordres, des menaces, pour nous dire de cesser notre activité, pour nous dire de ne pas faire ces ordinations sacerdotales. Elles ont été pressantes ces derniers jours: depuis douze jours, spécialement, nous ne cessons de recevoir des messages ou des envoyés de Rome, nous enjoignant de nous abstenir de faire ces ordinations. Mais si, en toute objectivité, nous cherchons quel est le motif véritable qui anime ceux qui nous demandent de ne pas faire ces ordinations, si nous recherchons leur motif profond, nous trouvons que c’est parce que nous ordonnons ces prêtres, afin qu’ils disent la messe de toujours.

Et c’est parce que l’on sait que ces prêtres seront fidèles à la messe de l’Eglise, à la messe de la Tradition, à la messe de toujours, qu’on nous presse de ne pas les ordonner. Je n’en veux pour preuve que ce fait: six fois depuis trois semaines, six fois on nous a demandé de rétablir des relations normales avec Rome et, comme témoignage, de recevoir le rite nouveau et de le célébrer moi-même. On est allé jusqu’à m’envoyer quelqu’un qui m’a offert de concélébrer avec moi dans le rite nouveau, afin de manifester que j’acceptais volontiers cette nouvelle liturgie, et qui m’a dit que, de ce fait, tout serait aplani entre nous et Rome. On m’a mis dans les mains un missel nouveau, en me disant: « Voilà la messe que vous devez célébrer et que vous célébrerez désormais dans toutes vos maisons. » On m’a dit également que, si en cette date, aujourd’hui, ce 29 juin, devant toute notre assemblée, nous célébrions une messe selon le nouveau rite, tout serait aplani alors entre nous et Rome. Ainsi il est clair, il est net que c’est sur le problème de la messe que se joue tout le drame entre Ecône et Rome.

Avons-nous tort de nous obstiner à vouloir garder le rite de toujours? Certes, nous avons prié, nous avons consulté, nous avons réfléchi, nous avons médité pour savoir si vraiment c’est nous qui étions dans l’erreur ou si réellement nous n’avions pas de raison suffisante de ne pas nous soumettre à ce nouveau rite. Eh bien, justement, l’insistance que mettent ceux qui nous sont envoyés de Rome pour nous demander de changer de rite, nous fait réfléchir, et nous avons la conviction que précisément ce rite nouveau de la messe exprime une nouvelle foi, une foi qui n’est pas la nôtre, une foi qui n’est pas la foi catholique.

Cette nouvelle messe est un symbole, une expression, une image d’une foi nouvelle, d’une foi moderniste, car si la Sainte Eglise a voulu garder, tout au cours des siècles, ce trésor précieux qu’elle nous a donné du rite de la sainte messe canonisée par saint Pie V, ce n’est pas pour rien. C’est parce que dans cette messe se trouve toute notre foi, toute la foi catholique: la foi dans la Sainte Trinité, la foi dans la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, la foi dans le Sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui a coulé pour la rédemption de nos péchés, la foi dans la grâce surnaturelle, qui nous vient du Saint Sacrifice de la messe, qui nous vient de la Croix, qui nous vient par tous les sacrements. Voilà ce que nous croyons en célébrant le Saint Sacrifice de la messe de toujours. Cette messe est une leçon de foi, indispensable pour nous en cette époque où notre foi est attaquée de toutes parts. Nous avons besoin de cette messe véritable, de cette messe de toujours, de ce Sacrifice de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Or, il est évident que ce rite nouveau, sous-tendu – si je puis dire – suppose une autre conception de la religion catholique, une autre religion. Ce n’est plus le prêtre qui offre la messe, c’est l’assemblée. Cela est tout un programme. Désormais, c’est l’assemblée aussi qui remplace l’autorité dans l’Eglise: c’est l’assemblée épiscopale qui remplace le pouvoir des évêques, c’est le conseil presbytéral qui remplace le pouvoir de l’évêque dans le diocèse, c’est le nombre qui commande désormais dans la Sainte Eglise, et cela est exprimé dans la messe précisément en ce que l’assemblée remplace le prêtre, à tel point que maintenant beaucoup de prêtres ne veulent plus célébrer la sainte messe quand il n’y a pas d’assemblée. Tout doucement, c’est la notion protestante de la messe qui s’introduit dans la Sainte Eglise. Et cela est conforme à la mentalité de l’homme moderne, à la mentalité de l’homme moderniste, cela lui est absolument conforme. Car, c’est l’idéal démocratique qui est fondamentalement l’idéal de l’homme moderne: pour lui, le pouvoir est dans l’assemblée, l’autorité est dans les hommes, dans la masse, et non pas en Dieu. Nous, nous croyons que Dieu est tout-puissant, nous croyons que Dieu a toute autorité, nous croyons que toute autorité vient de Dieu: « Omnis protestas a Deo ». Nous ne croyons pas, nous, que l’autorité vient du peuple, que l’autorité vient de la base, comme le veut la mentalité de l’homme moderne. Or, la nouvelle messe n’en est pas moins l’expression de cette idée que l’autorité se trouve à la base et non plus en Dieu. Cette messe n’est pas une messe hiérarchique, c’est une messe démocratique, et cela est très grave. C’est l’expression de toute une nouvelle idéologie: on a fait entrer l’idéologie de l’homme moderne dans nos rites les plus sacrés. Et c’est cela qui corrompt actuellement toute l’Eglise, car par cette idée de pouvoir accordé à la base dans la sainte messe, on détruit le sacerdoce, on est en train de détruire le sacerdoce.

Le prêtre n’aura plus un pouvoir personnel, ce pouvoir qui lui est donné par son ordination, comme vont le recevoir dans un instant ces futurs prêtres. Ils vont recevoir un caractère qui va les mettre au-dessus du Peuple de Dieu. Ils ne pourront jamais plus dire après cette cérémonie qu’ils sont des hommes comme les autres. Ce n’est pas vrai: ils ne seront plus des hommes comme les autres, ils seront des hommes de Dieu. Ils seront des hommes qui participent à la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ en participant à son caractère sacerdotal. Car Notre-Seigneur Jésus-Christ est prêtre pour l’éternité, prêtre selon l’ordre de Melchisédech, parce que la divinité du Verbe de Dieu a été infusée dans cette humanité qu’Il a assumée. Et c’est au moment où Il a assumé cette humanité dans le sein de la Très Sainte Vierge Marie que Jésus est devenu prêtre.

La grâce à laquelle ces jeunes prêtres vont participer n’est pas la grâce sanctifiante, à laquelle Notre-Seigneur Jésus-Christ nous fait participer par la grâce du baptême ; c’est la grâce d’union, cette grâce d’union unique à Notre-Seigneur Jésus-Christ. C’est à cette grâce qu’ils vont participer, car c’est par sa grâce d’union à la divinité de Dieu, à la divinité du Verbe, que Notre-Seigneur Jésus-Christ est devenu prêtre, que Notre-Seigneur Jésus-Christ est roi, que Notre-Seigneur Jésus-Christ est juge, que Notre-Seigneur Jésus-Christ doit être adoré par tous les hommes. Par la grâce d’union, grâce sublime, grâce que jamais aucun être ici-bas n’a pu concevoir, cette grâce de la divinité même, descendant dans une humanité qui est celle de Notre-Seigneur Jésus-Christ, l’oignant en quelque sorte comme l’huile qui descend sur la tête et qui consacre celui qui la reçoit, l’humanité de Notre-Seigneur Jésus-Christ était pénétrée par la divinité du Verbe de Dieu et c’est ainsi qu’il a été fait prêtre, qu’il a été fait médiateur entre Dieu et les hommes, et c’est à cette grâce-là que vont participer ces prêtres, c’est elle qui les mettra au-dessus du peuple de Dieu. Eux aussi, ils seront les intermédiaires entre Dieu et son peuple. Ils ne seront pas seulement les représentants du peuple de Dieu, ils ne seront pas les mandatés du peuple de Dieu, ils ne seront pas seulement les présidents de l’assemblée. Ils seront prêtres pour l’éternité, marqués de ce caractère pour l’éternité. Et personne n’a le droit de ne pas les respecter. Même si eux, ils ne respectaient pas ce caractère, ils l’ont toujours en eux, ils l’auront toujours en eux.

Voilà ce que nous croyons, voilà quelle est notre foi et voilà ce qui constitue notre Saint Sacrifice de la messe. C’est le prêtre qui offre le Saint Sacrifice de la messe. Les fidèles participent, certes, à cette offrande de tout leur cœur, de toute leur âme, mais ce ne sont pas eux qui l’offrent. La preuve: le prêtre, quand il est seul, offre le Sacrifice de la messe de la même manière et avec la même valeur que s’il y avait mille personnes qui l’entouraient ; son sacrifice a une valeur infinie car il n’est autre que le sacrifice de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Voilà ce que nous croyons, et c’est pourquoi nous pensons que nous ne pouvons pas accepter ce rite nouveau, qui est l’œuvre d’une idéologie autre, d’une idéologie nouvelle.

On a cru attirer à l’Eglise les gens qui ne croient pas, en prenant leurs idées, en prenant les idées de l’homme moderne, de cet homme moderne qui est un homme libéral, un homme moderniste, un homme qui accepte la pluralité des religions, mais n’accepte plus la royauté sociale de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Cela, je l’ai entendu par deux fois des envoyés du Saint-Siège, qui m’ont dit que la royauté sociale de Notre-Seigneur Jésus-Christ n’était plus possible en notre temps, qu’il fallait accepter définitivement le pluralisme des religions, que l’encyclique Quas primas sur la royauté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, cette encyclique si belle qui a été écrite par le pape Pie XI, ne serait plus écrite aujourd’hui par le pape. Voilà ce que m’ont dit les envoyés officiels du Saint-Siège.

Eh bien, nous ne sommes pas de cette religion, nous n’acceptons pas cette nouvelle religion. Nous sommes de la religion de toujours, nous sommes de la religion catholique, nous ne sommes pas de cette religion universelle, comme ils l’appellent aujourd’hui. Ce n’est plus la religion catholique. Nous ne sommes pas de cette religion libérale, moderniste, qui a son culte, ses prêtres, sa foi, ses catéchismes, sa bible – sa bible œcuménique. Nous ne les acceptons pas, nous n’acceptons pas la bible œcuménique. Il n’y a pas de bible œcuménique, il y a la Bible de Dieu, la Bible de l’Esprit-Saint, qui a été écrite sous l’influence de l’Esprit-Saint! C’est la parole de Dieu, nous n’avons pas le droit de la mélanger avec la parole des hommes! Il n’y a pas de bible œcuménique qui puisse exister, il n’y a qu’une parole, la Parole du Saint-Esprit. Nous n’acceptons pas les catéchismes qui n’affirment plus notre Credo. Et ainsi de suite, nous ne pouvons pas accepter ces choses-là. C’est contraire à notre foi, nous le regrettons infiniment, cela nous est une douleur immense, immense, de penser que nous sommes en difficulté avec Rome à cause de notre foi! Comment est-ce possible? C’est une chose qui dépasse notre imagination, que jamais nous n’aurions pu penser, que jamais nous n’aurions pu croire, surtout dans notre enfance, alors que tout était uniforme, que l’Eglise croyait en son unité générale, qu’elle avait la même foi, les mêmes sacrements, le même Sacrifice de la messe, le même catéchisme. Voilà que, tout à coup, tout cela est dans la division, dans le déchirement.

Je l’ai dit à ceux qui sont venus de Rome: des chrétiens sont déchirés dans leur famille, dans leur foyer, parmi leurs enfants, ils sont déchirés dans leur cœur à cause de cette division dans l’Eglise, de cette nouvelle religion que l’on enseigne et que l’on pratique. Des prêtres meurent prématurément, déchirés dans leur cœur et dans leur âme de penser qu’ils ne savent plus que faire: ou se soumettre à l’obéissance et perdre en quelque sorte la foi de leur enfance et de leur jeunesse, et renoncer aux promesses qu’ils ont faites au moment de leur sacerdoce, en prêtant le serment anti-moderniste, ou alors avoir l’impression de se séparer de celui qui est notre Père, le pape, de celui qui est le Successeur de Pierre. Quel déchirement pour les prêtres! Des prêtres, beaucoup de prêtres sont morts prématurément de douleur. Des prêtres sont maintenant chassés de leurs églises, persécutés, parce qu’ils disent la messe de toujours! Nous sommes dans une situation vraiment dramatique! Alors, nous avons à choisir entre une apparence – je dirais – d’obéissance – car le Saint-Père ne peut pas nous demander d’abandonner notre foi, c’est absolument impossible – et la conservation de notre foi. Eh bien, nous choisissons de ne pas abandonner notre foi. Car en cela, nous ne pouvons par nous tromper. L’Eglise ne peut pas être dans l’erreur dans ce qu’elle a enseigné pendant deux mille ans, c’est absolument impossible. Et c’est pourquoi nous sommes attachés à cette tradition qui s’est exprimée d’une manière admirable et d’une manière définitive, comme l’a si bien dit le pape saint Pie V, dans le Saint Sacrifice de la messe.

Demain, peut-être, notre condamnation paraîtra dans les journaux à cause de ces ordinations d’aujourd’hui, c’est très possible. Probablement, je serai frappé moi-même d’une suspense, ces jeunes prêtres seront frappés par une irrégularité qui, en principe, devrait les empêcher de dire la sainte messe; c’est possible. Eh bien, je fais appel à saint Pie V, qui a dit dans la Bulle Quo primum qu’à perpétuité, aucun prêtre ne pourra encourir une censure, quelle qu’elle soit, parce qu’il dit cette messe. Et par conséquent, cette censure, cette condamnation, s’il y en avait une, ces censures, s’il y en avait, seront absolument invalides, contraires à ce que saint Pie V a affirmé solennellement dans sa Bulle: qu’à perpétuité, que jamais, qu’en aucun temps, on ne pourra infliger une censure à un prêtre parce qu’il dira cette sainte messe. Pourquoi? Parce que cette messe est canonisée, il l’a canonisée définitivement. Or, un pape ne peut pas enlever une canonisation. Le pape peut faire un nouveau rite, mais il ne peut pas enlever une canonisation. Il ne peut pas interdire une messe qui est canonisée, cela n’est pas possible. Or, cette sainte messe a été canonisée par saint Pie V. Et c’est pourquoi nous pouvons la dire en toute tranquillité, en toute sécurité et même être certains qu’en disant cette messe, nous professons notre foi, nous entretenons notre foi et nous entretenons la foi des fidèles. C’est la meilleure manière de l’entretenir, et c’est pourquoi nous allons procéder dans quelques instants à ces ordinations.

Certes, nous souhaiterions avoir une bénédiction, comme on en avait autrefois, du Saint-Siège: on avait des bénédictions, venant de Rome, pour les nouveaux ordinands. Mais nous pensons que le Bon Dieu est là qui voit toutes choses et qu’Il bénit aussi cette cérémonie que nous faisons et qu’un jour, Il en tirera les fruits qu’Il désire certainement et qu’Il nous aidera, en tous cas, à maintenir notre foi et à maintenir l’Eglise. Nous le demandons surtout à la Très Sainte Vierge, à Saint Pierre et à Saint Paul, aujourd’hui. Nous demandons à la Très Sainte Vierge, qui est la Mère du sacerdoce, d’obtenir pour ces jeunes la véritable grâce du sacerdoce, de leur obtenir l’Esprit-Saint, qui a été donné par son intermédiaire, aux Apôtres le jour de la Pentecôte. Et nous demandons à Saint Pierre et à Saint Paul de maintenir en nous cette foi en Pierre. Oh! oui, nous avons la foi en Pierre, nous avons la foi dans le Successeur de Pierre. Mais comme le dit très bien le pape Pie IX dans sa constitution dogmatique sur le Pontife Romain: le pape a reçu le Saint-Esprit non pour faire des vérités nouvelles, mais pour nous maintenir dans la foi de toujours. Voilà la définition dogmatique de l’infaillibilité pontificale faite au moment du premier concile du Vatican par le pape Pie IX. Et c’est pourquoi nous sommes persuadés qu’en maintenant ces traditions, nous manifestons notre amour, notre docilité et notre obéissance envers le Successeur de Pierre.

† Marcel Lefebvre

 « Ainsi donc il est clair, il est net que c’est sur le problème de la messe que se joue tout le drame entre Ecône et Rome ».

Ah ! Comme ces phrases devraient être lues et relues ! Toute l’œuvre du Concile  Vatican II se résume dans l’aggiornamento liturgique.

C’est pourquoi regagner du terrain même minime sur la messe, c’est nécessairement ébranler l’œuvre conciliaire. Il ne faut jamais perdre cela de vue…aujourd’hui plus que jamais.

La « suspens a divinis

Les ordinations ont lieu. Treize « nouveaux » prêtres sont donnés à l’Eglise. Le Vatican sanctionne Mgr Lefebvre, comme annoncé. Il sera déclaré suspens a divinis. Notification lui en est faite, le 22 juillet 1976

Mais puisque, en cette affaire « d’aggiornamento conciliaire » la doctrine catholique est en jeu, notre prélat reste ferme. Il précisera, dans son communiqué de presse, sa position suite à la condamnation canonique qui le touche : « Qu’on ne s’y trompe pas, il ne s’agit pas d’un différend entre Mgr Lefebvre et le pape Paul VI. Il s’agit, par contre, de l’incompatibilité radicale entre l’Eglise catholique et l’Eglise conciliaire, la messe de Paul VI représentant le symbole et le programme de l’Eglise conciliaire » (Décembre 1976)

Et Mgr Lefebvre ne nous donnera jamais d’autre ordre que de rester fidèles à la messe de toujours. Ce fut en quelque sorte son testament déclaré oralement lors de la cérémonie organisée, à la Porte de Versailles à Paris en 1978, à l’occasion de son jubilé sacerdotal.

C’est simple. Sa pensée est claire. Pour Mgr Lefebvre, la messe catholique est au cœur de l’Eglise comme la Passion est au cœur de la Rédemption, au cœur de l’Ancien et du Nouveau testament, comme elle est cœur de la cité, au cœur de toute civilisation. Détruisez la messe, en imposant un « simulacre de messe », vous détruisez l’Eglise, vous ruinez la civilisation chrétienne. Redonnez la messe catholique, en extirpant de son sein la nouvelle messe, ou en la corrigeant selon le dogme catholique, comme le souhaitait Benoît XVI avec sa Réforme de la réforme – mais est-elle seulement corrigible ?  c’est un doute exprimé par l’abbé Dulac – vous reconstruisez  l’Eglise, rétablissez toute chrétienté. Luther avait mieux compris que beaucoup cette chose, lui qui disait : « détruisez la messe, vous détruisez la papauté » C’est dire, en d’autres termes la même chose : la papauté étant le cœur de l’Eglise, comme de la chrétienté. On le voit bien aujourd’hui où Rome est la puissante voix qui parle clair pour la défense de la vie et de la famille….cœur de la cité.

  • §-10- La lettre du 17 juillet 1976

Mgr Lefebvre l’écrit très clairement au Souverain Pontife, dans une lettre fameuse du 17 juillet 1976 :

Très Saint-Père,

Tous les accès permettant de parvenir jusqu’à Votre Sainteté m’étant interdits, que Dieu fasse que cette lettre la rejoigne pour lui exprimer nos sentiments de profonde vénération, et par la même occasion lui formuler avec une prière instante l’objet de nos désirs les plus ardents qui, hélas! semblent être sujets à litige entre le Saint-Siège et de nombreux catholiques fidèles.

Très Saint-Père, daignez manifester votre volonté de voir s’étendre le règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ en ce monde, en restaurant le droit public de l’Eglise :

– en rendant à la liturgie toute sa valeur dogmatique et son expression hiérarchique, selon le rite latin romain consacré par tant de siècles d’usage,

–  en remettant en honneur la Vulgate,

– en redonnant aux catéchismes leur vrai modèle, celui du Concile de Trente.

Ce faisant, Votre Sainteté restaurera le sacerdoce catholique et le règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ sur les personnes, sur les familles et sur les sociétés civiles.

Elle rendra leur juste conception aux idées falsifiées devenues les idoles de l’homme moderne: la liberté, l’égalité, la fraternité, la démocratie, à l’exemple de ses prédécesseurs.

Que Votre Sainteté abandonne cette néfaste entreprise de compromission avec les idées de l’homme moderne, entreprise qui tire son origine d’une entente secrète entre de hauts dignitaires de l’Eglise et ceux des loges maçonniques, dès avant le Concile.

Persévérer dans cette orientation, c’est poursuivre la destruction de l’Eglise. Votre Sainteté comprendra aisément que nous ne pouvons collaborer à un si funeste dessein, ce que nous ferions si nous consentions à fermer nos séminaires.

Que l’Esprit-Saint daigne donner à Votre Sainteté les grâces du don de force, afin qu’elle manifeste par des actes non équivoques qu’elle est vraiment et authentiquement le successeur de Pierre proclamant qu’il n’y a de salut qu’en Jésus-Christ et en son épouse mystique, la sainte Eglise catholique et romaine.

Et que Dieu…

† Marcel LEFEBVRE, ancien archevêque-évêque de Tulle.

 Albano, le 17 juillet 1976.

Combien ce langage était vrai. Combien il était fondé. Combien il apparaissait juste alors que la chrétienté avait appris, quelque temps auparavant, la nouvelle stupéfiante de l’appartenance du Père Bugnini à la Franc-Maçonnerie, raison de l’étonnant éloignement rapide et brutal du prélat en Iran, comme nonce à Téhéran. Cette nouvelle fit sensation dans l’Eglise. Mgr Lefebvre pouvait écrire : « Lorsqu’on apprend à Rome que celui qui fut l’âme de la réforme liturgique est un franc maçon ( on peut penser qu’il n’était pas le seul), le voile qui couvre la plus grande mystification dont les clercs et les fidèles ont été l’objet, commence, sans doute, à se déchirer (lettre aux amis et bienfaiteurs, n° 10)

Ainsi Mgr Lefebvre mena avec force le combat doctrinal contre la nouvelle messe.

Il disait et cela en conclusion : « Rien n’est plus nécessaire à la survie de l’Eglise catholique que le saint sacrifice de la Messe ; le mettre dans l’ombre équivaut à ébranler les fondements de l’Eglise. Toute la vie chrétienne, religieuse, sacerdotale est fondée sur la Croix, sur le saint sacrifice de la croix renouvelé sur l’autel » (La messe de Luther » dans la raison de notre combat : la Messe catholique p. 187)

 

Section II : réforme liturgique contestée dans sa légitimité

 

Nous avons dit plus haut  que cette nouvelle messe fut contestée dès l’origine

–        dans sa doctrine

–        mais aussi  dans sa légitimité.

    §-1- M l’abbé Dulac.

C’est l’abbé Dulac qui donna le ton. Il contesta  cette interdiction dès le début. Dès la fin de l’année 1969 et le début de l’année e 1970, les analyses juridiques de l’abbé Raymond Dulac concluaient que la constitution apostolique, Missale romanum du 3 avril 1969, par laquelle Paul VI avait promulgué la messe nouvelle, n’avait pas « expressément et indubitablement, abrogé la bulle Quo Primum tempore de saint Pie V codifiant le missel romain et décrétant que sa célébration ne devra jamais être empêchée.

D’ailleurs, la constitution apostolique de Paul VI comportait de graves anomalies qui furent immédiatement relevées mais ne furent jamais expliquées. C’était la thèse de Dulac.

L’article 7 de la présentation générale du nouveau missel avait provoqué un incident majeur : il énonçait une définition de la messe tellement inexacte que, à la suite de protestations, Paul VI dut s’empresser de la corriger (ce qui incitait à se demander si la première version, il l’avait signée sans la lire, ou bien lue sans la comprendre, comme nous l’avons dit plus haut, avec jean Madiran).

Ce qui lançait le doute de la légitimité sur la totalité de la réforme…

          §-2- M Jean Madiran.

Parallèlement se développait l’argumentation selon laquelle la messe traditionnelle ne peut être abrogée parce qu’elle se fonde sur une coutume millénaire. C’était l’argument de Jean Madiran qui lançait en effet à cette date, un appel au Souverain Pontife  en faveur de l’Ecriture Sainte, du catéchisme et de la Messe. Dans cet appel, il parlait de l’illégitimité de l’interdiction de la messe de toujours en raison de son ancienneté dans l’Eglise : une coutume immémoriale. Il écrivait :

« Rendez-nous l’Ecriture, le catéchisme et la messe (…). Rendez-nous la messe catholique traditionnelle, latine et grégorienne selon le missel romain de saint Pie V. Vous laissez dire que vous l’auriez interdite. Mais aucun pontife ne pourrait, sans abus de pouvoir, frapper d’interdiction le rite millénaire de l’Eglise catholique, canonisé par le concile de Trente. L’obéissance à Dieu et à l’Eglise serait de résister à un tel abus de pouvoir, s’il s’était effectivement produit, et non pas de le subir en silence. Très Saint Père, que ce soit par vous ou sans vous que nous ayons été, chaque jour d’avantage sous votre pontificat, privés de la messe traditionnelle, il n’importe. L’important est que vous qui pouvez nous la rendre, nous la rendiez. Nous vous la réclamons » (…). Très Saint Père, confirmez dans leur foi et leur bon droit les prêtres et les laïcs qui, malgré l’occupation étrangère de l’Eglise par le parti de l’apostasie, gardent fidèlement l’Ecriture sainte, le catéchisme romain, la messe catholique (…). Laissez venir jusqu’à vous la détresse spirituelle des petits enfants : rendez-leur, Très Saint Père, rendez-leur la messe catholique, le catéchisme romain, la version et l’interprétation traditionnelles de l’Ecriture. Si vous ne les leur rendez pas en ce monde, ils vous les réclameront dans l’éternité… » (Itinéraires, octobre 1972)

Ainsi cette interdiction « implicite » a été peu à peu et de plus en plus considérée comme sans valeur

On peut en ce sens invoquer aussi le cardinal Newman, cité par le cardinal Ratzinger dans son discours du 26 octobre 1998 à Rome devant les communautés dépendant de la commission « Ecclesia Dei »: « L’Eglise dans toutes son histoire, n’a jamais aboli ou interdit des formes liturgiques orthodoxes, ce qui serait tout à fait étranger à l’Esprit de l’Eglise. »

Ainsi la situation de ceux qui ont bravé l’interdiction ou l’ont récusée en niant sa validité (de l’interdiction)  se fit entendre de plus en plus…Cette interdiction n’a pas été une malfaçon de détail, une erreur marginale, une inadvertance secondaire. Instituer une messe qui « s’éloigne de façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique » était déjà une entreprise singulière. Mais y joindre l’interdiction de la messe traditionnelle ! D’une part, on a ainsi laissé la nouvelle messe se diversifier en une floraison de rites fantaisistes, tandis que simultanément, d’autre part, un seul rite, le rite millénaire, était farouchement interdit. C’était faire fonctionner la messe de Paul VI « comme si elle était surtout une arme par destination », chargé de faire disparaître la messe tridentine et avec elle le catéchisme romain du Concile de Trente. On le voit : « La révolution d’octobre dans l’Eglise » formule du futur cardinal Congar, n’était pas une simple métaphore poétique.

Section 3 : 27 février 1977 : occupation de saint Nicolas du Chardonnet.

Lire les différentes déclarations dans  « Histoire de la messe interdite » fascicule 2 p. 27 et ss.

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